Scène II
Isabelle, représentantHippolyte ;Lyse, représentantClarine.
Lyse
Ce divertissement n’aura-t-il point defin ?
Et voulez-vous passer la nuit dans cejardin ?
Isabelle
Je ne puis plus cacher le sujet quim’amène ;
C’est grossir mes douleurs que de taire mapeine.
Le prince Florilame…
Lyse
Eh bien ! il est absent.
Isabelle
C’est la source des maux que mon âmeressent ;
Nous sommes ses voisins, et l’amour qu’il nousporte
Dedans son grand jardin nous permet cetteporte.
La princesse Rosine et mon perfide époux,
Durant qu’il est absent, en font leurrendez-vous :
Je l’attends au passage, et lui feraiconnaître
Que je ne suis pas femme à rien souffrir d’untraître.
Lyse
Madame, croyez-moi, loin de le quereller,
Vous ferez beaucoup mieux de toutdissimuler.
Il nous vient peu de fruit de tellesjalousies ;
Un homme en court plus tôt après sesfantaisies ;
Il est toujours le maître, et tout notrediscours
Par un contraire effet l’obstine en sesamours.
Isabelle
Je dissimulerai son adultère flamme !
Une autre aura son cœur, et moi le nom defemme !
Sans crime, d’un hymen peut-il rompre laloi ?
Et ne rougit-il point d’avoir si peu defoi ?
Lyse
Cela fut bon jadis ; mais au temps oùnous sommes,
Ni l’hymen ni la foi n’obligent plus leshommes ;
Leur gloire a son brillant et ses règles àpart ;
Où la nôtre se perd, la leur est sanshasard ;
Elle croît aux dépens de nos lâchesfaiblesses ;
L’honneur d’un galant homme est d’avoir desmaîtresses.
Isabelle
Ôte-moi cet honneur et cette vanité,
De se mettre en crédit par l’infidélité.
Si, pour haïr le change et vivre sansamie,
Un homme tel que lui tombe dans l’infamie,
Je le tiens glorieux d’être infâme à ceprix ;
S’il en est méprisé, j’estime ce mépris.
Le blâme qu’on reçoit d’aimer trop unefemme
Aux maris vertueux est un illustre blâme.
Lyse
Madame, il vient d’entrer ; la porte afait du bruit.
Isabelle
Retirons-nous, qu’il passe.
Lyse
Il vous voit et vous suit.