Guerrier De Lumière – Volume 3

Chapitre 10De la gloire transitoire

SIC TRANSIT GLORIA MUNDI. Saint Paul définit ainsi la conditionhumaine dans l’une de ses épîtres : la gloire du monde esttransitoire. Et, même sachant cela, l’homme est toujours en quêtede reconnaissance pour son travail. Pourquoi ? L’un des plusgrands poètes brésiliens, Vinicius de Moraes, dit dans l’une de seschansons:

« Et cependant il faut chanter

Plus que jamais il faut chanter. »

Ces phrases de Vinicius de Moraes sont magnifiques. RappelantGertrud Stein, dans son poème « Une rose est une rose, c’est unerose », il dit simplement qu’il faut chanter. Il ne donne pasd’explications, il ne se justifie pas, il n’use pas de métaphores.Lorsque j’ai présenté ma candidature à l’Académie brésilienne desLettres, accomplissant le rituel qui consiste à entrer en contactavec ses membres, j’ai entendu l’académicien Josué Montello me direquelque chose de semblable : « Tout homme a le devoir de suivre laroute qui passe par son village. »

Pourquoi ? Qu’y a-t-il sur cette route ?

Quelle est cette force qui nous pousse loin du confort de ce quiest familier et nous fait affronter des défis, même si nous savonsque la gloire du monde est transitoire ?

Je crois que cette impulsion s’appelle la quête du sens de lavie.

Pendant des années, j’ai cherché dans les livres, dans l’art,dans la science, dans les chemins périlleux ou confortables que jeparcourais, une réponse définitive à cette question. J’en ai trouvébeaucoup ; certaines m’ont convaincu pour des années, d’autresn’ont pas résisté à un seul jour d’analyse, aucune cependant n’aété assez forte pour que je puisse dire maintenant : le sens de lavie, c’est cela.

Aujourd’hui, je suis convaincu que cette réponse ne nous serajamais confiée dans cette existence, même si à la fin, au moment oùnous serons de nouveau face au Créateur, nous comprenons toutes lesopportunités qui nous ont été offertes – et que nous avonsacceptées ou rejetées.

Dans un sermon de 1890, le pasteur Henry Drummond parle de cetterencontre avec le Créateur. Il dit :

« À ce moment, la grande question de l’être humain ne sera pas :“Comment ai-je vécu ?”

Elle sera : “Comment ai-je aimé ?”

L’épreuve finale de toute quête est la dimension de notre Amour.Il ne sera pas tenu compte de nos actes, de nos croyances, de nosréussites.

Nous n’aurons pas à payer pour cela, mais pour notre manièred’aimer notre prochain. Les erreurs que nous avons commises serontoubliées. Nous ne serons jamais jugés pour le mal que nous avonsfait, mais pour le bien que nous n’avons pas fait. Car garderl’Amour enfermé en soi, c’est aller à l’encontre de l’esprit deDieu, c’est la preuve que nous ne L’avons jamais rencontré, qu’Ilnous a aimé en vain. »

La gloire du monde est transitoire, et ce n’est pas elle quidonne sa dimension à notre vie, mais le choix que nous faisons desuivre notre légende personnelle, de croire en nos utopies et delutter pour elles. Nous sommes tous les protagonistes de notreexistence, et très souvent ce sont les héros anonymes qui laissentles marques les plus durables.

Une légende japonaise raconte qu’un moine, enthousiasmé par labeauté du livre chinois du Tao-Tö King, décida de lever des fondspour traduire et publier ces vers dans la langue de sa patrie. Ilmit dix ans à trouver la somme suffisante.

Cependant, la peste ravagea son pays, et le moine décidad’utiliser l’argent pour soulager la souffrance des malades. Maisdès que la situation fut redevenue normale, il se remit àéconomiser la somme nécessaire à la publication du Tao.

Dix ans passèrent encore et, alors qu’il se préparait à imprimerle livre, un raz-de-marée laissa des centaines de gens sans abri.Le moine dépensa de nouveau l’argent à la reconstruction de maisonspour ceux qui avaient tout perdu. Dix ans s’écoulèrent encore, ilse remit à rassembler l’argent, et enfin le peuple japonais putlire le Tao-Tö King.

Les sages disent que, en réalité, ce moine a fait trois éditionsdu Tao : deux invisibles, et une imprimée. Il a cru en son utopie,il a livré le bon combat, il a gardé la foi en son objectif, maisil est resté attentif à son semblable. Qu’il en soit ainsi de noustous : les livres invisibles, nés de la générosité envers notreprochain, sont parfois aussi importants que ceux qui occupent nosbibliothèques.

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