Une Française captive chez les Peaux Rouges – Chez les Sioux – Voyages, explorations, aventures -16

Chapitre 7 ÀLA CIBLE

 

Les Sioux sont habiles chasseurs de chevaux ettrappeurs très adroits.

Aussi ont-ils beaucoup de plomb et beaucoup depoudre.

Étant riches, ayant de grasses réserves demunitions, ils tiennent leurs prix.

Les factoreries ne les exploitent pas autantqu’elles le voudraient.

Et, pour la poudre, elles ne peuvent leurtenir la dragée haute.

Ils ont de si belles fourrures qu’on leuréchange pour autant de munitions qu’ils en demandent.

Aussi ne les épargnent-ils pas.

Ils tirent presque tous les jours à lacible ; c’est leur jeu favori.

Or, le lendemain, on célébrait une fête, celledu Feu ou du Soleil.

Je crois que le culte du Feu ou du Soleil estvieux comme le monde.

On le retrouve partout.

Il ne faut pas croire que seuls les Parsis del’Inde soient les adorateurs du Soleil.

Les druides l’étaient comme eux.

La course des cierges, en Italie, est une descérémonies survivantes de l’antique religion.

Dans toute la chrétienté, deux fois par an, onallume les feux de joie aux deux Saint-Jean, sous le patronageduquel on a mis deux cérémonies païennes indéracinables du cœur despeuples et qu’il fallut se contenter de transformer en cérémonieschrétiennes.

Dans toute l’Amérique, on retrouva les feux dejoie aux époques périodiques.

Donc, avant l’aube, les jeunes gens et lesjeunes filles firent flamber les bûchers.

Toute la tribu se déguisa en ours avec peauxet masques.

On dansa la danse de l’ours avec leshurlements de l’animal.

C’est un étrange spectacle, une bizarremascarade très bien imitée.

Il y a des scènes très burlesques.

Les danses finies, une collation prise, le tirà la cible commença.

Un fusil en était le prix.

Mlle de Pelhouërs’intéressa beaucoup à cette lutte.

Chaque Indien tire une balle et ceux là seulsqui ont touché le but recommencent la lutte entre eux sur un butplus petit.

À la fin, il ne reste en concurrence que deuxfins tireurs.

C’est le moment le plus intéressant.

Or, à la grande surprise de tous,Mlle de Pelhouër s’avança avec sonamazone.

Elle dit au sachem avec Fleur-de-Juin pourinterprète :

– Fais-nous donner à chacune un fusil ;nous voulons disputer le prix.

Le sachem sourit de cette prétention.

Il ne savait point à qui il avait affaire etil répondit :

– Les sqaws (femmes) blanches veulents’amuser ; je ne m’y oppose pas.

– Sachem, ditMlle de Pelhouer, il est juste que nousétudiions votre arme.

» Nous allons donc tirer trois coups d’essaisi tu y consens.

– Votre demande est juste.

» Essayez les armes comme vousl’entendrez.

Mlle de Pelhouër demandaune braise à Fleur de Juin qui alla en chercher une et quil’apporta à la jeune fille.

Celle-ci traça un rond noir sur le poteau dela torture.

Elle recula de cent pas et mit dans le noir àla stupéfaction générale.

Mais elle dit :

– Maintenant, je connais l’arme.

» J’entre en lutte.

Son amazone aussi mit dans le noir et sedéclara prête pour jouter.

Le but ?

Un caillou de la grosseur d’un œuf placé surun pieu à cent pas.

Un des tireurs le manqua.

Les deux amazones touchèrent.

Les Sioux, leurs femmes, leurs enfants,poussèrent des cris d’enthousiasme.

On remplaça ce caillou par un autre de lagrosseur d’une noix.

Seule, les amazones touchèrent. Alors la tribules proclama victorieuses.

On donna le fusil àMlle de Pelhouër qui en fit présent au derniertireur.

Cette générosité lui gagna tous lescœurs ; les Indiens sont extrêmement sensibles aux procédésdélicats.

Sauvages, mais gens de cœur !

CependantMlle de Pelhouër voulait étonner davantage lesSioux.

Elle fit planter un petit fer de flèche, àpeine gros comme un clou, dans l’arbre de la torture et, tirantdessus, la balle fit marteau.

Son amazone doubla ce coup.

À cent pas cela parut prodigieux auxSioux.

Mais ils n’étaient pas au bout de leurssurprises.

Mlle de Pelhouër demandaqu’on lui trouvât une pierre percée et un fil fait d’un tendond’animal ; on les lui apporta.

Elle attacha le fil à la pierre et son amazonetint, à cent pas, le fil entre les doigts, la pierre pendant.

Les spectateurs très émus retenaient leursouffle et regardaient de tous leurs yeux.

Mlle de Pelhouër épaula,leva lentement son arme, visa et tira.

La pierre tomba !

La balle avait coupé la ficelle.

Alors les Sioux vociférèrent entrépignant ; saisissant des cailloux, ils les frappaient l’uncontre l’autre avec frénésie.

Mais Mlle de Pelhouëralla prendre la place de l’amazone.

Celle-ci coupa le fil avec autant de précisionque sa maîtresse.

L’admiration des Sioux grandissait toujours etdevait grandir encore.

Mlle de Pelhouërrenouvela pour eux le miracle d’adresse qui immortalisa GuillaumeTell ; elle plaça, sur sa tête, un caillou de la grosseur d’unœuf et attendit, les bras croisés, souriante, le feu de sonamazone.

Elle tira.

Le caillou fût jeté très loin…

Cette fois, la stupeur rendit les Siouxsilencieux et comme atterrés.

L’amazone prit la place de sa maîtresse, lemême caillou sur la tête.

Il fut jeté bas !

Alors, Mlle de Pelhouër,se tournant vers la tribu, demanda :

– Si je jure par le grand Dieu des blancs queje ne chercherai pas à m’échapper, que je reviendrai fidèlementchaque soir à la tribu, permettrez-vous à une tireuse comme moi dechasser ?

Ensemble et unanimement :

– Och ! och ! (Oui !oui !)

– Eh bien, je jure pour moi et pour manégresse ; vous nous prêterez à chacune un fusil.

– Je t’en donne deux ! dit le sachem.

– Je te les paierai en peau de jaguar.

– Tu veux donc chasser le grandchat ?

– Oui.

» Et tu ne trouveras jamais dans la fourrurele trou de nos balles.

– Tu tires à l’œil.

– Toujours.

– Je te donnerai une escorte.

Mon vieux cousin Gilk-Neck te servira avec sesonze braves.

– Soit !

» Mais il me laissera chasser à maguise ?

– Tu seras la maîtresse de ton fusil.

Mlle de Pelhouër était aucomble de la joie ; désormais la captivité devait lui semblerdouce.

La fête continua brillante et animée.

Mlle de Pelhouër assistaà des danses extraordinaires, danses de caractère, surtout la dansedu scalp et la danse de guerre.

Quand elle rentra dans sa tente, elles’endormit aussitôt.

Ce long bal sauvage avait fatigué sesyeux.

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