Le Capitaine Pamphile

Chapitre 6Comment Jacques Ier commença par plumer des poules et finit parplumer un perroquet.

Aussitôt après le dîner funéraire, qui finitsur les sept ou huit heures du soir, Jadin, dont le récit dans laprécédente séance avait inspiré le plus vif intérêt, fut invité àle continuer. Mademoiselle Camargo tout intéressante qu’elle était,n’avait pu, vu l’existence claustrale qu’elle avait menée pendantles six mois et un jour qu’elle avait habité l’atelier de Decamps,laisser de profonds souvenirs ni dans l’esprit ni dans le cœur deshabitués. Thierry était celui de nous avec lequel elle avait eu leplus de relations : encore ces relations étaient-ellespurement scientifiques ; il en résulta que les regrets causéspar sa mort furent de courte durée et effacés bientôt par l’immenseavantage qu’en avait retiré la science. On comprendra doncfacilement ce retour rapide à la curiosité que nous inspiraient lesaventures de notre ami Jacques, racontées par un narrateur aussifidèle, aussi consciencieux et aussi habile que Jadin, dont laréputation était déjà faite comme peintre par son beau tableau desVaches et, comme historien par son Histoire du princeHenry, ouvrage composé en collaboration avec M. Dauzats,et qui même avant sa publication, jouit déjà dans le monde de toutela réputation qu’il mérite. Jadin tira donc sans se faire prier sonmanuscrit de sa poche, et reprit l’histoire où il l’avaitlaissée.

« Le perroquet qu’avait acheté lecapitaine Pamphile était un cacatois de la plus belle espèce, aucorps blanc comme la neige, au bec noir comme l’ébène, et à lacrête jaune comme du safran, crête qui se relevait ou s’abaissaitselon qu’il était de bonne ou de mauvaise humeur, et lui donnaittantôt l’air paterne d’un épicier coiffé de sa casquette, tantôtl’aspect formidable d’un garde national orné de son bonnet à poils.Outre ces avantages physiques, Catacoua avait une foule de talentsd’agrément ; il parlait également bien l’anglais, l’espagnolet le français, chantait le God save the king comme lordWellington, le Pensativo estaba el cid comme don Carlos,et la Marseillaise comme le général La Fayette. Oncomprend qu’avec de pareilles dispositions philologiques, il netarda point, tombé qu’il était entre les mains de l’équipage de laRoxelane, à étendre rapidement le cercle de sesconnaissances ; si bien qu’à peine se trouva-t-on, au bout dehuit jours, en vue de l’île Sainte-Hélène, qu’il commençait à jurertrès proprement en provençal, à la grande jubilation du capitainePamphile, qui, comme les anciens troubadours, ne parlait que lalangue d’oc.

« Aussi, quand le capitaine Pamphileavait passé en se réveillant l’inspection de son bâtiment, regardési chaque homme était à son poste et chaque chose à sa place ;lorsqu’il avait fait distribuer la ration d’eau-de-vie aux matelotset les coups de garcette aux mousses ; lorsqu’il avait examinéle ciel, étudié la mer et sifflé le vent ; lorsqu’il arrivaitenfin avec cette sérénité de l’âme que donne la certitude d’avoirrempli ses devoirs, il allait à Catacoua, suivi de Jacques, quigrossissait à vue d’œil, et qui partageait avec son rival emplumétoute l’affection du capitaine Pamphile, et lui donnait sa leçon deprovençal ; puis, s’il était content de son élève, ilintroduisait un morceau de sucre entre les barreaux de la cage,récompense à laquelle Catacoua paraissait très sensible, et dontJacques se montrait fort jaloux ; aussi, dès qu’un incidentimprévu attirait le capitaine Pamphile d’un autre côté, Jacquess’approchait de la cage, et faisait si bien, que le morceau desucre changeait habituellement de destination, au grand désespoirde Catacoua, qui, la patte en l’air et la crête dressée, faisaitalors retentir l’air de ses chants les plus formidables ou de sesjurons les plus terribles ; quant à Jacques, il restait d’unair innocent auprès de la prison où le volé faisait rage, fourrant,lorsqu’il n’avait pas le temps de le croquer, dans les poches deses joues le corps du délit, qui y fondait tout doucement, tandisqu’il se grattait le côté, clignait béatement les yeux, forcé qu’ilétait, pour toute punition, de boire son sucre au lieu de lemanger.

« On comprend que cette atteinte à lapropriété mobilière était des plus désagréables à Catacoua, et,sitôt que le capitaine Pamphile s’approchait de lui, il défilaittout son répertoire. Malheureusement, aucun de ses instituteurs nelui avait appris à crier au voleur, de sorte que son maître prenaitcette sortie, qui n’était autre chose qu’une dénonciation en forme,pour le plaisir que lui causait sa présence, et, convaincu qu’ilavait mangé son dessert, se contentait de lui gratter délicatementla tête ; ce que Catacoua appréciait jusqu’à un certain point,mais infiniment moins cependant que le morceau de sucre enquestion. Catacoua comprit donc qu’il fallait qu’il s’en remît àlui seul du soin de sa vengeance, et, un jour qu’après lui avoirvolé le morceau, Jacques repassait la main à travers la cage pouren ramasser les miettes, Catacoua se laissa pendre par une patte,et, tout en ayant l’air de s’occuper de gymnastique, attrapa lepouce de Jacques et le mordit outrageusement. Jacques jeta un criperçant, s’accrocha aux cordages, monta tant qu’il trouva duchanvre et du bois ; puis, s’arrêtant sur le point le plusélevé du navire, il resta là piteusement cramponné de ses troispattes au mât, et secouant la quatrième comme s’il eût tenu ungoupillon.

«À l’heure du dîner, le capitaine Pamphilesiffla Jacques : mais Jacques ne répondit pas ; cesilence était si contraire à ses habitudes hygiéniques, que lecapitaine Pamphile commença à s’en inquiéter ; il siffladerechef, et, cette fois, il entendit une espèce de grondement quisemblait lui répondre des nuages ; il leva les yeux et aperçutJacques, qui donnait la bénédiction urbi et orbi :alors il s’établit entre Jacques et le capitaine Pamphile unéchange de signaux, dont le résultat fut que Jacques refusaitobstinément de descendre. Le capitaine Pamphile, qui avait forméson équipage à une obéissance passive, et qui ne voulait pas queses mesures de discipline fussent faussées par un singe, prit sonporte-voix et appela Double Bouche. L’individu interpellé apparutincontinent, montant à reculons l’échelle de la cuisine, ets’approcha du capitaine à peu près comme le chien qu’on dresse,s’approche du garde qui le châtie ; le capitaine Pamphile, quine se prodiguait pas avec ses inférieurs, montra au mousse lerécalcitrant qui grimaçait sur la pointe de son mâtereau ;Double-Bouche comprit à l’instant même ce qu’on demandait de lui,s’accrocha à l’échelle qui conduisait aux haubans, et se mit àgrimper avec une agilité qui indiquait que le capitaine Pamphile,en honorant Double-Bouche de cette mission hasardeuse, avait faitun choix des plus judicieux.

« Un autre point, mais qui reposait toutentier, je ne dirai pas sur l’étude du cœur, mais sur laconnaissance de l’estomac, avait encore influencé la déterminationdu capitaine Pamphile ; Double-Bouche était spécialementemployé à la cuisine, fonctions honorables appréciées de toutl’équipage, et notamment de Jacques, qui affectionnait surtoutcette partie du bâtiment ; il s’était donc lié d’une amitiésympathique avec le nouveau personnage que nous venons d’introduireen scène, lequel devait le nom expressif qui avait remplacé sonappellation patronymique, à la facilité que lui donnait son postede dîner avant les autres ; ce qui ne l’empêchait pas de dînerencore après les autres. Jacques avait donc compris Double-Bouche,de même que Double-Bouche avait compris Jacques, et il résulta, decette appréciation mutuelle, qu’au lieu de chercher à fuir, cequ’il n’eût pas manqué de faire si tout autre que Double-Bouche luieut été envoyé, Jacques fit la moitié du chemin, et que les deuxamis se rencontrèrent sur la barre du grand perroquet, etredescendirent immédiatement, l’un portant l’autre, sur le pont, oùle capitaine Pamphile les attendait.

« Le capitaine Pamphile ne connaissaitqu’un remède aux blessures, de quelque nature qu’ellesfussent : c’était une compresse d’eau-de-vie, de tafia ou derhum ; il trempa donc un linge dans le liquide précité et enenveloppa le doigt du blessé ; au contact de l’alcool et de lachair vive, Jacques commença par faire une grimace atroce ;mais, comme il vit, pendant que le capitaine Pamphile avait le dostourné, Double-Bouche avaler vivement ce qui était resté du liquidedans le verre où l’on avait trempé le linge, il comprit que laliqueur, douloureuse comme médicament, pouvait être bienfaisantecomme boisson ; en conséquence, il approcha la langue del’appareil, lécha délicatement la compresse, et, peu à peu, prenantgoût à la chose, finit tout bonnement par sucer son pouce ; ilen résultat que, comme le capitaine Pamphile avait recommandé quel’on imbibât le bandage de dix minutes en dix minutes, et que l’onexécutait ponctuellement ses ordres, au bout de deux heures,Jacques commença à cligner des yeux et à dodeliner la tête, et que,comme le traitement allait toujours son train, et que Jacquesappréciait de plus en plus le traitement, il finit par tomberivre-mort entre les bras de son ami Double-Bouche, qui descendit leblessé dans la cabine et le coucha dans son propre lit.

« Jacques dormit douze heures desuite : et, lorsqu’il se réveilla, la première chose quifrappa ses yeux fut son ami Double-Bouche occupé à plumer unepoule. Ce spectacle n’était pas nouveau pour Jacques ;cependant, il parut, cette fois, y donner une attentionsingulière ; il se leva doucement, s’approcha les yeux fixes,examina le mécanisme à l’aide duquel le travailleur procédait, etdemeura immobile et préoccupé pendant tout le temps que dural’opération ; la poule plumée, Jacques, qui se sentait la têteencore un peu lourde, monta sur le pont afin de prendre l’air.

« Le vent continuait d’être favorable lelendemain, de sorte que le capitaine Pamphile, voyant que toutmarchait au gré de ses vœux, et jugeant inutile de transporter àMarseille les poules qui restaient à bord et qu’il n’avait pointd’ailleurs achetées dans un but de spéculation, donna ordre, sousprétexte que sa santé commençait à se déranger, qu’on lui servîttous les jours, outre sa tranche d’hippopotame et sa bouillabaisse,une volaille fraîche, bouillie ou rôtie. Cinq minutes après cesordres donnés, les cris d’un canard que l’on égorgeait se firententendre.

À ce bruit, Jacques descendit de la grandevergue si rapidement, que quelqu’un qui n’aurait point connu soncaractère égoïste, aurait cru qu’il courait au secours de lavictime, et se précipita dans la cabine. Il y trouva Double-Bouche,qui remplissait consciencieusement son office de marmiton, enplumant la volaille jusqu’à ce qu’il ne lui restât plus le moindreduvet sur le corps ; cette fois comme l’autre, Jacques parutprendre le plus grand intérêt à la chose ; puis il remonta surle pont, lorsqu’elle fut finie, s’approcha pour la première foisdepuis son accident de la cage de Catacoua, tourna plusieurs foisautour de lui, tout en ayant soin de se tenir hors de la portée deson bec ; puis enfin, saisissant le moment favorable, ilattrapa une plume de sa queue, et la tira tant et si bien, malgréles battements d’ailes et les jurements de Catacoua, qu’elle finitpar lui rester dans les mains. Cette expérience, si peu importantequ’elle parut au premier abord, sembla cependant faire grandplaisir à Jacques ; car il se mit à danser sur ses quatrepieds, s’élevant et retombant à la même place, ce qui était de sapart la manifestation du plus suprême contentement.

« Cependant on avait perdu de vue laterre, et l’on voguait à pleines voiles dans l’océanAtlantique ; partout le ciel et l’eau, et, derrière l’horizon,le sentiment de l’immensité. De temps en temps, des oiseaux de merau long vol, mais ceux-là seulement, passaient à perte de vue serendant d’un continent à l’autre ; aussi le capitainePamphile, se fiant à l’instinct animal qui devait apprendre àCatacoua que ses ailes étaient trop faibles pour se hasarder dansun long voyage, ouvrit-il la prison de son pensionnaire et luidonna-t-il liberté entière de voltiger dans les cordages. Catacouaen profita aussitôt pour monter jusqu’au mât de perroquet, et,arrivé là, joyeux jusqu’au ravissement, il se mit, à la grandesatisfaction de l’équipage, à défiler tout son répertoire, faisantautant de bruit à lui tout seul que les vingt-cinq matelots qui leregardaient.

« Pendant que cette parade se passait surle pont, une scène d’un autre genre s’accomplissait dans la cabine.Jacques selon son habitude, s’était approché de Double-Bouche aumoment de la plumaison ; mais, cette fois, le mousse, quiavait remarqué l’attention de son camarade à le regarder faire,avait cru reconnaître en lui une vocation inconnue jusqu’alors pourl’office qu’il exerçait. Il en résulta qu’une pensée des plusheureuses vint à l’esprit de Double-Bouche : c’étaitd’employer désormais Jacques à plumer ses poules et ses canards,tandis que, changeant de rôle, lui se croiserait les bras et leregarderait faire. Double-Bouche était un de ces esprits décidésqui mettent le moins d’intervalle possible entre l’idée etl’exécution ; aussi s’avança-t-il doucement vers la portequ’il ferma, se munit-il à tout hasard d’un fouet qu’il passa dansla ceinture de sa culotte, en ayant soin d’en laisser le mancheparfaitement visible, et, revenant immédiatement à Jacques, luimit-il entre les mains le canard qui devait se déplumer dans lessiennes, lui montrant du bout de l’index le manche du fouet qu’ilcomptait, en cas de discussion, prendre pour tiers arbitre.

« Mais Jacques ne lui donna même pas lapeine de recourir à cette extrémité ; soit que Double-Boucheeut deviné juste, soit que le nouveau talent qu’il mettait Jacquesà même d’acquérir parût à ce dernier le complément obligé de touteéducation, il prit le canard entre ses deux genoux, comme il avaitvu faire à son instituteur, et il se mit à la besogne avec uneardeur qui dispensa Double-Bouche de toute voie de fait enverslui ; vers la fin même, et lorsqu’il vit que les plumesdisparaissaient, faisant place au duvet et le duvet à la chair, lesentiment qui l’animait s’éleva jusqu’à l’enthousiasme ; sibien que, lorsque la besogne fut entièrement terminée, Jacques semit à danser, comme il avait fait la veille à côté de la cage deCatacoua.

De son côté, Double-Bouche était dans lajoie ; il ne se faisait qu’un reproche, c’était de ne pasavoir profité plus tôt des dispositions de son acolyte ; maisil se promit bien de ne pas les laisser refroidir ; aussi, lelendemain, à la même heure, dans les mêmes circonstances, et lesmêmes précautions prises, il recommença la seconde représentationde la pièce de la veille ; elle eut le même succès que lapremière ; de sorte que, le troisième jour, Double-Bouche,reconnaissant Jacques comme son égal, lui noua son tablier decuisine à la ceinture et lui confia entièrement la partie desdindons, des poules et des canards ; Jacques se montra dignede sa confiance, et, au bout d’une semaine, il avait laissé sonprofesseur bien loin derrière lui en promptitude et enhabileté.

« Cependant le brick marchait comme unnavire enchanté : il avait dépassé la terre natale de Jacques,laissé à sa gauche et hors de vue les îles de Sainte-Hélène et del’Ascension, et s’avançait à pleines voiles vers l’équateur ;c’était pendant une de ces journées des tropiques où le ciel pèsesur la terre : le pilote seul était à la barre, la vigie dansles haubans, et Catacoua sur son mâtereau : quant au reste del’équipage, il cherchait le frais partout où il croyait pouvoir letrouver, tandis que le capitaine Pamphile lui-même, étendu dans sonhamac et fumant son gourgouri, se faisait éventer par Double-Boucheavec une queue de paon. Cette fois, par extraordinaire, Jacques, aulieu de plumer sa poule, l’avait reposée intacte sur une chaise,s’était dépouillé de son tablier de cuisine et paraissait commetout le monde, ou accablé par la chaleur ou perdu dans sesréflexions. Cependant cette atonie fut de courte durée : iljeta autour de lui un regard rapide et intelligent ; puis,comme effrayé de sa hardiesse, il ramassa une plume, la porta à sagueule, la laissa retomber avec indifférence, se gratta le côté enclignant de l’œil, et, d’un bond où l’observateur le plusméticuleux n’aurait pu voir que l’effet d’un caprice, il sauta surle premier bâton de l’échelle : là, il s’arrêta encore uninstant, regardant le soleil par les écoutilles, puis il se mit àmonter nonchalamment sur le pont, comme un flâneur qui ne sait quefaire, et qui s’en va cherchant des distractions sur le boulevarddes Italiens.

« Arrivé au dernier échelon, Jacques vitle pont abandonné : on eût dit un navire vide qui flottait auhasard. Cette solitude parut satisfaire Jacques au dernierdegré ; il se gratta le côté, fit claquer ses dents, clignales yeux et exécuta deux petits sauts perpendiculaires, tout enayant soin de chercher des yeux Catacoua, qu’il aperçut enfin à saplace accoutumée, battant des ailes et chantant à plein bec leGod save the king. Alors Jacques parut ne plus s’occuperde lui ; il monta sur les bastingages les plus éloignés du mâtd’artimon, au haut duquel son ennemi était perché, gagna lesvergues, s’arrêta un instant dans les huniers, grimpa au mât demisaine, se hasarda sur le cordage isolé qui conduit au mâtd’artimon ; arrivé au milieu de ce chemin tremblant, il sesuspendit par la queue lâcha les quatre pattes et se balança latête en bas, comme s’il ne fût venu que pour jouer àl’escarpolette. Puis, convaincu que Catacoua ne faisait aucuneattention à lui, il s’en approcha doucement, tout en ayant l’air depenser à autre chose, et, au moment où son rival était au plus fortde sa chanson et de sa joie, criant à tue-tête et battant l’air deses bras emplumés, comme un cocher qui se réchauffe, Jacques rompitson ariette et sa jubilation, en le saisissant vigoureusement de lamain gauche par l’endroit où les ailes s’attachent au corps.Catacoua jeta un cri de détresse ; mais personne n’y fitattention, tant l’équipage entier était accablé par la chaleurétouffante que versait à flots le soleil à son zénith.

« – Tron de l’air ! dit tout à coup lecapitaine Pamphile, en voilà un de phénomène, de la neige sousl’équateur…

« – Eh non ! dit Double-Bouche, ça n’estpas de la neige ; c’est… Ah ! bagasse !

« Et il s’élança dans l’escalier.

« – Eh bien, qu’est-ce que c’est ? dit lecapitaine Pamphile se soulevant de son hamac.

« – Ce que c’est, cria Double-Bouche du hautde son échelle, c’est Jacques qui plume Catacoua.

« Le capitaine Pamphile fit retentir leséchos de son bâtiment d’un des plus magnifiques jurons qui aientjamais été entendus sous l’équateur, et monta lui-même sur le pont,tandis que tout l’équipage réveillé en sursaut comme parl’explosion de la sainte-barbe, grimpait à son tour par tout ce quela carcasse du brick présentait d’ouvertures.

« – Eh bien, drôle ! cria le capitainePamphile saisissant un épissoir, et s’adressant à Double-Bouche,qu’est-ce que tu fais donc ? Alerte ! alerte !

« Double-Bouche s’accrocha aux cordageset grimpa comme un écureuil ; mais plus il mettait depromptitude, plus Jacques mettait d’activité : les plumes deCatacoua formaient un véritable nuage et tombaient comme la neigeau mois de décembre ; de son côté, Catacoua, en voyants’approcher Double-Bouche, redoubla de cris ; mais, au momentoù son sauveur étendait le bras vers lui, Jacques, qui n’avait,jusqu’alors, paru faire aucune attention à ce qui se passait sur lenavire, jugea que sa besogne habituelle était suffisamment faite,et lâcha son ennemi, auquel il ne restait plus que les plumes desailes. Catacoua, troublé au plus haut degré par la douleur et parla crainte, oublia que le contre-poids de sa queue lui manquait,voleta un instant d’une manière grotesque, et finit par tomber à lamer, où il se noya, n’ayant point les pieds palmés. »

– Flers, dit Decamps interrompant le lecteur,toi qui as une belle voix, crie donc à la petite fille de laportière de nous monter de la crème, nous n’en avons plus.

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