LE MIROIR DU MORT Agatha Christie

Poirot s’assit sur un tabouret et commanda un sirop de cassis. Tandis qu’il le dégustait avec de grands soupirs de satisfaction, Chantry entra et but plusieurs Dame Rose à la file.

Tout à coup, il déclara avec violence, s’adressant plus au public présent qu’à Poirot :

— Si Valentine s’imagine qu’elle pourra se débarrasser de moi comme elle s’est débarrassée de tant d’autres foutus imbéciles, elle se fourre le doigt dans l’œil. Je l’ai, elle est à moi et j’entends bien la garder. Personne d’autre ne l’aura, à moins de me passer sur le corps.

Il jeta quelques billets sur le comptoir, tourna les talons et s’en fut.

3

Trois jours plus tard, Hercule Poirot partit pour le Mont du Prophète. La route, exquisément fraîche, serpentait au travers de sapins d’un vert doré ; elle montait, plus haut, toujours plus haut, loin au-dessus des querelles humaines. Le car s’arrêta devant un restaurant. Poirot sortit se promener dans les bois. Il finit par déboucher au sommet d’une crête qui lui parut vraiment le toit du monde. Tout en bas, très loin, d’un bleu profond frangé d’écume, on apercevait la mer.

Là, au-dessus du monde, à l’abri des soucis, il se sentit enfin en paix. Posant son manteau soigneusement plié sur une souche, Hercule Poirot s’assit.

« Nul doute que le bon Dieu sache ce qu’il fait, songea-t-il. Mais il est tout de même certains êtres humains dont on s’étonne qu’il se soit laissé aller à les créer. Quoi qu’il en soit, me voici au moins pour un bon moment à l’écart des problèmes épineux.

Il releva les yeux et sursauta. Une petite femme, en robe et manteau marron, se précipitait vers lui. C’était Marjorie Gold qui, cette fois, avait abandonné tout faux-semblant : son visage était baigné de larmes.

Poirot ne pouvait pas lui échapper. Elle arrivait sur lui.

— Monsieur Poirot. Il faut que vous m’aidiez. Je suis si malheureuse que je ne sais pas quoi faire ! Oh ! qu’est-ce que je dois faire ? Qu’est-ce que je dois faire ?

Elle le regardait, l’air hagard. Elle avait agrippé la manche de son veston. Et soudain, effrayée par quelque chose qu’elle lut dans le regard de Poirot, elle recula un peu.

— Que… qu’y a-t-il ? balbutia-t-elle.

— Vous voulez un conseil, madame ? C’est bien ce que vous me demandez ?

— Oui… oui… bredouilla-t-elle.

— Eh bien, le voici, dit-il d’un ton net et tranchant. Quittez cet endroit à l’instant même… avant qu’il ne soit trop tard.

— Quoi ? fit-elle en écarquillant les yeux.

— Vous m’avez bien entendu. Quittez cette île.

— Que je quitte l’île ?

Elle le dévisageait, stupéfaite.

— C’est bien ce que j’ai dit.

— Mais pourquoi ? Pourquoi ?

— C’est ce que je vous conseille… si vous attachez du prix à votre vie.

Elle poussa un cri étouffé.

— Oh ! Que voulez-vous dire ? Vous m’effrayez… vous m’effrayez.

— Oui, répondit Poirot gravement. C’était bien mon intention.

Elle s’effondra, la tête dans les mains.

— Mais je ne peux pas ! Il ne partirait pas avec moi ! Douglas ne partirait pas avec moi. Elle ne le laisserait pas partir. Elle le tient… corps et âme. Il n’écoutera rien de ce qu’on pourrait dire contre elle… Il est fou d’elle… Il croit tout ce qu’elle lui raconte… que son mari la maltraite, qu’elle est une victime innocente… que personne ne l’a jamais comprise… Il ne pense plus à moi, je ne compte plus, je n’existe plus pour lui. Il veut que je lui rende sa liberté… il veut qu’on divorce. Il croit qu’elle va quitter son mari pour l’épouser. Mais, j’ai peur… Chantry ne la lâchera pas. Ce n’est pas son genre. Hier soir, elle a montré à Douglas les bleus qu’elle a sur le bras… elle lui a dit que c’était son mari qui les lui avait faits. Douglas, ça l’a rendu fou. Il est si chevaleresque !… Oh, j’ai peur ! Qu’est-ce que tout cela va donner ? Dites-moi ce que je peux faire !

Hercule Poirot regardait, au-delà de la mer, la ligne bleue des monts d’Anatolie.

— Je vous l’ai dit. Quitter l’île avant qu’il ne soit trop tard…

Elle secoua la tête.

— Je ne peux pas… je ne peux pas… à moins que Douglas…

Poirot soupira.

Il haussa les épaules.

4

Hercule Poirot était sur la plage en compagnie de Pamela Lyall.

— Le trio se fortifie ! déclara celle-ci non sans une certaine délectation. Hier soir, ils l’encadraient et se foudroyaient du regard. Chantry avait trop bu. Il insultait carrément Douglas Gold. Gold s’est très bien conduit. Il a gardé son sang-froid. La chère Valentine était aux anges, comme de bien entendu ! Elle ronronnait, comme la tigresse mangeuse d’hommes qu’elle est. Que va-t-il se passer, à votre avis ?

Poirot secoua la tête.

— J’ai peur. J’ai très peur.

— Bah ! nous avons tous peur, déclara miss Lyall, un brin hypocrite. Mais l’affaire est plutôt de votre ressort. Ou elle risque de le devenir. Il n’y a rien que vous puissiez faire ?

— J’ai fait ce que je pouvais.

Miss Lyall se pencha vers lui.

— Vous avez fait quoi ? s’enquit-elle avec un intérêt non dissimulé.

— J’ai conseillé à Mrs Gold de quitter l’île avant qu’il ne soit trop tard.

— Mince !… ainsi vous croyez que…

Elle s’interrompit.

— Allez-y, mademoiselle, précisez votre pensée.

— C’est donc à ça que vous vous attendez ! dit lentement Pamela. Mais il ne faut pas… il ne fera jamais une chose pareille… Il est si chic type, au fond. Tout vient de cette Chantry… Il ne ferait… il ne ferait pas…

Elle s’arrêta, puis demanda doucement :

— Un meurtre ? C’est vraiment… c’est vraiment le mot auquel vous pensez ?

— Quelqu’un y pense, mademoiselle. C’est tout ce que je peux vous dire.

Pamela frissonna.

— Je n’en crois rien, trancha-t-elle.

5

Le déroulement des événements dans la soirée du 29 octobre, ne laissa rien dans l’ombre.

Pour commencer, il y eut une scène entre les deux hommes – Chantry et Gold. Chantry vociférait de plus en plus fort et quatre personnes entendirent ses dernières imprécations : le caissier, le gérant, le général Barnes et Pamela Lyall.

— Espèce de foutu salopard ! Si ma femme et vous, vous croyez que vous allez pouvoir me faire avaler ça, vous vous fourrez le doigt dans l’œil. Tant qu’il me restera un souffle de vie, il ne sera pas question que ma femme me quitte.

Puis il était sorti de l’hôtel en trombe, livide de rage.

Ça s’était passé avant le dîner. Après le repas, Dieu sait comment, ils se réconcilièrent. Valentine proposa à Marjorie Gold une promenade en voiture au clair de lune. Pamela et Sarah les accompagnèrent, Gold et Chantry jouèrent ensemble au billard. Après quoi, ils allèrent rejoindre Hercule Poirot et le général Barnes au salon.

Pour la première fois, Chantry était souriant et de bonne humeur.

— La partie a été intéressante ? demanda le général.

— Ce type est trop fort pour moi ! répondit le capitaine. Il a réussi à marquer quarante-six points de suite.

Modeste, Douglas réfuta le compliment.

— Pure chance. Je vous le garantis. Que voulez-vous boire ? Je vais chercher un serveur.

— Une Dame Rose pour moi, merci.

— Bon. Général ?

— Merci. Un whisky soda.

— La même chose pour moi. Et vous, monsieur Poirot ?

— Vous êtes très aimable. Je voudrais un sirop de cassis.

— Un quoi ? Ah ! une liqueur. Je vois. Vous croyez qu’ils en ont ici ? Je n’ai jamais entendu parler de ça.

— Si, si, ils en ont. Mais ça n’a rien d’une liqueur.

— Drôle de goût, à mon avis, fit Douglas en riant. Enfin ! à chacun son poison favori ! Je vais passer la commande.

Le capitaine Chantry s’était assis. Bien que d’un naturel peu loquace et peu sociable, il se montra aussi affable que possible.

— C’est étonnant comment on arrive à se passer de journaux, remarqua-t-il.

— Je me contente difficilement d’un Continental Daily Mail vieux de quatre jours, grommela le général. Bien sûr, je suis abonné au Times et à Punch, mais ils mettent un temps fou à arriver.

— Je me demande si ce conflit palestinien va provoquer des élections générales ?

— Toute cette affaire a été traitée avec la plus grande maladresse, déclara le général au moment où Douglas Gold revenait, suivi d’un garçon qui apportait les boissons.

Le général entreprit de raconter une anecdote qui remontait à sa carrière militaire en Inde, en l’an 1905. Les deux Anglais l’écoutaient avec politesse, sinon avec grand intérêt. Hercule Poirot dégustait son sirop de cassis.

Le général étant arrivé à la chute de son histoire, des rires de commande fusèrent à la ronde.

C’est alors que les femmes firent leur apparition. Bavardant et riant, elles semblaient toutes quatre d’excellente humeur.

— Tony chéri, c’était trop merveilleux ! s’écria Valentine en se laissant tomber près de lui dans un fauteuil. L’idée de Mrs Gold était divine. Vous auriez dû tous venir !

— Tu veux boire quelque chose ? lui demanda son mari.

Il avait interrogé les autres du regard.

— Une Dame Rose pour moi, chéri, répondit Valentine.

— Un gin tonic, dit Pamela.

— Un sidecar, réclama Sarah.

— Très bien.

Chantry se leva. Il poussa vers sa femme son propre verre de Dame Rose, auquel il n’avait pas touché.

— Prends celui-là. J’en commanderai un autre pour moi. Et pour vous, Mrs Gold ?

Son mari était en train de l’aider à enlever son manteau. Elle se retourna en souriant.

— Puis-je avoir une orangeade, s’il vous plaît ?

— Allons-y pour une orangeade.

Il se dirigea vers la porte. Mrs Gold sourit à son mari.

— C’était tellement merveilleux, Douglas. Je regrette que tu ne sois pas venu.

— Je le regrette aussi. Nous irons un autre soir, si tu veux.

Ils se sourirent.

Valentine Chantry prit le verre de Dame Rose et le vida d’un trait.

— Ouf ! j’en avais besoin ! soupira-t-elle.

Douglas Gold alla poser le manteau de Marjorie sur un sofa.

En revenant, il s’écria :

— Hé ! que se passe-t-il ?

Valentine Chantry était affalée contre le dossier de son fauteuil. Ses lèvres étaient bleues et elle avait la main sur son cœur.

— Je me sens… bizarre…

Elle suffoquait, luttait pour respirer.

Chantry, qui revenait du bar, hâta le pas.

— Allons, Val, qu’est-ce que tu as ?

— Je… je ne sais pas… ce gin… avait un drôle de goût…

— La Dame Rose ?

Le visage crispé, Chantry fit volte-face. Il agrippa Douglas Gold par l’épaule.

— C’était mon verre… Gold, qu’est-ce que vous avez fourré dedans, bon Dieu ?

Douglas Gold avait les yeux rivés sur le visage convulsé de Valentine. Il était d’une pâleur mortelle.

— Je… je… jamais…

Valentine Chantry s’écroula dans son fauteuil.

Le général Barnes s’époumona :

— Un docteur… vite…

Cinq minutes plus tard, Valentine Chantry était morte.

6

On ne se baigna pas le lendemain matin.

Pâle, vêtue d’une simple robe noire, Pamela Lyall agrippa Hercule Poirot dans le hall et l’entraîna dans le petit salon.

— C’est horrible ! Horrible ! Vous l’aviez dit ! Vous l’aviez prévu ! Un meurtre !

Il inclina la tête, la mine grave.

— Oh ! s’écria-t-elle en tapant du pied. Vous auriez dû empêcher ça ! Je ne sais pas par quel moyen, mais on aurait pu empêcher ça !

— Comment ? demanda Hercule Poirot.

La question la prit de court.

— Vous auriez pu aller trouver quelqu’un… aller à la police…

— Pour leur dire quoi ? Que peut-on dire… avant l’événement ? Que quelqu’un a le meurtre au cœur ? Croyez-moi, mon enfant, si un être humain est déterminé à tuer un autre être humain…

— Vous auriez pu mettre la victime en garde, insista Pamela.

— Les mises en garde sont parfois inefficaces.

— Vous auriez pu mettre le meurtrier en garde, lui faire comprendre que vous connaissiez ses intentions…

Poirot hocha la tête avec satisfaction !

— Oui, c’est une meilleure idée. Mais là aussi, il faut compter avec le principal défaut de tout criminel.

— Qui est… ?

— La vanité. Un criminel ne croira jamais que son crime peut échouer.

— Mais c’est absurde ! Idiot ! s’écria Pamela. C’est un crime enfantin ! La police a tout de suite arrêté Douglas Gold, hier soir.

— Oui… Douglas Gold est un jeune homme très stupide, reconnut-il, songeur.

— Incroyablement stupide ! J’ai appris qu’on a retrouvé le reste du poison… comment s’appelle-t-il déjà ?

— C’est un dérivé de la strophantine. Un poison qui agit sur le cœur.

— On l’a retrouvé dans la poche de son smoking.

— C’est exact.

— Incroyablement stupide ! répéta Pamela. Il voulait peut-être s’en débarrasser, mais il a dû être paralysé par le choc en s’apercevant que la personne empoisonnée n’était pas la bonne. Quelle scène cela donnerait au théâtre ! L’amant verse de la strophantine dans le verre du mari, et puis, juste au moment où il a le dos tourné, la femme le boit… Quand je pense à ce moment terrifiant où Douglas Gold s’est retourné et s’est rendu compte qu’il avait tué la femme qu’il aimait…

Elle frissonna.

— Votre trio… L’éternel trio… Qui aurait pu penser que cela se terminerait comme ça ?

— Moi, je le redoutais, murmura Poirot.

— Vous l’aviez prévenue, elle, Mrs Gold. Alors pourquoi ne l’avez-vous pas prévenu lui aussi ?

— Vous voulez dire, pourquoi je n’ai pas prévenu Douglas Gold ?

— Non. Le capitaine Chantry. Vous auriez pu l’avertir qu’il était en danger… après tout, c’était lui l’obstacle ! Je suis certaine que Douglas Gold comptait obliger sa femme à lui accorder le divorce… c’est le type même de la créature soumise et follement amoureuse. Mais Chantry est d’une autre trempe. Et il est têtu comme une mule. Pour rien au monde, il n’aurait rendu sa liberté à Valentine.

Poirot haussa les épaules.

— Parler à Chantry n’aurait servi à rien, dit-il.

— Peut-être, admit Pamela. Il aurait sans doute répondu qu’il était assez grand pour se défendre et vous aurait conseillé d’aller au diable. Mais je reste persuadée qu’on aurait dû faire quelque chose.

— Un instant j’ai pensé essayer de persuader Valentine Chantry de quitter l’île, mais elle ne m’aurait pas cru. Elle était bien trop bête pour comprendre une chose pareille. Pauvre femme, sa bêtise l’a tuée.

— Cela n’aurait servi à rien qu’elle quitte l’île. Il l’aurait suivi, c’est bien simple.

— Il ?

— Douglas Gold.

— Vous pensez que Douglas Gold l’aurait suivie ? Oh, non, mademoiselle, vous vous trompez… vous vous trompez complètement. Vous n’avez pas encore saisi la vérité. Si Valentine Chantry avait quitté l’île, son mari serait parti avec elle.

— Euh… naturellement, fit Pamela, perplexe.

— Et alors, voyez-vous, le meurtre aurait tout bonnement eu lieu ailleurs.

— Je ne vous comprends pas…

— Je vous dis que le même crime aurait été perpétré ailleurs… J’entends par là l’assassinat de Valentine Chantry par son mari.

Pamela ouvrit de grands yeux.

— Êtes-vous en train de me dire que c’est le capitaine Chantry… Tony Chantry, qui a tué Valentine ?

— Oui. Vous l’avez même vu faire ! Douglas lui a apporté son verre. Il était assis devant lui. Quand les femmes sont entrées, nous avons tous regardé de leur côté ; la strophantine était prête, il l’a versée dans la Dame Rose qu’il a galamment offerte à sa femme – qui l’a bue.

— Mais on a retrouvé le sachet de strophantine dans la poche de Douglas Gold.

— Rien de plus facile que de le glisser là pendant que nous étions tous rassemblés autour de la mourante.

Pamela mit deux minutes à reprendre sa respiration.

— Je ne comprends pas un mot de tout ça, dit-elle enfin. Le trio… vous disiez, vous-même…

Poirot hocha vigoureusement la tête.

— J’ai parlé de trio, oui. Mais vous n’avez pas pensé au bon. Vous avez été abusée par une astucieuse mise en scène ! Vous avez cru, comme on voulait vous le faire croire, que Tony Chantry et Douglas Gold étaient tous deux amoureux de Valentine Chantry. Vous avez cru, comme on voulait le faire croire, que Douglas Gold, étant amoureux de Valentine Chantry – à qui son mari refusait le divorce avait sauté le pas et, de désespoir, avait administré un violent poison à Chantry, et qu’à la suite d’une erreur fatale, c’était Valentine Chantry qui avait bu le poison à sa place. Tout cela n’est que poudre aux yeux. Chantry voulait quitter sa femme depuis quelques temps déjà. Elle l’ennuyait à mourir. Je l’ai vu tout de suite. Il l’avait épousée pour son argent. Maintenant, il voulait en épouser une autre, alors il avait fait le projet de se débarrasser de Valentine et de garder son argent. Cela impliquait le meurtre.

— Une autre femme ?

— Oui, oui… la petite Marjorie Gold. C’était bien l’éternel trio. Mais vous ne l’aviez pas vu dans le bon sens. Aucun des deux hommes ne se souciait le moins du monde de Valentine Chantry. C’est sa vanité et la très habile mise en scène de Marjorie Gold qui vous a fait croire ça. Très intelligente, cette Mrs Gold, et extrêmement séduisante à sa manière, modeste madone, pauvre petite chose ! J’ai connu quatre criminelles du même acabit. Mrs Adams qui a été acquittée du meurtre de son mari, mais tout le monde sait que c’est elle qui l’a tué. Mary Parker s’est débarrassée d’une tante, d’un soupirant et de deux frères avant de se faire prendre à cause d’une légère imprudence. Et puis Mrs Rowden qui, elle, a été pendue. Enfin Mrs Lecray, qui s’en est tirée à un cheveu près. Mrs Gold, c’est exactement le même type de femme. Je l’ai cataloguée dès que je l’ai vue. C’est une espèce pour qui le crime est comme l’eau pour le canard. Et le plan était joliment bien monté. Dites-moi quelle preuve vous aviez de ce que Douglas Gold aimait Valentine Chantry ? En y repensant, vous vous apercevrez que vous n’aviez pour ça que les confidences de Marjorie Gold et les crises de jalousie de Chantry. Oui ? Vous voyez ?

— C’est horrible ! s’écria Pamela.

— Un couple très intelligent, déclara Poirot avec un détachement professionnel. Ils ont arrangé une « rencontre » ici pour faire leur mise en scène. Cette Marjorie Gold, c’est un monstre sans entrailles ! Elle aurait envoyé son pauvre imbécile de mari innocent à l’échafaud sans l’ombre d’un remords.

— Mais il a été arrêté et emmené par la police hier soir ! s’écria Pamela.

— Oh ! dit Hercule Poirot, mais après ça, moi, je suis allé dire deux mots au commissaire. Il est vrai que je n’ai pas vu Chantry mettre la strophantine dans le verre. Comme tout le monde, j’ai levé le nez quand les dames sont entrées. Mais dès que j’ai compris que Valentine Chantry avait été empoisonnée, je n’ai plus quitté son mari des yeux. Et c’est ainsi, voyez-vous, que je l’ai vu glisser le sachet de strophantine dans la poche de Douglas Gold…

Il ajouta, avec dans le regard une expression de dureté inexorable :

— Je suis le genre de témoin qui compte. Mon nom est honorablement connu. Dès que le commissaire a entendu mon histoire, il a compris que l’affaire se présentait maintenant sous un tout autre jour.

— Et alors ? demanda Pamela, fascinée.

— Eh bien, on a posé quelques questions au capitaine Chantry. Il a essayé de fanfaronner, mais comme il n’est pas vraiment futé, il s’est vite effondré.

— Alors, Douglas Gold a été remis en liberté ?

— Oui.

— Et… Marjorie Gold ?

Poirot devint grave.

— Je l’avais prévenue, dit-il. Oui, je l’avais prévenue. Sur le Mont du Prophète… C’était la seule chance d’empêcher le meurtre. Je lui ai pratiquement dit que je la soupçonnais. Elle a compris. Mais elle se croyait trop maligne… Je lui avais dit de quitter l’île si elle attachait du prix à sa vie… Elle a choisi… de rester…

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