Fatalitas ! – Nouvelles Aventures de Chéri-Bibi – Tome II

XXV – Fin d’une carrière mondaine

Nina-Noha était retournée à Paris pourun numéro de danse qu’elle devait donner à la petite salleFavart…

C’était le soir de la répétitiongénérale. La loge était déjà pleine de fleurs. Il n’y manquait quela gerbe de Gorbio et Gorbio lui-même…

Que pouvait faire le comte ?… Ilétait parti la veille pour le château de la Boulays… l’affairedevait être d’importance puisqu’il y avait passé lanuit.

Soudain, on frappa et la porte s’ouvritsans qu’on eût attendu la réponse… C’était Gorbio. Il était trèspâle. Nina vit qu’il se passait quelque chose de grave. Ellecongédia ses servantes.

« Eh bien, comte, quedevenez-vous ?…

– Nina, je crois que je suissuivi !… »

D’un bond, elle se releva de sonsofa.

« Comment, vous êtes suivi ?Et c’est chez moi que vous venez ? fit-elle d’une voix sourdepleine de menace et de colère.

– Je viens de m’en apercevoir àl’instant !… mais je me suis peut-être trompé…

– Ah ! bien ! de lapusillanimité alors… c’est autre chose… Racontez-moi ce qui vousest arrivé pour que je vous rassure…

– Ce n’est pas de la pusillanimité…c’est de la peur !

– De mieux en mieux ! Je nevous reconnais plus… » lui jeta-t-elle avec un certainmépris…

Gorbio s’était assis et passait unmouchoir sur son front glacé.

« J’ai peur de m’être laissé roulerpar la Boulays !…

– Comment cela ?… Ditesvite !… »

Et elle le regardait d’un air dénué detoute amitié… Si le comte avait commis quelque gaffe, elle ne lelui pardonnerait jamais !… Chose singulière :l’admiration qu’elle avait eue pour lui était tombée depuis sonmariage manqué avec Mlle de la Boulays, ce qui prouvaitbien que Nina faisait passer ses affaires avant l’amour… Le duelmalheureux du comte avait encore ajouté à sa désillusion… et,depuis qu’il avait été si cruellement blessé dans sa chair et dansson amour-propre, elle trouvait qu’« il avait beaucoupbaissé ».

Gorbio lui narrait rapidement ce quis’était passé la journée précédente entre lui et M. de laBoulays, l’histoire du dossier.

« Ce dossier était des plusintéressants… J’ai passé ma nuit à le collationner et à prendre desnotes… je crains que l’on ne m’ait vu prendre desnotes !

– Quoi de plus naturel ? Onvous mettait dans l’affaire… c’était votre devoir de prendre desnotes !

– Écoutez-moi, je vous prie… jecrains…

– Je vois que maintenant vouscraignez tout !

– Oui, tout !… je crains quece dossier ne soit un faux dossier et que l’on m’ait ainsi tendu unpiège.

– Quel piège ?… En admettantvotre hypothèse, vous croyez le dossier sérieux, et dans votrebonne foi vous prenez des notes… que peut-on vousreprocher ?

– Eh ! ma chère, on peut mereprocher d’avoir communiqué ces notes qui doivent restersecrètes !…

– À qui les avez-vouscommuniquées ?

– À F. 24 et à C.12 !

– À F. 24 et à C. 12 ! Maispersonne n’en sait rien, j’espère ! commença-t-elle àgronder…

– Moi aussi, je l’espère, maismaintenant je n’en suis plus sûr !

– Depuis quand ?

– Depuis qu’en arrivant ici j’aidécouvert, en me retournant sur le seuil de l’entrée des artistes,deux figures suspectes sur le trottoir…

– C est tout ?

– Ça puait la police, machère !

– Je crois,heureusementpour vous, que vous vous faites les plusnoires illusions !… Vous allez me faire le plaisir dereprendre votre sourire et d’aller rejoindre vos amis dans lasalle… En tout cas, puisque vous avez d’aussi étrangeshallucinations, ne revenez plus ici, ce soir !… Ça me gêneraitpour mes entrées. »

Le comte se leva. Les paroles de ladanseuse ne l’avaient nullement rassuré. Il paraissait de plus enplus préoccupé.

« Ah ! un dernier mot, moncher comte ! Si, par hasard, il vous arrivait malheur,arrangez-vous pour que je n’en sois gênée en rien, je vousprie !… »

Gorbio, devant cette menace,tressaillit :

« M’abandonneriez-vous,Nina ?

– Comment, si je vousabandonnerais !… mais je ne me souviendrais même plus de vousavoir connu !… Et votre intérêt serait de m’oublier demême !

– Mon intérêt ?

– Oui ! souvenez-vous del’affaire Raynaud ? J’ai encore toutes vos lettres et laperle !… Vous voyez combien ce serait dommage que l’onperquisitionnât chez moi ! »

Gorbio avait compris. Il se retira enproie aux plus sinistres pressentiments…

Nina paraissait à la fin du premieracte. Elle obtint un triomphe. Toute la salle deboutl’applaudissait. Elle aperçut le comte, dans une loge. Il avaitrepris son sang-froid, en tout cas faisait bonne figure… Elle luien sut gré. Si vraiment il était à cinq minutes d’une arrestation,il ne manquait pas d’un certain « plastron ».

Cependant elle ne manqua point, dansl’entracte, alors que tous ses admirateurs se pressaient dans laloge, de souligner l’absence du comte… On s’enétonna :

« Oui… nous sommes en froid depuisquelque temps ! »

Soudain le flirt auquel elle avait faitprécédemment ses confidences se précipita dans laloge :

« On vient d’arrêter le comte deGorbio ! »

Ce fut un émoiindescriptible…

Nina seule conservait soncalme…

« L’arrêter, pourquoi ?…disait-elle en refaisant son maquillage… Il est vrai que, depuisquelque temps, il paraissait préoccupé… mais il ne me disait rien,comme toujours !… Du reste, depuis longtemps nous n’étionsplus que deux vieux amis… »

Auteurs::

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer