Jean Diable – Tome II

X – La délivrance.

Les nuits de Versailles sont silencieuses etdésertes, mais la solitude de ses rues est surabondamment gardéepar une armée de sentinelles, abritées derrière tout angleappartenant à une caserne, à un hôpital ou à un palais. Par suitede ces sages précautions, les statues de la cour royale n’ont pasencore été soustraites par les gens malintentionnés. Les maisons deVersailles qui ne sont ni palais, ni hôpitaux ni casernesappartiennent à des bourgeois qui hésitent à laisser sortir le soirleurs femmes dans la rue, par crainte des sentinelles. Beaucoupvont jusqu’à mourir dans le célibat, et la plupart n’ont point decuisinières ; le tout par crainte et en haine dessentinelles.

Dans les larges voies, bordées d’arbrestristes, on rencontre des patrouilles et point de passants. Cespatrouilles ont arrêté le dernier chien errant, il y a plus decinquante ans. Depuis vingt ans, elles ne trouvent plus derats.

Elles s’ennuient à regarder des deux côtés deleur chemin les grandes et belles maisons dont les fenêtres n’ontpoint de lumières et dont les jardinets essayent tous, depuis lepremier jusqu’au dernier, de ressembler un petit peu au parc dugrand roi.

Les sentinelles et les patrouilles n’aimentpas plus Versailles que Versailles n’aime les sentinelles et lespatrouilles.

Un homme allait, d’un pas tranquille, dans larue des Réservoirs. La nuit était calme ; la lune se cachaitsous des nuages de couleur blanchâtre. De temps en temps, unesentinelle criait : Qui vive ? et l’homme répondaitpatiemment : Ami. Il tourna par la rue de Maurepas pourarriver au boulevard et sortit par la porte Saint-Antoine où, pourla dernière fois, il répondit : Ami, à quelqu’un qui luidisait : Qui vive ?

La route de Marly était devant lui ; ils’y engagea, pressant sa marche graduellement, jusqu’à prendrebientôt le pas de course. À un demi-quart de lieue de la porteSaint-Antoine, un paysan était debout au beau milieu de la route ettenait par la bride un magnifique cheval tout sellé que lecocher-jardinier du château de Belcamp aurait bien reconnu, malgrél’obscurité, pour la jument anglaise du comte Henri.

Notre homme ralentit le pas en approchant dupaysan, et dit à demi-voix :

– À l’avantage !

– Que cherchez-vous, beau cousin ?dit le paysan qui lui remit la bride en main.

– Je cherche la fontaine.

D’un bond notre homme fut en selle. Ildemanda :

– Y a-t-il des loups dans laforêt ?

– Deux gendarmes à cheval qui sontpassés, voilà dix minutes, allant vers Marly, répliqua lepaysan.

Notre homme lui mit un louis dans la main etpiqua des deux, tandis que l’autre criait :

– Bon voyage !

Notre homme était déjà loin. Une minute après,on n’en tendait plus que le sabot du cheval.

En 1817, on exigeait très-rigoureusement lespasse-ports sur les routes. Notre homme semblait ne points’inquiéter de cela, car il galopait franchement dans la directionsuivie par les deux gendarmes. En dix minutes il eut atteint leChenay, où tout le monde dormait, et commença à longer le grand murde Marly. Deux hautes ombres se montrèrent bientôt sur laroute : c’étaient les deux gendarmes à cheval.

Loin de s’arrêter, il poussa sa monture. Lesdeux gendarmes firent halte enfournèrent leurs chevaux.

– Holà ! mes braves !cria-t-il, en éreintant une bonne bête, combien mettrai-je encore àgagner Marly-la-Ville ?

– Dix minutes, du train dont vous yallez… Êtes-vous du pays ?

– Du Chenay, pardieu !… et ma femmeest en couches…

– Ah ! ah ! le médecin !fit le bon brigadier qui ajouta : Laisse passer,Thomassin !

– Grand merci ! dit le cavalier quiglissa comme une flèche, entre eux deux ; pourvu que je letrouve :

– Une mignonne jument, brigadier !risqua Thomassin.

Le brigadier répondit avec autorité :

– Comment voulez-vous monter en grade etfaire votre chemin dans l’avancement si vous ne savez pas encore, àl’âge que vous êtes, distinguer le signalement d’un mâle d’avecl’autre sexe, chez les chevaux !

– Ce n’est pas une jument,brigadier ?

– Marchez et ouvrez l’œil !… Lesennemis et les malfaiteurs auraient beau jeu s’il n’y avait pas unbrigadier avec le simple gendarme !

Notre homme passait déjà comme un tourbillonle long de l’aqueduc, dont les voûtes massives découpaient leursarches dans le ciel gris. Il monta la rampe de Marly au galop, etredescendit du même train vers la Seine. La jument allaitd’elle-même, sans qu’il fût besoin de l’éperon ni de la voix. Lamontée de Saint-Germain fut gravie et la ville traversée sans uneminute d’arrêt. Le gendarme et son brigadier discutaient encore surle sexe de la bête que déjà son sabot rapide battait le pont dePoissy.

À Triel, cheval et cavalier quittèrent lagrande route pour prendre un chemin vicinal qui remontait vers lenord, sans autre arrêt que le temps voulu pour allumer un pain debougie et consulter une carte routière du département deSeine-et-Oise. Il était deux heures du matin quand ils atteignirentPontoise ; quatre heures sonnant, notre homme découvrait auxlueurs naissantes du jour le profil de l’église de Beaumont, aprèsune traite de quinze à seize lieues, eu égard au tour qu’il avaitpris pour ne point traverser Paris.

À quelques cents pas de la ville, un hommeétait debout au milieu du chemin, tenant un cheval tout sellé parla bride, comme le paysan de la route de Marly. Il sifflait unpetit air en battant la semelle, car le vent du matin étaitfrais.

– Holà ! cria-t-il du plus loin quepût porter sa voix, est-ce vous, monsieur le comte ?

C’est ce fou de Férandeau ? murmura notrevoyageur.

De la main il essaya de lui imposer silence,mais l’élève de David avait une gourde passée en bandoulière autourdu cou. Cette gourde qu’il avait apportée pleine était vide.

– Ta, ta, ta ! reprit-il,croyez-vous, que je vas chanter : Silence !prudence ! comme les Napolitains, de la Muette dePortici ! Dites-moi. À l’avantage ! je vousrépondrai : Que cherchez-vous, beau cousin ? C’eststupide ! Tous les loups sont couchés et, je vais, aller enfaire autant… Bonjour, monsieur de Belcamp, comment vous enva ? et chez vous ? Voilà deux grandes heures que je gobele marmot ici, sans reproche… Quand vous serez tous aux Tuileries,vous me donnerez une fière commande, hein ?… j’ai des cartonspour la décoration du Panthéon… ou autre chose, ça m’est égal… uneplace, si vous voulez… ou des rentes.

Notre voyageur avait mis pied à terre. C’étaitbien le comte Henri de Belcamp.

– Je vous recommande mon cheval,monsieur, dit-il.

– A-t-elle chaud, la pauvreCocotte !… Je vais la monter tout doucement jusqu’à l’aubergepour qu’elle n’attrape pas le rhume. Quand assiégeons-nous Paris,monsieur le comte ?

– J’ai vu des gens que l’on trouvaitderrière un buisson avec une balle dans l’oreille, monsieurFérandeau, prononça froidement Henri, et qui s’étaient conduitsplus prudemment que vous.

– Muet comme un ibis avec lesprofanes ! dit Férandeau, qui fit un grand geste d’académie.La Foi, l’Espérance et la Charité, quoi ! je sais à qui jeparle. Si j’avais su être remercié comme cela, du diable si jen’aurais pas été faire la poule rue Dauphine !… Lareconnaissance exilée de la terre remonte aux cieux : sujetallégorique !

Henri lui mit la main sur l’épaule et leregarda en face.

– Vous êtes un honnête garçon,murmura-t-il lentement, ce serait dommage…

– Dommage, quoi ?… demanda l’artisteeffrayé.

Henri retira sa main.

– Pas de mauvaise plaisanterie !s’écria Férandeau.

– Allez-vous mettre au lit, reprit Henri,qui bouclait sa petite valise sur le dos de son nouveau cheval.Silence absolu, et sachez exécuter à la lettre les instructions deM. Surrizy… sans cela, mon camarade, vous mourrez tout jeune,c’est moi qui vous le dis, et vos cartons ne deviendront jamais destableaux !

Il donna de l’éperon à son cheval.

Férandeau resta immobile ; quand le comteHenri eut disparu derrière le premier coude de la route, il souffladans ses joues énergiquement.

– Alors, on est des parias !s’écria-t-il. Je refuse la décoration du Panthéon ; je me faisgraveur en taille-douce ; je tricote des bas comme madameCélestin… Hue ! Cocotte ! c’est ça, laliberté !…

Il ôta, son vieux par-dessus et le mit sur lecou de la jument qui frissonnait.

– Hue donc, Anglaise ! Par-dessus lemarché, l’austère Surrizy va me faire de la morale ; pas dechance ! Je vais voir à donner ma démission. Viens coucher,Cocotte !

Le comte Henri, brûlait le pavé sur la routede Beauvais. Plus le jour, avançait, moins grands étaient lesdangers du voyage.

Pour quiconque l’interrogerait, Henri étaitdésormais un citadin paisible de la ville qu’il venait detraverser, et il faisait ainsi une promenade de quelques lieuespour essayer la vitesse de son cheval.

Au-delà de Beauvais, au village de Fouquenies,il trouva Laurent, qui l’attendait avec une monture fraîche ;un beau cheval picard plein de feu.

– M. Herbet, lui dit Henri, je saisque vous avez eu de fâcheuses préventions contre moi, et votreconduite actuelle n’en est que plus d’un, homme d’honneur. Vousaimez une chère enfant dont le cœur ne se connaît pas encorelui-même, mais qui est digne de vous et qui n’aimera que vous.

– Le savez-vous donc, monsieur lecomte ? Demandait Laurent qui gardait un air farouche.

Henri lui tendit la main.

– Je suis tout jeune encore, monsieurHerbet, murmura-t-il en fixant, sur lui son regard franc etferme ; mais, croyez-moi, je puis parler en père : j’aisur la tête des intérêts qui valent des cheveux blancs… Je le saisparce qu’elle me l’a dit.

Laurent rougit et sourit : Un peu plus,il avait les larmes aux yeux.

Il rendit l’étreinte à Henri et diténergiquement :

– Monsieur le comte, je me ferai tuerpour vous, maintenant, s’il le faut.

– Ce ne serait pas le compte de notreGermaine, répliqua Henri avec gaieté… Il ne s’agit pas de mourir,ami Laurent ; dans quatre jours vous reprendrez ici votreposte et vous m’attendrez de nouveau.

– Comment, s’écria l’étudiant en médecinestupéfait, maintenant que vous avez la clef des champs, vous neresterez pas là-bas ?

– Il faut que je sois jugé, Laurent, etj’ai donné ma parole… À bientôt !

Et il partit encore. Ils ont de bons chevauxnormands dans l’Oise et aussi dans la Somme, mais pour or ni argenton ne peut trouver chez les loueurs que des bêtes de louage :triste troupeau. À Beaumont, c’était Surrizy qui avait choisi lecheval ; à Fouquenies, c’était Laurent ; tout allaitbien. Au relais suivant, le comte Henri trouva un inconnu et unbucéphale de moyenne vertu qui lui broncha pendant six lieues entreles jambes ; à l’autre relais, un inconnu encore et quelquechose comme une grande chèvre. Il était midi passé quand il arrivaen face d’Hallencourt, sa dernière station avant Abbeville. Avec sabonne jument, il eût été déjà rendu depuis du temps au terme duvoyage :

Cette fois, c’était un vigoureux animal, tenuen bride par un beau Picard en blouse bleue brodée de rouge aucollet. Le Picard ne répondait pas au nom de bon cousin et semblaitignorer le chemin de la fontaine, mais son cheval avait encore lenez dans l’avoine quand le comte Henri quitta sa rosse rendue pourenfourcher ce nouveau coursier.

À la bonne heure ! celui-ci rassembla sesquatre pieds, qui donnèrent des étincelles, et partit comme untrait.

– Le bourgeois vous attend de l’autrecôté d’Épagne, cria le Picard en agitant son chapeau. Vous mettrezMorin à l’auberge chez Moreau, à qui je suis son gendre, et quenous nous portons tous bien à la maison.

– Morbleu ! Morin allait mieux qu’unlièvre. Pourvu que Moreau, son beau-père, eut le pareil, rienn’était perdu. Il ne fallut pas une heure au comte Henri pourapercevoir le petit clocher d’Épagne et Abbeville. Henri, quicherchait déjà des yeux le bourgeois, aperçut, non pascomme il en avait désormais l’habitude, non pas un homme deboutauprès d’un cheval, mais un cavalier en selle qui suivait au pas lamême route que lui en tenant une autre monture par la bride.

Deux belles bêtes !

Au bruit du galop le cavalier se retourna etmontra le franc visage de Robert Surrizy, qui s’arrêta aussitôt,souleva son chapeau, et mit pied à terre en même temps que le comtelui-même.

Un petit paysan qui marchait sur le bord de laroute s’approcha.

– Fiot, lui dit Robert, tu recommanderasau père Moreau de nous garder Morin. On payera les quatre joursd’écurie comme s’il courait la poste.

Henri et lui se touchèrent la main. Robertdemanda :

– Monsieur le comte veut-il bien mepermettre de lui faire un bout de conduite ?

– De tout cœur, mais au galop, monsieurSurrizy. J’ai perdu deux heures sur mon calcul, et désormais ilfera jour demain matin quand j’arriverai à Londres.

– Demain matin, répéta Robert incrédule.Vous ne sentez donc pas l’air sur votre joue gauche ? Regardezoù court la poussière ; il vente ouest-nord-ouest en plein età décorner un bouc. Il vous faudrait monter jusqu’en Hollande pourprendre le vent. D’ici, en louvoyant, vous ne toucherez pas Douvresen vingt-quatre heures, c’est moi qui vous le dis !

– Vous paraissez vous entendre à cela,dit le jeune comte en souriant.

– Je suis un peu rouillé, mais jeborderais bien encore une voile au besoin, foc, misaine oubrigantine, répliqua l’ancien sous-lieutenant. J’ai été pilotin…seaboy comme ils disent, là-bas, en Angleterre, avantd’être soldat en France.

– Et vous croyez qu’un navire, j’entendsun fin voilier, doit mettre aujourd’hui vingt-quatre heures pourtraverser la Manche ?

– Je parierais plutôt pourtrente-six.

– Un temps de galop, Surrizy ! Je nevais pas à Douvres… Je pique au vent mieux encore que cela !Je double l’île Thanet en grand, j’entre en Tamise, et, douzeheures après avoir quitté la rivière de Somme, je débarque sousLondon-Bridge !

– Il faudrait le diable pour remarquer,dit Robert. Mais cela vous regarde, monsieur le comte.

Ils galopèrent en silence pendant deuxminutes.

– Jusqu’où me conduisez-vous comme cela,Surrizy ? demanda brusquement le jeune comte.

Robert hésita un instant, puis il réponditavec émotion :

– Monsieur de Belcamp, je ne sais pasjouer au fin… Ce n’est pas la première fois que nous chevauchonsl’un près de l’autre… Ce jour-là, vous lui sauvâtes la vie… c’estbien certain : ni Laurent ni moi ne serions arrivés à tempspour l’empêcher d’être écrasée ou brûlée… Eh bien ! elle étaittout l’espoir, tout le bonheur de ma pauvre vie. Je crois qu’ellem’aimait : moi, c’était de l’adoration que j’avais pour elle…Vous me l’avez prise… vous êtes mon malheur… Il y a un serment quime lie à vous, c’est bien vrai, mais tout homme a sa passion qui,lorsque sonne une certaine heure, peut-être plus forte que sa foi…cela est certain. Je l’ai senti, moi qui parle… Sans le souvenir dece qui s’est passé au pont du moulin, qui sait si je n’essayeraispas en ce moment de vous casser la tête sur cette route, où lapoussière est comme un brouillard, et où personne, à perte de vuene se montre en ce moment.

– Pour peu que vous ayez un pistolet,M. Surrizy, et qu’il y ait l’étoffe d’un assassin dans unofficier de l’armée française, c’est la chose la plus aisée dumonde, car moi je suis sans armes.

– Les actes changent de nom suivant lescirconstances, monsieur le comte, dit Robert, dont la voix se fitplus sourde. Un officier français qui vengerait le meurtre de sonpère pourrait n’être pas confondu avec le gros des assassins.

Henri se tourna vers lui, pâle, maiscalme.

– Je vous répète, monsieur, que je suissans armes, prononça-t-il lentement. J’ai signé hier mon contrat demariage avec celle que vous aimez, et je porte sur moi deuxmillions qui sont à elle.

– Les millions !… murmura Robertavec amertume ; elle n’avait pas de millions quand jel’aimais !

– Et moi qui l’aime, monsieur Surrizy, jene l’eusse pas épousée sans les millions qu’elle possède.

– Osez-vous l’avouer, monsieur lecomte !…

Henri mit la main sur son cœur etrepartit :

– Ceux qui vivront quand je serai mort,diront : Celui-là donna tout à son œuvre, même sonamour !

Robert se tut. Les chevaux galopaient dans unnuage de poussière, car le vent augmentait à mesure qu’ons’approchait de la mer.

– M. le comte, reprit Surrizy, cesont de vaines paroles qui viennent d’être prononcées. Je ne vouscrois pas criminel. Si je vous croyais criminel, rien au monde nem’empêcherait d’être entre Jeanne et vous, l’épée à la main. Jeconnais une part de votre vie par lady Frances Elphinstone. Vousêtes entouré de mystères ; la tâche que vous avez entrepriseexplique ce voile dont vous vous enveloppez… J’ai fait monsacrifice. Si j’ai de la haine, elle est refoulée tout au fond demon cœur. Au lieu de vous combattre, je vous sers… Mepermettez-vous de vous faire quelques questions sur des sujets quime regardent très-personnellement et très-étroitement ?

– Aux nobles et fidèles compagnons telsque vous, Robert, répliqua Henri dont l’accent était affectueux etdoux, je permets toutes les questions, et j’y réponds avec mon cœurquand le devoir me le permet.

– Oui… murmura l’anciensous-lieutenant ; il vous reste toujours un abri où réfugiervotre silence… Je veux vous demander d’abord si vous me connaissiezquand nous nous sommes rencontrés à la Croix-Moraine, lors de votrearrivée au château ?

– Oui, repartit Henri. Je vous avais vuau bureau de police de Scotland-Yard, avec M. Temple.

– Est-il vrai que vous y fussiez attachécomme agent de police ?

– Cela est vrai… Pour la cause que nousservons tous deux, monsieur, j’ai fait des choses plus pénibles,plus glorieuses encore que celle-là !

– Vous saviez alors que j’avais acceptéde Gregory Temple une mission ?

– Oui… mais j’ignorais l’objet de cettemission.

– Vous ne connaissiez donc pas alors lenom de mon père ?

– Non, je ne l’ai su qu’hier, par labouche de votre sœur.

– Avez-vous pensé, au malheur qui pouvaitrésulter pour elle ?…

– J’en ai frémi, Robert !interrompit le jeune comte d’un accent si vif et si plein defranchise que Surrizy leva les yeux sur lui. C’est une étrangehistoire que la mienne ; en ce qui concerne surtout maconduite avec votre sœur : chère et généreuse créature quiaura sa récompense dès ce monde, si Dieu ne brise pas mes projetsdans ma main. Sarah n’a pas pu vous raconter toute cette histoire,car le fil s’en est rompu pour elle bien des fois. Cela touche augrand secret qui doit mourir avec moi ou éclater au jour de notrevictoire… mais ce qu’elle a pu vous dire a suffi, je n’en doutepas, pour donner à un esprit honnête et droit comme est le vôtreune présomption si forte en ma faveur qu’elle équivaut presqu’à unecertitude. J’ajouterai peu de chose : L’édifice le plusgrandiose ne se compose pas seulement des massives pierres detaille de la façade ; il y entre, mille matériaux légers ouvils même que le pauvre manœuvre a façonnés dans son humble misère.Pour l’édifice que je construis, moi, je suis à la foisl’architecte, le maçon, le charpentier et l’aide qui émiette lapaille hachée dans le mortier. Je fais tout : c’est monorgueil ! Aux spéculations dont la grandeur vous écraseraitpeut-être, je mêle, – et il le faut, – des intriguesmicroscopiques. Ici, le petit a la même importance que le grand, etvous savez bien que dans notre merveilleuse machine humaine, telfilet nerveux, ténu comme un cheveu, offensé tout à coup, peutcoller à votre flanc votre bras inerte et frappé de paralysie… J’aiété agent de police à Londres ; au château de Belcamp, j’aisoufflé un rôle de coquette à votre sœur… j’ai fait pis ou du moinsplus petit encore… et l’ensemble de mes actes dressera la tour deBabel !

Ses éperons touchèrent les flancs de soncheval, qui bondit dans la poudre. Robert le suivait avec peine. Ilne pouvait s’empêcher d’admirer par derrière cette noble taille etcette tête si fière, autour de laquelle les boucles blondesfouettaient au vent.

Abbeville était dépassé depuis longtemps, etdéjà, plusieurs fois, nos voyageurs avaient aperçu entre deuxcollines, la Somme élargie, dont les eaux semblaient ternes sous larafale.

– Jusqu’où comptez-vous m’accompagner,monsieur Surrizy ? demanda pour la seconde fois Henri, aumoment où cette grande ligne d’un bleu obscur, la mer, borda tout àcoup l’horizon.

– Si j’étais votre ami, monsieur lecomte, répondit Robert, qui avait le cœur gros et tout plein d’untrouble croissant, savez-vous que ce serait pour tout debon ?

Henri ralentit le pas pour lui tendre lamain.

– Vous êtes déjà mon ami à votre insu etmalgré vous, lui dit-il ; seulement, vous cherchez des motspour exprimer un désir qui vous semble à vous-même puéril et peudigne.

– Non, sur mon honneur ! s’écriaRobert rougissant devant le sourire de son compagnon ; cen’est chez moi ni vaine curiosité ni enfantillage. Tant qu’ils’agit de l’armée où vous êtes chef et moi soldat, je veux biengarder un bandeau sur mes yeux, c’est la loi de mon serment… maispour ce qui touche moi et les miens…

– Et que pouvez-vous voir ici, Robert,sinon l’arche même à laquelle votre serment vous lie ? Jesuis sur la route de la fontaine, pour employer notre langagesymbolique…

– Si j’en étais sûr !… commençaSurrizy qui avait les yeux baissés.

– Avez-vous le droit d’exiger cettecertitude du maître ?

– Si j’en étais sûr !… répéta Robertcomme s’il n’eût pas entendu.

– Écoutez, Belcamp, reprit-il d’un ton oùil y avait de la supplication et de la menace, la nuit où je marcheme pèse. La pensée de Jeanne jetée en proie à l’inconnu me torture.J’ai une sœur maintenant, je l’aime, et sa vue a ravivé le souvenirde mon père. Est-ce assez de motifs ? Y en a-t-il un seulparmi eux qui soit puéril et peu digne ? Faut-il parler detoutes les accusations qui pèsent sur vous ? Faut-il ajouterque si vous étiez un criminel, comme le crient tant de voix entrelesquelles est la voix de ma mère, je serais, moi, votrecomplice ; moi le fils de votre victime ?… Si j’en étaissûr, disais-je, si je voyais, ne fût-ce que de loin, ce mystérieuxmonument dont vous êtes l’unique architecte… non pas achevé, maisélevant seulement ses fondations au-dessus du sol !… SaintThomas voulut toucher les plaies du Sauveur, et je ne suis pas unsaint !… Songez que, de moi à vous, il n’y a que des motifs dehaïr… Soyez juste et ne niez pas votre dette, vous qui avez ruinémon bonheur ; soyez sincère vis-à-vis de celui qui est franc…Faites fléchir le droit, si le droit est inique… Prouvez, puisqu’ily a près de vous un cœur de bonne foi qui demande une preuve… Noussommes du même âge, Belcamp, je suis brave, je vous le jure, etvous voyez que je suis fort… La haine, quand elle cède, devientparfois inépuisable tendresse… Si j’étais sûr de votre œuvre, jeserais sûr de vous et je vous dirais : Allez devant vous sansprendre souci de tourner la tête. Par derrière, vous êtes gardé,votre ombre a une épée ; je suis là, moi, votrefrère !

Ils venaient de monter au trot une abruptecolline, au sommet de laquelle leur apparut Saint-Valéry-sur-Sommedéjà dépassé. Par delà Saint-Valery, sur la droite, la Somme, largecomme une mer, se couvrait d’embarcations battues par la rafale.Au-devant d’eux étaient le cap et le petit port du Hourdel, nichédans son anse. À gauche, s’étendait l’Océan.

Le comte Henri avait écouté les paroles deRobert avec un bienveillant sourire.

– Il y eut des heures dans ma vie,murmura-t-il, plus d’une, où la tendresse d’un frère m’eût gênéétrangement… Il est des instants où j’aurais marché sur monombre !

– Est-ce un refus ? demanda Surrisydont les sourcils se froncèrent.

Le soleil inclinait vers l’horizon. Henriconsulta sa montre.

– Quatre heures et demie, dit-il ;cinq heures quand nous serons là-bas. La diligence met trenteheures et la poste vingt-quatre : nous avons peu gagné, mais,en mer, nous rattraperons le temps perdu.

– Hop ! saint Thomas !s’écria-t-il gaiement. La foi vous manque en toutes choses ;en toutes choses nous allons vous la donner.

Les deux chevaux, lancés à fond de train,franchirent la vallée ventre à terre. Leurs cavaliers gardaientdésormais le silence. Henri rêvait ; on pouvait lire sur levisage de Robert un sentiment d’attente solennelle.

En vingt minutes ils eurent atteint le sommetdu cap, d’où l’on découvre tout un horizon de mer. Un petit pâtregardait là des moutons qui paissaient l’herbe maigre et salée. Lecomte Henri sortit une longue-vue de sa valise et la promena sur lelarge. Il n’y avait pas précisément de tempête, mais le vent d’avalfraîchissait, et les bateaux pêcheurs rentraient à force de voiles.Par contre, quelques caboteurs essayaient de sortir avec le reflux,et, malgré le courant qui les poussait, avaient grande peine àgagner du vent. En dehors des passes, il y avait deux bricks quicouraient la même bordée, essayant de serrer le vent pours’éloigner de la côte. C’étaient deux fins voiliers, piquant auplus près tous les deux et résistant vaillamment à la dérive.Néanmoins, quand ils virèrent pour prendre leur second bord, ilsavaient tous deux considérablement perdu.

– M. le comte, dit Robert, il n’estpas besoin d’être marin pour voir que la porte est close pouraujourd’hui. Je ne sais pas si un aviso de l’État gagnerait l’îlede Wight avec ce vent debout !

– Petiot ! appela le comteHenri.

Le gardeur de moutons s’approcha.

– Es-tu du Hourdel ?

– D’à côté, not’maître.

– Voilà un écu. Tu mèneras les deuxchevaux chez ton maître, qui les conduira au Soleil d’Or, àSaint-Valery. Il y aura deux écus pour lui.

Le petiot lança son bonnet en l’air et sifflacomme un merle. L’instant d’après, son troupeau, son chien et lui,qui tenait les deux chevaux par la bride, descendaient la penteescarpée.

– Est-ce que vous voyez votreaffaire ? demanda Surrisy.

– Ils viennent, répondit Henri.

Robert regardait le large de tous sesyeux.

– Je ne vois que les deux bricks,dit-il : bonnes barques mais qui vont finir par rentrer secoucher, vous verrez !… Les navires sont comme de bellesfilles : ils ne peuvent donner que ce qu’ils ont !

– Homme de peu de foi ! murmura lejeune comte, dont les lèvres gardaient leur obstiné sourire.

Il étendit en même temps la main vers lesud-ouest, dans la direction du petit port de Carjeux, caché parles escarpements de la côte.

– Oui, oui, fit Robert, si nous avions àdescendre au Havre, ça irait tout seul, c’est clair !

Comme il achevait, il aperçut une fuméefloconneuse qui faisait une étroite bordure aux festons de la côteen se déroulant au vent. Les sommets pointus de deux petits mâts semontrèrent bientôt dans une échancrure de la falaise, puisl’orifice noir et ambulant d’une cheminée qui vomissait des flotsde vapeur.

– Un steam-boat ! s’écriaRobert.

Il ajouta d’un ton méprisant :

– Un joujou curieux !

À cette époque tous ceux qui, de près ou deloin, tenaient à la marine, affectaient le plus profond mépris pourla vapeur appliquée à la navigation.

La cheminée et les deux mâts gagnaientcependant contre vent et contre marée.

– Vous connaissez cela, Surrisy ?demanda le jeune comte.

– J’ai vu, l’année dernière, lesexpériences de M. le marquis de Jouffroy, en Seine ;c’est ingénieux, mais ça ne peut pas tenir la mer.

– C’est avec cela pourtant que nousallons tenir la mer aujourd’hui.

– Du diable ! s’écria l’anciensous-lieutenant ; traverser la manche debout au vent par letemps qu’il fait, avec une grande barque qui a pour mâts deuxmanches à balai et dont la grand’voile serait trop étroite pourservir de mouchoir, autant vaudrait se mettre à cheval sur uncotret !

– Vous êtes libre de rester ou de venir,Surrisy.

Le vent portait du large ; on entendaitmaintenant distinctement les roues du petit bateau à vapeur ;et, à mesure qu’il avançait dans sa marche, contraire au vent et aureflux, on pouvait apercevoir à la crête des falaises une bordurede curieux. Il démasqua bientôt la dernière pointe qui le cachaitaux regards de nos deux compagnons, et parut, une roue hors del’eau et tournant comme une toupie, l’autre profondément enfoncéesous la vague. Il y avait une vingtaine d’hommes sur le pont, quitous se découvrirent et agitèrent leurs chapeaux en poussant unhourra. Le comte Henri se découvrit également et salua par troisfois.

– Ils vont mouiller et envoyer leurcanot, dit Surrisy. En avant, morbleu ! Personne au monde nepourra se vanter de m’avoir laissé en arrière !

Il s’élança le premier dans le sentiertournant qui conduisait au petit havre situé en dedans de lapointe. Évidemment il aurait eu le cœur plus content s’il s’étaitagi de monter au lieu de descendre, de monter à l’assaut de cettemême roche, défendue par un régiment prussien. Le courage est unevertu relative, et chacun choisit son danger. Robert allait ici enhomme résigné à un péril suprême.

Le bateau à vapeur venait de mouiller eneffet. Ses deux roues étaient immobiles. Il tourne au vent etmontra son arrière, sur lequel était inscrit ce nom en lettresd’or : la Délivrance.

C’était un navire de 200 tonneaux, environ,fin de carène et admirablement façonné. Il était gréé engoëlette ; un œil exercé aurait pu apercevoir au-dessus de saligne de flottaison six sabords fermés.

Robert s’arrêta à moitié chemin de la grèvepour voir tout cela. En lisant le nom de la goëlette, il sedécouvrit à son tour et salua silencieusement. Son regard, qui sereleva sur Henri, exprima une sorte de repentir.

Le canot avait quitté la Délivrance,et forçait de rames vers le rivage.

Il y avait dedans dix rameurs et unofficier.

– Je vais perdre aujourd’hui plus d’unpréjugé, monsieur le comte, dit Robert en arrivant au bas de ledescente. Mais on ne se refait pas en une minute, vous savez. Jevous jure que j’aurais plus de confiance en cette brave chaloupequ’en votre diable de souffleur avec ses deux roues demoulin !

Surrisy n’avait jamais été que pilotin. Depuisl’aspirant jusqu’à l’amiral, les officiers de marine avaient unvocabulaire d’injures bien autrement opulent quand il s’agissait debateaux à vapeur. Quant aux matelots, ils avaient employé dupremier coup la suprême invective en déclarant que ces sabotsn’étaient bons que pour des soldats marins.

Vous pouvez bien appeler un homme forçatévadé, là-bas, dans nos ports de l’Ouest ; lesforçats sont du monde, et, pour s’évader, il fautdes mains au bout des bras. Mais si le mot soldat-marin estprononcé par hasard, il y a un ventre de décousu.

L’officier qui commandait le canot donna deuxordres en anglais. Au premier, les avirons restèrent immobiles, ausecond, ils se dressèrent en double haie, comme on fait pour saluerun officier supérieur.

– Tout va bien, Perkins ? dit lecomte Henri en touchant son chapeau.

– All right ! réponditPerkins, un solide gaillard, au pied marin, qui se laissaitbalancer par le ressac, comme un ours marchant sur ses pattes dederrière.

– Très-bien ? très-bien !milord, ajouta-t-il en français, sauf que j’ai mis la clef sous laporte, là-bas, et que la machine est en vente àAuctions-Mart.

– Nous allons remédier à cela, Perkins.Dépêchons, je vous prie.

Le canot accosta dans une eau relativementtranquille, à cause de l’abri de pointe, une roche plate quiavançait comme un môle. Deux-avirons furent lancés pour servir depoints d’appui.

– Nous vous attendons seul, milord, ditPerkins d’un ton significatif.

– Vous nous recevez deux, moncamarade.

– M’est-il permis de demander qui est cegentleman ?

– Le lieutenant Robert Surrizy.

– De la marine ?

– De la garde impériale.

Les matelots firent un mouvement etregardèrent Surrizy avec de sympathiques sourires. Jamais iln’avait vu des matelots avec des figures si blanches et des minessi policées. Mais on devait s’attendre à tout sur un bateau àvapeur.

Henri mit le pied sur le plat-bord et sauta debanc en banc. Robert en fit autant, mais les campagnes de Russie etde France l’avaient habitué à un terrain plus solide. Il chancelaet tomba dans les bras d’un des matelots, qui lui mit deux grosbaisers sur les joues.

– Le capitaine Gauthier !s’écria-t-il en rendant l’accolade à la volée.

– Et moi ? dit le voisin.

– Le lieutenant Renault !…

Il avait les yeux éblouis et mouillés, maisson regard, en cherchait déjà d’autres.

– C’est tout pour le moment, garçon, ditle capitaine Gauthier, un bon réjoui à la moustache déjàgrisonnante, mais tout le régiment y viendra peut-être au premierson du violon.

– J’en connais plus de vingt pour mapart, ajouta Renault, il ne s’agit que de commencer ladanse !

– Les autres appartiennent à l’écolepolytechnique, à la marine, etc.…, reprit Gauthier qui montraSurrizy à ses compagnons d’un geste qui équivalait à uneprésentation sommaire ; nous faisons un équipage comme on envoit peu… mais tout à l’heure, à bord, autour d’un bol de punch, jevous présenterai dans les règles.

– Décolle ! cria la voix impérieusede Perkins ; borde les avirons ! nage partout !

Le capitaine, le lieutenant et les autresarrivèrent aussitôt à la manœuvre. Le canot glissa le long de lapierre plate, les dix avirons frappèrent l’eau en mesure, etl’embarcation, aidée par le reflux, cette fois, fila comme uneflèche vers la Délivrance ! Cette équipe d’officiersnageait à miracle.

À bord, tout le monde était sur le pont. LaDélivrance avait une trentaine d’hommes d’équipage, dontdix vrais matelots, chauffeurs, etc., le reste se composaitd’officiers français, dont quelques-uns avaient occupé des gradessupérieurs dans l’armée impériale. Il y avait un coloneld’artillerie.

Ce furent ces derniers surtout qui reçurent lecomte Henri avec une déférence voisine du respect.

Le capitaine commandant la Délivranceétait un Anglais, M. Edmund Abercrombie, qui avait occupé leposte de second sur le premier bateau à vapeur américain.

Robert avait dans le cœur un enthousiasmegrave et, en quelque sorte, un repentir concentré. Il aurait cru àHenri quand même un seul officier français eût été mêlé à unéquipage de forbans et d’échappés de Newgate, – car en fait deconspirations, les conjonctures ne laissent pas souvent la libertédu choix. La vue des gens qui l’entouraient grandissaitHenri ; Henri ne lui apparaissait plus que sur unpiédestal.

Il se demandait avec contrition comment ilavait pu douter d’Henri.

Un commandement anglais gronda sur le banc dequart et tomba, répété par la voix claire d’un mousse, jusqu’aufond de la chambre des mécaniciens. Le piston joua aussitôt que lasoupape eut sifflé, le balancier oscilla et la toux du géant,d’abord lente, alla précipitant ses quintes. Le nuage de fuméejaillit hors du tuyau, les roues hésitèrent, puis tournèrent, et lagoëlette, le nez à la lame et au vent, se prit à enjamber sansfaçon les montagnes liquides, au moment où les deux bricksdécouragés rentraient piteusement en rivière avec des ris dansleurs huniers.

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