Balaoo

I – LA PATIENCE DE BALAOO A DESBORNES

Quand Balaoo apparut sur la lisière de laforêt, le soleil d’automne, qui se couchait derrière le petit bourgde Saint-Martin-des-Bois, lui envoya son dernier rayon. Et Balaoo,ébloui, rentra immédiatement sous bois, attendant la nuit pleine,car, pour rien au monde, il n’eût voulu se trouver en face d’un dela race humaine, avec son paletot en loques et son pantalondéchiré.

Sans compter qu’il avait perdu son chapeau.Cette tenue négligée et le coup qu’il venait de faire à Riom,l’avaient, du reste, incité jusque-là à fuir la grand-route et à seméfier des passants. Tranquillement, il s’assit au cœur d’un fourréet s’appuya au tronc d’un hêtre aux fins de passer ses bottes qu’ilôtait généralement pour traverser la forêt et quand il était sûr dene point rencontrer un de la race humaine.

C’est qu’on lui avait appris à ne jamaisattirer l’attention, soit par sa mise, soit par ses gestes desauvage. Depuis qu’on lui avait expliqué ce que c’était qu’unanthropopithèque[7], il exagérait la douceur et latimidité de ses manières, car, pour rien au monde, il n’eût vouluêtre confondu avec un de la race singe qui est si mal élevée.C’était déjà bien assez de passer, à cause de ses yeux bridés, deson nez légèrement épaté et de sa face aux larges méplats, pour unnaturel d’Haï-Nan que le Dr Coriolis, qui avait été consul àBatavia, avait ramené de ses voyages et attaché à son service, enqualité de jardinier.

Balaoo mettait donc ses bottes. Comme iléprouvait quelque difficulté à y faire entrer ses mainspostérieures (car Balaoo a beau dire, tout anthropopithèque qu’ilest, il tient encore plus du singe que de l’homme, puisqu’il aquatre mains, ce qui est la caractéristique évidente duquadrumane), il poussait de légers soupirs, c’est-à-dire qu’ilfaisait entendre des grondements que les habitants deSaint-Martin-des-Bois avaient, plus d’une fois, pris pour desbruits précurseurs de l’orage.

Au surplus, c’était encore une de ses pluschères distractions que d’imiter, loin des hommes, et pour leurfaire peur, avec sa voix retentissante et roulante, le tonnerre. Ilse rappelait très bien avoir vu son père et sa mère procurer àtoute la maisonnée, à ses petits frères, à ses petites sœurs, à savieille tante, et à lui-même, Balaoo, une joie indicible en sefrappant des coups sur la poitrine là-bas, au fond de la forêt deBandang, pas bien loin des villages de roseaux, suspendus au-dessusdes marécages. Ils se frappaient sur la poitrine comme deschanteurs hommes qui vont chanter, et ils en sortaient le tonnerre.Ah ! ça ne traînait pas !… Cachés derrière lespalétuviers, ils voyaient aussitôt ceux de la race humaine les plusbraves, même les Dayacks, qui sont armés de flèches, fuir, commedes rats d’eau, à la recherche d’un abri, d’un kampong bienfortifié, derrière lequel on les entendait implorer PattiPalang-Kaing, le roi des animaux lui-même. On riait bien dans cetemps-là !

Balaoo était sur ses bottes. Il pensait que,maintenant, dès qu’il imitait la voix du tonnerre, il était grondéen rentrant à la maison. Et il y avait de quoi, certainement, carenfin il risquait qu’on s’aperçût un beau jour que le tonnerre,c’était lui. Et le maître lui avait dit carrément qu’il nerépondrait plus de rien, de rien !… Ceux de la race humaine letraiteraient comme un gorille ou un vulgaire gibbon. Il irait dansune cage : ce serait bien fait. Il devait réfléchir à cela. Ilréfléchissait surtout, dans le moment, au coup qu’il venait defaire à Riom.

Et comme, à la dernière lueur du jour, il vitpasser, sur la route, deux gendarmes, les poils ras du sommet de satête se hérissèrent et commencèrent de se mouvoir rapidement, signeindiscutable d’effroi… et de colère.

Il trouvait que les gendarmes ne s’en allaientpas assez vite. Il était en retard. Depuis deux jours qu’il étaitparti, que devaient dire son maître etMlle Madeleine ? Il entendait déjà leursreproches : ils avaient dû le chercher, l’appeler dans laforêt. Tout de même, avant de rentrer, il devait aller prévenir Zoédu coup qu’il avait fait à Riom.

La route était libre. Il la traversa d’un bondet, à travers champs, courut vers la masure des Trois FrèresVautrin.

Quand il poussa la porte, une ombre, accroupieau coin de l’âtre, demanda :

– Qui est là ? Ilrépondit :

– C’est moi, Noël.

La voix de Balaoo était à la fois sourde etgutturale, raclant les syllabes au fond du gosier. On avait usé desflacons de sirop à lui humaniser cette voix-là. Elle étaitun peu déchirante, énervante, mais point déplaisante à entendre. Etmême, avec cette voix-là, comme il avait le génie de l’imitation,il arrivait à imiter bien des voix, mais sa voix naturelle, à lui,faisait plaindre une laryngite incurable. Quand il tentait del’adoucir, en parlant aux demoiselles, elle produisait unsifflement bizarre qui faisait rire, ce dont il souffrait beaucoup.Il racontait couramment que c’était l’abus du bétel qui lui avaitprocuré cette singulière atonie, au temps de sa jeunesse. Mais,bien entendu, depuis qu’il était au service du bon maître Coriolis,il ne chiquait plus !

– C’est moi, Noël !…

L’ombre, au coin de l’âtre, s’était levée etune autre ombre, au fond d’une alcôve, dans la muraille, s’étaitdressée sur son séant. La mère Vautrin l’impotente, et la petiteZoé l’interrogeaient.

Zoé craquait une allumette. Balaoo labouscula, mit sa botte sur le bois enflammé. Il signala lesgendarmes sur la route et fit comprendre qu’il ne voulait pas êtrevu dans la cabane. La vieille mère gémissait dans la nuit etrâlait, car elle était très malade ; mais une phrase de Balaoolui rendit la respiration.

– Une carriole les amènera cette nuit, àonze heures… tenez-vous prêtes…

Zoé était à genoux, embrassait les bottes del’anthropopithèque :

– Tu les as sauvés, Noël ?… Tu lesas vus ?… Ils vont venir tous les trois ?

Et elle les nomma tous les trois pour êtresûre qu’il n’en manquerait pas un.

– Siméon ? Élie ?Hubert ?

Balaoo grogna : Siméon, Élie, Hubert.

– Tu as fait ça, Noël ? Tu as faitça ?

Et, comme elle se traînait à ses pieds, il larepoussa du talon. Cette petite fille l’agaçait : quand sesfrères étaient en liberté, elle se plaignait toujours d’être battueet, maintenant qu’elle apprenait qu’ils s’étaient sauvés de leurprison, elle léchait, de joie, du cuir de botte !

– Vite ! dit-il, il faut que jerentre. Qu’est-ce qu’ils vont dire là-bas ?

La petite pleura :

– Mlle Madeleine t’acherché toute la journée. Elle est allée partout dans la forêt enchantant : Balaoo !… Balaoo !… Balaoo !…

– Pitié de moi ! fit Balaoo en sedonnant un grand coup de poing sur la poitrine qui résonna comme ungong, et il ne salua même point la vieille, tant il avait hâted’être dehors.

Dehors, il renifla. Ça ne sentait plus legendarme. Il prit par les vignes, chemin qu’il connaissait pourl’avoir suivi cent fois, quand il sautait le mur de son maître pourvenir chercher les Vautrin et courir, avec eux, l’aventure, oufaire une noce carabinée dans la forêt. Et, tout de suite, ilarriva sur les derrières de la propriété Coriolis, à la petiteporte qui donnait sur les bois. Avec précaution, il respira lesentier qui conduisait à la gare, mais ça ne sentait pas levoyageur. Alors, en tremblant, il tira le cordon de la sonnette.Celle-ci tintinnabula avec une telle force que Balaoo fut près dedéfaillir.

Au-delà du mur, des pas firent craquer lesfeuilles mortes.

Balaoo se mit à genoux sur le seuil depierre.

La porte s’ouvrit et Balaoo se sentit tout desuite pris par l’oreille.

– Vaurien ! lui dit une jeune voixféminine, irritée ; tu vas me payer ça !… Deux jours etdeux nuits dehors. Et dans quel état ! Ah ! c’est dupropre ! J’en pleurerais !… J’en ai pleuré,Balaoo !… J’en ai pleuré !… Ah ! ne pleure pas, toi,ne pleure pas ! Tu vas ameuter tout le village ! Espècede petit voyou ! En loques ! En loques !… unpantalon tout neuf… Ton paletot de la Belle Jardinière !… Tues allé encore dans les arbres, dis !… Tu es allé rêver à lalune !… Papa en est malade.

Traîné par l’oreille, docile, repentant,larmoyant et le cœur sonore du remords qui le faisait battre,Balaoo se laissa conduire jusque chez lui. Mais, arrivé tout aubout du fameux potager où il était censé travailler fortmystérieusement, avec M. Coriolis, aux différentestransformations de la plante à pain, et les portes de sonappartement poussées, il se trouva en face de Coriolis lui-même.Aussitôt, il fit un mouvement comme pour regagner, d’un bond, laforêt propice.

La figure de Coriolis était plus froide, plusmorte qu’un marbre.

Balaoo connaissait cette tête-là. Il neredoutait rien tant que de la voir. Il eût préféré les coups dematraque et même les coups de fouet avec lesquels on avait domptésa première jeunesse, que le muet reproche de ces yeux immobiles,de ce masque méprisant et hautain d’un de la race humaine qui a eutort, évidemment, de croire que l’on pourrait faire quelque chosede bien avec un simple anthropopithèque.

Et les lèvres de Coriolis (si elles remuaient,car il leur arrivait de rester fermées des jours, comme si laparole humaine allait se déshonorer avec un anthropopithèque), etles lèvres allaient peut-être lui demander devantMlle Madeleine – quelle honte ! – comment seportaient ses amis : le gros sanglier de la Crau-mort et lalaie, sa compagne, et les marcassins, leurs petits ; ou s’ilavait de bonnes nouvelles de la famille des loups qui dorment surla pierre plate du Roc de Madon. Quelle misère ! Lui quifréquentait les frères Vautrin avant leur entrée en prison !Et qui était traité par eux en camarade de la même race ! Etcela encore, il ne pouvait pas le dire, évidemment, car le maîtrelui avait déclaré un jour qu’il l’avait rencontré sur la route, aumilieu des trois compères, qu’il eût préféré l’avoir vu dans lasociété des hyènes et des chacals. Alors ! On ne savaitplus ! Ils étaient pourtant bien, eux, de la race humaine.

Coriolis remua les lèvres :

– Tourne-toi !

Balaoo n’obéit point.

– Tourne-toi ! répéta Coriolis.

Mais Balaoo fit comme s’il n’avait pasentendu. Il savait que son paletot n’était plus qu’une loque et quele fond de son pantalon pendait. Jamais il ne montrerait uneaffaire pareille devant Mlle Madeleine.

Coriolis fit un pas vers Balaoo. Celui-ci seprit à trembler de tous ses membres. Madeleine s’interposa avec sadouce voix, avec son doux visage suppliant. Elle avait compris lahonte de Balaoo. Elle voulait lui éviter le déshonneur. Il avaitdes larmes dans les yeux. Ah ! Celle-là ! Ill’aimait ! Il l’aimait ! Il l’aimait ! Comme ill’aimait !…

Mais le docteur ordonna :

– Je veux qu’il se retourne !

Alors, la douce voix dit :

– Retourne-toi, mon petit Balaoo.

Ah ! Mon petit Balaoo !Elle pouvait faire de lui tout ce qu’elle voulait quand elleoubliait son nom de la race humaine pour lui donner celui qu’iltenait de son père et de sa mère de la forêt de Bandang…Balaoo !…

Balaoo enfonça les ongles de ses pieds dans lecuir de ses bottes et se retourna :

Aussitôt, il y eut, dans la pièce, un rirequ’il ne connaissait pas !…

Il fit un demi-tour terrible ! Un hommeétait là qu’il reconnut tout de suite pour l’avoir rencontréquelquefois dans la rue du village !…

C’était l’ami du petit homme noir qui boitaitet que lui, Balaoo, ne pouvait voir en peinture, l’ami de ceM. Bombarda, qu’il giflait chaque fois que l’occasion s’enprésentait. C’était aussi l’ami des gendarmes qui avaientemprisonné les Trois Frères. Est-ce qu’il venait pourl’emprisonner, lui aussi ? Qu’est-ce qu’il faisait là ?C’était la première fois qu’on lui faisait l’honneur de lui amenerun étranger chez lui ! C’était la première fois qu’il recevaitun hôte sous son toit ! Qu’on daignait lui présenter dans sesappartements un de la Race ! Par Patti Palang-Kaing ! Parson roi, par son dieu ! L’homme avait ri devant le fond deculotte de l’anthropopithèque. Mais le demi-tour de Balaoo avaitété si rapide et si effrayant que le rire de l’homme en avait étécassé et que l’homme, épouvanté, s’était jeté derrière latable.

– N’ayez donc pas peur, monsieur, fitCoriolis, il n’est pas méchant. Il ne ferait pas de mal à unemouche !

« À une mouche, grognait Balaoo dans sonfor intérieur… À une mouche !… Va donc demander à Camus, letailleur du cours National, qui se moquait tout le temps de moi… Vadonc lui demander si je ne ferais pas de mal à unemouche ! »

Coriolis commanda :

– Viens ici, Noël !

Et, comme Balaoo s’avançait, frémissant,Coriolis, à la noble barbe blanche, qui avait retrouvé son langaged’ami, donna à l’anthropopithèque une petite tape de sa dextrecaressante sur la joue rageuse. Balaoo rentra ses canines ets’essuya le front avec son mouchoir. Il était temps. Encore un peuplus, l’étranger l’aurait pris pour une brute.

L’étranger dit :

– C’est extraordinaire ! J’ai vu dessinges dans les music-halls ! Mais jamais… jamais !

Balaoo mit ses deux poings sur sa bouche pourempêcher le tonnerre qui gonflait sa poitrine de sortir. Coriolisdit :

– Ne prononcez jamais devant lui cemot-là !

– Lequel ?

– Singe !

– Ah ! Il comprend à cepoint ?

– Eh ! Regardez-moi la mine qu’ilfait et dites-moi s’il ne comprend pas ?

– En effet, il me fait peur, déclaral’étranger avec un mouvement de recul.

– Encore une fois, ne craignez rien. Vousl’avez contrarié avec ce mot-là mais il ne ferait pas de mal à unemouche !

« Il m’embête avec sa mouche, pensaBalaoo. Qu’il aille donc demander à Lombard, le perruquier de larue Verte, l’ami de Camus… qu’il aille donc lui demander si je nefais pas de mal à une mouche ! »

– Oh ! il comprend tout !reprit Coriolis.

– Et vous dites qu’il parle ?

– Mieux que nos paysans ! Parle,Balaoo, dis-moi quelque chose.

Balaoo, en se voyant ainsi traité comme uncurieux animal de foire devant un de la Race, tourna sa pauvre faceravagée par le désespoir et la honte du côté de celle qui avaittoujours été, dans les pires épreuves, sa suprême consolation et,quelquefois, dans la nuit animale où son cerveau retombait, sonétoile de salut.

Madeleine, qui voit sa peine, lui sourit enprononçant cette phrase :

– Civilité, n° 10.

L’anthropopithèque se retourna aussitôt versl’étranger.

– Je n’ai pas encore eu l’honneur de vousêtre présenté, monsieur, fait-il, d’une voix rugissante, dont lamaison tremble.

– Oh ! s’exclama l’étranger.Oh ! Ah ! Ah !…

Et il ouvre les yeux de quelqu’un qui vagaloper de peur. Mais Coriolis n’est pas content :

– Poliment ! reprend-il,poliment !… Avec ta voix la plus douce.

– Va ! Balaoo ! Avec ta voix laplus douce… insiste Madeleine, à la voix douce.

Et Balaoo répète la phrase :

– Je n’ai pas encore eu l’honneur de vousêtre présenté, monsieur (avec cette voix qui faisait toujours rireles demoiselles, mais qui ne fit pas rire Madeleine).

– Mais c’est inouï, clame l’autre de laRace, inouï… Inouï… Ce n’est pas possible… Ce n’est pas unanthropopithèque !

– Ce n’en est plus un, obtempèreCoriolis : c’est un homme !

À ces mots, Balaoo, triomphant, relève unfront d’orgueil. Coriolis procède aux présentations comme dans lemanuel de civilité :

– J’ai l’honneur de vous présenterM. Noël, mon plus précieux collaborateur dans mes études de laplante à pain.

Puis, à Balaoo :

– Monsieur Herment de Meyrentin, juged’instruction qui désirait fort vous connaître, mon cher ami :asseyez-vous, messieurs.

Ces messieurs s’assoient.

– Tu sais ce que c’est qu’un juge ?mon cher Noël, questionne, important, Coriolis.

– Un juge, répond, non moins important,Balaoo, c’est celui qui met en prison les voleurs.

– Qu’est-ce qu’un voleur ? oseinterroger à son tour M. de Meyrentin.

– C’est un, répond Balaoo, imperturbable…c’est un qui prend sans prévenir avec de l’argent !(Et il ferme les yeux pour ne pas voir plus longtemps le regardsingulier de l’étranger. Ce juge est bien ennuyeux : est-cequ’il ne va pas bientôt s’en aller ?)

– Je vais servir le thé, annonce la voixmusicale de Madeleine.

Le thé ! Balaoo, ébloui, rouvre les yeux…Madeleine lui passe une tasse et il remue le sucre dans l’eauodoriférante, du bout de sa cuiller de vermeil. Seulement, aumoment de boire, comme il croit les regards détournés un instant delui, il plonge rapidement une main dans le liquide et se suce lesdoigts à la mode anthropopithèque. Ça, c’est plus fort quelui !

Coriolis et M. de Meyrentin, quiparlent entre eux avec animation, n’ont pas vu l’abominable geste,mais Madeleine s’est aperçue de tout et gronde, à la muette,Balaoo, de son index qui menace. Balaoo, les yeux en coulisse, luirigole, sournois. Puis, Coriolis le regardant à nouveau, il boitcomme un homme et dépose sa tasse avec gentillesse sur leplateau.

Puis Balaoo croise les jambes, les balanceavec une élégance négligente, se renverse avec des mines sur ledossier de son fauteuil et sourit d’une façon stupide. Tout à coup,M. Herment de Meyrentin se baisse et lui prend la main droitequ’il regarde avec attention.

– Mais ce ne sont point des mains de…

– Taisez-vous, coupe court Coriolis. Jevous ai dit de ne point prononcer ce mot-là… Et je vous ai déjàentretenu du travail auquel je me suis livré depuis dix ans… Avecl’épilation, et les pâtes et la patience, on arrive à tout.Regardez-moi son visage ; ne dirait-on point un Chinois ou unJaponais un peu tanné ? Qui croirait voir un quadrumane ?Vous pouvez vous servir de ce terme, il ne le comprendpas.

– Quadrumane ? Quadrumane… faitassez nerveusement Herment de Meyrentin, je ne lui ai encore vu quedeux mains !…

– Balaoo ! Déchausse-toi !

Balaoo croit avoir mal entendu ! Maisnon ! Coriolis répète l’ordre abominable : sedéchausser !… Lui à qui on a toujours défendu de montrer sesmains de souliers ! et qui a été élevé dans l’horreurde ses extrémités postérieures !… et qui n’en a jamais dévoiléle mystère que devant les frères Vautrin, au plus profond de laforêt, aux jours de chasses défendues !… quand il leurapprenait, dans les arbres, à se construire de petites huttesinvisibles…

Eh bien ! non ! Il ne se déchausserapas ! C’est trop de honte, à la fin ! Et il se lève, lesmains dans les poches et sifflant un petit air comme s’il pensaitdéjà à autre chose. Étonnement ! Les autres ne lui disentrien ! Ils l’observent dans sa marche, car Balaoo marche delong en large, le front pensif comme on fait quelquefois chez soiquand on a des préoccupations. Il a oublié qu’il n’a plus de fondde pantalon. Un coin de conversation surpris entre ses deux hôtesle lui rappelle.

– Vous voyez, il n’a pas d’appendicecomme on en voit aux quadrumanes inférieurs : pas de queue etpas de callosités !… En outre, les os du bassin que nousappelons ischion et qui forment la charpente solide de la surfacesur laquelle le corps repose chez l’individu assis, ses os sontmoins développés que chez les quadrumanes à callosités et sontplutôt constitués comme chez l’homme. Enfin, il marcheordinairement avec lenteur et circonspection, et je lui ai faitperdre l’habitude de se dandiner…

Justement, Balaoo, agacé, se met à sedandiner.

– Dandine ! Dandine donc ! faitCoriolis, furieux… Je t’enverrai te dandiner dans les rues duvillage, et les petites de l’école se moqueront de toi,Balaoo ! (Balaoo pense : « Va donc demander à Camuset à Lombard que l’on a trouvés pendus, pourquoi je les ai envoyésse dandiner au bout d’une corde[8]. »)

Mais Balaoo n’est pas au bout de sespeines.

Son maître l’a fait asseoir et lui a enlevélui-même ses souliers et même ses chaussettes (Pourquoidonc, en apercevant les chaussettes, le monsieur qui met lesvoleurs en prison a-t-il eu ce mouvement du corps et ce coup detête ? Balaoo pense : « La vue de mes mains desouliers le dégoûte, c’est sûr. » Et il s’enfonce deuxdoigts dans le nez pour comprimer sa fureur.)

Coriolis lui prend ses mains de souliers dansses mains à lui, homme. Balaoo détourne la tête pour ne pasassister à un spectacle qui lui répugne. Mais il faut qu’ill’entende.

CORIOLIS. – Vous voyez bien que le gros orteildu pied, plus long que chez l’homme, est au contraire bien plusflexible, et peut s’opposer au reste du pied. (Balaoo pense :« Pourvu qu’il ne me chatouille pas ! »)

M. HERMENT DE MEYRENTIN – Je vois !Je vois ! C’est incroyable !… Un quadrumane ! Unquadrumane ! qui parle !… Euh ! Euh !… C’estincroyable !

CORIOLIS. – Toutes les bêtes parlent, mais lequadrumane, qui est une bête supérieure, possède plus de sonsdistincts que les autres animaux pour exprimer son désir, sonplaisir, sa faim, sa soif, son effroi, etc. C’est donc un langage.Chez mon anthropopithèque, qui est le premier des quadrumanes,celui qui se rapproche le plus de l’homme, je suis allé jusqu’àdécouvrir quarante sons bien distincts !

M. HERMENT DE MEYRENTIN. – Mais enfin, cen’est pas avec quarante sons qu’un anthropopithèque pourraprononcer toutes les syllabes humaines !…

CORIOLIS. – Je n’ai pourtant pu en faire unhomme qu’à cette condition-là[9] !

M. DE MEYRENTIN. – Comment avez-vousfait ?

CORIOLIS. – Je lui ai donné les autres sons,tout simplement : Ouvre ta bouche, Balaoo ! (Balaoo, quiest prêt à mourir de honte, n’a point le temps de protester.Coriolis, qui lui tenait tout à l’heure ses mains de souliers, luitient maintenant, sans antisepsie intermédiaire, la mâchoire, et enfait jouer les deux parties sur leurs apophyses coronoïdes, commeil eût fait d’un piège à loup qu’il s’agirait de tendre. Balaoo,qui bave, regarde de ses bons gros yeux ronds, qui pleurent,Mlle Madeleine qui assiste, attristée, àl’opération. Ainsi, la patiente, qui va se faire arracher une dent,fixe, avec une morne et douloureuse angoisse, la personne dévouéequi a bien voulu l’accompagner chez le praticien.)

M. HERMENT DE MEYRENTIN. – Il a des dentsadmirables !

CORIOLIS. – Regardez-moi ce pharynx. (Balaoopense : « il ne s’aperçoit pas qu’il me crache dans labouche. »)

M. HERMENT DE MEYRENTIN. – Vous avezperfectionné ce pharynx, modifié cette arrière-gorge, travaillé cescordes vocales, et cela vous aurait suffi, d’après vous pour faired’un s… d’un quadrumane… un homme !…

CORIOLIS. (qui laisse un instant reposer lamâchoire.) – Pourquoi pas ? Il n’est pas difficile de prouverqu’entre l’homme et les animaux immédiatement inférieurs à lui, lesdifférences anatomiques ne sont pas plus prononcées qu’entred’autres membres d’un seul et même ordre[10] !

M. HERMENT DE MEYRENTIN. – Tout de même,mon cher, il y a un abîme entre le si… la bête et l’homme…

CORIOLIS. – J’estime autant que quiconque ladignité de la nature humaine, j’admets aussi volontiers quequiconque la largeur de l’abîme béant entre l’homme et le reste dela création par rapport aux problèmes intellectuels etmoraux ; mais, même à ce dernier point de vue intellectuelet moral, je prétends qu’avec la modification de la structure,l’abîme peut être comblé !

M. HERMENT DE MEYRENTIN. – Votre paroleme séduit à la fois et m’épouvante… (À part lui, le jugepense : « C’est toi qui vas être épouvanté tout àl’heure, quand je te ferai connaître où t’ont conduit tes théoriesd’école primaire, laïque, et obligatoire. » CarM. de Meyrentin, cousin du grand Meyrentin, del’Institut, est resté idéaliste et antidarwinien, comme la gloirede la famille.)

CORIOLIS. – Allons donc ! Qu’est-ce quifait de l’homme ce qu’il est ? N’est-ce pas la faculté deparler ? Le langage lui permet de tenir note de sesexpériences : c’est lui qui augmente le bagage scientifiquedes générations successives. C’est grâce à lui que l’homme resserretoujours davantage les rapports qui le rattachent à l’homme.L’homme se distingue ainsi de tout le reste du monde animal. Cettedifférence de fonctions est immense et les conséquences en sontextraordinaires. Et tout cela peut dépendre, cependant, de laplus petite modification dans l’état de l’arrière-gorge. Car,qu’est-ce donc que ce don de la parole ? Je vous parle en cemoment ; mais, si vous modifiez le moins du monde laproportion des forces nerveuses actuellement en action dans lesdeux nerfs qui régissent les muscles de ma glotte, à l’instant mêmeje deviendrai muet. La voix n’est produite qu’autant que les cordesvocales sont parallèles ; celles-ci ne sont parallèles quetant que certains muscles se contractent de façon identique ;et ceci dépend à son tour de l’égalité d’action des deux nerfs dontje viens de vous parler. Le moindre changement dans la structure deces nerfs, et même dans la partie où ils prennent naissance, lamoindre modification même dans les vaisseaux sanguins intéressés,ou encore dans les muscles où arrive le sang, pourrait nous rendremuets. Une race d’hommes muets, privés de toute communication avecceux qui peuvent parler, serait une race de bêtes[11] !

M. HERMENT DE MEYRENTIN. –Évidemment ! Évidemment !

CORIOLIS. – Je ne vous l’ai pas fait dire. Nete gratte pas, Balaoo ! (Honte de Balaoo qui croyait qu’on nel’avait pas vu.) Eh bien ! moi, j’ai fait le contraire decelui qui travaillerait à rendre muet ; j’ai travaillé àdonner plus d’extension à un organe déjà susceptible de rendrecertains sons de la parole. Ces nerfs, ces muscles, ces vaisseauxsanguins, je les ai eus, pour la gloire de ma démonstration, aubout de mes pinces. (Balaoo, qui avait été endormi lors desopérations, écoute avec un intérêt passager.) Et je suis arrivé àrendre toujours possible le parallélisme nécessaire des cordesvocales de mon Balaoo ! Ouvre ta bouche, Balaoo.(Balaoo ouvre une bouche effroyable qu’on lui renverse sous lalampe et se demande quand donc cet effroyable supplice aura unefin.) Voyez, cher monsieur, voyez… ici… on aperçoit encore lescicatrices…

M. HERMENT DE MEYRENTIN. –Étourdissant ! Étourdissant !… Et il peut maintenantparler comme un homme !… Mais est-ce qu’il a conservéégalement la possibilité d’émettre les sons animauxd’autrefois ?

CORIOLIS. – Oui, mais il lui faut un effortplus grand qu’autrefois. Parle, Balaoo, comme autrefois !

BALAOO (pour se venger et pour faire une bonnefarce, Balaoo parle comme autrefois, mais quand il était en colère,c’est-à-dire qu’on entendait sa voix à une lieue à la ronde). –Goek ! Goek ! Goek ! ha ! ha ! ha !Hâââ !… hâââ ! hâââ ! Goek ! Goek !…

M. HERMENT DE MEYRENTIN. – Goek !Qu’est-ce que ça veut dire ?

BALAOO (qui est de plus en plus gêné par lesingulier persistant regard de ce monsieur qui met les voleurs enprison). – Ça veut dire : Va-t’en !…

– Tiens ! fait observerM. de Meyrentin, c’est presque comme en anglais :go out !

Balaoo n’insiste pas, car il ne connaît pasl’anglais. Et M. Herment reste.

Balaoo soupire ; il n’a jamais tantsouffert. Une main, tendrement, prend la sienne. Ah !Madeleine !… Mad !… Mad !… Le cœur dans la poitrinede Balaoo fait : Boum ! Boum ! Boum !…

Ah ! voici M. Herment de Meyrentinqui se lève. Il va donc s’en aller, cette fois !… Il sedécide !… Enfin ! Oui, oui. Il fait toutes sesfélicitations à Coriolis… comme un mufle… comme un mufle !… Ila l’air carrément de se moquer de Balaoo et de projeter quelquechose qu’on ne sait pas… Il faut toujours se méfier de ces gens quimettent les voleurs en prison… Et, c’est sûr, M. Herment deMeyrentin a bien tort, en tout cas, d’avoir l’air de se fiche deBalaoo, car ça pourrait encore mal tourner, cette affaire-là.

Le juge dit avec une froideurcalculée :

– Ah ! cher monsieur, toutes mesfélicitations !… Vous avez fait un petit d’homme. Avec lascience et votre scalpel, vous égalez Dieu !

Coriolis trouve qu’il exagère et il le luidit. M. Herment concède qu’il a exagéré et, avec un coup d’œilinsolent qui montre Balaoo :

– Oui, acquiesce-t-il. C’est vrai !Dieu les faisait plus beaux !

Il lance ça devant Madeleine, Balaoo en estd’abord suffoqué. L’étonnement le paralyse, l’abrutit. Coriolis,qui voit la peine que le visiteur a faite à son élève, à l’enfantde sa création, veut prononcer des paroles consolatrices :

– Dieu en a fait de plus beaux, mais iln’en a pas fait de plus doux, de meilleur, de plus aimant, de plusdévoué. Celui-ci a bien récompensé son vieux maître de tout le malqu’il lui a d’abord donné, car, il faut bien avouer que ça a étédur de lui faire oublier pendant les premières années les jeux dela forêt de Bandang ; mais, maintenant, c’est tout à fait,j’ose le prétendre et suis enfin prêt à le prouver, un de la racehumaine.

À ce discours qui aurait dû le toucher,M. Herment de Meyrentin sourit comme un sot, et, montrant dudoigt le paletot et le pantalon en pièces (Balaoo pleurerait, maisil retient ses larmes devant un étranger), il dit :

– Hum ! Hum ! Il se permetencore quelques petites frasques !…

Mais le bon Coriolis répond à l’imbécilesolennel :

– J’ai connu des enfants des hommes, quin’avaient pas plus de dix-sept ans, dont les parents eussent étéheureux qu’ils passassent leur temps à arracher leurs fonds deculottes en montant aux arbres pour y chiper des pommes. Ce n’estpas à moi de vous conseiller de consulter les annales des assises,mon cher maître ; vous n’ignorez certainement pas à quoipassent leur temps des petits hommes de dix-sept ans, un couteau àla main ! (Balaoo pense : « Le maître a raison, jen’ai jamais donné de coups de couteau à personne, moi !… C’estbon pour les petits d’hommes qui n’ont pas de force dans lamain. »)

M. HERMENT DE MEYRENTIN (sur un ton quifait loucher Balaoo). – Dans ce pays, pour les crimes, monsieurCoriolis, on ne se sert pas de couteau. On étrangle. Les doigtssuffisent. (Balaoo clapote des paupières et pense :« Pourquoi a-t-il dit ça ? »)

CORIOLIS. (montrant la main de Balaoo). –Voilà une main qui ne ferait pas de mal à une mouche ! (Balaoopense avec timidité et les yeux baissés, car il sait admirablementle faire à l’hypocrisie : « Tu tiens à ta mouche, maismoi qui ne ferais pas de mal à une mouche, j’étranglerais bien cenoble étranger. »)

M. Herment de Meyrentin, qui se souvientque son cousin illustre de l’Institut a toujours combattu ledarwinisme avec des arguments un peu vieillots sur l’impossibilitéde la reproduction indéfinie dans le mélange des espèces, ne veutpas partir sans lancer la flèche du Parthe : cela feraréfléchir cet imprudent Coriolis qui a déchaîné, sans s’en douter,tous les mauvais instincts de la forêt de Bandang dans la sociétécivilisée des hommes et qui en sera puni avant l’heure de la soupepar l’arrestation de son anthropopithèque queM. de Meyrentin pense bien revenir chercher avec tous sesgendarmes.

M. HERMENT DE MEYRENTIN (de sa plus bellevoix de gorge) – Mes compliments, cher monsieur, vous n’avez plusmaintenant qu’à le marier (et il a un gros rire infâme). Bientôt,il aura la majorité légale. J’espère que vous pensez déjà à lajeune fille qu’il conduira à l’autel !Mlle Madeleine sera demoiselle d’honn…

M. Herment de Meyrentin ne peut acheverni son sourire ni sa phrase, car il a, autour de la gorge, deuxtenailles qui se resserrent avec une force inquiétante pourquelqu’un de la race humaine qui aurait encore l’espérance de vivrelongtemps sur la terre et d’y prononcer des paroles stupides etindécentes. Il râle ! Il se débat ! Il étouffe !Balaoo serre, serre, serre !

Coriolis et Madeleine poussent des clameursd’épouvante et s’accrochent, se pendent à Balaoo pour lui fairelâcher prise. Coriolis s’est armé d’un chenet et frappe des coupsqui résonnent sur Balaoo comme sur un tambour ; mais Balaoo nesent rien ! Madeleine pleure, sanglote, supplie, délire ;mais Balaoo n’entend rien. Il serre, il serre, il serre.

Et il ne s’arrête de serrer que lorsqueM. Herment de Meyrentin s’arrête de se débattre. Ça luiapprendra, à ce monsieur, à trouver que Balaoo qui ne ferait pas demal à une mouche n’est pas beau, et il ne se moquera plus de luidevant les jeunes filles à marier. Le voilà bien avancémaintenant : il est mort !

Mort ! M. le juge d’instructionHerment de Meyrentin, cousin germain de l’illustre professeur,membre de l’Institut, secrétaire de la section des Sciences moraleset politiques, Herbert de Meyrentin ! Voilà une famille endeuil ! Une illustre famille ! Voilà tout ce qui reste detant de puissance humaine, d’un juge d’instruction ! Uneloque, un pantin cassé sur le bras d’un anthropopithèque !Balaoo jette ce débris à terre. Il voit avec stupéfaction le bonCoriolis coller son oreille sur la poitrine de ça ! Il y a desgens qui ne sont pas dégoûtés ! Mais où est sa petite sœurMadeleine ? Balaoo la cherche du regard et la trouve, tout àfait appuyée à plat contre la muraille, la bouche grande ouverte etles yeux brillants d’effroi.

« Décidément, pense l’anthropopithèque,j’ai dû faire une bêtise. Ils n’ont pas l’aircontent ! »

Coriolis se relève, aussi pâle que lemort.

– Misérable ! râle-t-il. Qu’est-ceque tu as fait ? Tu as assassiné ton hôte !

« Bah ! pense Balaoo, pourquoi semettent-ils dans un état pareil ? C’est le cadavre qui lesgêne, je le vois bien ! Et ils doivent craindre le commissairede police qui vient toujours quand on fait du mal à ceux de la racehumaine. Par exemple, on peut assassiner mon ami Huon, le grandvieux sanglier solitaire qu’ils ont tué proprement d’un coup decouteau au cœur devant tout le monde (et personne n’a protesté), etmon ami Dhole, le grand vieux loup vert qu’ils ont criblé de coupsde fusil, parce qu’il avait mangé un petit enfant de six mois quine disait pas encore : papa, maman… ; mais on n’a pas ledroit d’étrangler naturellement, avec ses mains, un de la racehumaine. C’est la loi ! C’est bon ! C’est bon ! Jevais enlever le cadavre et personne ne saura rien. Je vais encorele pendre : c’est un bon truc ! »

Ce pensant, Balaoo a pris par les pattes dederrière le grand corps mou de M. Herment de Meyrentin, et ille traîne jusqu’à la porte. Coriolis veut l’arrêter, mais Balaoocrie si fort : Goek ! Goek ! que Coriolis voit bienqu’il n’y a rien à faire de l’anthropopithèque dans un tel moment.Balaoo est tout frémissant, tout exalté, tout glorieux de l’ouvrageterrible. Il ne ferait pas de mal à une mouche ; tout de même,le docteur Coriolis comprend qu’il ne ferait pas bon de le séparerde sa proie. L’anthropopithèque la traîne derrière lui avec unorgueil aussi conscient que, dans le triomphe, le général romaintraînant les dépouilles opimes. Ah ! quel front relevé il a,ce Balaoo… Et bien fait pour la couronne de lauriers. Dans toutsinge, il y a un général romain !… Et pan ! un bon coupde sa main de soulier dans la porte et celle-ci s’ouvre en deuxpour laisser passer le cortège.

Madeleine ne peut plus remuer et Coriolistremble comme une poule mouillée, tandis que Balaoo, solennel,pénètre, avec son fardeau, sous les branches de la forêtprochaine.

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