Le Capitaine Pamphile

Chapitre 5Comment Jacques Ier fut arraché des bras de sa mère expirante etporté à bord du brick de commerce la Roxelane (capitainePamphile).

« Le 24 juillet 1827, le brick laRoxelane faisait voile de Marseille, et allait charger du café àMoka, des épiceries à Bombay, et du thé à Canton ; il relâcha,pour renouveler ses vivres, dans la baie de Saint-Paul-de-Loanda,située, comme chacun sait, au centre de la Guinée inférieure.

« Pendant que les échanges se faisaient,le capitaine Pamphile, qui en était à son dixième voyage dans lesIndes, prit son fusil, et, par une chaleur de soixante et dixdegrés, s’amusa à remonter les rives de la rivière Bango. Lecapitaine Pamphile était, depuis Nemrod, le plus grand chasseurdevant Dieu qui eût paru sur la terre.

« Il n’avait pas fait vingt pas dans lesgrandes herbes qui bordent le fleuve, qu’il sentit que le pied luitournait sur un objet rond et glissant comme un troc d’un jeunearbre. Au même instant, il entendit un sifflement aigu, et, à dixpas devant lui, il vit se dresser la tête d’un énorme boa, sur laqueue duquel il avait marché.

« Un autre que le capitaine Pamphile eûtcertes ressenti quelque crainte, en se voyant menacé par cette têtemonstrueuse dont les yeux sanglants brillaient, en le regardant,comme deux escarboucles ; mais le boa ne connaissait pas lecapitaine Pamphile.

« Tron de Diou de répétile ! esséqué tu crois me fairé peur ? dit le capitaine.

« Et, au moment où le serpent ouvrait lagueule, il lui envoya une balle qui lui traversa le palais etsortit par le haut de la tête. Le serpent tomba mort.

« Le capitaine commença par rechargertranquillement son fusil ; puis, tirant son couteau de sapoche, il alla vers l’animal, lui ouvrit le ventre, sépara le foiedes entrailles, comme avait fait l’ange de Tobie, et, après uninstant de recherche active, il y trouva une petite pierre bleue dela grosseur d’une noisette.

« – Bon ! dit-il.

« Et il mit la pierre dans une bourse oùil y en avait déjà une douzaine d’autres pareilles. Le capitainePamphile était lettré comme un mandarin : il avait lu lesMille et Une Nuits et cherchait le bézoard enchanté duprince Caram-al-aman.

« Dès qu’il crut l’avoir trouvé, il seremit en chasse.

« Au bout d’un quart d’heure, il vits’agiter les herbes à quarante pas devant lui et entendit unrugissement terrible. À ce bruit, tous les êtres semblèrentreconnaître le maître de la création. Les oiseaux, qui chantaient,se turent ; deux gazelles, effarouchées, bondirent ets’élancèrent dans la plaine ; un éléphant sauvage, qu’onapercevait à un quart de lieue de là, sur une colline, leva satrompe pour se préparer au combat.

« – Prrrou ! prrrou ! fit lecapitaine Pamphile, comme s’il se fût agi de faire envoler unecompagnie de perdreaux.

«À ce bruit, un tigre, qui était resté couchéjusqu’alors, se leva, battant ses flancs de sa queue : c’étaitun tigre royal de la plus grande taille. Il fit un bond et serapprocha de vingt pieds du chasseur.

« – Farceur ! dit le capitaine Pamphile,tu crois qué jé vais té tirer à cetté distance, pour té gâter tapeau ? Prrrou ! prrrou !

« Le tigre fit un second bond qui lerapprocha de vingt pieds encore ; mais, au moment où iltouchait la terre, le coup partit, et la balle l’atteignit dansl’œil gauche. Le tigre boula comme un lièvre, et expiraaussitôt.

« Le capitaine Pamphile rechargeatranquillement son fusil, tira son couteau de sa poche, retourna letigre sur le dos, lui fendit la peau sous le ventre, et ledépouilla comme une cuisinière fait d’un lapin. Ensuite ils’affubla de la fourrure de sa victime, comme l’avait fait, quatremille ans auparavant, l’Hercule néméen, dont, en sa qualité deMarseillais, il avait la prétention de descendre ; puis il seremit en chasse.

« Une demi-heure ne s’était pointécoulée, qu’il entendit une grande rumeur dans les eaux du fleuvedont il suivait les rives. Il courut vivement sur le bord, etreconnut que c’était un hippopotame qui allait contre le cours del’eau, et qui, de temps en temps, montait à la surface poursouffler.

« – Bagasse ! dit le capitaine Pamphile,voilà qui va t’épargner pour six francs de verroteries.

« C’était le prix courant des bœufs àSaint-Paul-de-Loanda, et le capitaine Pamphile passait pour êtreéconome.

« En conséquence, guidé par les bullesd’air qui dénonçaient l’hippopotame en venant crever à la surfacede la rivière, il suivit la marche de l’animal, et, lorsquecelui-ci sortit son énorme tête, le chasseur, choisissant le seulpoint qui soit vulnérable, lui envoya une balle dans l’oreille. Lecapitaine Pamphile aurait, à cinq cents pas, touché Achille autalon.

« Le monstre tournoya quelques secondes,mugissant effroyablement et battant l’eau de ses pieds. Un instant,on eût cru qu’il allait s’engloutir dans le tourbillon que luicreusait son agonie ; mais bientôt ses forces s’épuisèrent, ilroula comme un ballot ; puis, peu à peu, la peau blanchâtre etlisse de son ventre apparut, au lieu de la peau noire et pleine derugosités de son dos, et, dans son dernier effort, il vints’échouer, les quatre pattes en l’air, au milieu des herbes quipoussaient au bord de la rivière.

« Le capitaine Pamphile rechargeatranquillement son fusil, tira son couteau de sa poche, coupa unpetit arbre de la grosseur d’un manche à balai, l’aiguisa par lebout, le fendit par l’autre, planta le bout aiguisé dans le ventrede l’hippopotame, et introduisit, dans le bout fendu, une feuillede son agenda, sur laquelle il écrivit au crayon :

« Au cuisinier du brick de commerce laRoxelane, de la part du capitaine Pamphile, en chasse sur les rivesde la rivière Bango. »

« Puis il poussa du pied l’animal, quiprit le fil de l’eau et descendit tranquillement la rivière,étiqueté comme le portemanteau d’un commis voyageur.

« – Ah ! fit le capitaine Pamphile,lorsqu’il vit les provisions en bonne route vers son bâtiment, jecrois que j’ai bien gagné que je déjeunasse.

« Et, comme c’était une vérité que luiseul avait besoin de reconnaître pour que toutes ses conséquencesen fussent déduites à l’instant même, il étendit par terre sa peaude tigre, s’assit dessus, tira de sa poche gauche une gourde derhum qu’il posa à sa droite, de sa poche droite une superbe goyavequ’il posa à sa gauche, et de sa gibecière un morceau de biscuitqu’il plaça entre ses jambes, puis il se mit à charger sa pipe pourn’avoir rien de fatigant à faire après son repas.

« Vous avez vu parfois Debureau, faireavec grand soin les préparatifs de son déjeuner pour que Arlequinle mange ? Vous vous rappelez sa tête, n’est-ce pas, lorsqu’ense tournant, il voit son verre vide et sa pomme chippée ? –Oui. – Eh bien, regardez le capitaine Pamphile, qui trouve sagourde de rhum renversée, et sa goyave disparue.

« Le capitaine Pamphile, à qui leprivilège du ministre de l’intérieur n’a point interdit la parole,fit entendre le plus merveilleux « Tron de Diou ! »qui soit sorti d’une bouche provençale depuis la fondation deMarseille ; mais, comme il était moins crédule que Debureau,qu’il avait lu les philosophes anciens et modernes, et qu’il avaitappris, dans Diogène de Laerce et dans M. de Voltaire,qu’il n’est point d’effet sans cause, il se mit immédiatement àchercher la cause dont l’effet lui était si préjudiciable, maiscela sans faire semblant de rien, sans bouger de la place où ilétait, et tout en ayant l’air de grignoter son pain sec. Sa têteseule tourna, cinq minutes à peu près, comme celle d’un magot de laChine, et cela infructueusement, lorsque tout à coup un objetquelconque lui tomba sur la tête et s’arrêta dans ses cheveux. Lecapitaine porta la main à l’endroit percuté et trouva la pelure desa goyave. Le capitaine Pamphile leva le nez et aperçut,directement au-dessus de lui, un singe qui grimaçait dans lesbranches d’un arbre.

« Le capitaine Pamphile étendit la mainvers son fusil, sans perdre de vue son larron ; puis, appuyantla crosse à son épaule, il lâcha le coup. La guenon tomba à côté delui.

« – Pécaïre ! dit le capitaine Pamphileen jetant les yeux sur sa nouvelle proie, j’ai tué un singebicéphale.

« En effet, l’animal gisant aux pieds ducapitaine Pamphile avait deux têtes bien séparées, bien distinctes,et le phénomène était d’autant plus remarquable, que l’une des deuxtêtes était morte et avait les yeux fermés, tandis que l’autreétait vivante et avait les yeux ouverts.

« Le capitaine Pamphile, qui voulaitéclaircir ce point bizarre d’histoire naturelle, prit le monstrepar la queue et l’examina avec attention ; mais, à sa premièreinspection, tout étonnement disparut. Le singe était une guenon, etla seconde tête celle de son petit, qu’elle portait sur son dos aumoment où elle avait reçu le coup, et qui était tombé de sa chutesans lâcher le sein maternel.

« Le capitaine Pamphile, à qui ledévouement de Cléobis et de Biton n’aurait pas fait verser unelarme, prit le petit singe par la peau du cou, l’arracha du cadavrequ’il tenait embrassé, l’examina un instant avec autant d’attentionqu’aurait pu le faire M. de Buffon ; et, pinçant leslèvres d’un air de satisfaction intérieure :

« – Bagasse ! s’écria-t-il, c’est uncallitriche ; cela vaut cinquante francs comme un liard, rendusur le port de Marseille.

« Et il le mit dans sa gibecière.

« Puis, comme le capitaine Pamphile étaità jeun par suite de l’incident que nous avons raconté, il se décidaà reprendre la route de la baie. D’ailleurs, quoique sa chassen’eût duré que deux heures environ, il avait tué, dans cet espacede temps, un serpent boa, un tigre, un hippopotame, et rapportaitvivant un callitriche. Il y a bien des chasseurs parisiens qui secontenteraient d’une pareille chance pour toute la journée.

« En arrivant sur le pont du brick, ilvit tout l’équipage occupé autour de l’hippopotame, qui étaitheureusement parvenu à son adresse. Le chirurgien du navire luiarrachait les dents, afin d’en faire des manches de couteau pourVillenave et de faux râteliers pour Désirabode ; lecontremaître lui enlevait le cuir et le découpait en lanières, afind’en confectionner des fouets à battre les chiens et des garcettesà épousseter les mousses ; enfin, le cuisinier lui taillaitdes bifteks dans le filet et des grillades dans l’entre-côtes pourla table du capitaine Pamphile : le reste de l’animal devaitêtre coupé par quartiers et salé à l’intention de l’équipage.

« Le capitaine Pamphile fut si satisfaitde cette activité, qu’il ordonna une distribution extraordinaire derhum et fit remise de cinq coups de garcette à un mousse qui étaitcondamné à en recevoir soixante et dix.

« Le soir, on mit à la voile.

« Vu ce surcroît de provisions, lecapitaine Pamphile jugea inutile de relâcher au cap deBonne-Espérance, et laissant à droite les îles du prince Édouard,et à sa gauche la terre de Madagascar, il s’élança dans la mer desIndes.

« La Roxelane marchait donc bravementvent arrière, filant ses huit nœuds à l’heure, ce qui, au dire desmarins, est un fort joli train pour un bâtiment de commerce,lorsqu’un matelot des vigies cria des huniers :

« – Une voile à l’avant !

« Le capitaine Pamphile prit sa lunette,la braqua sur le bâtiment signalé, regarda à l’œil nu, rebraqua denouveau sa lunette ; puis après, un instant d’examen attentif,il appela le second et lui remit silencieusement l’instrument entreles mains. Celui-ci le porta aussitôt à son œil.

« – Eh bien, Policar, dit le capitaine,lorsqu’il crut que celui auquel il adressait la parole avait eu letemps d’examiner à son aise l’objet en question, que dis-tu decette patache ?

« – Ma foi, capitaine, je dis qu’elle a unedrôle de tournure. Quant à son pavillon – il reporta la lunette àson œil – le diable me brûle si je sais quelle puissance ilreprésente : c’est un dragon vert et jaune, sur un fondblanc.

« – Eh bien, saluez jusqu’à terre, monami ; car vous avez devant vous un bâtiment appartenant aufils du soleil, au père et à la mère du genre humain, au roi desrois, au sublime empereur de la Chine et de la Cochinchine ;et, de plus, je reconnais, à sa couronne arrondie et à sa marche detortue, qu’il ne rentre pas à Pékin le ventre vide.

« – Diable ! diable ! fit Policar ense grattant l’oreille.

« – Que penses-tu de la rencontre ?

« – Je pense que ce serait drôle…

« – N’est-ce pas ?… Eh bien, moi aussi,mon enfant.

« – Alors, il faut… ?

« – Monter la ferraille sur le pont etdéployer jusqu’au dernier pouce de toile.

« – Ah ! il nous a aperçus à sontour.

« – Alors, attendons la nuit, et, jusque-là,filons honnêtement notre câble, afin qu’il ne se doute de rien.Autant que je puis juger de sa marche, avant cinq heures, nousserons dans ses eaux ; toute la nuit, nous naviguerons bord àbord, et, demain, dès le matin, nous lui dirons bonjour.

« Le capitaine Pamphile avait adopté unsystème. Au lieu de lester son bâtiment avec des pavés ou desgueuses, il mettait à fond de cale une demi-douzaine de pierriers,quatre ou cinq caronades de douze et une pièce de huitallongée ; puis, à tout hasard, il y ajoutait quelquesmilliers de gargousses, une cinquantaine de fusils, et unevingtaine de sabres d’abordage. Une occasion semblable à celle danslaquelle on se trouvait se présentait-elle, il faisait montertoutes ces bricoles sur le pont, assujettissait les pierriers etles caronades sur leurs pivots, traînait la pièce de huit surl’arrière, distribuait les fusils à ses hommes, et commençait àétablir ce qu’il appelait son système d’échange. Ce fut dans cesdispositions commerciales que le bâtiment chinois le trouva lelendemain.

« La stupéfaction fut grande à bord dunavire impérial. Le capitaine avait reconnu, la veille, un naviremarchand, et s’était endormi là-dessus en fumant sa pipe àopium ; mais voilà que, dans la nuit, le chat était devenutigre, et qu’il montrait ses griffes de fer et ses dents debronze.

« On alla prévenir le capitaineKao-Kiou-Koan de la situation dans laquelle on se trouvait. Ilachevait un rêve délicieux : le fils du soleil venait de luidonner une de ses sœurs en mariage, de sorte qu’il se trouvaitbeau-frère de la lune.

« Aussi eut-il beaucoup de peine àcomprendre ce que lui voulait le capitaine Pamphile. Il est vraique celui-ci lui parlait en provençal et que le nouveau mariérépondait en chinois. Enfin, il se trouva, à bord de la Roxelane,un Provençal qui savait un peu de chinois, et, à bord du bâtimentdu sublime empereur, un chinois qui parlait passablement provençal,de sorte que les deux capitaines finirent par s’entendre.

« Le résultat du dialogue fut que lamoitié de la cargaison du bâtiment impérial capitaine Kao-Kiou-Koanpassa immédiatement à bord du brick de commerce la Roxelanecapitaine Pamphile.

« Et, comme cette cargaison se composaitjustement de café, de riz et de thé, il en résulta que le capitainePamphile n’eut besoin de relâcher ni à Moka, ni à Bombay, ni àPékin ; ce qui lui fit une grande économie de temps etd’argent.

« Cela le rendit de si bonne humeur,qu’en passant à l’île Rodrigue, il acheta un perroquet.

« Arrivé à la pointe de Madagascar, ons’aperçut qu’on allait manquer d’eau ; mais, comme la relâchedu cap Sainte-Marie n’était pas sûre, pour un bâtiment aussi chargéque l’était la Roxelane, le capitaine mit son équipage à lademi-ration, et résolut de ne s’arrêter que dans la baie d’Algoa.Comme il procédait au chargement des barriques, il vit s’avancervers lui un chef de Gonaquas, suivi de deux hommes qui portaientsur leurs épaules, à peu près comme les envoyés des Hébreux lagrappe de raisin de la terre promise, une magnifique dentd’éléphant : c’était un échantillon que le chef Outavari, cequi veut dire, dans la langue gonaquas, fils de l’orient, apportaità la côte, espérant obtenir une commande dans la partie.

« Le capitaine Pamphile examina l’ivoire,le trouva de première qualité, et demanda au chef gonaquas ce quelui coûteraient deux mille dents d’éléphant pareilles à celle qu’illui montrait. Outavari répondit que cela lui coûterait au justetrois mille bouteilles d’eau-de-vie. Le capitaine voulutmarchander ; mais le fils de l’orient tint bon, en soutenantqu’il n’avait point surfait ; de sorte que le capitaine futobligé d’en venir où le nègre voulait l’amener ; ce qui, aureste, ne lui coûta pas extrêmement, attendu qu’à ce prix il yavait à peu près dix mille pour cent à gagner. Le capitaine demandaquand pourrait se faire la livraison ; Outavari exigea deuxans ; ce délai cadrait admirablement avec les engagements ducapitaine Pamphile ; aussi les deux dignes négociants seserrèrent la main et se séparèrent enchantés l’un de l’autre.

« Cependant, ce marché, tout avantageuxqu’il était, tourmentait la conscience mercantile du dignecapitaine ; il réfléchissait, à part lui, que, s’il avait eul’ivoire à si bon marché à la pointe orientale de l’Afrique, ildevait le trouver à moitié prix à la pointe occidentale, puisquec’était surtout de ce côté que les éléphants étaient en si grandnombre, qu’ils avaient donné leur nom à une rivière. Il voulut doncen avoir le cœur net, et, arrivé sous le 30e degré delatitude, il ordonna de mettre le cap sur la terre ;seulement, s’étant trompé de quatre ou cinq degrés, il aborda àl’embouchure de la rivière d’Orange, au lieu de celle desÉléphants.

« Le capitaine Pamphile ne s’en inquiétapoint autrement ; les distances étaient si rapprochées,qu’elles ne devaient produire aucune variété dans le prix ; enconséquence, il fit mettre la chaloupe en mer et remonta le fleuvejusqu’à la ville capitale des petits Namaquois, située à deuxjournées dans l’intérieur des terres. Il trouva le chef Outavarorevenant d’une grande chasse où il avait tué quinze éléphants. Leséchantillons ne manquaient donc pas, et le capitaine put seconvaincre qu’ils étaient encore supérieurs à ceux d’Outavari.

Il en résulta entre Outavaro et le capitaineun marché beaucoup plus avantageux encore pour ce dernier que celuiqu’il avait passé avec Outavari. Le fils de l’occident donnait aucapitaine Pamphile deux mille défenses pour quinze cents bouteillesd’eau-de-vie ; c’était un tiers meilleur marché que sonconfrère ; mais, comme lui, il demandait deux ans pourconfectionner sa fourniture. Le capitaine Pamphile n’apporta pointde discussion à propos de ce délai ; au contraire, il ytrouvait une économie, c’était de ne faire qu’un voyage pour lesdeux chargements. Outavaro et le capitaine se serrèrent la main ensigne de marché fait, et se quittèrent les meilleurs amis du monde.Et le brick la Roxelane reprit sa route vers l’Europe. »

À ce moment de l’histoire de Jadin, la pendulesonna minuit, heure militaire pour presque tous ceux qui logeaientau-dessus du cinquième étage. Chacun se levait donc pour seretirer, lorsque Flers rappela au docteur Thierry qu’il restait unedernière vérification à faire. Le docteur prit le bocal, l’exposa àla vue de tous. Il n’y restait pas une seule mouche ; enrevanche, mademoiselle Camargo avait acquis le volume d’un œuf dedinde, et semblait sortir d’un pot à cirage. Chacun s’éloigna enfélicitant Thierry sur son immense érudition.

Le lendemain, nous reçûmes une lettre ainsiconçue :

« MM. Eugène et Alexandre Decampsont l’honneur de vous faire part de la perte douloureuse qu’ilsviennent de faire de mademoiselle Camargo, morte d’indigestion,dans la nuit du 2 au 3 mars. Vous êtes invité au repas funèbre quiaura lieu dans la maison mortuaire, le 6 du courant, à cinq heuresprécises du soir. »

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