Le Nabab

Chapitre 4UN DÉBUT DANS LE MONDE.

« Monsieur BernardJansoulet !… »

Ce nom plébéien, accentué fièrement par lalivrée, lancé d’une voix retentissante, sonna dans les salons deJenkins comme un coup de cymbale, un de ces gongs qui, sur lesthéâtres de féerie, annoncent les apparitions fantastiques. Leslustres pâlirent, il y eut une montée de flamme dans tous les yeux,à l’éblouissante perspective des trésors d’Orient, des pluies desequins et de perles secouées par les syllabes magiques de ce nomhier inconnu.

Lui, c’était lui, le Nabab, le riche desriches, la haute curiosité parisienne, épicée de ce ragoûtd’aventures qui plaît tant aux foules rassasiées. Toutes les têtesse tournèrent, toutes les conversations s’interrompirent, il y eutvers la porte une poussée de monde, une bousculade comme sur lequai d’un port de mer pour voir entrer une felouque chargéed’or.

Jenkins lui-même, si accueillant, si maître delui, qui se tenait dans le premier salon pour recevoir ses invités,quitta brusquement le groupe d’hommes dont il faisait partie ets’élança au-devant des galions.

« Mille fois, mille fois aimable…Mme Jenkins va être bien heureuse, bien fière… Venez que jevous conduise. »

Et, dans sa hâte, dans sa vaniteusejouissance, il entraîna si vite Jansoulet que celui-ci n’eut pas letemps de lui présenter son compagnon Paul de Géry, auquel ilfaisait faire son début dans le monde. Le jeune homme fut bienheureux de cet oubli. Il se faufila dans la masse d’habits noirssans cesse refoulée plus loin à chaque nouvelle entrée, s’yengloutit, pris de cette terreur folle qu’éprouve tout jeuneprovincial introduit dans un salon de Paris, surtout lorsqu’il estintelligent et fin, et qu’il ne porte pas comme une cotte demailles sous son plastron de toile l’imperturbable aplomb desrustres.

Vous tous, Parisiens de Paris, qui dès l’âgede seize ans avez, dans votre premier habit noir et le claque surla cuisse, promené votre adolescence à travers les réceptions detous les mondes, vous ne connaissez pas cette angoisse faite devanité, de timidité, de souvenirs de lectures romanesques, qui nousvisse les dents l’une dans l’autre, engoncés nos gestes, fait denous pour toute une nuit un entre-deux de porte, un meubled’embrasure, un pauvre être errant et lamentable incapable demanifester son existence autrement qu’en changeant de place detemps en temps, mourant de soif plutôt que d’approcher du buffet,et s’en allant sans avoir dit un mot, à moins qu’il n’ait bégayéune de ces sottises égarées dont on se souvient pendant des mois etqui nous font, la nuit, et y songeant, pousser un« ah ! » de rage honteuse, la tête cachée dansl’oreiller.

Paul de Géry était ce martyr. Là-bas dans sonpays, il avait toujours vécu fort retiré près d’une vieille tantedévote et triste, jusqu’au moment où l’étudiant en droit destinéd’abord à une carrière dans laquelle son père laissait d’excellentssouvenirs, s’était vu attiré dans quelques salons de conseillers àla cour, anciennes demeures mélancoliques à trumeaux fanés où ilallait faire un quatrième au whist avec de vénérables ombres. Lasoirée de Jenkins était donc un début pour ce provincial, que sonignorance même et sa souplesse méridionale firent du premier coupobservateur.

De l’endroit où il se trouvait, il assistaitau défilé curieux et non encore terminé à minuit des invités deJenkins, toute la clientèle du médecin à la mode : la finefleur de la société, beaucoup de politique et de finance, desbanquiers, des députés, quelques artistes, tous les surmenés duhigh-life parisien, blafards, les yeux brillants, saturésd’arsenic comme des souris gourmandes mais insatiables de poison etde vie. Le salon ouvert, la vaste antichambre dont on avait enlevéles portes laissait voir l’escalier de l’hôtel chargé de fleurs surles côtés, où se développaient les longues traînes dont le poidssoyeux semblait rejeter en arrière le buste décolleté des femmesdans ce joli mouvement ascensionnel qui les faisait apparaître, peuà peu, jusqu’au complet épanouissement de leur gloire. Les couplesarrivés en haut paraissaient entrer en scène ; et cela étaitdoublement vrai, chacun laissant sur la dernière marche lesfroncements de sourcils, les plis préoccupés, les airs excédés, sescolères, ses tristesses, pour montrer une physionomie satisfaite,un sourire épanoui sur l’ensemble reposé des traits. Les hommeséchangeaient des poignées de main loyales, des effusionsfraternelles ; les femmes, sans rien entendre, préoccupéesd’elles-mêmes, avec de petits caracolements sur place, des grâcesfrissonnantes, des jeux de prunelles et d’épaules, murmuraientquelques mots d’accueil.

« Merci… Oh ! merci… comme vous êtesbonne… »

Puis les couples se séparaient, car lessoirées ne sont plus ces réunions d’esprits aimables, où la finesseféminine forçait le caractère, les hautes connaissances, le géniemême des hommes à s’incliner gracieusement pour elle, mais cescohues trop nombreuses dans lesquelles les femmes, seules assises,gazouillant ensemble comme des captives de harem, n’ont plus que leplaisir d’être belles ou de le paraître. De Géry, après avoir errédans la bibliothèque du docteur, la serre, la salle de billard oùl’on fumait, ennuyé de conversations graves et arides qui luisemblaient détonner dans un lieu si paré et dans l’heure courte duplaisir – quelqu’un lui avait demandé négligemment, sans leregarder, ce que la bourse faisait ce jour-là – se rapprocha de laporte du grand salon, que défendait un flot pressé d’habits noirs,une houle de têtes penchées les unes à côté des autres etregardant.

Une vaste pièce richement meublée avec le goûtartistique qui caractérisait le maître et la maîtresse de lamaison. Quelques tableaux anciens sur le fond clair des draperies.Une cheminée monumentale, décorée d’un beau groupe de marbre,« les Saisons », de Sébastien Ruys, autour duquel delongues tiges vertes découpées en dentelle ou d’une raideur gaufréede bronze se recourbaient vers la glace comme vers la limpiditéd’une eau pure. Sur les sièges bas, les femmes groupées, pressées,confondant presque les couleurs vaporeuses de leurs toilettes,formant une immense corbeille de fleurs vivantes au-dessus delaquelle flottaient le rayonnement des épaules nues, des cheveluressemées de diamants, gouttes d’eau sur les brunes, refletsscintillants sur les blondes et le même parfum capiteux, le mêmebourdonnement confus et doux, fait de chaleur vibrante et d’ailesinsaisissables, qui caresse en été toute la floraison d’unparterre. Parfois un petit rire, montant dans cette atmosphèrelumineuse, un souffle plus vif qui faisait trembler des aigretteset des frisures, se détacher tout à coup un beau profil. Tel étaitl’aspect du salon.

Quelques hommes se trouvaient là, en trèspetit nombre, tous des personnages de marque, chargés d’années etde croix, qui causaient au bord d’un divan, appuyés au renversementd’un siège avec cet air de condescendance que l’on prend pourparler à des enfants. Mais dans le susurrement paisible de cesconversations une voix ressortait éclatante et cuivrée, celle duNabab, qui évoluait tranquillement à travers cette serre mondaineavec l’assurance que lui donnaient son immense fortune et uncertain mépris de la femme, rapporté d’Orient.

En ce moment, étalé sur un siège, ses grossesmains gantées de jaune croisées sans façon l’une sur l’autre, ilcausait avec une très belle personne dont la physionomie originale– beaucoup de vie sur des traits sévères – se détachait en pâleurau milieu des minois environnants, comme sa toilette toute blanche,classique de plis et moulée sur sa grâce souple, contrastait avecdes mises plus riches, mais dont aucune n’avait cette allure desimplicité hardie. De son coin, de Géry admirait ce front court etuni sous la frange des cheveux abaissés, ces yeux long ouverts,d’un bleu profond, d’un bleu d’abîme, cette bouche qui ne cessaitde sourire que pour détendre sa forme pure dans une expressionlassée et retombante. En tout, l’apparence un peu hautaine d’unêtre d’exception.

Quelqu’un près de lui la nomma… Félicia Ruys…Dès lors il comprit l’attrait rare de cette jeune fille,continuatrice du génie de son père, et dont la célébrité naissanteétait arrivée jusqu’à sa province, auréolée d’une réputation debeauté.

Pendant qu’il la contemplait, qu’il admiraitses moindres gestes, un peu intrigué par l’énigme de ce beauvisage, il entendit chuchoter derrière lui :

« Mais voyez donc comme elle est aimableavec le Nabab… Si le duc arrivait…

– Le duc de Mora doit venir ?

– Certainement. C’est pour lui que la soiréeest donnée ; pour le faire rencontrer avec Jansoulet.

– Et vous pensez que le duc etMlle Ruys…

– D’où sortez-vous ?… C’est une liaisonconnue de tout Paris… Ça date de la dernière exposition où elle afait son buste.

– Et la duchesse ?…

– Bah ! Elle en a bien vu d’autres…Ah ! voilà Mme Jenkins qui va chanter. »

Il se fit un mouvement dans le salon, unepesée plus forte de la foule auprès de la porte, et lesconversations cessèrent pour un moment. Paul de Géry respira. Cequ’il venait d’entendre lui avait serré le cœur. Il se sentaitatteint, sali par cette boue jetée à pleine main sur l’idéal qu’ils’était fait de cette jeunesse splendide, mûrie au soleil de l’artd’un charme si pénétrant. Il s’éloigna un peu, changea de place. Ilavait peur d’entendre encore chuchoter quelque infamie… La voix deMme Jenkins lui fit du bien, une voix fameuse dans les salonsde Paris et qui, malgré tout son éclat, n’avait rien de théâtral,mais semblait une parole émue vibrant sur des sonorités inapprises.La chanteuse, une femme de quarante à quarante-cinq ans, avait unemagnifique chevelure cendrée, des traits fins un peu mous, unegrande expression de bonté. Encore belle, elle était mise avec legoût coûteux d’une femme qui n’a pas renoncé à plaire. Elle n’yavait pas renoncé en effet ; mariée en secondes noces avec ledocteur depuis une dizaine d’années ils semblaient en être encoreaux premiers mois de leur bonheur à deux. Pendant qu’elle chantaitun air populaire de Russie, sauvage et doux comme un sourire slave,Jenkins était fier naïvement, sans chercher à le dissimuler, toutesa large figure épanouie ; et elle, chaque fois qu’ellepenchait la tête pour reprendre son souffle adressait de son côtéun sourire craintif, épris, qui allait le chercher par-dessus lamusique étalée. Puis, quand elle eut fini au milieu d’un murmureadmiratif et ravi, c’était touchant de voir de quelle façondiscrète elle serra furtivement la main de son mari, comme pour sefaire un coin de bonheur intime parmi ce grand triomphe. Le jeunede Géry se sentait réconforté par la vue de ce couple heureux,quand tout près de lui une voix murmura – ce n’était pourtant pasla même qui avait parlé tout à l’heure :

« Vous savez ce qu’on dit… que lesJenkins ne sont pas mariés.

– Quelle folie !

– Je vous assure… il paraîtrait qu’il y a unevéritable Mme Jenkins quelque part, mais pas celle qu’on nousa montrée… Du reste avez-vous remarqué… »

Le dialogue continua à voix basse,Mme Jenkins s’approchait, saluant, souriant, tandis que ledocteur arrêtant un plateau au passage, lui apportait un verre debordeaux avec l’empressement d’une mère, d’un imprésario, d’unamoureux. Calomnie, calomnie, souillure ineffaçable !Maintenant les attentions de Jenkins semblaient exagérées auprovincial. Il trouvait qu’il y avait là quelque chose d’affecté,de voulu, et aussi dans le remerciement qu’elle adressa tout bas àson mari, il crut remarquer une crainte, une soumission contrairesà la dignité de l’épouse légitime, heureuse et fière d’un bonheurassuré… « Mais c’est hideux, le monde ! » se disaitde Géry épouvanté, les mains froides. Ces sourires quil’entouraient lui faisaient tous l’effet de grimaces. Il avait dela honte et du dégoût. Puis tout à coup se révoltant :« Allons donc ! ce n’est pas possible. » Et, commesi elle avait voulu répondre à cette exclamation, derrière lui, lamédisance reprit d’un ton dégagé : « Après tout, voussavez, je n’en suis pas sûr autrement. Je répète ce qu’on m’a dit…Tiens ! la baronne Hemerlingue… Il a tout Paris, ceJenkins. »

La baronne s’avançait au bras du docteur, quis’était précipité au-devant d’elle, et si maître qu’il fût de tousles jeux de son visage, semblait un peu troublé et déconfit. Ilavait imaginé cela, le bon Jenkins, de profiter de sa soirée pourréconcilier entre eux son ami Hemerlingue et son ami Jansoulet, sesdeux clients les plus riches, et qui l’embarrassaient beaucoup avecleur guerre intestine. Le Nabab ne demandait pas mieux. Il n’envoulait pas à son ancien copain. Leur brouille était venue à lasuite du mariage d’Hemerlingue avec une des favorites de l’ancienbey. « Histoire de femme, en somme », disait Jansoulet,et qu’il aurait été heureux de voir finir, toute antipathie pesantà cette nature exubérante. Mais il paraît que le baron ne tenaitpas à un rapprochement ; car, malgré la promesse qu’il avaitfaite à Jenkins, sa femme arrivait seule, au grand dépit del’Irlandais.

C’était une longue, mince, frêle personne, auxsourcils en plumes d’oiseau, l’air jeune et intimidé, trente ansqui en paraissaient vingt, coiffée d’herbes et d’épis tombants dansdes cheveux très noirs criblés de diamants. Avec ses longs cils surses joues blanches de cette limpidité de teint des femmes longtempscloîtrées, un peu gênée dans sa toilette parisienne, elleressemblait moins à une ancienne femme de harem qu’à une religieuseayant renoncé à ses vœux et retournant au monde. Quelque chose dedévot, de confit dans le maintien, une certaine façonecclésiastique de marcher en baissant les yeux, les coudes à lataille, les mains croisées, des manières qu’elle avait prises dansle milieu très pratiquant où elle vivait depuis sa conversion etson récent baptême, complétaient cette ressemblance. Et vous pensezsi la curiosité mondaine s’empressait autour de cette ancienneodalisque devenue catholique fervente, s’avançant escortée d’unefigure livide de sacristain à lunettes, maître Le Merquier, députéde Lyon, l’homme d’affaires d’Hemerlingue, qui accompagnait labaronne quand le baron « était un peu souffrant », commece soir.

À leur entrée dans le second salon le Nababvint droit à elle, croyant voir apparaître à la suite la figurebouffie de son vieux camarade, auquel il était convenu qu’il iraittendre la main. La baronne l’aperçut, devint encore plus blanche.Un éclair d’acier filtra sous ses longs cils. Ses nariness’ouvrirent, palpitèrent, et comme Jansoulet s’inclinait, ellepressa le pas, la tête haute et droite, laissant tomber de seslèvres minces un mot arabe que personne ne put comprendre, mais oùle pauvre Nabab entendit bien l’injure, lui ; car, en serelevant, son visage hâlé était de la couleur d’une terre cuite quisort du four. Il resta un moment sans bouger, ses gros poingscrispés, sa bouche tuméfiée de colère. Jenkins vint le rejoindre,et de Géry, qui avait suivi de loin toute cette scène, les vitcauser ensemble vivement d’un air préoccupé.

L’affaire était manquée. Cette réconciliation,si savamment combinée, n’aurait pas lieu. Hemerlingue n’en voulaitpas. Pourvu maintenant que le duc ne leur manquât pas de parole.C’est qu’il était tard. La Wauters, qui devait, en sortant de sonthéâtre, chanter l’air de la Nuit, de la Flûte enchantée,venait d’entrer tout emmitouflée dans ses capuchons dedentelles.

Et le ministre n’arrivait pas.

Pourtant c’était une affaire entendue,promise. Monpavon devait le prendre au cercle. De temps en temps lebon Jenkins tirait sa montre tout en jetant un bravo distrait aubouquet de notes perlées que la Wauters faisait jaillir de seslèvres de fée, un bouquet de trois mille francs, inutile comme lesautres frais de la soirée, si le duc ne venait pas.

Tout à coup la porte s’ouvrit à deuxbattants :

« Son Excellence M. le duc deMora. »

Un long frémissement l’accueillit, unecuriosité respectueuse, rangée sur deux haies, au lieu de la pressebrutale qui s’était jetée sur les pas du Nabab.

Nul mieux que lui ne savait se présenter dansle monde, traverser un salon gravement, monter en souriant à latribune, donner du sérieux aux choses futiles, traiter légèrementles choses graves ; c’était le résumé de son attitude dans lavie, une distinction paradoxale. Encore beau malgré sescinquante-six ans, d’une beauté faite d’élégance et de proportionoù la grâce du dandy se raffermissait par quelque chose demilitaire dans la taille, et la fierté du visage, il portaitmerveilleusement l’habit noir, sur lequel, pour faire honneur àJenkins, il avait mis quelques-unes de ses plaques, qu’iln’arborait jamais qu’aux jours officiels. Le reflet du linge, de lacravate blanche, l’argent mat des décorations, la douceur descheveux rares et grisonnants ajoutaient à la pâleur de la tête,plus exsangue que tout ce qu’il y avait d’exsangue ce soir-là chezl’Irlandais.

Il menait une vie si terrible ! Lapolitique, le jeu sous toutes ses formes, coups de bourse et coupsde baccara et cette réputation d’homme à bonnes fortunes qu’ilfallait soutenir à tout prix. Oh ! celui-là était un vraiclient de Jenkins ; et cette visite princière, il la devaitbien à l’inventeur de ces mystérieuses perles qui donnaient à sonregard cette flamme, à tout son être cet en-avant si vibrant et siextraordinaire.

« Mon cher duc, permettez-moi devous… »

Monpavon, solennel, le jabot gonflé, essayaitde faire la présentation si attendue ; mais l’Excellence,distraite n’entendait pas, continuait sa route vers le grand salonemportée par un de ces courants électriques qui rompent lamonotonie mondaine. Sur son passage, et pendant qu’il saluait labelle Mme Jenkins, les femmes se penchaient un peu avec desairs attirants, un rire doux, une préoccupation de plaire. Mais luin’en voyait qu’une seule, Félicia, debout au centre d’un grouped’hommes discutant comme au milieu de son atelier, et qui regardaitvenir le duc, tout en mangeant tranquillement un sorbet. Ellel’accueillit avec un naturel parfait. Discrètement, l’entourages’était retiré. Pourtant, et malgré ce qu’avait entendu Géry surleurs relations présumées, il semblait n’y avoir entre eux qu’unecamaraderie toute spirituelle, une familiarité enjouée.

« Je suis allé chez vous, mademoiselle,en montant au Bois.

– On me l’a dit. Vous êtes même entré dansl’atelier.

– Et j’ai vu le fameux groupe… mon groupe.

– Eh bien ?

– C’est très beau… Le lévrier court comme unenragé. Le renard détale admirablement… Seulement je n’ai pas biencompris… Vous m’aviez dit que c’était notre histoire à tous lesdeux ?

– Ah ! voilà… Cherchez… C’est un apologueque j’ai lu dans… Vous ne lisez pas Rabelais, monsieur leduc ?

– Ma foi, non. Il est trop grossier…

– Eh bien, moi, j’ai appris à lire là-dedans.Très mal élevée, vous savez. Oh ! très mal… Mon apologue estdonc tiré de Rabelais. Voici : Bacchus a fait un renardprodigieux, imprenable à la course. Vulcain de son côté a donné àun chien de sa façon le pouvoir d’attraper toute bête qu’ilpoursuivra. « Or, comme dit mon auteur, advint qu’ils serencontrèrent. » Vous voyez quelle course enragée et…interminable. Il me semble mon cher duc, que le destin nous a misainsi en présence, munis de qualités contraires, vous qui avez reçudes dieux le don d’atteindre tous les cœurs, moi dont le cœur nesera jamais pris. »

Elle lui disait cela, bien en face, presque enriant, mais serrée et droite dans sa tunique blanche qui semblaitgarder sa personne contre les libertés de son esprit. Lui, levainqueur, l’irrésistible, il n’en avait jamais rencontré de cetterace audacieuse et volontaire. Aussi l’enveloppait-il de toutes leseffluves magnétiques d’une séduction, pendant qu’autour d’eux lemurmure montant de la fête, les rires flûtés, le frôlement dessatins et des franges de perles faisaient l’accompagnement à ce duode passion mondaine et de juvénile ironie.

Il reprit au bout d’une minute :

« Mais comment les dieux se sont-ilstirés de ce mauvais pas ?

– En changeant les deux coureurs enpierre.

– Par exemple, dit-il, voilà un dénouement queje n’accepte point… Je défie les dieux de jamais pétrifier moncœur. »

Une flamme courte jaillit de ses prunelles,éteinte aussitôt à la pensée qu’on les regardait.

En effet, on les regardait beaucoup, maispersonne aussi curieusement que Jenkins qui rôdait autour d’eux,impatient, crispé comme s’il en eût voulu à Félicia de prendre pourelle seule le personnage important de la soirée. La jeune fille enfit, en riant, l’observation au duc :

« On va dire que je vousaccapare. »

Elle lui montrait Monpavon attendant deboutprès du Nabab qui, de loin, adressait à l’Excellence le regardquêteur et soumis d’un bon gros dogue. Le ministre d’État sesouvint alors de ce qui l’avait amené. Il salua la jeune fille etrevint à Monpavon, qui put lui présenter enfin « son honorableami, M. Bernard Jansoulet ». L’Excellence s’inclina, leparvenu s’humilia plus bas que terre, puis ils causèrent unmoment.

Un groupe curieux à observer. Jansoulet,grand, fort, l’air peuple, la peau tannée, son large dos voûtécomme s’il s’était pour jamais arrondi dans les salamalecs de lacourtisanerie orientale, ses grosses mains courtes faisant éclaterses gants clairs, sa mimique excessive, son exubérance méridionaledécoupant les mots à l’emporte-pièce. L’autre, gentilhomme de race,mondain, l’élégance même, aisé dans ses moindres gestes fort raresd’ailleurs, laissant tomber négligemment des phrases inachevéeséclairant d’un demi-sourire la gravité de son visage cachant sousune politesse imperturbable le grand mépris qu’il avait des hommeset des femmes, et c’est de ce mépris surtout que sa force étaitfaite… Dans un salon américain, l’antithèse eût été moinschoquante. Les millions du Nabab auraient rétabli l’équilibre etfait même pencher le plateau de son côté. Mais Paris ne met pasencore l’argent au-dessus de toutes les autres puissances et, pours’en rendre compte, il suffisait de voir ce gros traitant frétillerd’un air aimable devant ce grand seigneur, jeter sous ses pieds,comme le manteau d’hermine du courtisan, son épais orgueild’enrichi.

De l’angle où il s’était blotti, de Géryregardait la scène avec intérêt, sachant quelle importance son amiattachait à cette présentation, quand le hasard qui avait sicruellement démenti, toute la soirée, ses naïvetés de débutant, luifit distinguer ce court dialogue, près de lui dans cette houle desconversations particulières où chacun entend juste le mot quil’intéresse :

« C’est bien le moins que Monpavon luifasse faire quelques bonnes connaissances. Il lui en a tant procuréde mauvaises… Vous savez qu’il vient de lui jeter sur les brasPaganetti et toute sa bande.

– Le malheureux !… Mais ils vont ledévorer.

– Bah ! ce n’est que justice qu’on luifasse un peu rendre gorge… Il en a tant volé là-bas chez lesTurcs.

– Vraiment, vous croyez ?…

– Si je crois ! J’ai là-dessus desdétails très précis que je tiens du baron Hemerlingue, le banquierqui a fait le dernier emprunt tunisien… Il en connaît des histoirescelui-là, sur le Nabab. Imaginez-vous… »

Et les infamies commencèrent. Pendant quinzeans, Jansoulet avait indignement exploité l’ancien bey. On citaitdes noms de fournisseurs et des tours admirables d’aplomb,d’effronterie ; par exemple, l’histoire d’une frégate àmusique, oui, véritablement à musique, comme un tableau de salle àmanger, qu’il avait payée deux cent mille francs et revendue dixmillions, un trône de trois millions, dont la note visible sur leslivres d’un tapissier du faubourg Saint-Honoré n’allait pas à centmille francs, et le plus comique, c’est que le bey ayant changé defantaisie, le siège royal tombé en disgrâce avant même d’êtredéballé, était encore cloué dans sa caisse de voyage à la douane deTripoli.

Puis, en dehors de ces commissions effrénéessur l’envoi du moindre jouet, on accentuait des accusations plusgraves mais aussi certaines, puisqu’elles venaient toujours de lamême source. C’était, à côté du sérail, un harem d’Européennesadmirablement monté, pour Son Altesse, par le Nabab qui devait s’yconnaître, ayant fait jadis à Paris – avant son départ pourl’Orient – les plus singuliers métiers : marchand decontre-marques, gérant d’un bal de barrière, d’une maison plus malfamée encore… Et les chuchotements se terminaient dans un rireétouffé, le rire lippu des hommes causant entre eux.

Le premier mouvement du jeune provincial, enentendant ces calomnies infâmes, fut de se retourner et decrier :

« Vous en avez menti. »

Quelques heures plus tôt, il l’aurait faitsans hésiter ; mais, depuis qu’il était là, il avait appris laméfiance, le scepticisme. Il se contint donc et écouta jusqu’aubout, immobile à la même place, ayant tout au fond de lui-même ledésir inavoué de connaître mieux celui qu’il servait. Quant auNabab, sujet bien inconscient de cette hideuse chronique,tranquillement installé dans un petit salon auquel ses tenturesbleues, deux lampes à abat-jour communiquaient un air recueilli, ilfaisait sa partie d’écarté avec le duc de Mora.

Ô magie du galion ! Le fils du revendeurde ferraille seul à une table de jeu en face du premier personnagede l’empire. Jansoulet en croyait à peine la glace de Venise où sereflétaient sa figure resplendissante, et le crâne auguste, séparéd’une large raie. Aussi, pour reconnaître ce grand honneur,s’appliquait-il à perdre décemment le plus de billets de millefrancs possible, se sentant quand même le gagnant de la partie ettout fier de voir passer son argent dans ces mains aristocratiquesdont il étudiait les moindres gestes pendant qu’elles jetaient,coupaient ou soutenaient les cartes.

Autour d’eux un cercle se faisait, maistoujours à distance, les dix pas exigés pour le salut à un prince,c’était le public de ce triomphe où le Nabab assistait comme enrêve, grisé par ces accords féeriques un peu assourdis dans lelointain, ces chants qui lui arrivaient en phrases coupées commepar-dessus l’obstacle résonnant d’un étang, le parfum des fleursépanouies d’une façon si singulière vers la fin des bals parisiens,alors que l’heure qui s’avance confondant toutes les notions dutemps, la lassitude de la nuit blanche communiquent aux cerveauxallégés dans une atmosphère plus nerveuse comme un étourdissementde jouissance. La robuste nature de Jansoulet, de ce sauvagecivilisé, était plus sensible qu’une autre à ces raffinementsinconnus, et il lui fallait toute sa force pour ne pas manifesterpar quelque joyeux hourra, une intempestive effusion de gestes etde paroles, ce mouvement d’allégresse physique qui agitait tout sonêtre, comme il arrive à ces grands chiens de montagne qu’une goutted’essence respirée jette dans des folies épileptiques.

« Le ciel est beau, le pavé sec… Si vousvoulez, mon cher enfant, nous renverrons la voiture et nousrentrerons à pied », dit Jansoulet à son compagnon en sortantde chez Jenkins.

De Géry accepta avec empressement. Il avaitbesoin de se promener, de secouer dans l’air vif les infamies etles mensonges de cette comédie mondaine qui lui laissait le cœurfroid et serré, tout le sang de sa vie réfugié sous ses tempes dontil entendait battre les veines gonflées. Il chancelait en marchant,semblable à ces malheureux opérés de la cataracte qui, dansl’effroi de la vision reconquise, n’osent plus mettre un pieddevant l’autre. Mais avec quelle brutalité de main l’opérationavait été faite ! Ainsi cette grande artiste au nom glorieux,cette beauté pure et farouche, dont l’aspect seul l’avait troublécomme une apparition, n’était qu’une courtisane. Mme Jenkins,cette femme imposante, d’un maintien à la fois si fier et si doux,ne s’appelait pas Mme Jenkins, et illustre savant au visageouvert, à l’accueil si cordial avait l’impudence d’étaler ainsi unconcubinage honteux. Et Paris s’en doutait, mais cela nel’empêchait pas d’accourir à leurs fêtes. Enfin, ce Jansoulet, sibon, si généreux, pour lequel il se sentait au cœur tant dereconnaissance, il le savait tombé aux mains d’une troupe debandits, bandit lui-même et bien digne de l’exploration organiséepour faire rendre gorge à ses millions.

Était-ce possible et qu’en fallait-ilcroire ?

Un coup d’œil de côté jeté sur le Nabab, dontla vaste personne encombrait le trottoir, lui révéla tout à coupdans cette démarche calée par le poids des écus, quelque chose debas et de canaille qu’il n’avait pas encore remarqué. Oui, c’étaitbien l’aventurier du Midi, pétri de ce limon qui couvre les quaisde Marseille piétinés par tous les nomades, les errants de ports demer. Bon généreux, parbleu ! comme les filles, comme lesvoleurs. Et l’or coulant par torrents dans ce milieu taré etluxueux, éclaboussant jusqu’aux murailles, lui semblait charriermaintenant toutes les scories, toutes les boues de sa source impureet fangeuse. Alors, lui, de Géry n’avait plus qu’une chose à faire,partir, quitter au plus vite cette place où il risquait decompromettre son nom, l’unique héritage paternel. Sans doute. Maisles deux frérots, là-bas au pays, qui payerait leur pension ?Qui soutiendrait le modeste foyer miraculeusement relevé par lesbeaux appointements de l’aîné, du chef de famille ? Ce mot dechef de famille le rejetait aussitôt dans un de ces combatsintérieurs où luttent l’intérêt et la conscience, – l’une brutale,solide, attaquant à fond avec des coups droits, l’autre fuyant,rompant par des dégagements subtils, – pendant que le braveJansoulet, cause ignorante du conflit, marchait à grandes enjambéesprès de son jeune ami, aspirant l’air avec délices du bout de soncigare allumé.

Jamais iln’avait été si heureux de vivre ; et cette soirée chezJenkins, son entrée dans le monde, à lui aussi, lui avait laisséune impression de portiques dressés comme pour un triomphe, defoule accourue, de fleurs jetées sur son passage… Tant il est vraique les choses n’existent que par les yeux qui les regardent… Quelsuccès ! Le duc, au moment de le quitter, l’engageant à venirvoir sa galerie ; ce qui signifiait les portes de l’hôtel Moraouvertes pour lui avant huit jours. Félicia Ruys consentant à faireson buste, de sorte qu’à la prochaine exposition le fils ducloutier aurait son portrait en marbre par la même grande artistequi avait signé celui du ministre d’État. N’était-ce pas lecontentement de toutes ses vanités enfantines ?

Et tous deux ruminant leurs pensées sombres oujoyeuses, ils marchaient l’un près de l’autre, absorbés, absentsd’eux-mêmes, si bien que la place Vendôme silencieuse, inondéed’une lumière bleue et glacée, sonna sous leurs pas avant qu’ils sefussent dit un mot.

« Déjà, dit le Nabab… J’aurais bien voulumarcher encore un peu… Ça vous va-t-il ? » Et, tout enfaisant deux ou trois fois le tour de la place, il laissait aller,par bouffées, l’immense joie dont il était plein :

« Comme il fait bon ! Comme onrespire !… Tonnerre de Dieu ! ma soirée de ce soir, je nela donnerais pas pour cent mille francs… Quel brave cœur que ceJenkins… Aimez-vous le genre de beauté de Félicia Ruys ? Moi,j’en raffole… Et le duc, quel grand seigneur ! si simple, siaimable… C’est beau Paris, n’est-ce pas, mon fils ?

– C’est trop compliqué pour moi… ça me faitpeur, répondit Paul de Géry d’une voix sourde.

– Oui, oui, je comprends, reprit l’autre avecune fatuité adorable. Vous n’avez pas encore l’habitude mais on s’yfait vite allez ! Regardez comme en un mois je me suis mis àl’aise.

– C’est que vous étiez déjà venu à Paris,vous… Vous l’aviez habité autrefois.

– Moi ? jamais de la vie… Qui vous a ditcela ?

– Tiens, je croyais… » répondit le jeunehomme, et tout de suite une foule de réflexions se précipitant dansson esprit : « Que lui avez-vous donc fait à ce baronHemerlingue ? C’est une haine à mort entre vous. »

Le Nabab resta une minute interdit. Ce nomd’Hemerlingue, jeté tout à coup dans sa joie, lui rappelait le seulépisode fâcheux de la soirée :

« À celui-là comme aux autres, dit-ild’une voix attristée, je n’ai jamais fait que du bien. Nous avonscommencé ensemble, misérablement. Nous avons grandi prospéré côte àcôte. Quand il a voulu partir de ses propres ailes, je l’aitoujours aidé, soutenu de mon mieux. C’est moi qui lui ai faitavoir dix ans de suite les fournitures de la flotte et del’armée ; presque toute sa fortune vient de là. Puis un beaumatin, cet imbécile de Bernois à sang lourd ne va-t-il pas setoquer d’une odalisque que la mère du bey avait fait chasser duharem ? La drôlesse était belle, ambitieuse, elle s’est faitépouser, et naturellement, après ce beau mariage, Hemerlingue a étéobligé de quitter Tunis… On lui avait fait croire que j’excitais lebey à lui fermer la principauté. Ce n’est pas vrai. J’ai obtenu, aucontraire, de Son Altesse, qu’Hemerlingue fils – un enfant de sapremière femme – resterait à Tunis pour surveiller leurs intérêtsen suspens, pendant que le père venait à Paris fonder sa maison debanque… Du reste, j’ai été bien récompensé de ma bonté… Lorsque, àla mort de mon pauvre Ahmed, le mouchir, son frère, est monté surle trône, les Hemerlingue, rentrés en faveur, n’ont cessé de medesservir auprès du nouveau maître. Le bey me fait toujours bonvisage ; mais mon crédit est ébranlé. Eh bien ! malgrécela, malgré tous les mauvais tours qu’Hemerlingue m’a joués, qu’ilme joue encore, j’étais prêt ce soir à lui tendre la main… Nonseulement ce misérable-là me la refuse ; mais il me faitinsulter par sa femme, une bête sauvage et méchante, qui ne mepardonne pas de n’avoir jamais voulu la recevoir à Tunis…Savez-vous comment elle m’a appelé tout à l’heure en passant devantmoi ? « Voleur et fils de chien… » Pas plus gênéeque ça, l’odalisque… C’est-à-dire que si je ne connaissais pas monHemerlingue aussi capon qu’il est gros… Après tout, bah !qu’ils disent ce qu’ils voudront. Je me moque d’eux. Est-ce qu’ilspeuvent contre moi ? Me démolir près du bey ? Ça m’estégal. Je n’ai plus rien à faire en Tunisie, et je m’en retirerai leplus tôt possible… Il n’y a qu’une ville, qu’un pays au monde,c’est Paris, Paris accueillant, hospitalier, pas bégueule, où touthomme intelligent trouve du large pour faire de grandes choses… Etmoi, maintenant, voyez-vous, de Géry, je veux faire de grandeschoses… J’en ai assez de la vie de mercanti… J’ai travaillé pendantvingt ans pour l’argent ; à présent je suis goulu de gloire,de considération, de renommée. Je veux être quelqu’un dansl’histoire de mon pays, et cela me sera facile. Avec mon immensefortune, ma connaissance des hommes, des affaires, ce que je senslà dans ma tête, je puis arriver à tout et j’aspire à tout… Aussicroyez-moi, mon cher enfant, ne me quittez jamais – on eût ditqu’il répondait à la pensée secrète de son jeune compagnon – restezfidèlement à mon bord. La mâture est solide ; j’ai du charbonplein mes soutes… Je vous jure que nous irons loin, et vite, nomd’un sort ! »

Le naïf Méridional répandait ainsi ses projetsdans la nuit avec force gestes expressifs, et, de temps à autre, enarpentant la place agrandie et déserte, majestueusement entourée deses palais muets et clos, il levait la tête vers l’homme de bronzede la colonne, comme s’il prenait à témoin ce grand parvenu dont laprésence au milieu de Paris autorise toutes les ambitions, rendtoutes les chimères vraisemblables.

Il y a chez la jeunesse une chaleur de cœur,un besoin d’enthousiasme que réveille le moindre effleurement. Àmesure que le Nabab parlait, de Géry sentait fuir ses soupçons ettoute sa sympathie renaître avec une nuance de pitié… Non, biencertainement cet homme-là n’était pas un coquin, mais un pauvreêtre illusionné à qui la fortune montait à la tête comme un vintrop capiteux pour un estomac longtemps abreuvé d’eau. Seul aumilieu de Paris, entouré d’ennemis et d’exploiteurs, Jansoulet luifaisait l’effet d’un piéton chargé d’or traversant un bois malhanté dans l’ombre et sans armes. Et il pensait qu’il serait bienau protégé de veiller sans en avoir l’air sur le protecteur, dedevenir le Télémaque clairvoyant de ce Mentor aveugle, de luimontrer les fondrières, de le défendre contre les détrousseurs, del’aider enfin à se débattre dans tout ce fourmillement d’embuscadesnocturnes qu’il sentait rôder férocement autour du Nabab et de sesmillions.

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