Scène VIII
Clindor,Isabelle,Matamore
Isabelle
(Matamore écoutecaché.)
Tout se prépare mal du côté de monpère ;
Je ne le vis jamais d’une humeur sisévère :
Il ne souffrira plus votre maître nivous ;
Votre rival d’ailleurs est devenujaloux ;
C’est par cette raison que je vous faisdescendre ;
Dedans mon cabinet ils pourraient noussurprendre ;
Ici nous parlerons en plus desûreté :
Vous pourrez vous couler d’un et d’autrecôté ;
Et si quelqu’un survient, ma retraite estouverte.
Clindor
C’est trop prendre de soin pour empêcher maperte.
Isabelle
Je n’en puis prendre trop pour assurer unbien
Sans qui tous autres biens à mes yeux ne sontrien,
Un bien qui vaut pour moi la terre toutentière,
Et pour qui seul enfin j’aime à voir lalumière.
Un rival par mon père attaque en vain mafoi ;
Votre amour seul a droit de triompher demoi :
Des discours de tous deux je suispersécutée ;
Mais pour vous je me plais à me voirmaltraitée ;
Et des plus grands malheurs je bénirais lescoups,
Si ma fidélité les endurait pour vous.
Clindor
Vous me rendez confus, et mon âme ravie
Ne vous peut, en revanche, offrir rien que mavie ;
Mon sang est le seul bien qui me reste en ceslieux,
Trop heureux de le perdre en servant vos beauxyeux.
Mais si mon astre un jour, changeant soninfluence,
Me donne un accès libre aux lieux de manaissance,
Vous verrez que ce choix n’est pas fortinégal,
Et que, tout balancé, je vaux bien monrival.
Mais, avec ces douceurs, permettez-moi decraindre
Qu’un père et ce rival ne veuillent vouscontraindre.
Isabelle
N’en ayez point d’alarme, et croyez qu’en cecas
L’un aura moins d’effet que l’autre n’ad’appas.
Je ne vous dirai point où je suisrésolue :
Il suffit que sur moi je me rends absolue.
Ainsi tous les projets sont des projets enl’air.
Ainsi…
Matamore
Je n’en puis plus : il est temps deparler.
Isabelle
Dieux ! on nous écoutait.
Clindor
C’est notre capitaine :
Je vais bien l’apaiser ; n’en soyez pasen peine.