Fatalitas ! – Nouvelles Aventures de Chéri-Bibi – Tome II

XIX – « Encore lesfemmes »

La joie avec laquelle Didier d’Haumontavait accueilli Gisèle à la villa, alors que la cruauté desévénements et leur rapidité faisaient ardemment désirer à Françoiseune solitude à deux, avait apporté le plus grand trouble dans soncœur fervent et fidèle…

Françoise ne comprenait pas cet étrangeempressement, et Didier, tout à l’idée d’apporter au plus tôt audésespoir de sa fille la consolation problématique et inquiétantede la vérité, ne s’apercevait pas que Françoise ne comprenaitpas !…

Les yeux détournés momentanément de safemme et fixés sur Gisèle, il ne voyait rien de la douleurgrandissante de l’autre !…

Son cœur ne lui reprochait rien, car,s’il avait tant de hâte de renseigner la pauvre enfant, son désirn’était pas moins grand de confier à Françoise le derniermystère…

Pouvait-il tenter un tel aveu avant desavoir quelle serait l’attitude de Gisèle devant son pèreforçat ?… De toute évidence, non !… Ce secretappartenait à Gisèle en toute propriété… Lui-même n’avait pas ledroit d’apprendre à sa femme que Gisèle était la fille d’uncondamné à mort, si la volonté de son enfant était que le mondeentier continuât à ignorer une horreur pareille !

Gisèle ne croyait pas à l’innocence deRaoul de Saint-Dalmas !… Tout ce que lui en avait ditM. d’Haumont ne lui était apparu que comme des paroles debonté destinées à panser ce qu’elle croyait être son inguérissableblessure. Et, à la villa Thalassa, M. d’Haumont dutentreprendre un vrai travail… Il y mettait une ardeur biencompréhensible…

Ceci n’alla point sans quelquespromenades solitaires que Françoise eut la honte d’épier, mais quine lui apportèrent aucune certitude sur un malheur qu’elle voulaitcroire impossible…

Elle en arriva à s’adresser les plusgrands reproches…

Elle se traita de folle !… Palasprenait des libertés avec Gisèle, et Françoise en avaitaffreusement souffert, mais elle n’avait jamais découvert, ensomme, que son mari dépassât la mesure d’un bienfaiteur qui, de parson âge, a le droit d’être un peu tendre avec une enfant dans lechagrin…

Sur ces entrefaites, Mme d’Erlandvint en visite à Thalassa… Elle attendait Françoise dans le salonqui donnait sur le jardin, quand vinrent à passer Palas et Gisèle…Elle se déclara aussitôt « médusée »…

Mme d’Erland se rappela certainmatin où M. d’Haumont attendait cette petite intrigante sur letrottoir !… Et maintenant, elle avait su se faire accepter àla villa !… Et M. d’Haumont avait eu le toupet de l’yinstaller ! « Vraiment, il y a des gens qui ne doutent derien !… »

Françoise survint sur ces entrefaites.La conversation ne languit pas longtemps… Après quelques banalités,Mme d’Erland dit qu’elle venait d’apercevoir M. d’Haumont« avec cette petite de chez Violette » !

« Vous l’avez donc adoptée, machère ?…

– Pas précisément, mais cetteenfant vient de perdre sa mère, elle est fort souffrante elle-même,et comme mon mari, depuis longtemps, s’intéressait à lafamille… »

Françoise s’arrêta, elle était au boutde ses forces… Ce mot « s’intéressait » luiparut tout à coup monstrueux… et il lui sembla queMme d’Erland la regardait avec une horriblecompassion.

Le silence qui suivit lui fit endurermille supplices… Elle rougissait et pâlissait tour à tour… On eûtdit que c’était elle, la coupable…

Enfin la visiteuse se leva avec son plusgrand air… Avant de prendre congé, elle laissa tomber cettephrase :

« Elle est jolie, cettepetite ! »

Puis elle parvint à glisser quelquesmots habiles sur « le danger qu’il y a, à introduire desjeunes personnes dans les ménages »…

Françoise la laissa partir… Elleétouffait…

Évidemment, Mme d’Erland savaitquelque chose ! Sa discrétion avait été plus terrible qu’unefranche accusation… Elle avait considéré Françoise avecpitié !… Tout le monde la plaignait !… C’étaithorrible !… Et, tout à coup, une phrase, la première phrase duréquisitoire de l’avocat général dans le fameux procès, lui brûlale cerveau de ses lettres de feu : « Ce sont lesfemmes qui ont causé tous les malheurs du jeune Raoul deSaint-Dalmas ! » C’était le magistrat qui avaitraison, et elle, la malheureuse, elle avait été trompée par luicomme tant d’autres ! Didier avait gardé toutes les passionsde Raoul !… Il continuait à être l’amant de Nina et ilentretenait maintenant une maîtresse à domicile !… Elle allajusque-là ! elle alla plus loin encore. S’il lui avait fait, àelle, l’aveu de son passé, c’est qu’il savait que Gorbio, sonrival auprès de la danseuse, allait tout luidire !…

Ainsi court la douloureuse pensée deFrançoise jusqu’à l’abîme au bord duquel elle reste, cependant, uninstant suspendue… C’est que Françoise se rappelle une minute pastrès lointaine, où son cœur était habité par le même désespoir, etcependant, quelques jours plus tard, Françoise ouvrait ses bras àDidier innocent !… Que s’était-il passé de nouveaudepuis ?… Une nouvelle visite deMme d’Erland !… et puis, hélas !… etpuis, tout de même, l’installation de Gisèle, ces promenades dePalas et de Gisèle… Ah ! savoir ! être sûre !…Hélas ! hélas ! quand elle ne l’accuse pas, elle doute deDidier !…

Où est-il maintenant ?… quefait-il ?… Il est encore avec elle ?…Où ?…

Elle les cherche… Elle les cherche en secachant…

Et, tout à coup, elle les découvre tousdeux, cachés dans l’ombre des mimosas, où plus d’une fois Françoisea connu les baisers de Didier, et où maintenant Didier embrasseGisèle et la serre dans ses bras avec une tendresse et une émotionsouveraines…

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