Le Capitaine Pamphile

Chapitre 11Comment le capitaine Pamphile remonta le fleuve Saint-Laurentpendant cinq journées, et échappa au Serpent-Noir vers la fin de lasixième.

Le capitaine Pamphile avait, comme nousl’avons vu, pris son parti avec plus de promptitude et derésignation qu’on aurait dû l’attendre d’un homme aussi violent etaussi absolu. C’est que, grâce aux différentes situations danslesquelles il s’était trouvé pendant le cours d’une vie des plusorageuses, et dont nous n’avons montré à nos lecteurs que le côtébrillant, il avait pris l’habitude de résolutions promptes etdécisives ; or, comme nous l’avons dit, voyant qu’il n’étaitpas le plus fort, il avait à l’instant même puisé, dans un vieuxfond de philosophie qu’il tenait toujours en réserve pour lesoccasions semblables, une résignation apparente dont leSerpent-Noir, quelque rusé qu’il fût, avait été la dupe.

Il est vrai d’ajouter que le capitainePamphile, amateur comme il l’était du grand art de la navigation,ne se trouve pas, sans un certain plaisir à même d’étudier le degréoù cet art était arrivé chez les nations sauvages du hautCanada.

La membrure du canot dans lequel le capitainePamphile était embarqué, lui sixième, était faite d’un bois trèsfort mais pliant, uni par des pièces d’écorce de bouleau cousuesles unes aux autres, et recouvertes sur leurs coutures d’une fortecouche de goudron. Quant à l’intérieur, il était doublé de planchesde sapin très minces, placées l’une sur l’autre, comme les tuilesd’un toit.

Notre observateur était trop impartial pour nepas rendre justice aux ouvriers qui avaient construit le véhicule,grâce auquel il était transporté, bien malgré lui, du septentrionau sud ; il avait donc, d’un seul signe, mais d’un signed’amateur, indiqué qu’il était satisfait de la légèreté ducanot ; cette légèreté, en effet, lui donnait deux avantagesimmenses : le premier de dépasser, en supposant un nombre derameurs égal, en moins de cinq minutes et d’une distanceconsidérable, le canot anglais le plus fin et le mieuxconstruit ; le second, et qui était tout local, d’êtrefacilement tiré à terre et transporté à l’aise par deux hommes,quand les rapides dont le fleuve est semé forcent les navigateurs àsuivre la rive, quelquefois pendant l’espace de deux ou troislieues. Il est vrai que ces deux avantages sont compensés par uninconvénient : un seul mouvement faux le fait chavirer àl’instant même. Mais cet inconvénient cesse d’en être un pour deshommes qui, comme les Canadiens, vivent autant dans l’eau que surterre ; quant au capitaine Pamphile, nous avons vu qu’il étaitde la famille des phoques, des lamentins et autres amphibies.

Le soir du premier jour de navigationintérieure, la barque s’arrêta dans une petite anse de la rivedroite : l’équipage la tira aussitôt à terre, et se prépara àpasser la nuit sur le sol du Nouveau-Brunswick.

Le Serpent-Noir avait été si content del’intelligence et de la docilité de son nouveau serviteur pendantles quarante-huit heures qu’ils avaient passées ensemble, qu’aprèslui avoir laissé, comme la veille, une part très confortable de sonsouper, il lui donna une peau de buffle à laquelle il restaitencore quelques poils, pour lui servir de matelas. Quant à lacouverture, force fut au capitaine Pamphile de s’en priver. Or,comme nos lecteurs se rappelleront, s’ils ont bonne mémoire, qu’iln’avait pour tout vêtement qu’une peau de castor qui lui prenait aubas des côtes et lui retombait jusqu’à moitié des jambes, ils nes’étonneront pas que ce digne négociant, habitué comme il l’était àla température de la Sénégambie et du Congo, ait passé la nuitpresque entière à changer de place sa peau de castor, afin deréchauffer successivement les différentes parties de sonindividu ; cependant, comme toute chose a son bon côté, soninsomnie servit à lui prouver qu’il était, de la part de sescompagnons, l’objet d’une défiance assidue ; à chaquemouvement, si léger qu’il fût, il voyait une tête se soulever etdeux yeux brillant dans l’obscurité comme ceux d’un loup se fixer àl’instant sur lui. Le capitaine Pamphile comprit qu’il étaitobservé, et sa prudence en redoubla.

Le lendemain, avant le jour, les navigateursse mirent en route ; ils étaient encore dans cette partie del’embouchure du fleuve si large qu’elle semble un lac se rendant àla mer. Rien ne s’opposait donc à leur marche, le courant étaitpresque insensible ; le vent, favorable au contraire, avaitpeu de prise sur la petite embarcation, et de chaque côté sedéroulait aux yeux un paysage sans bornes, perdu dans un horizonbleu, au milieu duquel les maisons apparaissaient comme des pointsblancs ; de temps en temps, dans les profondeurs où le regardperdu cessait de rien distinguer, on apercevait la cime neigeuse dequelques montagnes appartenant à cette chaîne qui s’étend du capGapsi aux sources de l’Ohio ; mais la distance était sigrande, qu’il était impossible de reconnaître si cette fugitiveapparition appartenait au ciel ou à la terre.

La journée se passa au milieu de ces aspects,auxquels le capitaine Pamphile parut donner une attention continueet accorder une admiration parfaite ; cependant ce doublesentiment, si puissant qu’il parût, ne le détourna pas un instantde ses devoirs comme matelot ; de sorte que le Serpent-Noir,doublement flatté de son bon goût et de son bon service, lui passa,dans un moment de repos, une pipe toute bourrée, faveur que lecapitaine Pamphile apprécia d’autant mieux, qu’il était privé de ceplaisir depuis le moment où Double-Bouche avait été rallumer sonbrûle-gueule éteint pendant la révolte de la Roxelane. Aussis’inclina-t-il aussitôt en disant :

– Le Serpent-Noir est un grand chef !

Politesse à laquelle le Serpent-Noir réponditen disant à son tour :

– Le capitaine Pamphile est un fidèleserviteur.

La conversation en resta là, et chacun se mità fumer.

Le soir, on aborda dans une île ; lacérémonie du souper se passa, comme d’habitude, à la satisfactiongénérale. Mais la nuit précédente ne laissait pas le capitainePamphile sans inquiétude sur la manière dont il pourrait combattrele froid, plus intense encore, on le sait, sur les îles à fleurd’eau que sur un continent boisé, lorsqu’en déroulant sa peau debuffle, il y trouva une couverture de laine ; décidément, leSerpent-Noir était un assez bon diable de maître, et, si lecapitaine Pamphile n’avait eu d’autres projets d’avenir, il seraitprobablement resté à son service ; mais si bien qu’il setrouvât sur une île du fleuve Saint-Laurent, entre son matelas depeau de buffle et sa couverture de laine, il avait la faiblesse depréférer son lit à bord de la Roxelane ; cependant, quelqueinférieure que fût sa couche momentanée, le capitaine n’en dormitpas moins tout d’un trait jusqu’au jour.

Vers les onze heures de la troisième journée,on commença d’apercevoir Québec. Le capitaine avait quelque espoirque le Serpent-Noir relâcherait dans cette ville ; aussi, dumoment qu’il l’aperçut, se mit-il à ramer avec une ardeur qui luivalut un supplément notable de considération dans l’esprit du grandchef, et qui ne lui permit pas d’accorder à la cascade deMontmorency toute l’attention qu’elle mérite. Mais il se trompaitdans ses conjectures ; la barque passa devant le port, doublale cap du Diamant, et s’en alla aborder en face de la cascade de laChaudière.

Comme il faisait grand jour encore, lecapitaine Pamphile put admirer alors cette magnifique chute d’eauqui tombe d’une hauteur de cent cinquante pieds sur une largeur dedeux cent soixante, se déployant comme une nappe de neige sur untapis de verdure, et, à travers des rives merveilleusement boisées,au milieu desquelles, de place en place, des masses de rocherss’élèvent, montrant leurs têtes chauves et blanches comme desfronts de vieillards. Le souper et la nuit se passèrent commed’habitude.

Le lendemain, la barque fut remise à flot aupoint du jour ; malgré sa philosophie, le capitaine Pamphilecommençait à éprouver quelque inquiétude. Il ne se dissimulait pasqu’à mesure qu’il s’enfonçait dans l’intérieur des terres, ils’éloignait de Marseille, et que son évasion devenait plusdifficile : il ramait donc avec une nonchalance que le grandchef ne lui avait pas encore vue, mais qu’il lui pardonnait enfaveur de ses antécédents, lorsque tout à coup ses yeux se fixèrentsur l’horizon, sa pagaie resta immobile ; de sorte que, commele matelot qui lui était opposé, continuait de ramer, le canot fitdeux tours sur lui-même.

– Qu’y a-t-il ? dit le Serpent-Noir sesoulevant du fond de la barque où il était couché, et ôtant soncalumet de sa bouche.

– Il y a, répondit le capitaine Pamphile enétendant la main vers le sud, ou que je ne me connais plus ennavigation, ou que nous allons avoir un orage un peu drôle.

– Et où mon frère voit-il quelque signe queDieu ait dit à la tempête : « Souffle etdétruis ? »

– Pardieu ! répondit le capitaine, dansce nuage qui nous arrive noir comme de l’encre.

– Mon frère a des yeux de taupe, reprit lechef ; ce qu’il aperçoit n’est point un nuage.

– Farceur ! dit le capitainePamphile.

– Le Serpent-Noir a des yeux d’aigle, réponditle chef ; que l’homme blanc attende, et il jugera.

En effet, ce prétendu nuage s’avançait avecune promptitude et une intensité que le capitaine n’avait jamaisremarquée dans aucun nuage véritable, quel que fût le vent qui lepoussât ; au bout de trois secondes, notre digne marin, siconfiant dans son expérience, en était venu à douter de lui-même.Enfin, une minute ne s’était pas écoulée, que tous ses doutesfurent fixés et qu’il reconnut que le Serpent Noir avait euraison : ce nuage n’était rien autre chose qu’une bandeinnombrable de pigeons qui émigraient vers le nord.

D’abord le capitaine Pamphile fut un instantsans en croire ses yeux : les oiseaux venaient avec un telbruit et faisaient une telle masse, qu’il était impossible decroire que tous les pigeons du monde réunis pussent former unpareil nuage. Le ciel, qui au nord demeurait encore d’un bleu azur,était entièrement couvert au sud, et aussi loin que le regardpouvait s’étendre, d’une espèce de nappe grise dont on ne voyaitpas les extrémités ; bientôt cette nappe, s’étant répandue surle soleil, en intercepta les rayons à l’instant même ; desorte qu’on eut dit un crépuscule qui s’avançait au-devant desnavigateurs. À l’instant, une espèce d’avant-garde, composée dequelques milliers de ces animaux, passa au-dessus de la barque,emportée avec une rapidité magique ; puis, presque aussitôt,le corps d’armée la suivit, et le jour disparut comme si l’aile dela tempête se fût déployée entre le ciel et la terre.

Le capitaine Pamphile regardait ce phénomèneavec un étonnement qui tenait de la stupeur, tandis que lesIndiens, au contraire, habitués à ce spectacle, qui se renouvellepour eux tous les cinq ou six ans, poussaient des cris de joie etpréparaient leurs flèches afin de profiter de la manne ailée que leSeigneur leur envoyait. De son côté, le Serpent-Noir chargeait sonfusil avec une tranquillité et une lenteur qui prouvaient uneconviction profonde dans l’étendue du nuage vivant qui passait sursa tête ; enfin, il le porta à son épaule, et, sans se donnerla peine de viser, il lâcha le coup ; à l’instant même, uneespèce d’ouverture pareille à celle d’un puits laissa passer unrayon de jour qui disparut aussitôt ; une cinquantaine depigeons, compris dans la circonférence embrassée par le plomb,tomba comme une pluie dans la barque et autour de la barque ;les Indiens les ramassèrent jusqu’au dernier, au grand étonnementdu capitaine Pamphile, qui ne voyait aucune raison de se donnertant de mal, tandis qu’avec un ou deux coups de fusil encore, etsans prendre la peine de s’écarter à droite ou à gauche, le canoten pouvait recueillir un nombre suffisant à l’approvisionnement del’équipage ; mais, en se retournant, il vit que le chefs’était recouché, avait posé son arme à côté de lui et repris soncalumet.

– Le Serpent-Noir a-t-il déjà fini sachasse ? dit le capitaine Pamphile.

– Le Serpent-Noir a tué d’un seul coup tout cequ’il lui fallait de pigeons pour son souper et celui de sasuite ; un Huron n’est point un homme blanc pour détruireinutilement les créatures du Grand Esprit.

– Ah ! ah ! fit le capitainePamphile se parlant à lui-même, ceci n’est pas mal raisonné pour unsauvage ; mais je n’aurais pas été fâché de voir faire encoretrois ou quatre trouées dans ce linceul emplumé qui est étendu surnotre tête, ne fût-ce que pour être sûr que le soleil est encore àsa place.

– Regarde et tranquillise-toi, répondit lechef en étendant la main vers le sud.

En effet, à l’horizon méridional, une lumièredorée commençait à se répandre, tandis qu’au contraire, en seretournant vers le nord, on apercevait tout le paysage plongé dansl’obscurité ; alors la tête de la colonne devait être au moinsparvenue à l’embouchure de la rivière Saint-Laurent. Elle avaitfait en un quart d’heure le chemin que la barque avait parcouru enquatre jours. Au reste, la nappe grise continuait de passer commesi les génies du pôle l’eussent tirée à eux, tandis que le jour,rapide à son tour, ainsi que l’avait été la nuit, venait à grandecourse, descendant à flots sur les montagnes, ruisselant dans lesvallées et s’étendant à la surface des prairies. Enfin,l’arrière-garde volante passa ainsi qu’une vapeur sur le visage dusoleil, qui, ce dernier voile disparu, continua de sourire à laterre.

Si brave que fût le capitaine Pamphile, etquelque peu de danger qu’il y eût dans les phénomènes qu’il venaitde voir s’accomplir, il n’en avait pas moins été mal à l’aise toutle temps qu’avait duré cette nuit factice. Ce fut donc avec unejoie véritable qu’il salua la lumière, reprit sa pagaie et se mit àramer, tandis que les autres serviteurs du Serpent-Noir plumaientles pigeons qu’il avait abattu avec son fusil et eux avec leursflèches.

Le lendemain, la barque passa devant Montréalcomme elle avait passé devant Québec, sans que le Serpent-Noirmanifestât le moins du monde l’intention de s’arrêter dans cetteville ; il fit, au contraire, un signe aux rameurs, et ilss’avancèrent vers la rive droite du fleuve ; elle étaithabitée par une tribu d’Indiens Cochenonegas, dont le chef,accroupi et fumant sur la rive, échangea avec le Serpent-Noirquelques paroles dans une langue que le capitaine ne putcomprendre. Un quart d’heure après, on rencontra les premiersrapides ; mais, au lieu d’essayer de les franchir à l’aide descrochets placés à cet effet au fond de la barque, le Serpent-Noirordonna d’aborder, et sauta à terre ; le capitaine Pamphile lesuivit. Les bateliers prirent le canot sur leurs épaules,l’équipage se fit caravane, et, au lieu de remonter laborieusementle fleuve, suivit tranquillement la rive. Au bout de deux heures,et les rapides étant franchis, la barque fut remise à flot et volade nouveau sur la surface de la rivière.

Elle voguait ainsi depuis trois heures, à peuprès, lorsque le capitaine Pamphile fut tiré de ses réflexions parun cri de joie qu’à l’exception du chef poussèrent en même tempsses compagnons de voyage. Cette exclamation était produite par lavue d’un nouveau spectacle presque aussi curieux que celui de laveille ; seulement, cette fois, le miracle, au lieu de sepasser en l’air, s’accomplissait sur l’eau. Une bande d’écureuilsnoirs émigrait à son tour de l’est à l’ouest, comme les pigeonsavaient émigré l’avant-veille du sud au nord, et traversait leSaint-Laurent dans toute sa largeur ; sans doute, depuisplusieurs jours, elle était réunie sur la rive et attendait un ventfavorable, car le courant ayant en cet endroit près de quatremilles de large, si bons nageurs que soient ces animaux, ilsn’auraient pu le franchir sans l’aide que Dieu venait de leurenvoyer : en effet, une charmante brise soufflait depuis uneheure des montagnes de Boston et de Portland, de sorte que toute laflottille s’était mise à l’eau, étendant sa queue en guise devoile, et traversait tranquillement le fleuve vent arrière, ne seservant de ses pattes qu’autant qu’il lui était strictementnécessaire pour se maintenir dans sa direction.

Comme les sauvages sont encore plus friands dela chair des écureuils que de celle des pigeons, l’équipage ducanot s’apprêta aussitôt à donner la chasse aux émigrants ; legrand chef lui-même ne parut pas mépriser ce genre de délassement.En conséquence, il prit une sarbacane, ouvrit une petite boîted’écorce de bouleau merveilleusement brodée avec des poils d’élan,et en tira une vingtaine de petites flèches longues de deux poucesà peine et minces comme des fils de fer, dont l’une des extrémitésétait armée d’une pointe et l’autre garnie de duvet de chardon demanière à remplir la capacité du tube au moyen duquel elle devaitêtre lancée. Deux Indiens en firent autant, deux autres furentdésignés comme rameurs. Quant au capitaine Pamphile, il eut, avecle dernier, la charge de ramasser les morts et d’extraire de leurscadavres les petits instruments à l’aide desquels les Indienscomptaient les faire passer de vie à trépas. Au bout de dixminutes, la barque se trouva à portée et la chasse commença.

Le capitaine Pamphile était stupéfait, iln’avait jamais vu une adresse pareille à trente et quarante pas,les Indiens atteignaient l’animal qu’ils visaient, et presquetoujours dans la poitrine, de manière qu’au bout de dix minutes, lefleuve, dans une circonférence assez étendue, se trouva couvert demorts et de blessés ; lorsqu’il y en eut une soixantaine, àpeu près, couchés sur le champ de bataille, le Serpent-Noir, fidèleà ses principes, fit signe de cesser le carnage. Il fut obéi parses hommes avec une soumission qui eût fait honneur à la disciplined’une escouade prussienne, et les fuyards qui, cette fois, necroyaient pas avoir trop de leurs pattes et de leur queuecombinées, gagnèrent hâtivement la terre sans que les Indienssongeassent à les poursuivre.

Cependant, si peu de temps qu’eût duré cettechasse, elle avait suffi pour qu’un orage, que les Indiensn’avaient pas remarqué, s’amassât au ciel ; de sorte que lecapitaine Pamphile n’en était encore qu’à moitié de sa besogne,lorsqu’il fallut l’interrompre pour prendre sa part de lamanœuvre ; elle était on ne peut plus simple, et consistait àramer, lui quatrième, vers la terre où le Serpent-Noir espéraitaborder avant que l’ouragan eût éclaté ; malheureusement,comme nous l’avons dit, le vent soufflait de la rive même qu’ilfallait atteindre, et les vagues se soulevaient avec tant derapidité, qu’au bout d’un instant on eût pu se croire en pleinemer.

Pour comble d’embarras, la nuit survint et lefleuve ne fut plus éclairé que par la lueur de la foudre ; lapetite barque était emportée comme une coquille de noix, tantôt ausommet d’une vague, et tantôt précipitée dans les profondeurs dufleuve ; de sorte qu’à chaque instant elle était sur le pointde chavirer. Cependant on approchait de la rive, et déjà, malgrél’obscurité de la nuit, on commençait à l’apercevoir, pareille àune ligne sombre, lorsque tout à coup le canot, lancé avec larapidité d’une flèche, descendit d’une vague sur un rocher, et sebrisa comme s’il eût été de verre.

Chacun alors oublia ses compagnons pour nes’occuper que de soi et tira vers la terre. Le Serpent-Noir futcelui qui y aborda le premier ; aussitôt, il frotta l’uncontre l’autre deux morceaux de bois sec et alluma un grand feu,afin que ses compagnons pussent le rejoindre ; cetteprécaution ne fut pas inutile, et, dix minutes après, guidé par lephare sauveur, tout l’équipage – à l’exception du capitainePamphile – était réuni autour du grand chef.

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