Les Mille et une nuits

XXXVII NUIT.

Dinarzade, qui prenait toujours un plaisirextrême aux contes de la sultane, la réveilla vers la fin de lanuit suivante. Ma chère sœur, lui dit-elle, si vous ne dormez pas,poursuivez, je vous en conjure, l’agréable histoire descalenders.

Scheherazade en demanda la permission ausultan, et l’ayant obtenue : Sire, continua-t-elle, les troiscalenders, le calife, le grand vizir Giafar, l’eunuque Mesrour etle porteur étaient tous au milieu de la salle, assis sur le tapisde pied, en présence des trois dames, qui étaient sur le sofa, etdes esclaves prêts à exécuter tous les ordres qu’elles voudraientleur donner.

Le porteur ayant compris qu’il ne s’agissaitque de raconter son histoire pour se délivrer d’un si grand danger,prit la parole le premier, et dit : « Madame, vous savezdéjà mon histoire et le sujet qui m’a amené chez vous. Ainsi ce quej’ai à vous raconter sera bientôt achevé. Madame votre sœur quevoilà m’a pris ce matin à la place, où, en qualité de porteur,j’attendais que quelqu’un m’employât et me fît gagner ma vie. Jel’ai suivie chez un marchand de vin, chez un vendeur d’herbes, chezun vendeur d’oranges, de limons et de citrons, puis chez un vendeurd’amandes, de noix, de noisettes et d’autres fruits ; ensuitechez un autre confiturier et chez un droguiste ; de chez ledroguiste, mon panier sur la tête et chargé autant que je lepouvais être, je suis venu jusque chez vous, où vous avez eu labonté de me souffrir jusqu’à présent. C’est une grâce dont je mesouviendrai éternellement. Voilà mon histoire. »

Quand le porteur eut achevé, Zobéide,satisfaite, lui dit : « Sauve-toi, marche, que nous ne tevoyons plus. – Madame, reprit le porteur, je vous supplie de mepermettre encore de demeurer. Il ne serait pas juste qu’après avoirdonné aux autres le plaisir d’entendre mon histoire, je n’eusse pasaussi celui d’écouter la leur. » En disant cela, il prit placesur un bout du sofa, fort joyeux de se voir hors d’un péril quil’avait tant alarmé. Après lui, un des trois calenders prenant laparole et s’adressant à Zobéide comme à la principale des troisdames et comme à celle qui lui avait commandé de parler, commençaainsi son histoire.

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