Les Deux Consciences

XX

Sous la lumière automnale des hautes verrièresversant un jour bas et mouillé, le président, toque galonnée d’or,robe écarlate fourrée d’hermine, entre ses deux assesseurs, robeset toques noires. À la droite de la Cour le procureur royal, toqueà galons d’argent, une tête pâle et pincée, le regard flottant, lescheveux et la barbe corrects. À gauche, longitudinalement, lestrois bancs en gradins du jury, faisant face à l’accusé, assisdevant le banc la défense. Dans la travée, un siège pour lestémoins.

Tout de suite la lutte se précisa. Hoorn, net,calme, frémissant, fit voir que l’Idée était là sous les traits del’homme incriminé. Le ministère public, froid, minutieusementpolissait ses ongles à la lime, d’un dédain et d’une assurancehéraldiques. Une petite noblesse de chef-lieu, aux placesréservées, se pressait. Depuis une semaine, les salonsdisaient : « Nous allons entendre notre grandhomme. » Il avait publié des petits vers dans des revuesecclésiastiques. Les douairières goûtaient ses laus à la Vierge,galants et caramélés. On le disait lui-même, grâce à une particulepéniblement acquise, un peu de leur monde.

Wildman, dès l’ouverture de l’audience, avaitdécouragé l’attente publique. Il parut las, indifférent, le frontbas, comme en dehors de la cause. Il n’eut qu’un mot, maispathétique et fier, en désignant d’un geste les livres étalésdevant Hoorn :

– Voilà mes trophées et mes armes. Mêmebrisés, ils tiendront encore debout !

Et ensuite, il s’était tu. Les minutes, dèslors, furent longues et ternes. Hoorn et la Cour agitèrent de lajurisprudence. Les voix, dans l’atmosphère basse, mouraientsourdement sous les voûtes. Wildman quelquefois regardait l’énormeChrist livide, écartelé sur le mur, devant lui. Il regardait aussiles douze hommes qui étaient là, têtes rurales, bourrues, froncéesde silence.

Un remous soudain palpita. Le président, unhomme grave, simple, bienveillant, se tournait vers les jurés, leurannonçait que ses assesseurs et lui allaient lire alternativementle livre déféré à leur conscience. Comme le dit aussitôt Hoorn,c’était en apparence une petite chose, mais qui seule était à lamesure de la vérité et de la justice. Wildman songea que Moinetaussi, en l’écoutant pendant quatre jours, avait fait une chosegrande selon la vraie justice.

Un silence vivant enveloppa la lecture. Ellereprit l’après-midi, se prolongea sous les lampes. Les fronts, auvent des paroles, se courbaient, lourds. Là-haut le grand Christ,transpercé de feux roses, avec le trou d’ombre de la croix derrièreses épaules, pantelait en un spasme suprême. Il sembla, dans laténèbre du monde, faire le geste de tous ceux qui souffrent pourune religion ou une idée. La terre par delà les hautes vitres étaittriste.

Wildman maintenant, à travers le bourdonnementdes voix, écouta lui revenir sa propre pensée. La volupté, lanature d’abord palpitèrent aux grâces de la fable. Les allégoriescoururent nues dans les matins du paradis terrestre. Un dieuhumain, centre de la vie et des éternités, promulguait le baiser,l’amour fécond, les races. C’était le cantique à la joie dumonde.

Soudain les poix et les soufres rugissaient,comme aux pages furieuses d’une bible. Il sembla qu’à ténèbres,sous les ombres gothiques d’une salle capitulaire, le prieur lût lamenace des châtiments éternels. L’âme simple des jurés frissonnait,souffrait. Quelques-uns visiblement restaient épouvantés dans leurvieille foi aux dogmes d’enfance. Hoorn d’un souffle lesdésigna.

– Celles-ci sont des âmes mortes… Nousn’avons rien à en attendre.

Wildman haussa les épaules. Ses tempes segonflèrent ; il prit sa barbe à pleines mains et la leva versle Christ. Celui-là aussi avait renoncé à l’estime des fauxmoralistes de son temps ; il avait accepté les outrages, leshumiliations, la mort, afin qu’après lui, nourrie de son agonie, lalégende fît triompher l’Idée. Wildman encore une fois pouvaitdire : « Moi, Wildman… »

Et puis c’était la lecture de la troisièmepartie, le recommencement du conte heureux des âges. L’apologue,émaillé et fleuri, apparut le livre d’heures des grâces du monde. Àprésent l’œuvre, dans son ensemble, se dénonçait le large flot d’unfleuve charriant des nuées, des aurores, des limons et de la vie.Il passait d’un poids d’éternité et courait se fondre dans lagrande mer sacrée du Râmayana et des Védas. Hoorn le sentitfrémissant, reconquis à ses destins ; il conjectura lavictoire.

– Maître, nous les tiendrons sous nospieds.

– Oui, sous nos pieds… Comme de là-haut,je tenais aussi la ville.

Et il levait sa main au bout de ses bras,aussi haut qu’il pouvait, vers le sommet de la tour.

Le second jour les ombres reparurent :Bethannie lui écrivait que Jorg et elle ne cessaient pas de prierpour qu’il fût rendu à la vérité éternelle. Elle finissait par luiannoncer la grande nouvelle : Dieu s’était révélé à l’enfantpendant la nuit et lui avait marqué sa vocation. Jorg se vouerait àla prêtrise.

Wildman sentit rouler son cœur sur la dalle.La mort d’une fois lui glaça tout l’être ; et un sanglot muetdans sa barbe, avec stupeur il se répétait à lui-même :

– Prêtre… Prêtre…

Il relut cent fois la lettre. Prêtre… prêtre,ce Jorg dont il aurait voulu faire un homme libre. C’était bien lafin : Dieu le lui volait comme sa mère le lui avait volé.

Il vit, en marge du dernier feuillet, uneligne d’écriture tremblotée, puérile, qu’il n’avait pas encoreremarquée. « Papa, disait l’enfant, demande bien pardon à Dieuet aux hommes. »

Il se sentit jugé par son fils : unegrande honte l’accabla, comme si pour la première fois il se sentîtvraiment coupable. Déjà Jorg parlait comme Bethannie, comme toutesles autres âmes mortes. Et puis il douta que l’enfant eût pu écrirecette affreuse ligne, sèche et morne : il implora de ce filspâle et charmant son pardon pour l’avoir cru capable d’un telendurcissement. Il pleurait en embrassant à chaudes lèvres lepapier ; il eût voulu par ses larmes en effacer l’encredétestée.

– Jorg, mon Jorg ! toi, unprêtre !

Le coup le vida comme par une large blessure.Son sang, ses énergies tarirent. Il défaillit à l’idée que c’étaitlà comme la lettre de la famille au condamné, la lettre exhortant àbien mourir.

Il entra à l’audience faible, abattu…

Les mêmes silhouettes, sous le jour d’eaubrouillée des fenêtres, firent le même geste dans le vent desgrandes manches, et la Cour, le ministère public tournaient le dosau Christ livide, comme si celui-ci n’était pas mort pour eux, maisseulement pour les pauvres diables assis sur le banc d’infamie. Ilsn’auraient pu mieux exprimer que les douleurs du divin supplicié neles concernaient pas.

Wildman soudain entendit appeler Moinet. Iltressaillit, ses nerfs se tendirent. Et la porte de la salle destémoins s’ouvrit, toute l’ombre une seconde encadra la petite têteen pointe du juge qui, en sautillant aux basques longues de saredingote, s’avançait.

– Veuillez nous dire, en votre qualité dejuge d’instruction… faisait le Président.

Moinet, souriant, ses petites roses tremblantà ses pommettes, de mémoire repassa toute l’instruction. Il étaitassis sur le bord de sa chaise, les pieds rentrés sous lui ;il avait croisé les mains sur ses genoux et à petits coups rapidesquelquefois mouillait ses lèvres.

Il eut le tort de trop laisser percer saforce, son assurance. Le Président à deux reprises dut le prierd’abréger. Avec modestie, avec tout l’orgueil d’avoirvolontairement dépassé les limites de sa mission de juge, il fitobserver que le prévenu, lui, avait eu quatre jours pours’expliquer. Il parut se résigner à la défaite, il était sûr de lavictoire. Il eut peur de laisser paraître son triomphe à l’éclateffrayant de ses petites prunelles aiguës derrière le pince-nez etabaissa les yeux. Un frisson courut, il sembla, si humble au bordde sa chaise, grandir jusqu’aux pieds du Christ.

Le Président, cette fois, rendit hommage à sonzèle et à ses scrupules. Wildman, de son côté, fut forcé d’admirercet être subalterne et qui avait le génie de l’Inquisition.

Moinet librement parla. Il se borna à exprimerles faits, comme il disait. Selon sa méthode il groupa ou isola despassages, dénaturant leur sens, les retournant contre l’auteur, endégageant l’idée consciente du mal et du péché. Sa déposition sedénonça accablante pour Wildman. Lui-même avec complaisance avaitaggravé par des commentaires l’immoralité de son œuvre. Elleapparut flagrante. Moinet évitait d’en parler : elle résultabien plus terriblement des précautions qu’il prenait pour laisserles jurés conclure eux-mêmes. Il n’eût pas parlé autrement troissiècles plus tôt, s’il avait dû instruire un procès d’hérésie. Sapetite voix aigre, grelottée, alla remuer les vieux échos de lasalle de torture.

Hoorn, très calme, d’abord prit desnotes ; et puis, comme Moinet parlait toujours, il se croisales bras. Le petit juge, carapacé d’astuce, de fureur, de justice,étonnait l’assistance : il sembla s’être révélé pour lapremière fois. Le Président, amusé comme d’une joute, le mentondans la main, du coin de l’œil souriait.

Malheureusement Moinet voulut tout dire ;à force de conscience, il compromit son effet. Il fut, à un moment,à lui seul l’instruction, le réquisitoire et déjà le verdict.Wildman l’admira, frémit, l’eut en horreur. « Lemisérable ! pensait-il, il me tue en ayant l’air de me sauveret, chose horrible ! il me tue avec les armes que je lui aifournies. » Hoorn, bourru, fiévreux, maintenant haussait lesépaules, le coupait, tâchait de le décourager par sesinterruptions. Tout bas il dit à Wildman :
– Celui-là serait plus fort que tous si l’Idée n’était encoreplus forte que lui. Le procureur le sent bien. Voyez comme il leregarde : il voudrait le foudroyer ; il sent que sonréquisitoire est perdu. Et il le méprise autant qu’il l’envie.

Mais Wildman était retombé à sa destinée. Ilpensait à Jorg, à l’âme morne du prêtre qu’un jour il porteraitsous sa soutane. Il se vit condamné par lui, au nom du Christ,comme il l’était par le juge, au nom de la société ; et tousdeux étaient les ministres de la conscience humaine. Ses fibres sedéchirèrent ; il ne pouvait plus chasser l’idée des clous queMoinet enfonçait dans le banc des accusés. Son sang s’épaissit.

– J’étouffe ! cria-t-il, sous unreflux soudain de congestion.

La salle s’agita, Moinet fut assuré qu’iltriomphait. Hoorn rapidement, en le soutenant, entraînait Wildmanvers la porte.

Toute cette longue journée, il fut avec lesombres. À peine il prêta attention aux péripéties de la reprised’audience. L’intermède bouffon des deux experts médicaux qui toutà coup écrasait sous le ridicule le parquet, ne le dérida pas.Moinet, assis derrière la Cour, sous le grand Christ, vit rire lesjurés, comprit sa bévue et jugea tout compromis. Et puis c’était,avec le geste pathétique des manches rejetées comme un défi, leréquisitoire de l’homme aux yeux pâles, débité d’une voixpersiflante, acide et flûtée. La petite noblesse provinciale, quienfin entendait parler son grand homme, tenta de manifester. Sesfrémissements furent énergiquement réprimés par le président,toujours souriant, grave et correct. Wildman, fléchi, ne paraissaitrien entendre. On remarqua qu’à chaque instant il passait sa mainsur la nuque. Hoorn lui demanda s’il souffrait.

– Oui, répondit-il, c’est comme lasensation en moi qu’ils ont cassé ma vie.

La nuit tomba : l’audience fut levée.Hoorn craignit pour lui la solitude et voulut le garder. Le repass’allongea. Wildman lui-même, en riant, disait que c’était leurveillée d’armes. Son humeur sans cesse variait, brusque, cordiale,aigre, apathique. La fièvre, la passion, les plus noirs soucis luidonnèrent un air farouche et secret. Il eut soudain de vraieslarmes en regardant la beauté rieuse des enfants de Hoorn : ilne cessait pas de les contempler. Il dit à la femme del’avocat :

– J’avais aussi une femme, j’avais unfils…

Il fut sur le point d’ajouter qu’il les avaitperdus et s’arrêta. Il laissa deviner qu’une chose affreuse s’étaitaccomplie et qu’il en restait pour jamais frappé. Il reprit ensouriant tristement :

– N’est-ce pas curieux que moi quitoujours célébrai la joie et la vie, je n’aie pu êtreheureux ?

Le contraste de son âme attristée avec laphilosophie claire et bienveillante de ses livres les accabla.Hoorn, dans cette minute de sympathie et de souffrance, sentitfrémir l’âme profonde de sa plaidoirie. Il serra la main deWildman.

– Maître, n’êtes-vous pas assuré del’admiration et de la reconnaissance des hommes ?

– Les hommes… les hommes… valent-ilsseulement la peine qu’on leur sacrifie sa vie ? Et voilà, oui,Hoorn, je leur ai tout sacrifié. C’est une histoire que vous saurezun jour.

– Mais, fit l’avocat, ne suffit-il pasque vous soyez l’écrivain Wildman pour vous sentir vengéd’eux ? Est-ce que vous ne tenez pas sous vos pieds l’humanitéinférieure, vous qui du front avez touché à la haute humanitéfuture ?

Le visage de Wildman s’éclaira : il eutaux tempes un reflet d’aube, comme si un jour nouveau naissait. Et,comme l’autre fois, il levait très haut la main, indiquait unechose au-dessus de tous, en pleine nuée.

– Oui, ami, vous avez raison. Il fautqu’on sache que Wildman est monté à la tour et que de là-haut ildominait le monde. Et il n’a pas fini d’y monter, il y monteraencore, Hoorn, pour confondre ses ennemis et afin que tout le mondesache bien qu’un homme a osé monter par delà la chambre descloches, se tenir seul là-haut, en plein ciel.

L’orgueil lui faisait un souffle à l’égal duvent qui grondait dans la tour ; il regardait très loin avecdes yeux de songe.

Ils sortirent. Hoorn voulut l’accompagnerjusqu’à son logis. La nue était basse, livide, suintante. Ilstraversèrent la place au pied du beffroi, les flaquess’éclaboussaient de jets rouges aux gaz filtrés par la vitre descafés. Des formes indistinctes rôdaient ; les réverbèresespaçaient les cierges d’une procession de pénitents, dans une nuitde supplice. Et Wildman frissonnait, en proie à la visionhallucinante. Il se baissa, frappa de son talon les pavés.

– Peut-être ils auraient ici dressé monbûcher, dit-il.

Sa sensibilité était ardente et morbide. Dessueurs d’angoisse le gagnèrent ; les hautes parties de sonêtre entrèrent dans la mort. Hoorn rapidement l’entraîna ;mais le rêve horrible ne le quittait pas ; les ombres de toutleur poids pesaient sur son âme. Et l’avocatdisait : – Moi aussi, maître Wildman, j’étais commecela autrefois. Voyez-vous, il faut avoir raison des villes commecelle-ci, ou ce sont elles qui vous dévorent. Elles sont les goulesmangeuses d’hommes et d’énergies. Il y a ici tout un peuple miné defièvre et de misère : il meurt à chaque heure du jour et n’apas même la force de regarder là-bas par où la mer va venir.

– Non, non, s’écria Wildman, ce n’est pasla ville, c’est la vieille société qui se referme sur moi pourm’étouffer.

Il cessa de parler. Ils tournèrent l’angled’une rue ; Wildman tira la sonnette de l’hôtel. Un instantils demeurèrent sous la pluie, la main dans la main. Et puis d’uneeffusion fraternelle, soudain l’écrivain l’attirait, le pressaitcontre lui.

– Hoorn, je voudrais vous dire une chose.Si, pour une cause quelconque, je ne pouvais achever mon livre,dites bien que ce que j’ai écrit, je l’ai écrit pour le bien deshommes. Pan allait révéler aux Bergers la destinée humaine quandils m’ont fait tomber la plume des doigts. Il n’y a que lui et moiqui sachions à cette heure ce qu’il voulait dire ; et il nel’a pas dit, Hoorn. Qui peut affirmer qu’il le dirajamais ?

– Je suis votre fils, je suis votredisciple, profondément, dit Hoorn. Toute parole de vous à jamaisrestera inscrite là, afin que, le jour venu, j’en puissetémoigner.

La minute les enveloppa triste, solennelle,affectueuse ; et ensuite ils se quittèrent.

Ce furent les suprêmes paroles de Wildman. Dèslors son âme s’entoura de silence, et sa destinée soudain futobscure. On ne sut jamais la cause de sa mort : elle demeuraeffrayante dans son mystère, soit qu’elle fût volontaire, soitqu’il eût été victime d’une brève démence, d’un vertige, ousimplement d’un accident.

Wildman, pendant la suspension d’audience, lelendemain, traversa la place. Il alla frapper au guichet dubeffroi : le gardien le connaissait et lui ouvrit.Vraisemblablement, comme il l’avait dit à Hoorn, l’écrivain unedernière fois voulut monter à la tour, afin qu’on connût qu’unhomme avait osé se tenir seul là-haut, en plein ciel. Nul doute quece ne fût, dans sa pensée, le symbole même de sa vie. Et il étaitmonté : il avait dépassé les quatre cadrans del’horloge ; le vent, dans l’énorme spirale, comme un poumonsoufflait tandis que toujours plus bas descendait la ville. Onconjectura qu’il avait trouvé ouverte la chambre des cloches ;il s’était engagé sur la mince passerelle d’où les sonneurs selançaient pour ébranler l’énorme battant du bourdon. La cavités’était déployée, immense, un gouffre d’ombre plongeante, l’horreurillimitée des séculaires ténèbres.

Hoorn cependant, après une assez longueattente, se décidait à plaider. Quand il évoqua l’écrivain deboutsur la dernière plate-forme et avec la lucidité du génie regardantvenir la mer, tout le monde fut convaincu qu’il avait voulu parlerde la vérité qui, elle aussi, par les chemins de la terre et duciel, arriverait un jour pour les hommes. Son âme libre de Flamandgronda comme le poumon de la tour : il fit tressaillir lapatrie, les origines chez les rudes jurés, eux-mêmes fils desbeffrois de Flandre. Moinet, lui, trembla comme à l’église, sousles trompettes exterminatrices de l’archange.

Le Président ensuite remettait au commandantdes gendarmes la clef de la chambre des délibérations. La terribleporte se referma sur la mort. Après une heure, elle se rouvrit surla vie, l’Idée triomphait.

Dans la demi-ténèbre rougeoyée par les lampes,le chef du jury levait la main :

– Par huit voix contre quatre,non !

Une rumeur, des cris retentirent. On vit Hoorntout à coup se renverser en sanglotant, sa tête dans ses poings. Unde ses stagiaires venait de lui communiquer l’affreusenouvelle.

Le gardien de la tour, inquiet que le visiteurne descendît pas, s’était décidé à monter. Il avait appelé lesveilleurs : ils avaient trouvé la chambre des cloches béante.Elles semblèrent avoir été investies des puissances de la vieillesociété pour empêcher Wildman de monter plus haut. Cent pieds plusbas, celui-ci gisait, le crâne éclaté, vide de ses moelles.

Hoorn fit un effort, se dressa, les brasdéployés :

– La vieille société s’est chargée d’uncrime nouveau, s’écria-t-il. Messieurs les jurés, c’est un mort quevous venez d’acquitter !

Personne ainsi jamais ne sut ce que Pan avaitvoulu dire. Lui seul, l’écrivain Wildman l’avait su, et il étaitmort avec ce secret.

Février-avril 1901.

FIN

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer