Les Mille et une nuits

XXIX NUIT.

Dinarzade, réveillée avant le jour, adressaces paroles à la sultane : Ma sœur, si vous ne dormez pas, jevous prie de poursuivre l’histoire que vous commençâtes hier.Scheherazade aussitôt la continua de cette manière :

Pendant que la jeune dame et le porteurattendaient que l’on ouvrît la porte de l’hôtel, le porteur faisaitmille réflexions. Il était étonné qu’une dame, faite comme cellequ’il voyait, fît l’office de pourvoyeur : car enfin iljugeait bien que ce n’était pas une esclave : il lui trouvaitl’air trop noble pour penser qu’elle ne fut pas libre, et même unepersonne de distinction. Il lui aurait volontiers fait desquestions pour s’éclaircir de sa qualité ; mais dans le tempsqu’il se préparait à lui parler, une autre dame, qui vint ouvrir laporte, lui parut si belle, qu’il en demeura tout surpris ; ouplutôt il fut si vivement frappé de l’éclat de ses charmes, qu’ilen pensa laisser tomber son panier avec tout ce qui était dedans,tant cet objet le mit hors de lui-même. Il n’avait jamais vu debeauté qui approchât de celle qu’il avait devant les yeux.

La dame qui avait amené le porteur s’aperçutdu désordre qui se passait dans son âme et du sujet qui le causait.Cette découverte la divertit, et elle prenait tant de plaisir àexaminer la contenance du porteur, qu’elle ne songeait pas que laporte était ouverte : « Entrez donc, ma sœur, lui dit labelle portière ; qu’attendez-vous ? Ne voyez-vous pas quece pauvre homme est si chargé qu’il n’en peutplus ? »

Lorsqu’elle fut entrée avec le porteur, ladame qui avait ouvert la porte la ferma, et tous trois, après avoirtraversé un beau vestibule, passèrent dans une cour très-spacieuseet environnée d’une galerie à jour, qui communiquait à plusieursappartements de plain-pied, de la dernière magnificence. Il y avaitdans le fond de cette cour un sofa richement garni, avec un trôned’ambre au milieu, soutenu de quatre colonnes d’ébène, enrichies dediamants et de perles d’une grosseur extraordinaire, et garniesd’un satin rouge relevé d’une broderie d’or des Indes, d’un travailadmirable. Au milieu de la cour, il y avait un grand bassin bordéde marbre blanc, et plein d’une eau très-claire qui y tombaitabondamment par un mufle de lion de bronze doré.

Le porteur, tout chargé qu’il était, nelaissait pas d’admirer la magnificence de cette maison et lapropreté qui y régnait partout ; mais ce qui attiraparticulièrement son attention fut une troisième dame, qui luiparut encore plus belle que la seconde, et qui était assise sur letrône dont j’ai parlé. Elle en descendit dès qu’elle aperçut lesdeux premières dames, et s’avança au-devant d’elles. Il jugea parles égards que les autres avaient pour celle-là, que c’était laprincipale, en quoi il ne se trompait pas. Cette dame se nommaitZobéide ; celle qui avait ouvert la porte s’appelaitSafie ; et Amine était le nom de celle qui avait été auxprovisions.

Zobéide dit aux deux dames en lesabordant : « Mes sœurs, ne voyez-vous pas que ce bonhomme succombe sous le fardeau qu’il porte ? Qu’attendez-vouspour le décharger ? » Alors Amine et Safie prirent lepanier, l’une par-devant, l’autre par-derrière. Zobéide y mit aussila main, et toutes trois le posèrent à terre. Elles commencèrent àle vider ; et quand cela fut fait, l’agréable Amine tira del’argent, et paya libéralement le porteur…

Le jour, venant à paraître en cet endroit,imposa silence à Scheherazade, et laissa non-seulement à Dinarzade,mais encore à Schahriar, un grand désir d’entendre la suite ;ce que ce prince remit à la nuit suivante.

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