L’Illusion Comique

Scène IV

Matamore,Clindor

 

Matamore

Respect de ma maîtresse, incommode vertu,

Tyran de ma vaillance, à quoi meréduis-tu ?

Que n’ai-je eu cent rivaux en la place d’unpère,

Sur qui, sans t’offenser, laisser choir macolère !

Ah ! visible démon, vieux spectredécharné,

Vrai suppôt de Satan, médaille de damné,

Tu m’oses donc bannir, et même avecmenaces,

Moi, de qui tous les rois briguent les bonnesgrâces !

Clindor

Tandis qu’il est dehors, allez, dèsaujourd’hui,

Causer de vos amours et vous moquer delui.

Matamore

Cadédiou ! ses valets feraient quelqueinsolence.

Clindor

Ce fer a trop de quoi dompter leurviolence.

Matamore

Oui, mais les feux qu’il jette en sortant deprison

Auraient en un moment embrasé la maison,

Dévoré tout à l’heure ardoises etgouttières,

Faîtes, lattes, chevrons, montants, courbes,filières,

Entretoises, sommiers, colonnes,soliveaux,

Pannes, soles, appuis, jambages,traveteaux,

Portes, grilles, verrous, serrures, tuiles,pierre,

Plomb, fer, plâtre, ciment, peinture, marbre,verre,

Caves, puits, cours, perrons, salles,chambres, greniers,

Offices, cabinets, terrasses, escaliers.

Juge un peu quel désordre aux yeux de macharmeuse ;

Ces feux étoufferaient son ardeuramoureuse.

Va lui parler pour moi, toi qui n’es pasvaillant ;

Tu puniras à moins un valet insolent.

Clindor

C’est m’exposer…

Matamore

Adieu : je vois ouvrir la porte,

Et crains que sans respect cette canaillesorte.

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