Le Capitaine Pamphile

Pièces justificatives

Constitution de la nation desMosquitos dans l’Amérique centrale :

Don Gusman y Pamphilos, par la grâce de Dieu,cacique des Mosquitos, etc.

Le peuple héroïque de cette contrée, ayantdans tous les temps conservé son indépendance par son courage etses sacrifices, en jouissait paisiblement à l’époque où toutes lesautres parties de l’Amérique gémissaient encore sous le joug dugouvernement espagnol. À la grande et mémorable époque del’émancipation du nouvel hémisphère, les peuples de cette vasterégion n’avaient été soumis par aucun peuple européen ;l’Espagne n’avait exercé sur eux aucune autorité réelle, et avaitété forcée de se borner à de chimériques prétentions contrelesquelles la bravoure et la constance des indigènes n’avaientcessé de protester. La nation des Mosquitos avait conservé intactecette liberté primitive qu’elle tenait de son Créateur.

Dans la vue de consolider son existence, pourdéfendre sa liberté, le premier de tous les biens d’un peuple, etpour guider ses progrès vers le bonheur de l’état social, cettecontrée a bien voulu nous choisir pour la gouverner déjà, danscette immortelle lutte de la liberté américaine, nous avions montréaux peuples de ce continent que nous n’étions pas indigne decontribuer à l’affranchissement de cette noble moitié de l’espècehumaine.

Pénétré des devoirs que la Providence nousimposait en nous appelant, par le choix d’un peuple libre, augouvernement de cette belle contrée, nous avions cru devoirdifférer, jusqu’à ce jour, la création des institutions qui doiventhâter son bonheur ; nous jugions nécessaire de bien connaîtreauparavant les besoins de la nation à laquelle ces institutionsdevaient s’appliquer.

Cette époque est enfin venue. Nous sommesheureux de pouvoir nous acquitter de ce devoir, dans un temps où lavictoire vient de consacrer à jamais les destinées de ce continent,et de terminer, après quinze années, une lutte où nous avons, parmiles premiers, arboré l’étendard de l’indépendance et scellé denotre sang les droits imprescriptibles des peuples américains. Àces causes, nous avons décrété et ordonné, décrétons et ordonnonsce qui suit :

Au nom de Dieu tout-puissant etmiséricordieux :

Article premier :

Toutes les portions de ce pays, quelles quesoient actuellement leurs dénominations, ne composeront à l’avenirqu’un seul État qui restera à jamais indivisible, sous ladénomination de l’État de Poyais.

Les titres divers sous lesquels nous avonsjusqu’à ce jour exercé notre autorité seront, à l’avenir, confonduset réunis dans celui de cacique de Poyais.

Art. 2 :

Tous les habitants actuels de ce pays, et tousceux qui, à l’avenir, recevront des lettres de naturalisation, neferont qu’une seule nation, sous le nom de Poyaisiens, sansdistinction d’origine, de naissance et de couleur.

Art. 3 :

Tous les Poyaisiens sont égaux en devoirs eten droits.

Art. 4 :

L’État de Poyais se divisera en douzeprovinces, savoir :

L’île de Boatan,

L’île de Guanaja,

Province de Caribania,

Province de Romanie,

Province de Tinto,

Province de Carthago,

Province de Neustrie,

Province de Panamakar,

Province de Towkas,

Province de Cacheras,

Province de Wolwas,

Province de Ramas.

Chaque province se divise en districts, chaquedistrict en paroisses ; les limites de chaque province sontréglées par la loi.

Dans chaque province, il y a un intendantnommé par le cacique.

L’intendant s’occupera de l’administrationparticulière de la province ; il sera assisté par un conseilde notables, choisi et organisé par une loi.

Dans chaque district, il y a unsous-intendant, et dans chaque paroisse un maire.

La nomination des sous-intendants et desmaires, et leurs attributions, seront réglées par une loi.

Du cacique :

Le cacique est le commandant en chef de toutesles forces de terre et de mer.

Il est chargé de les lever, armer, organiser,suivant ce qui sera disposé par la loi.

Il nomme à tous les emplois civils etmilitaires que la constitution n’a pas réservés à la nomination dupeuple.

Il est administrateur général de tous lesrevenus de l’État, en se conformant aux lois, sur la nature,l’assiette, le recouvrement et la comptabilité.

Il est chargé spécialement du maintien del’ordre intérieur, fait les traités de paix, déclare la guerre.Toutefois, les traités sont soumis à l’approbation du sénat.

Il envoie et reçoit les ambassadeurs et toutesorte d’agents diplomatiques.

Il a seul le droit de proposer les lois auparlement et de les approuver ou de les rejeter, après la sanctiondu parlement.

Les lois ne sont exécutoires qu’après sasanction et sa promulgation.

Il peut faire des règlements pour l’exécutiondes lois.

Sont déclarés domaines du cacique toutes lesterres qui n’appartiennent pas à des particuliers.

Leur revenu et le produit de leur vente sontaffectés à l’entretien de Son Altesse le cacique, de sa famille etde sa maison civile et militaire.

Le cacique pourra, en conséquence, disposerdesdits domaines, à tel titre qu’il avisera.

À son avènement, le cacique prête serment à laconstitution, entre les mains du parlement.

Le cacique a le droit de grâce.

La personne du cacique est inviolable ;ses ministres sont seuls responsables.

En cas de mauvaise santé, ou dans le casd’absence, pour quelque raison grave, le cacique pourra choisir unou plusieurs commissaires qui gouverneront en son nom.

Notre fils aîné, issu de notre mariage avecdona Josepha-Antonia-Andrea de Xérès de Aristequicta y Lobera, né àCarracas, dans la république de Colombie, est déclaré héritierprésomptif de la dignité de cacique des Mosquitos.

Dans une des prochaines cessions du parlement,il sera pourvu par une loi au cas de la minorité du cacique.

Du parlement :

Le parlement exerce le pouvoir législatif,concurremment avec le cacique.

Aucun emprunt ne pourra être fait à l’avenir,aucun impôt direct ni indirect ne peut être levé, sans avoir étédécrété par le parlement.

À l’ouverture de chaque session, les membresdes deux chambres du parlement prêtent serment de fidélité aucacique et à la constitution.

Le parlement détermine la valeur, le poids, letype et le titre des monnaies ; fixe les poids et lesmesures.

Chaque chambre du parlement fait un règlementpour l’ordre de ses travaux, et a la police de ses séances.

Chacune des deux chambres du parlement peutsupplier le cacique de présenter un projet de loi sur tel ou telobjet déterminé.

Le parlement se compose de deuxchambres : le sénat et la chambre des représentants.

Du sénat :

Le sénat se compose de cinquantesénateurs.

Quatre ans après la promulgation de laprésente constitution, ce nombre pourra être augmenté par uneloi.

Les cinquante sénateurs qui vont composer lesénat seront nommés par le cacique, pour la première foisseulement.

Les sénateurs sont nommés à vie.

À l’avenir, lorsqu’il viendra à vaquer quelqueplace dans le sein du sénat, le sénat nommera à la place vacante,parmi les trois candidats qui lui seront présentés par lecacique.

Pour être sénateur, il faudra être âgé detrente et un ans au moins, avoir résidé au moins trois ans dans lepays, et posséder une propriété foncière de trois mille acresd’étendue.

Le sénat est présidé par le chancelier.

L’évêque ou les évêques de Poyais seront dedroit membres du sénat.

Les séances du sénat sont publiques.

Chambre des représentants :

La chambre des représentants se composera desoixante députés cinq par province, jusqu’à ce qu’une loiultérieure en ait augmenté le nombre.

Pour être représentant du peuple de Poyais, ilfaut avoir vingt-cinq ans, et posséder une propriété foncière demille acres d’étendue.

La chambre des représentants vérifie lespouvoirs de ses membres.

Chaque province nommera cinq députés, pourformer la première session de la chambre.

Dans la prochaine session du parlement, ilsera pourvu par une loi à la répartition dudit nombre de soixantedéputés, entre les diverses provinces, suivant la force de leurpopulation.

De plus, dans la même prochaine session, leparlement pourra attribuer le droit d’avoir une représentationspéciale à celles des villes de notre État qu’il croira, à raisonde leur importance, devoir élever à la dignité de cité.

Pour l’élection des députés des districts,tous les habitants, nés ou naturalisés citoyens de cet État, quipayeront une contribution directe quelconque, et qui, étant âgés devingt et un ans, ne seront ni domestiques, ni esclaves, niinterdits, ni faillis, ni repris de justice, se réuniront auchef-lieu du district, au jour qui sera indiqué par nos lettrespatentes, et nommeront les députés parmi les personnes ayant lesqualités nécessaires à cet effet.

Les députés sont nommés pour quatre ans, et lachambre se renouvelle en entier.

Le cacique nomme le président de la chambredes députés, sur une liste de trois candidats, qui lui estprésentée par cette chambre.

Les assemblées électorales sont présidées parun de leurs membres, choisi dans leur sein par le cacique.

Les lois sur les douanes et les autres impôtsdirects ou indirects ne peuvent être proposées que dans le sein dela chambre des représentants, et ce n’est qu’à son approbationqu’elles peuvent être portées au sénat.

Le cacique détermine, par une ordonnance,l’ouverture et la clôture de la session du parlement, qui doit êtreconvoqué au moins une fois par an.

Le cacique peut dissoudre la chambre desreprésentants, à la charge par lui d’en convoquer une nouvelle dansles trois mois.

La chambre des représentants a le droitd’accuser les ministres devant le sénat, pour cause de concussionou de trahison, malversation, mauvaise conduite ou usurpation depouvoirs.

Les séances de la chambre des représentantssont publiques.

De la religion :

La religion catholique, apostolique et romaineest la religion de l’État.

Ses ministres sont dotés, et le territoire oùils doivent exercer leur ministère est déterminé par la loi.

Toutes les religions sont protégées parl’État.

La différence de croyance ne peut servir demotif ni de prétexte d’admission ou d’exclusion d’aucune charge ouemploi public.

Les personnes professant une religion autreque la religion catholique, qui voudront élever un temple à leurusage, seront tenues d’en faire la déclaration à l’autorité civile,en assignant en même temps un fonds pour entretenir le ministre quidevra être attaché au service de ce temple.

De la dette publique :

Les dettes qui, jusqu’au jour de la prochaineconvocation du parlement, ont été contractées par Son Altesse lecacique, sont déclarées dettes de l’État et garanties par tous lesrevenus et toutes les propriétés de l’État.

Une loi sera présentée à la prochaine sessiondu parlement, pour déterminer la portion des revenus publics quisera affectée au service des intérêts et au rachat successif ducapital de la dette actuelle.

Pouvoir judiciaire :

Les juges sont nommés par le cacique, sur laprésentation de trois candidats par sénat.

Il y aura six juges de l’État, lesquelsparcourront successivement les provinces, pour y tenir des assisesoù s’administrera la justice civile et criminelle.

Une loi ultérieure organisera l’application dujury en matière criminelle.

Il sera établi, dans chaque district, un jugede paix chargé de concilier les procès, et, à défaut deconciliation, de mettre les procès en mesure d’être jugés par lejuge de l’État, dans la tenue des assises.

Les appels de jugements rendus par les assisesde chaque province seront jugés par le sénat.

Les recours en cassation contre les arrêts dela cour suprême seront portés devant le parlement.

Aucun habitant ne peut être arrêté qu’en vertud’un ordre d’un juge, portant implicitement la mention du motif,lequel ne pourra être qu’une accusation d’un crime ou délitqualifié par la loi.

Aucun geôlier ne pourra, sous peine d’êtrepoursuivi pour détention arbitraire, recevoir ou détenir unprisonnier sans mandat d’arrestation, dans la forme ci-dessus.

Il sera procédé, le plus prochainementpossible, à la rédaction d’un code de lois civiles et d’un code delois criminelles, uniformes pour le pays.

La présente constitution sera soumise àl’acceptation du parlement, qui est convoqué à cet effet le1er septembre prochain.

Fait à Londres, le 20 mars de l’an de grâce1837, et de notre règne le premier.

Signé : Don Gusman y Pamphilos.

Lettre de M. AlphonseKarr :

« Mon cher Alexandre,

Permettez-moi de vous adresser uneréclamation.

Il y a en France trente-deux millionsd’habitants ; si chacun occupe l’attention publique pendant untemps égal, c’est-à-dire si la gloire leur est équitablementpartagée, ils auront chacun une minute et un tiers de minute entoute leur vie, que je suppose de quatre-vingts ans, à être l’objetde cette précieuse attention.

C’est ce qui fait que l’on s’accroche de sonmieux à tout ce qui fait du bruit et que l’on veut être quelquechose dans ce qui paraît, que bien des gens portent un peu envie aucriminel que l’on guillotine, et n’ont de consolation qu’endisant : Je l’ai beaucoup connu ou J’ai passédans la rue le lendemain de l’assassinat.

Je ne connais rien de plus amusant que ceslivres si pleins d’humour et de malicieuse naïveté que vous publiezquelquefois quand vous ne faites pas de beaux drames ou despirituelles comédies.

En voilà un qui va absorber l’attentionuniverselle pendant quinze jours, ici où on fait une révolution entrois jours ; c’est donc, au compte que je faisais tout àl’heure, à peu près treize mille personnes dont on ne parlerajamais.

J’ai le droit d’être dans votre livre, et j’enuse : Jacques II m’a appartenu avant d’être à Tony Johannot.Notre bon et spirituel Tony pourrait vous dire comment un jour, ilme montra un singe et comment ce singe me sauta au cou, me prit parla tête et m’embrassa sur les deux joues de la façon la plusattendrissante.

Jacques II avait vécu un an avec moi quand jele perdis ; je craignais à chaque instant de le rencontrer surles boulevards, habillé en troubadour d’opéra-comique, devenusavant et se livrant au métier ignominieux de bateleur. Je fus bienheureux de le retrouver chez Tony, qui a beaucoup trop d’espritpour en vouloir donner aux bêtes.

Donc, mon cher Alexandre, je vous prie et aubesoin vous somme, comme disent les journaux, d’insérer la présenteréclamation dans vos pièces justificatives.

Tout à vous.

Alphonse Karr.

 

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