Les Mille et une nuits

XLV NUIT.

Le jour suivant, Dinarzade appela la sultane.Ma chère sœur, lui dit-elle, je vous prie de nous raconter dequelle manière le génie traita le prince. – Je vais satisfairevotre curiosité, répondit Scheherazade. Alors elle reprit de cettesorte l’histoire du second calender.

Le calender continuant de parler àZobéide : « Madame, dit-il, le génie m’ayant fait cettequestion, ne me donna pas le temps de lui répondre, et je nel’aurais pu faire, tant sa présence affreuse m’avait mis hors demoi-même. Il me prit par le milieu du corps, me traîna hors de lachambre, et, s’élançant dans l’air, m’enleva jusqu’au ciel avectant de force et de vitesse, que je m’aperçus plutôt que j’étaismonté si haut que du chemin qu’il m’avait fait faire en peu demoments. Il fondit de même vers la terre, et l’ayant faitentr’ouvrir en frappant du pied, il s’y enfonça, et aussitôt je metrouvai dans le palais enchanté, devant la belle princesse de l’îled’Ébène. Mais, hélas ! quel spectacle ! je vis une chosequi me perça le cœur. Cette princesse était nue et tout en sang,étendue sur la terre, plus morte que vive, et les joues baignées delarmes.

« Perfide, lui dit le génie en memontrant à elle, n’est-ce pas là ton amant ? » Elle jetasur moi ses yeux languissants et répondit tristement :« Je ne le connais pas, jamais je ne l’ai vu qu’en ce moment.– Quoi ! reprit le génie, il est cause que tu es dans l’étatoù te voilà si justement, et tu oses dire que tu ne le connaispas ? – Si je ne le connais pas, repartit la princesse,voulez-vous que je fasse un mensonge qui soit cause de saperte ? – Eh bien, dit le génie en tirant un sabre et leprésentant à la princesse, si tu ne l’as jamais vu, prends ce sabreet lui coupe la tête. – Hélas ! dit la princesse, commentpourrais-je exécuter ce que vous exigez de moi ? Mes forcessont tellement épuisées que je ne saurais lever le bras, et quandje le pourrais, aurais-je le courage de donner la mort à unepersonne que je ne connais point, à un innocent ? – Ce refus,dit alors le génie à la princesse, me fait connaître tout toncrime. » Ensuite, se tournant de mon côté : « Ettoi, me dit-il, ne la connais-tu pas ? »

« J’aurais été le plus ingrat et le plusperfide de tous les hommes si je n’eusse pas eu pour la princessela même fidélité qu’elle avait pour moi, qui étais la cause de sonmalheur. C’est pourquoi je répondis au génie : « Commentla connaîtrais-je, moi qui ne l’ai jamais vue que cette seulefois ? – Si cela est, reprit-il, prends donc ce sabre etcoupe-lui la tête. C’est à ce prix que je te mettrai en liberté, etque je serai convaincu que tu ne l’as jamais vue qu’à présent,comme tu le dis. – Très-volontiers, lui repartis-je. Je pris lesabre de sa main… » Mais, sire, dit Scheherazade ens’interrompant en cet endroit, il est jour, et je ne dois pointabuser de la patience de votre majesté. – Voilà des événementsmerveilleux, dit le sultan en lui-même : nous verrons demainsi le prince eut la cruauté d’obéir au génie.

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