Chapitre 16
Dans lequel se renouvelle le conflit entremaître André Guilloche, avocat au barreau de Montpaillard, et M.Dubenoît, maire de ladite commune.
M. Dubenoît, en effet, s’approchait, et sur saphysionomie on pouvait lire à la fois l’inquiétude, lemécontentement et divers autres sentiments désagréables.
– Bonjour mon cher Bluette !Ah ! voilà le redoutable Blaireau, le héros du jour !C’est précisément avec lui que je désirerais causer ; mais ilest en grande conversation, je vois, avec notre jeunerévolutionnaire.
– Blaireau, dit Guilloche, a bien voulume choisir comme avocat.
– Dites plutôt que c’est vous qui l’avezchoisi comme client.
– C’est la même chose, conciliaBlaireau.
– J’ai lu votre article de ce matin, moncher Guilloche. Il est charmant… et d’une bonne foi !
– Alors vous vous imaginiez, monsieur lemaire, que cela allait se passer comme ça ! qu’on pourraitemprisonner un innocent pendant des années…
– Trois mois, s’il vous plaît.
–… Et que l’opinion publique ne protesteraitpas !
– L’opinion publique se fiche pas mal deBlaireau.
– On a renversé des gouvernements pourmoins que cela, monsieur le maire !
– Ces temps-là sont passés, monsieurl’avocat !
– Peut-être pas tant que vous le croyez…Me ferez-vous l’honneur, monsieur Dubenoît, d’assister à laconférence que je fais demain à la Brasserie de l’Avenir ?
– Sur quel sujet ?
– L’Erreur judiciaire en France depuis lechêne de Saint Louis jusqu’à nos jours.
– Je ne vous promets pas d’y assister enpersonne, mais dans tous les cas, j’y enverrai un garçon de lamairie.
– Trop aimable.
Et il songea : « Il rage, M. lemaire ! »- Au revoir messieurs ! À tout à l’heure,Blaireau, et souvenez-vous de vos engagements !
– Soyez tranquille, monsieur l’avocat, jesuis un homme tout d’une pièce, comme on dit.