Mansfield Park

Chapitre 7

 

Les rapports des deux familles étaient à ce moment beaucoup plusproches de ce qu’ils avaient été en automne aucun des membres del’ancienne intimité n’avait cru que cela eût encore été possible.Le retour de Henry Crawford, et l’arrivée de William Price yétaient pour beaucoup, mais aussi et surtout le fait que Sir Thomasaccueillait avec plus que de la tolérance les tentatives devoisinage du Presbytère. Son esprit, maintenant dégagé des soucisqui l’avaient accablé en premier lieu, était en mesure de trouverque les Grant et leurs jeunes invités valaient réellement la peined’être invités ; et bien que ne s’abaissant pas à faire desplans ou des projets quant à ce mariage, un des plus heureux quipussent être dans les possibilités de n’importe lequel de ceuxqu’il chérissait, et considérant même comme la moindre des chosesle fait de ne pas approfondir de telles choses, il ne pouvaits’empêcher de percevoir, d’une façon négligente, que M. Crawforddistinguait quelque peu sa nièce — ni peut-être se retenir (sansdoute inconsciemment) de donner des consentements plusbienveillants aux invitations qui se rapportaient à ce sujet.

Son empressement, cependant, d’accepter de dîner au Presbytère,quand l’invitation générale fut finalement hasardée, après denombreux débats et de nombreuses doutes pour savoir si cela envalait la peine « car Sir Thomas semblait si maldisposé ! et Lady Bertram était si indolente ! » —provenait seulement de sa bonne éducation et de sa bonne volonté,et n’avait rien à faire avec M. Crawford, il y allait parce que ceserait une réunion agréable ; car ce fut dans le courant decette visite-là qu’il commença à penser que quiconque, habitué àremarquer de si futiles détails, aurait pensé que M.Crawford était l’admirateur de Fanny Price.

La réunion fut en général plaisante, étant composée dans unebonne proportion de narrateurs et d’auditeurs ; et le dînerlui-même était élégant et plantureux, selon l’habitude des Grant,et trop accordée aux habitudes de tous pour créer aucune émotion,excepté chez Mme Norris qui ne pouvait jamais regarder avecpatience la large table ni le nombre de plats s’y trouvant et quis’arrangeait toujours pour faire quelque mauvaise expérience lorsdu passage des servantes derrière sa chaise et pour se convaincreune fois de plus qu’il était impossible que, parmi tant de plats,certains ne fussent pas froids.

Dans la soirée on découvrit, d’après Mme Grant et sa sœur,qu’après avoir organisé la table de whist, ils resteraient asseznombreux pour jouer et tout le monde étant d’accord, la spéculationfut décidée presque aussi vite que le whist ; et Lady Bertramse trouva rapidement dans la situation critique de devoir choisirentre les deux jeux et fut priée de tirer une carte pour le whistou non. Heureusement, Sir Thomas était à portée de sa main.

— Que vais-je faire, Sir Thomas ? Whist ouspéculation : quel jeu m’amusera le plus ?

Sir Thomas après un moment de réflexion, recommanda laspéculation. Il était un joueur de whist lui-même et pouvaitpeut-être penser que cela ne l’amuserait pas beaucoup d’avoir safemme comme partenaire.

— Très bien, répondit avec joie Lady Bertram, la spéculationalors, s’il vous plaît, Mme Grant. Je ne connais rien à ce jeu,mais Fanny me l’enseignera.

Ici, Fanny s’interposa cependant, en parlant anxieusement de sapropre ignorance ; elle n’avait jamais joué ce jeu et nel’avait jamais vu jouer de sa vie ; et Lady Bertram éprouva denouveau un moment d’indécision — mais d’après les assurances dechacun que rien n’était aussi facile, que c’était le plus faciledes jeux de cartes, et après que Henry Crawford eut introduit, laplus instante requête pour être admis à s’asseoir entre saSeigneurie et Mlle Price et à leur enseigner le jeu à toutes deux,il en fut décidé ainsi ; et Sir Thomas, Mme Norris, le Dr. etMme Grant étant assis à la table avec majesté et dignité, les sixautres, sous la direction de Mlle Crawford, furent installés autourde l’autre table. C’était un bel arrangement pour Henry Crawford,qui était tout contre Fanny, et avec un grand rôle à remplir, ayantles jeux de deux personnes à conduire aussi bien que le sien ;bien qu’il fût impossible pour Fanny de ne pas se sentir maîtressedes règles du jeu au bout de trois minutes, il avait cependant àinspirer son jeu, aiguiser son avarice et acquérir son cœur, cequi, spécialement en compétition avec William, n’était pas sansquelque difficulté. En ce qui concerne Lady Bertram, il dutconsentir à se charger d’elle toute la soirée, et, s’il fut assezrapide pour l’empêcher de regarder à ses cartes quand la partiecommença il dut la diriger dans tout ce qu’elle eut à faire jusqu’àla fin du jeu.

Il était dans un brillant état d’esprit, faisant chaque choseavec une aisance heureuse, et surtout dans tous les tours vifs, lesressources rapides et l’imprudence hasardeuse qui pouvaient fairehonneur au jeu ; et la table ronde était en très beaucontraste avec la calme sobriété et le silence ordonné del’autre.

Sir Thomas s’était enquis deux fois du plaisir et du succès deson épouse, mais en vain ; aucune pause n’était assez longuepour le temps que ses manières mesurées nécessitaient ; etpresque rien de son état ne put être connu jusqu’à ce que Mme Grantfût capable, à la fin de la première partie, d’aller vers elle etde la complimenter.

— J’espère que le jeu amuse votre Seigneurie ?

— Oh oui, chère. Très amusant, en effet. Un très bizarre jeu. Jene sais pas de quoi il s’agit. Je ne vois jamais mes cartes. M.Crawford fait tout le reste.

— Bertram, dit Crawford, quelque temps après, mettant à profitune petite détente dans le jeu, je ne vous ai jamais dit ce quim’arriva hier lors de ma chevauchée vers la maison.

Ils avaient été chasser ensemble, et étaient au milieu d’unebonne course, et à quelque distance de Mansfield, quand, s’étantaperçu que son cheval avait perdu un fer, Henry Crawford avait étéobligé d’abandonner et de faire à pied la meilleure partie de sonchemin du retour.

« Je vous ai dit que j’avais perdu mon chemin après avoirdépassé cette vieille ferme avec les ifs, parce que je ne saisjamais me résoudre à demander ; mais je ne vous ai pas ditque, avec ma chance habituelle — car je ne fais jamais une erreursans y gagner — je me trouvai en temps voulu exactement où jedésirais être. J’arrivai soudainement, après avoir trouvé un champencaissé, dans le milieu d’un petit village retiré entre deuxcollines aux pentes douces ; un torrent étroit devant moi àfranchir à gué ; une église se dressant sur une sorte detertre, à ma droite — église apparemment large et élégante pourl’endroit, et pas une maison de gentilhomme ni une maison dedemi-gentilhomme à voir, excepté une — le Presbytère, je précise àun jet de pierre des précités tertre et église. Je me trouvai, enrésumé, à Thornton Lacey.

— Cela paraît être ainsi, dit Edmond, mais dans quel cheminavez-vous tourné après avoir dépassé la ferme de Sewell ?

— Je ne réponds pas à des questions si irrévérentes et siinsidieuses ; bien que je réponde à tout ce que vous pourriezdemander en une heure, vous ne seriez jamais capable de prouver quece n’était pas Thornton Lacey, car ce l’était certainement.

— Vous vous êtes informé, alors ?

— Non, je ne m’informe jamais. Mais je dis à un hommeoccupé à tailler une haie que cela était Thornton Lacey, et ilapprouva.

— Vous avez une bonne mémoire, j’avais oublié vous avoir jamaisdit la moitié de ceci au sujet de cet endroit.

Thornton Lacey était l’endroit où il irait bientôt vivre, ainsique Mlle Crawford le savait ; et son intérêt dans unenégociation pour le valet de William Price augmenta.

— Bien, continua Edmond, et avez-vous aimé ce que vous avezvu ?

— Beaucoup, en vérité. Le jardin de la ferme doit être déplacé,je suis d’accord, mais je n’ai conscience de rien d’autre. Lamaison n’est nullement mauvaise et quand le jardin sera déplacé, ilpourra y avoir une entrée très tolérable.

« Le jardin doit être entièrement nettoyé et planté pourcacher la maison du forgeron. La maison doit être tournée le frontvers l’est ou bien vers le nord — l’entrée et les chambresprincipales, je veux dire, doivent être de ce côté, où la vue estréellement belle ; je suis sûr que cela peut se faire. Etlà doit être votre entrée, — à travers ce qui est àprésent le jardin. Vous devez faire un jardin là ou se trouvemaintenant l’arrière de la maison, ce qui lui donnera le meilleuraspect du monde, en pente vers le sud-est. Le terrain sembleprécisément formé pour cela. J’ai parcouru à cheval environcinquante yards de la ruelle entre l’église et la maison afin deregarder autour de moi ; et j’ai vu comment tout cela pourraitêtre. Rien n’est plus facile. Les prés derrière ce quisera le jardin, aussi bien que ce qui estmaintenant, s’étendant aux alentours de la ruelle où j’étais versle nord-est, à travers la route principale traversant levillage ; cela doit être réuni évidemment, ce sont de trèsbeaux prés, joliment parsemés de bois. Ils appartiennent aubénéfice de l’Église, je suppose. Si pas, vous devez les acheter.Alors, le torrent — quelque chose doit être fait avec letorrent ; mais je ne peux pas exactement dire quoi. J’avaisdeux ou trois idées.

— Et j’ai aussi deux ou trois idées, dit Edmond, et l’uned’elles est que très peu de votre plan pour Thornton Lacey serajamais mis en pratique. Je dois être satisfait avec moinsd’ornement et de beauté. Je pense que la maison et l’entrée peuventêtre confortables, et avoir l’apparence d’une maison d’un gentlemansans aucune dépense très lourde, et cela doit me suffire et, jel’espère, peut suffire à tous ceux qui s’intéressent à moi.

Mlle Crawford, un peu soupçonneuse et pleine de ressentiment,d’un certain ton de voix et d’un certain demi-regard exprimant ladernière expression de son espoir se dépêcha de finir sa partieavec William Price ; et assurant son valet à un prixexorbitant, elle s’exclama :

— Voilà, je veux achever le jeu comme une femme d’esprit. Pas defroide prudence pour moi. Je ne suis pas née pour m’asseoirtranquillement à ne rien faire. Si je perds le jeu, ce ne sera passans avoir lutté.

Le jeu cessa, et ne la paya pas en retour. Une autre parties’engagea et Crawford reprit la conversation à propos de ThorntonLacey.

— Mon plan peut ne pas être le meilleur ; je n’ai pas eubeaucoup de temps pour le former ; mais vous devez faire unebonne partie. L’endroit le mérite et vous ne vous sentirez passatisfait si vous faites beaucoup moins que ce qu’on peut faire.(Excusez-moi, votre Seigneurie, on ne doit pas voir vos cartes. Là,laissez-les posées devant vous.) La place le mérite, Bertram. Vousparlez de lui donner l’air d’une maison de gentilhomme. Cela serafait, par le déplacement du jardin, car, indépendamment de cetteterrible disgrâce, je n’ai jamais vu une maison de cette espèceressemblant autant à une résidence de gentleman, elle a tout à faitl’air d’être quelque chose de plus que la maison d’un simplepersonnage — au-dessus d’un train de vie de quelques centainesl’an. Ce n’est pas un mélange compliqué de simples chambres basses,— ce n’est pas le vulgaire assemblage compact d’une ferme carrée.C’est solide, spacieux ; l’on peut supposer qu’une respectablevieille famille de la région y a vécu de génération en génération,pendant deux siècles au moins, et y vit maintenant en dépensant dedeux à trois milles l’an.

Mlle Crawford écoutait, et Edmond approuva ceci :

— L’air d’une résidence de gentleman… Vous ne pouvez pourtant lelui donner si vous ne faites rien. Mais elle est capable debeaucoup plus. (Laissez-moi voir, Mary : Lady Bertram, nemisez pas une douzaine pour cette reine ; non, non, unedouzaine est plus que cela ne vaut. Lady Bertram ne mise pas unedouzaine. Elle n’aura rien à dire à cela. Allez, continuez !)Par certaines améliorations comme celles que j’ai suggérées (je nedemande réellement pas que vous suiviez mon plan, quoique je douteque quelqu’un en présente un meilleur), vous pouvez lui donner uncaractère plus élevé. Vous pouvez en faire une place. Ayant été lasimple maison d’un gentleman, elle devient, par de judicieusesaméliorations, la résidence d’un homme ayant de l’éducation, dugoût, des manières modernes et de bonnes relations. Tout cela peutse marquer sur elle ; et cette maison reçoit un air tel queson propriétaire sera reconnu le grand propriétaire de la paroissepar chacun qui passera sur la route ; spécialement parce qu’iln’y a pas de réel château dans cet endroit ; une circonstance,entre nous, capable de rehausser la valeur d’une telle situation aupoint que ce soit un privilège et d’une indépendance au-delà detout calcul. Vous pensez comme moi, j’espère ? Il se tournaavec une voix adoucie vers Fanny :

— Avez-vous déjà vu l’endroit ?

Fanny répondit rapidement non, et essaya de cacher son intérêtpour le sujet par une intense attention envers son frère, qui étaitoccupé à conduire un dur marché ; mais Crawfordpoursuivit :

— Non, non, vous ne devez pas vous séparer de la reine. Vousl’avez achetée trop cher et votre frère ne vous en offre pas lamoitié de sa valeur. Non, non, Monsieur, les mains dehors, lesmains dehors. Votre sœur ne se sépare pas de la reine. Elle estcomplètement déterminée. Le jeu sera à vous — il se tourna verselle de nouveau — il sera certainement à vous.

— Et Fanny aurait beaucoup préféré qu’il soit à William, ditEdmond, souriant vers elle. Pauvre Fanny, qui ne peut se dupercomme elle le souhaite !

— Monsieur Bertram, dit Mlle Crawford, quelques minutes après,vous savez que Henry fait de tels embellissements que vous nepouvez vous engager dans rien d’aucune sorte à Thornton Lacey sansaccepter son aide. Pensez seulement comme il a été utile àSotherton ! Pensez seulement combien de grandes choses furentfaites là parce que nous sommes tous allés avec lui, un jour chaudd’août, pour le conduire à travers les champs, et voir son génies’enflammer. Nous allâmes là, et nous revînmes de nouveau à lamaison ; et ce qui a été fait là n’est pas à dire.

Les yeux de Fanny se tournèrent un moment vers Crawford, avecune expression plus que grave, même pleine de reproches, mais elleles détourna immédiatement en rencontrant les siens. Avec quelquechose de conscient, il secoua sa tête vers sa sœur et répondit enriant :

— Je ne peux pas dire que beaucoup a été fait à Sotherton ;mais c’était un jour chaud et nous marchions tous après l’unl’autre, et désorientés.

Aussitôt qu’un murmure général lui permit de ne pas êtreentendu, il ajouta à voix basse, uniquement pour Fanny ets’adressant directement à elle :

— Je devrais être triste de pouvoir faire des projets en si peude temps à Sotherton. Je vois les choses tout à fait différemmentmaintenant. Ne pensez pas à moi comme j’étais alors.

Sotherton était un mot qui saisit Mme Norris, et étant justementà ce moment contente d’avoir gagné en suivant Sir Thomas qui menaitle jeu contre le Dr. et Mme Grant, elle l’interpella d’un ton debonne humeur :

— Sotherton ! Oui, c’est un endroit, en vérité, où nouseûmes une si charmante journée… William, vous n’avez vraiment pasde chance, mais j’espère que la prochaine fois que vous viendrez,ces chers M. et Mme Rushworth seront à la maison, et je suis sûreque je peux répondre de ce que vous serez reçu aimablement par euxdeux. Vos cousines ne sont pas une sorte de gens qui oublient leursamis, et M. Rushworth est un homme des plus aimable. Ils sont àBrighton maintenant, vous savez — dans une des plus belles maisonsde là-bas, comme la belle fortune de M. Rushworth lui donne ledroit d’être. Je ne connais pas exactement la distance, mais quandvous retournerez à Portsmouth, si ce n’est pas trop loin, vousdevez aller jusque là et leur porter vos respects ; et jepourrais envoyer par vous un petit colis que je désire faireparvenir à vos cousines.

— J’en serais très heureux, tante, mais Brighton n’est pas trèsloin de Beachey Head ; et si je pouvais arriver si loin, je nepourrais présumer être le bienvenu dans un endroit si élégant,pauvre diable de sous-officier que je suis !

Mme Norris commençait à déployer une extrême assurance del’affabilité à laquelle il pourrait s’attendre, quand elle futarrêtée par ces paroles de Sir Thomas prononcées avecautorité :

— Je ne vous conseille pas d’aller à Brighton, William, car j’ail’espoir que vous aurez bientôt des possibilités de rencontre pluscommodes ; mais mes filles seraient heureuses de voir leurscousins n’importe où, et vous trouverez M. Rushworth plussincèrement disposé à considérer avec égard les relations de notrefamille que celles de la sienne.

— Je préférerais le trouver secrétaire privé du premier ministreque n’importe quoi d’autre, fut la seule réponse de William, dansune voix rentrée, n’ayant pas l’intention de porter loin, et lesujet en resta là.

Jusque là, Sir Thomas n’avait rien vu de particulier dansl’attitude de M. Crawford, mais quand la table de whist se dispersaaprès la partie, et que, quittant le Dr. Grant et Mme Norris qui sedisputaient au sujet de leur dernier jeu, il devint un spectateurpour les autres, il vit que sa nièce était l’objet d’attentionsd’un caractère bien marqué.

Henry Crawford était dans la première ardeur d’un autre projet àpropos de Thornton Lacey ; et, n’étant pas capable de capterl’oreille d’Edmond, il détaillait ce plan à sa belle voisine, avecun regard de convenable ardeur. Son plan était de louer la maisonlui-même l’hiver suivant, de façon à ce qu’il puisse avoir sonpropre foyer à lui dans le voisinage, et ce n’était pas simplementpour l’usage qu’il en ferait pendant la saison de la chasse (commeil le lui disait à ce moment) bien que cette considération aitcertainement du poids, sentant que, en dépit de la grande amabilitédu Dr. Grant, il était impossible pour lui et ses chevaux d’être àleur aise où ils étaient sans gêner matériellement ; mais cetattachement pour le voisinage ne dépendait pas seulement d’unamusement ou d’une saison de l’année ; son cœur désirait avoirun quelque chose là où il pourrait venir à n’importe quel moment,un petit foyer à sa disposition, où il pourrait passer tous lescongés de son année et où il pouvait continuer, améliorer etperfectionner cette amitié et cette intimité avec la famille deMansfield Park dont la valeur augmentait pour lui chaque jour. SirThomas entendit et ne fut pas offensé ; il n’y avait aucundésir de respect dans les manières du jeune homme, et la façon dontFanny les accueillait était si appropriée et si modeste, si calmeet si peu engageante, qu’il n’avait rien à réprouver en elle. Elleparlait peu, approuvait seulement ici et là et ne trahissait aucuneinclination soit pour s’approprier une part du compliment ou pourencourager ses vues en faveur du Northamptonshire.

Voyant par qui il était observé, Crawford s’adressa lui-même àSir Thomas à propos du même sujet, dans un ton plus « de tousles jours » mais cependant toujours avec sentiment.

— Je désire être votre voisin, Sir Thomas, comme vous m’avezpeut-être entendu en parler à votre nièce. Puis-je espérer votreacquiescement, et espérer que vous n’influencerez pas votre filscontre un tel locataire ?

Sir Thomas, se courbant poliment, répliqua :

— C’est la seule manière, Monsieur, de laquelle je ne pourraispas souhaiter de vous voir établi comme un voisin permanent ;mais j’espère, et je crois, qu’Edmond occupera sa propre maison àThornton Lacey. Edmond, est-ce que j’en dis trop ?

Edmond, à cet appel, devait d’abord savoir de quoi ils’agissait ; mais, en comprenant la question, il ne fut pasembarrassé pour la réponse :

— Certainement, Monsieur, je n’ai aucune autre idée que celle del’habiter. Mais, Crawford, si je vous refuse comme locataire, venezchez moi comme ami. Considérez la maison comme étant à moitié vôtrechaque hiver, et nous agrandirons les étables d’après votre pland’amélioration, et avec tous les embellissements de votre plan quipeuvent s’accomplir pour vous ce printemps.

— Nous y perdrons, continua Sir Thomas. Son départ, ne fût-cequ’à seulement huit milles d’ici, sera une restriction biendéplaisante pour notre cercle de famille ; mais j’aurais étéprofondément mortifié si un de mes fils pourrait se résigner àfaire moins. Il est parfaitement naturel que vous n’ayez pas pensébeaucoup à ce sujet, Mr Crawford. Mais une paroisse a ses désirs etses droits qui ne peuvent être connus que par un pasteur habitantcontinuellement avec eux et qu’aucune proximité ne serait capablede satisfaire au même point. Edmond pourrait, suivant la règlecommune, faire son devoir à Thornton qui serait de lire les prièreset de prêcher, sans abandonner Mansfield Park, il pourrait serendre à cheval, tous les dimanches, vers une maison en faitinhabitée, et assurer le service divin ; il pourrait être lepasteur de Thornton Lacey chaque septième jour, pour trois ouquatre heures, si cela pouvait le contenter. Mais cela ne sera pas.Il sait que la nature humaine nécessite plus de leçons qu’un sermonpar semaine en peut donner ; et s’il ne vit pas parmi sesparoissiens, et ne prouve lui-même, par ses constantes attentions,qu’il est leur ami bienveillant, il fait bien peu pour leur bien oupour le sien.

M. Crawford s’inclina en acquiesçant.

— Je répète de nouveau, ajouta Sir Thomas, que Thornton Laceyest la seule maison du voisinage dans laquelle je ne serais pasheureux de voir M. Crawford comme occupant.

M. Crawford s’inclina en remerciant.

— Sir Thomas, dit Edmond, comprend indubitablement le devoird’un pasteur de paroisse. Nous devons espérer que son fils pourraprouver qu’il le connaît aussi

Quel qu’effet que la petite harangue de Sir Thomas ait puréellement produire sur M. Crawford, elle provoqua un sentiment demalaise chez deux des autres, deux de ses plus attentifs auditeurs,Mlle Crawford et Fanny. L’une d’elles, n’ayant jamais comprisprécédemment que Thornton allait être si tôt et si complètement lamaison du jeune homme, considérait, abattue, ce que cela serait, dene plus voir Edmond chaque jour ; et l’autre, détournée del’agréable vision à laquelle elle s’était complue précédemment, enentendant la force de la description de son frère, ne pouvant pasplus longtemps, dans l’image qu’elle s’était formée du futurThornton, chasser l’église, chasser le pasteur et y voir seulementla respectable, élégante, moderne et occasionnelle résidence d’unhomme riche et indépendant — considérait Sir Thomas, avec unemauvaise volonté décidée, comme le destructeur de tout ceci, etsouffrait surtout à cause de cette involontaire indulgence que soncaractère et ses manières recommandaient, et parce qu’elle n’osaitpas faire la plus simple tentative de ridiculiser sa cause.

Tout le plaisir de son jeu était passé pour cette heure. Ilétait temps d’en finir avec les cartes, si les sermonsdominaient ; et elle était contente de trouver nécessaire d’envenir à une conclusion et d’être apte à rafraîchir son esprit parun changement de place et de voisins.

Les chefs de la partie s’étaient maintenant rassemblés sansordre près du feu, attendant l’arrêt final. William et Fannyétaient les plus écartés. Ils restaient tous les deux à l’autretable désertée, parlant très confortablement, et ne pensant pas aureste de la société, jusqu’au moment où une partie de celle-cicommença à penser à eux. La chaise de Henry Crawford fut lapremière qui alla dans leur direction, et il s’assit en lesobservant silencieusement pendant quelques minutes. Lui-même, dansle même temps, était observé par Sir Thomas, qui bavardait, debout,avec le Dr. Grant.

— Il y a rassemblement, ce soir, dit William. Si j’étais àPortsmouth, j’y serais peut-être.

— Mais vous ne souhaitez pas d’être à Portsmouth,William ?

— Non, Fanny, je ne le souhaite pas. J’en aurai assez, dePortsmouth, et de la danse, aussi, quand je ne vous aurai plus. Etje ne sais pas si je pourrais trouver quelque plaisir dans cetteassemblée, car je devrais sans doute aller sans partenaire. Lesjeunes filles de Portsmouth détournent le nez de quiconque n’a pasune attribution. On peut tout aussi bien n’être rien qu’êtresous-officier. On n’est rien, en réalité. Vous vous rappelez lesGregorys ; elles sont devenues d’amusantes et jolies jeunesfilles, mais elles me parlent à peine, parce que Lucy est courtiséepar un officier.

Ses joues étaient colorées d’indignation comme il parlait.

— Oh ! Quelle honte ! Mais cela ne fait rien, William.Cela ne vaut pas la peine de s’en occuper. Cela ne vous concernepas ; ce n’est pas plus que ce que les plus grands amiraux onttous expérimenté, plus ou moins, dans leur temps. Vous devez penserà cela ; vous devez essayer de considérer cela comme l’une desduretés qui accablent la vie de tous les marins — comme le mauvaistemps et la vie rude. Seulement avec cet avantage : qu’il yaura une fin à ceci, qu’un moment viendra où vous n’aurez plus riende cette sorte à endurer. Quand vous serez un lieutenant !Songez seulement, William, combien peu vous vous soucierez depetits non-sens comme ceci, quand vous serez lieutenant.

— Je commence à croire que je ne serai jamais lieutenant, Fanny.Tout le monde reçoit sa promotion, sauf moi.

— Oh, mon cher William, ne parlez pas ainsi. Ne soyez pas sidécouragé. Mon oncle ne dit rien, mais je suis sûre qu’il fera toutce qui est en son pouvoir pour que vous soyez nommé. Il sait, aussibien que vous, quelle importance cela a.

Elle fut arrêtée par la vue de son oncle, qui se trouvaitbeaucoup plus près d’eux qu’elle ne le soupçonnait, et chacuntrouva nécessaire de parler de quelque chose d’autre.

— Aimez-vous danser, Fanny ?

— Oui, beaucoup. Mais je suis vite fatiguée.

— J’aimerais aller à un bal avec vous et vous voir danser.N’avez-vous jamais de bals, à Northampton ? J’aimerais vousvoir danser, et je danserais avec vous, si vous le vouliez, carpersonne ne saurait qui je suis, ici, et j’aimerais être votrepartenaire une fois de plus. Nous avons souvent eu l’habitude desauter ensemble partout, n’est-ce pas ? Quand l’orgue deBarbarie était dans la rue ? Je suis un très bon danseur à mamanière, mais j’ose dire que vous êtes meilleure que moi.

Et se tournant vers leur oncle qui était maintenant tout prèsd’eux :

— Est-ce que Fanny n’est pas une bonne danseuse,Monsieur ?

Fanny, alarmée par une telle question, sans précédent, ne savaitplus de quel côté regarder ou comment se préparer à la réponse.Quelque reproche très grave, ou au moins la plus froide expressiond’indifférence, devaient venir pour affliger son frère et la fairedisparaître. Mais, au contraire, ce ne fut pas pire que :

— Je regrette de dire que je suis incapable de répondre à votrequestion. Je n’ai jamais vu Fanny danser depuis qu’elle était unepetite fille ; mais je suis certain que nous allons tous deuxpenser qu’elle s’en acquitte comme une dame lorsque nous laverrons, ce dont, peut-être, nous pourrons avoir une occasion sansdevoir attendre trop longtemps.

— J’ai eu le plaisir de voir votre sœur danser, monsieur Price,dit Henry Crawford, se penchant en avant, et je peux m’engager àrépondre à chaque enquête que vous pourriez faire à ce sujet, àvotre entière satisfaction. Mais je crois (il vit le regard deFanny s’affliger) que cela sera à quelque autre moment. Il y a unepersonne dans la compagnie qui n’aime pas qu’on parle de MllePrice.

C’était vrai : il avait vu une fois Fanny dansant, etc’était vrai aussi qu’il aurait maintenant répondu qu’elle glissaitavec une calme et légère élégance et dans un rythmeadmirable ; mais il n’aurait pu, même au prix de sa vie,rappeler ce que sa danse avait été. et il se portait garant qu’elleavait été présente, mais il ne se rappelait aucune chose à sonpropos.

Il passa, cependant, pour un admirateur de Fanny ; et SirThomas, nullement mécontent, prolongea la conversation sur la danseen général et était si bien engagé dans une description des balsd’Antigua, en écoutant ce que son neveu pouvait relater au sujetdes différentes façons de danser qu’il avait pu observer, qu’iln’avait pas entendu qu’on annonçait sa voiture, et qu’il y futappelé en premier lieu par l’empressement de Mme Norris.

— Venez, Fanny, à quoi pensez-vous ? Nous partons. Necroyez-vous pas que votre tante s’en va ? Vite, vite. Je nepeux supporter de faire attendre le pauvre vieux Wilcox. Vousdevriez toujours vous souvenir du cocher et des chevaux. Mon cherSir Thomas, nous avons décidé que la voiture reviendrait pour vous,et Edmond, et William.

Sir Thomas ne pouvait refuser, car cela avait été son proprearrangement, communiqué précédemment à sa femme et à la sœur decelle-ci, mais cela semblait oublié par Mme Norris quidevait s’imaginer qu’elle avait tout fixé elle-même.

Le dernier sentiment de Fanny dans cette visite fut dudésappointement, car le châle que Edmond était occupé à prendretranquillement à la servante pour l’apporter et le poser sur sesépaules fut saisi par la main prompte de M. Crawford et elle futobligée d’être redevable à l’attention de celui-ci.

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