Scène XI
Célidée
Fâcheux commandement d’un incrédulepère !
Qu’il me fut doux jadis, et qu’il medésespère !
J’avais, auparavant qu’on m’eût manqué defoi,
Le devoir et l’amour tout d’un parti chezmoi,
Et ma flamme, d’accord avecque sapuissance,
Unissait mes désirs à monobéissance ;
Mais, hélas, que depuis cette infidélité
Je trouve d’injustice en sonautorité !
Mon esprit s’en révolte, et ma flammebannie
Fait qu’un pouvoir si saint m’est unetyrannie.
Dures extrémités où mon sort estréduit !
On donne mes faveurs à celui qui lesfuit ;
Nous avons l’un pour l’autre une pareillehaine,
Et l’on m’attache à lui d’une éternellechaîne.
Mais s’il ne m’aimait plus, parlerait-ild’amour
À celui dont je tiens la lumière dujour ?
Mais s’il m’aimait encor, verrait-ilHippolyte ?
Mon cœur en même temps se retient ets’excite.
Je ne sais quoi me flatte, et je sens déjàbien
Que mon feu ne dépend que de croire lesien.
Tout beau, ma passion, c’est déjà tropparaître ;
Attends, attends du moins la sienne pourrenaître.
À quelle folle erreur me laissé-jeemporter !
Il fait tout à dessein de me persécuter.
L’ingrat cherche ma peine, et veut par samalice
Que l’ordre qu’on me donne augmente monsupplice.
Rentrons, que son objet présenté parhasard
De mon cœur ébranlé ne reprenne unepart :
C’est bien assez qu’un père à souffrir medestine,
Sans que mes yeux encore aident à maruine.