Une Française captive chez les Peaux Rouges – Chez les Sioux – Voyages, explorations, aventures -16

Chapitre 2RAYON-D’OR LE BOIS-BRULÉ

 

Le sachem, en rentrant dans celui-ci, trouvale conseil encore assemblé.

Il s’en étonna. Il demanda :

– Mes frères délibèrent donc encore ?

– Nous t’attendons ! dit unvieillard.

La Loutre a quelque chose à nous dire.

La Loutre était le sorcier dont le visagemalicieux s’éclairait d’un sourire fin et moqueur.

– Mes frères, dit-il, je voulais vous demandersi l’un de vous savait ce que Nilson veut exiger de la famille dela jeune fille.

Personne ne répondait.

Mais, parmi les braves, un adolescent dequatorze ans dit :

– Je le sais, moi.

Le guerrier que suivait ce très jeune brave,dit d’un ton grondeur :

– Tais-toi, Rayon-d’Or.

» Tu n’as pas le droit de parler.

– Je l’ai…

Et le jeune homme s’avança.

Il était peint en guerre et en armes.

– Je venais d’arriver d’une expédition,dit-il, quand j’ai vu le conseil réuni. J’ai écouté.

» J’ai entendu.

» J’ai compris.

» Je n’ai pas réclamé mon droit devantl’étranger pour ne pas troubler l’assemblée ; mais, mon droit,je le réclame.

Le sachem dit :

– Prouve ton droit.

Le jeune homme tira de sa gibecière quatrechevelures sanglantes.

On poussa des Ochs d’approbation.

Il était superbe, Rayon-d’Or, en montrent cestrophées.

Il avait une jolie figure, le teint clair,l’air espiègle et hardi, le regard ferme et questionneur, lesourire aimable.

Sa tête avait dans les traits, dansl’expression, quelque chose de français.

Tous ceux qui le voyaient en étaient frappéset en demandaient l’explication.

D’autant plus qu’une splendide chevelureblonde jetait sur son visage des reflets dorés de teinteclaire.

Ce jeune homme était un métis, fils d’unBois-Brûlé et d’une Sioux.

Son père s’était épris d’une fille de la tribuet l’avait épousée.

Grand honneur pour les Sioux.

Les Bois-Brûlés sont des descendants de vieuxcolons français du Canada qui s’étaient mariés avec desindiennes.

Ils brûlaient des parties de forêt pourdéfricher les terres où ils voulaient s’établir ; de là leurnom.

Cultivateurs en été, bûcherons pendantl’hiver, ils prospérèrent.

Ils sont aujourd’hui nombreux et répanduspartout, surtout au Nord-Est.

Ce sont eux qui ont fait la dernière révoltecontre les Anglais.

Ils avaient les Peaux-Rouges comme alliés. Lepère de Rayon-d’Or fut le chef des Sioux, pendant toute la durée dela guerre, chef suprême.

Craignant la vengeance des Anglais, il étaitresté au milieu d’eux.

Mais il mourut jeune, après avoir eu pourtantle temps d’apprendre à son fils le français, l’anglais, à lire, àécrire, à compter.

Il s’était procuré dans les factoreries deslivres, des journaux, des revues.

Les Français des grandes villes françaises duCanada s’occupent beaucoup de l’instruction à répandre parmi lesbûcherons et les fermiers disséminés dans les forêts de l’Est et duNord.

Une bonne œuvre, celle de La Lecture,a été fondée ; elle recueille tous les journaux, revues,livres qui ayant été lus, lui sont donnés.

Elle en charge les vapeurs et les trains pourque les conducteurs de chemin de ter et les mariniers distribuentces livres, ces périodiques gratuitement et en déposent dans lesforts.

Les pères, les mères des Bois-Brûlés nemanquent jamais au devoir d’apprendre à lire et à écrire à leursenfants.

Aux livres, la société de La Lecturejoint de vieux cahiers scolaires.

Les petits Bois-Brûlés écrivent entre leslignes et copient ces lignes.

N’est-ce pas très ingénieux.

Ce Rayon-d’Or, fils d’un grand chef, instruitet nourri de lectures qui lui avaient fait une assez étrangeéducation, était très aimé par toute la tribu.

Il exerçait sur tous les jeunes gens unefascination évidente.

Il était leur chef par un consentement unanimeet tacite.

Jusqu’ici, il avait suivi un vieux cousin,homme de grande expérience qui l’avait formé ; il brûlait des’émanciper.

Il voulait à son tour être chef.

Et maintenant il en avait le droit et il leprouvait.

Montrant les chevelures :

– J’avais remarqué, dit-il, les traces dequatre guerriers de la tribu des Corbeaux, ces voleurs quicherchent à nous enlever nos chevaux ; je les ai épiés et jeles ai surpris pendant le cours de la nuit dernière.

» Je les ai tués tous les quatre.

» Voilà les scalps.

» Suis-je guerrier ?

– Tu es guerrier.

Et toute la tribu d’approuver.

– Och ! Och !

Le jeune homme s’assit alors auprès de sonvieux cousin, fier de son élève.

Alors le sachem dit :

– Puisque tu sais le secret du blanc, dis-le,Rayon-d’Or.

Mais lui qui avait pris quelque chose dans sagibecière le cacha dans le creux de sa main, puis levant son paquetil dit :

– Le secret est là-dedans.

» Je ne veux pas enlever à notre grand médecinl’honneur de vous le révéler.

Mais, quand il aura parlé, j’ouvrirai ma mainet vous verrez que j’avais deviné ce que ce Nilson voulait de lafamille de la captive.

Le sachem dit au sorcier :

– Parle, La Loutre.

– Mes frères, dit le rusé personnage, cequ’exigera Nilson, c’est une rançon.

Et Rayon-d’Or ouvrant la main, montra unepièce de monnaie.

– Voyez ! fit-il.

J’ai mis cette pièce d’argent dans ma mainpour vous prouver que je savais que ce que demanderait Nilson, ceserait de l’argent.

Beaucoup beaucoup d’argent.

Voilà pourquoi il veut vous donner les deuxcent Remingtons.

On applaudit.

La séance fut définitivement levée et onentoura Rayon-d’Or.

Il dut raconter en détail comment il avait tuéles Corbeaux.

Sa mère et sa sœur l’écoutaient avec uneextrême attention.

Elles devaient peindre sur son manteau et sursa tunique cet exploit.

Quand il eut terminé, dix ou douze jeunes gensse déclarèrent ses braves.

Ainsi devint guerrier Rayon-d’Or leBois-Brûlé.

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