Une Française captive chez les Peaux Rouges – Chez les Sioux – Voyages, explorations, aventures -16

Chapitre 8FINESSE D’OURS BLANC

 

L’ours est sournois, défiant et rusé.

On cite de lui des traits de finesse auxquelson ne s’attendrait pas de la part de ce lourdaud, de formes sigrossières.

Mais l’œil petit, pétillant de malice, enrévèle long.

L’Ours était résolu à s’emparer deMlle de Pelhouër.

Il voulait, pour lui seul, la rançon.

Pour cela, il devait rester seul, alors quedes camarades se rendraient à l’île de Banks pour négocier.

Pour ne pas exciter les soupçons, il seplaignit de douleurs intolérables dans la tête et se coucha,geignant et tremblant la fièvre.

Une comédie !

De temps à autre, il se levait comme fou etcourait en proie au délire.

Les deux Indiens parvenaient difficilement àle calmer et à le recoucher.

Quand ses camarades le questionnaient, ilrépondait que la prisonnière lui avait cassé quelque chose dans latête.

Parfois il divaguait si fort que l’oncraignait qu’il ne devint fou.

Ce massif personnage fut un acteur hors lignedans ce rôle.

Au bout de deux jours, tous les préparatifs dela troupe étant faits, Nilson et les autres commencèrent às’impatienter.

L’Ours ne guérit pas.

– Guérira-t-il, l’Ours ?

– Pour moi il est fou.

– Sûr, il lui en restera toujours quelquechose et il ne sera plus qu’une tête fêlée.

– Laissons-le ici.

– Qu’en ferions-nous.

– Intransportable l’Ours.

– Nous ne pourrions attendre.

– Les Indiens le soigneront.

– Nilson, allez lui parler.

Nilson accepta la commission.

Il se rendit donc auprès de l’Ours.

Celui-ci s’attendait à la visite.

Il gémissait.

– Nilson, ah Nilson !

» J’ai dans la tête cent marteaux frappant surcent enclumes.

» Quel vacarme !

» Elle se démolit, ma tête.

» Si cela continue, d’un bon coup de revolverje la fais sauter.

– Pas de bêtise.

» Vous guérirez.

– Mais quand ?

» Ça empire, loin d’aller mieux.

– Patience !

» Vos Indiens vous soigneront bien, dureste.

» Au retour, nous vous trouverons guéri.

– Vous partez ?

– Il le faut !

» Vous m’abandonnez ?

– Mais non !

» On vous laisse tout ce dont vous avezbesoin, chevaux, provisions, etc.

» Si vous êtes plus malade, vos Indiens vousconduiront dans un fort.

» On vous y recevra.

» Jamais on ne repousse un malade.

L’Ours s’abîma dans un morne et profonddésespoir.

– Je me tuerai ! gémit-il.

» Je ne veux pas survivre à votreabandon ; partez donc, je suis un homme mort.

– L’Ours, pas d’enfantillage.

» Je vous le répète, ce n’est pas unabandon.

» Que diable, un homme auquel on laisse troischevaux, des armes, des vivres, deux serviteurs, n’est pasabandonné à peu de distance d’une tribu et d’un fort.

– Partez donc.

» Moi, je me ferai porter au fort, lié sur moncheval, car je tomberais.

– Je crois, en effet, que c’est ce que vousavez de mieux à faire.

Et Nilson s’éloigna.

Il se disait en souriant :

– Timbré, l’Ours !

» Sûrement quelque chose de dérangé dans lacervelle.

» Et ça ne se remettra pas.

Mais pourquoi Nilson souriait-il ?

Parce qu’il pensait que l’Ours ne serait pasen état de réclamer sa part de la rançon, ce qui était autant degagné.

Entre honnêtes gens…

Il rendit compte à ses camarades.

– Partons !

Ce fut le cri commun. On troussa bagages.

Cependant, un à un, ils allaient dire adieu àce pauvre Ours.

Lui, grognait.

On n’y prenait garde.

Simple formalité, cet adieu.

Et les voilà partis, enchantés d’êtredébarrassés du malade.

Bon voyage !

Au bout d’une demi-heure, l’Oursappela :

– Loup-Blanc !

» Ici !

Un Indien accourut.

– Maître ?

– Monte à cheval !

» Va en reconnaissance !

» Tu me diras s’ils sont bienpartis !

Le Loup-Blanc obéit.

Parti à fond de train, il revint à fond detrain et dit :

– Maître, ils sont loin déjà.

» Leurs chevaux vont au trot.

L’Ours-Blanc, au grand étonnement de sessauvages, se leva.

Il arracha compresses et bandes et se mit àgesticuler et à danser.

Il criait :

– Partis !

» Ils sont partis, les imbéciles !

» À moi la fille !

» Oh ! je l’aurai.

» Je sais tendre un piège, moi.

» Et je lui en dresserai un dont le plussubtil sauvage ne se défierait pas.

» Oui, je la piégerai.

Il se mit à dévorer un gigot de daim qu’ilmangea tout entier.

– Quelle rude diète j’ai dû faire !s’écriait-il en mettant les morceaux doubles.

Quand il eut fini, il fit lever le camp à sesIndiens.

Ils montèrent à cheval tous les trois, serapprochant du camp des Sioux.

De ce jour, un grand danger planait surMlle de Pelhouër.

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