Scène IX
Matamore,Clindor
Matamore
Ah ! traître !
Clindor
Parlez bas, ces valets…
Matamore
Eh bien ! quoi ?
Clindor
Ils fondront tout à l’heure et sur vous et surmoi.
Matamorele tire à un coin du théâtre.
Viens çà. Tu sais ton crime, et qu’à l’objetque j’aime,
Loin de parler pour moi, tu parlais pourtoi-même ?
Clindor
Oui, pour me rendre heureux j’ai fait quelquesefforts.
Matamore
Je te donne le choix de trois ou quatremorts :
Je vais, d’un coup de poing, te briser commeverre,
Ou t’enfoncer tout vif au centre de laterre,
Ou te fendre en dix parts d’un seul coup derevers,
Ou te jeter si haut au-dessus des éclairs,
Que tu sois dévoré des feux élémentaires.
Choisis donc promptement, et pense à tesaffaires.
Clindor
Vous-même choisissez.
Matamore
Quel choix proposes-tu ?
Clindor
De fuir en diligence, ou d’être bienbattu.
Matamore
Me menacer encore ! Ah !ventre ! quelle audace !
Au lieu d’être à genoux, et d’implorer magrâce… !
Il a donné le mot, ces valets vont sortir…
Je m’en vais commander aux mers det’engloutir.
Clindor
Sans vous chercher si loin un si grandcimetière,
Je vous vais, de ce pas, jeter dans larivière.
Matamore
Ils sont d’intelligence. Ah !tête !
Clindor
Point de bruit :
J’ai déjà massacré dix hommes cettenuit ;
Et si vous me fâchez, vous en croîtrez lenombre.
Matamore
Cadédiou ! ce coquin a marché dans monombre ;
Il s’est fait tout vaillant d’avoir suivi mespas :
S’il avait du respect, j’en voudrais fairecas.
Écoute : je suis bon, et ce seraitdommage
De priver l’univers d’un homme de courage.
Demande-moi pardon, et cesse par tes feux
De profaner l’objet digne seul de mesvœux ;
Tu connais ma valeur, éprouve ma clémence.
Clindor
Plutôt, si votre amour a tant devéhémence,
Faisons deux coups d’épée au nom de sabeauté.
Matamore
Parbleu, tu me ravis de générosité.
Va, pour la conquérir n’use plusd’artifices,
Je te la veux donner pour prix de tesservices ;
Plains-toi dorénavant d’avoir un maîtreingrat !
Clindor
À ce rare présent, d’aise le cœur me bat.
Protecteur des grands rois, guerrier tropmagnanime,
Puisse tout l’univers bruire de votreestime !