Jean Diable – Tome II

VII – Frédéric Boehm.

Le jour baissait. Entre les rideaux des hautesfenêtres, le crépuscule du soir glissait ses lueurs grises, et lahouille brillait davantage dans la grille rougie. La grilleéclairait l’ancien intendant de police, dont le visage semblaitécarlate, tandis qu’un rayon du dehors tombant sur la joue du jeunecomte, la faisait plus creuse et plus pâle.

Ils étaient assis l’un près de l’autre etseuls ; Frédéric parlait ; M. Temple écoutait avecune extrême attention.

– … L’impératrice des Français, qui étaitalors l’archiduchesse Marie-Louise d’Autriche, disait le comteBoehm continuant un récit, n’avait que six ans quand elle me tintsur les fonds de baptême. J’ai été élevé près d’elle, au palaisimpérial de Vienne, sous l’aile de Marie-Thérèse des Deux-Siciles,femme de François Ier, l’empereur mon maître.Reynier, mon second frère, était comme je vous l’ai dit, le filleulde l’empereur, Albert et lui vivaient près de notre père ; quiavait un commandement dans les provinces illyriennes ; où nouspossédons des domaines immenses. Mes frères furent affiliés auxbons-cousins de Venise, vente d’Istrie, par leur gouverneur ;était un gentilhomme milanais. C’étaient deux nobles cœurs, etl’université de Prague ne se souvient pas d’avoir eu jamais deuxplus vaillantes épées.

Du plus loin que je me souvienne, je me vois,enfant de quatre ans, dans les bras d’un autre enfant de dix ansque j’appelais ma petite mère. C’était Marie-Louise, qui devaitavoir cette grande gloire et ce grand malheur d’être femme deNapoléon. Il ne manque pas de gens pour détester la politique de lamaison d’Autriche, mais chacun rendit toujours hommage auxpatriarcales vertus de François Ier et de safamille. Le peuple de Vienne l’aimait comme un père. Ces premièresannées de mon existence ont laissé en moi une impression de reposet de respect. Le burg, avec ses portes babyloniennes et sesterrasses regardant le glacis changé en promenade par-dessus lesombrages des jardins du Peuple et de la Cour ; les grandespelouses de Lachsenburg et cette verte pente des parterres deSchœnbrunn, montant du château entre deux charmilles, les plushautes du monde, jusqu’à la colline qui voit d’un côté latranquille campagne viennoise où coule le géant Danube, de l’autre,à l’horizon clair, la tête rase du Mont Leitha, qui annonce etpromet les cimes tyroliennes, sont restés dans ma mémoire,paisibles comme ce doux sommeil de l’enfance dont la jeunesse estle réveil.

J’étais encore un enfant quand Marie-Louise,ma marraine, quitta Vienne pour Paris, moitié craintive, moitiéenthousiaste, et songeant à réunir, comme Cornélie, deux races dehéros. Elle voulut m’emmener. Je partis avec elle, et j’étais là,quand on lui lut ce contrat de mariage copié sur celui deLouis XVI avec Marie-Antoinette.

L’empereur Napoléon n’avait pas pour m’aimerles mêmes raisons que François Ier, et la cour deFrance était bien loin de ressembler à celle d’Autriche. Onaffectait de m’y regarder comme une poupée, apportée du pays parune fillette devenue trop tôt femme. Cependant j’y fus traité avecbienveillance, et l’empereur, un jour qu’il était galant, permit àMarie-Louise de me donner rang de page. Je refusai, disant que jeme nommais Boehm et que j’avais rang de lieutenant-colonel dansl’armée autrichienne. L’empereur me toucha la joue de son doigtblanc et fin.

– Et si le fils de ta Marraine, empereur,fait la guerre à l’Autriche ? me demanda-t-il.

Je rougis parce que je sentais que je faisaismal, mais je répondis :

– Je n’aime rien tant que mamarraine.

Marie-Louise, peu de jours après cela, mettaitau monde un fils, le roi de Rome. Elle me dit enallemand :

– S’il a besoin, Friedrich, tu seras pourlui ce que j’ai été pour toi.

À la fin de 1812, je quittai la France pourfaire mes années d’université. Mes frères étaient à Prague etavaient pour résidence d’été Reichstadt, ancien domaine de notrefamille, médiatisé et devenu possession impériale. Au château mêmede Reichstadt, l’empereur avait institué une tutelle pour sixjeunes filles nobles, au nombre desquelles était ma jeune cousineO’Brien, âgée de quinze ans et placée là après la mort de sa mère.Je la vis et je l’aimai…

La voix du comte Frédéric baissa pendant qu’ilprononçait ces derniers mots, et sa belle tête pâle, qui maintenantdisparaissait dans la nuit, s’inclina sur sa poitrine. Ce récitétait bien loin des pensées qui tenaient captive l’attention del’ancien intendant de police, et cependant son attention restaitviolemment excitée. Il n’aurait point su définir quel lien existaitentre ce tableau d’une enfance noble et heureuse et les événementsà la fois terribles et mystérieux qui se groupaient autour de luicomme un faisceau de lugubres énigmes, mais ce lien, il le sentait,et malgré lui le narrateur éveillait en son cœur un sentiment devive sympathie.

– Non pas comme je l’aime aujourd’hui,reprit ce dernier dont la voix trembla tout à coup dans sa gorgeoppressée, car un sourire charmant et béni ne peut ressembler auxconvulsions de l’agonie. Je l’aimai comme on respire un parfum oucomme on contemple l’horizon rose où va se lever le soleil. J’avaisseize ans ; je m’étais enfui de France parce que ma marraine,dans le calme de sa noble amitié, ne s’apercevait pas que jen’étais plus un enfant et que j’avais peur de ses caresses.

J’étais grand ; on me disaittrès-beau ; je ne savais pas la signification du mot souffrir.J’étais heureux, joyeux, plein d’espoirs splendides qui faisaientde mon avenir le plus beau des poëmes…

J’aimais comme on aime dans le bonheur, quandon a toute une longue vie pour se faire aimer, et que les annéess’étendent au-devant de vous à perte de vue, immense horizon toutverdoyant de cette moisson de désirs que la félicité fauche etregrette.

J’aimais comme on prie quand le cœur a gardétoute sa virginale pureté. Mon amour était si doux et si beau que,en regardant mon âme en deuil, je répète malgré moi mon nom, medisant : Suis-je le même ?

Car j’aime en pleurant, maintenant, et ensouffrant ; j’aime avec un cœur qui saigne, j’aime avec mapauvre âme en deuil. J’ai beaucoup d’angoisses et j’ai bien peud’espoir. Chaque heure qui passe emporte une part de ma confianceen moi-même, chaque jour écoulé m’arrache un lambeau de ma foi.J’économise ce pauvre restant de souffle qui est dans ma poitrine.Je me force à vivre, moi qui me sens mourir, pour avoir le temps dela retrouver et de l’entendre peut-être me dire : Jet’aime !…

Il me semble qu’elle doit m’aimer. Il mesemble que c’est ma destinée de rendre mon dernier soupir dans sesbras.

Car je l’aime cent fois plus maintenant que jesouffre, oh ! mille fois plus ! Et si je devais êtreaimé, ne fut-ce qu’une heure, je mettrais cette heure suprême,pendant laquelle je voudrais vivre toute une vie de félicités, audessus des espérances de mon salut éternel !…

Le comte Frédéric s’arrêta encore, parce queson souffle épuisé s’embarrassait dans sa poitrine.

M. Temple lui prit la main et la serraentre les siennes, en disant avec émotion :

– Je m’étais trompé sur vous, je vousdemande pardon, M. le comte.

Car l’Anglais et l’Allemand se ressemblent etsympathisent en ceci qu’ils sont friands tous les deux de voluptésen deuil et de mortelles amours.

Mais ce n’était pas de la passion à froid,comme en ont fait les poëtes funèbres de la lyre germanique, quibrisait le souffle de cet enfant. C’était bien l’amour, le grandamour qui ressuscite ou qui tue, l’amour viril mais tout jeune,flexible et fort comme une chaîne d’acier.

– Elles allaient, poursuivit-il, comme sison souvenir l’eût entraîné malgré lui, toujours ensemble, les sixjeunes filles de la tutelle, escortées par les deux gouvernantesnobles, et suivies de loin par les deux écuyers à la livrée del’empereur. Un instinct me guidait pour savoir à quel endroit duparc immense et tout plein de merveilleuses solitudes mes pascroiseraient leur route. Que de fois ai-je vu sa course folleeffrayer la sauvagerie des daims dans la clairière ? Elle neressemblait pas à ses compagnies. Au milieu de ces blondes fillesdont les cheveux tressés battaient les épaules, son front hardi etjoyeux ressortait sous sa couronne de boucles noires. Elle étaitbelle, rieuse, heureuse…

Moi, je restais souvent caché dans le fourré,plus timide que les daims qui fuyaient, quoique j’eusse défendu monposte au péril de ma vie. Je la voyais au travers des feuillesbalancées par le vent qui tombait des montagnes. Parfois elle étaitrêveuse, et je me disais : Si elle songeait à moi !…

Elle me sourit, un matin que le soleil jouaitdans la rosée. Cette heure est restée vivante pour moi. Je voisl’échappée de lumière qui pénétrait sous l’ombre du bois, j’entendsla lointaine cascade, je respire l’odeur des feuillages mouillés.Elle est là qui passe, le bras autour du cou de la mieux aimée deses compagnes et se retournant à demi pour me donner ce rapideregard et ce sourire d’or…

Mais ceci n’est pas une histoire d’amour. Jevins à Prague pour suivre les cours à l’université. Je ne la visplus. Le général O’Brien donnait des fêtes, et je reçus plusieursinvitations. Mes frères aînés me défendirent de m’y rendre. Ilsétaient bons pour moi, nous nous aimions tous les troistendrement.

Un dimanche au soir, à la cathédrale, auxlumières des vingt-quatre lampes d’argent et d’or qui éclairent lemonument de Saint-Népomuc, je vis auprès de l’uniforme blanc dugénéral, la forme gracieuse d’une jeune fille agenouillée. Mon cœurbattit ; j’avais reconnu cette noire couronne de cheveuxabondants et fins où se baignaient tous les baisers de mes rêves.C’était la commémoration, tous les fidèles se rendaientaprès le salut à la chapelle Wenceslas, dont les murs sont faits depierres précieuses, car, entre toutes les villes de l’univers notrePrague est riche et magnifique. On s’agenouilla devant le tombeaudu saint, où restent son casque et sa cote de mailles ; chacuntoucha l’anneau de fer que serra sa main mourante au moment où sonfrère le frappait par derrière ; chacun se signa en face dutableau de Lucas Cranach représentant cette tragédie fratricide.J’avais pris place auprès du bénitier, scellé entre les deuxaméthystes brutes qui valent les trésors d’une couronne, etj’attendais pour présenter l’eau bénite à la pupille de l’empereur.Un homme se mit au devant de moi et me prévint. Elle lui sourit. Jene pus apercevoir son visage, mais ma jalousie me montra sa tailleplus héroïque et plus haute que celle d’un roi dans les récitschevaleresques.

Il sortit avec O’Brien et sa fille. Tous lestrois montèrent dans la même voiture, pour descendre du Hradschinau Kleinseite, où le général avait son habitation d’été. Je suivaisaisément, car les chevaux allaient au pas dans leSpornergasse ; à cause de la pente rapide. Je ne saurais pasdire quelles étaient mes pensées ; mais, pour la premièrefois, je ressentis à la poitrine et au cœur cette angoisse profondequi accompagne maintenant chacune de mes respirations.

Elle n’était pas venue que pour un jour.

Aux vacances, je retournai à Reichstadt. Elleavait grandi. Je distinguais encore le rire de sa joie éclatanteparmi les tranquilles causeries de ses compagnes mais elle rêvaitplus souvent. Ce fut en vain que je cherchai son sourire. Elle mereconnaissait pourtant, car son regard évitait le mien, dont ellecraignait la muette tristesse comme un reproche.

Il n’y avait pas loin du pavillon quej’habitais au château de la Tutelle. Une nuit, je fus éveillé parles chiens qui hurlaient. Je sautai hors de mon lit ; onentendait au dehors des pas de chevaux et des cris d’appel. Une despupilles de Sa Majesté Impériale et Royale avait été enlevée. Jesentis mes lèvres humides et j’y portai la main, que je retiraiteinte de sang. On ne m’avait pas dit le nom de la pupille enlevée,mais je savais déjà aux élancements de mon cœur que c’était SarahO’Brien…

– Sarah !… répéta l’ancien intendantde police qui tressaillit.

– Le lendemain matin, continua le comteFrédéric, on apprit à Reichstadt le meurtre du général. C’étaitbien Sarah qui avait été enlevée. Toutes les recherches furentinutiles ; on ne put joindre ses ravisseurs.

Je n’eus que des notions très-vagues sur ladouble instruction judiciaire qui suivit ce rapt et l’assassinat dugénéral. La fièvre me clouait à mon lit. Je fis une longue etdouloureuse maladie : les médecins me condamnèrent. La mortm’a donné un sursis, mais je n’ai point appelé de la sentence desmédecins. Je ne me suis jamais relevé dans la force de mon âge etde ma constitution. Ma blessure est au cœur ; mes heures sontcomptées.

Quand ma santé me permit de retourner à Praguepour suivre les cours de l’université, je trouvai un grandchangement dans la conduite de mes frères. Ils avaient rompu avecleurs habitudes de plaisir. C’étaient maintenant des jeunes genssérieux et forts assidus à leurs études. Cette assiduité cachaitcependant d’autres préoccupations : mes frères étaient à latête de la confrérie des rosen-kreuz. On ne parlait déjà plus del’affaire O’Brien.

– Permettez-moi une question, interrompitici l’ancien intendant de police. Dans le peu que vous avez pusavoir touchant ce tragique événement, le nom de John Devil ou JeanDiable se trouvait-il mêlé ?

– Hans Teufel, répondit Frédéric enallemand. Le peuple attribuait la mort du général à un banditmystérieux et introuvable dont c’était là le sobriquet ou lenom.

– Et n’y avait-il point, demanda encoreM. Temple, lors de votre première apparition àl’université ; j’entends avant le meurtre, n’y avait-il pointparmi les étudiants amis de vos frères un jeune homme appelé HenriBrown ?

– Non, répondit le comte Boehm sanshésiter.

– Non plus un certain JamesDavy ?

– Non plus.

– Y avait-il au moins quelque étudiantanglais à l’université de Prague ?

– Il y avait Georges Palmer, répliquaFrédéric.

L’ancien intendant de police sourit etdemanda :

– Connaissez-vous ce Georges Palmer sousun autre nom ?

– Sous plusieurs autres noms, répondit lejeune comte.

– À la bonne heure ! s’écriaM. Temple qui salua ironiquement.

– Je ne vous demande pas même,poursuivit-il, si ce Georges Palmer avait disparu de Prague quandvous revîntes après le meurtre ?

– Monsieur Temple, dit vivement le jeunecomte, je vous prie de vouloir bien remarquer que vous parlez icide mon meilleur ami, de mon seul ami peut-être, du plus noble cœuret de la plus haute intelligence que j’aie rencontrés en ma vie…Georges Palmer était reçu docteur, il avait repris avec sa mère lechemin de l’Angleterre.

– Avec sa mère ! répéta l’ancienintendant qui fronça le sourcil. Savez-vous qui était samère ?…

– Du point où vous êtes, M. Temple,interrompit Frédéric, en homme qui a sa conviction profondémentassise et n’en veut point changer ; je vous préviens que vousne pouvez pas juger le comte Henri de Belcamp. Vous êtes desennemis, quoi que votre lutte ait eu lieu sur un terrain autre quecelui où nous nous trouvons maintenant. Son rôle a été de vouscombattre et de vous donner le change en toutes occasions. Je saisqu’il vous l’a donné. Vous n’êtes pas à son égard dans desconditions d’impartialité.

– Mais qui êtes-vous donc à la fin, jeunehomme ? s’écria Gregory Temple dont le sang chaud trahissaittoujours la prudence. Qui êtes-vous pour parler froidement detelles choses et de tels hommes ?

– Je suis le dernier d’une familleillustre qui va s’éteindre, répondit Frédéric avec calme. Je saisce que vous ne savez pas. La main sur la conscience, si Dieu meprenait à l’heure même, je mourrais en chrétien !

– Si vous savez ce que je ne sais pas, àquoi bon venir de si loin pour m’interroger ?

– Parce que vous savez peut-être ce quej’ignore.

– Poursuivez donc, monsieur le comte, ditl’ancien intendant dont les sourcils étaient froncés. Vous êtesbien jeune pour repousser l’expérience d’un vieillard. Mais,d’après ce que je devine, nous ne nous séparerons pas de sitôtdésormais, et je puis faire serment que vous serez éclairé malgrévous.

– Je refusai de m’affilier auxrosen-kreuz, continua Frédéric, jusqu’en 1814, époque où mamarraine, l’impératrice Marie Louise, quitta la France aprèsl’abdication de Napoléon, et fut confinée à la résidence deSchönbrunn avec son fils le roi de Rome. Avant d’abandonner Praguepour me rendre auprès d’elle, je fis serment sur la rose et sur lacroix. J’étais à la fille de François Ier avantd’être à François Ier lui-même, et les rosen-kreuz,qui avaient juré une haine mortelle à Napoléon empereur, étaientles alliés naturels de Napoléon prisonnier à l’île d’Elbe. Ce sontdes jeux bizarres, où l’atout change souvent de couleur comme dansles parties de cartes.

À Schœnbrunn, avec l’agrément de Sa MajestéImpériale et Royale, Marie-Louise me choisit pour son écuyer. Jen’avais plus entendu parler de Sarah O’Brien. Mon amour n’était paséteint, car je suis de ceux qui n’oublient point, mais ilsommeillait et ma vie se donnait tout entière à mes devoirs. Unedéputation des rosen-kreuz, dont mes deux frères faisaient partie,était maintenant à Vienne. Un service de dépêches était établientre nous et la France. Marie-Louise, à Paris, m’avait dit unefois de rendre à son fils ce qu’elle avait fait pour moi : jecommençais à payer ma dette…

– Et m’est-il permis de vous demander,monsieur le comte, interrompit encore M. Temple non sans uneintention évidente de sarcasme, si à cette époque vous eûtesquelques nouvelles de votre ami Percy-Balcomb ?

– Oui, certes, monsieur, réponditgravement Frédéric. J’allais vous parler de lui. La justiceanglaise commet d’étranges erreurs, dont quelques-unes, dit-on,sont volontaires… Si vous descendiez en vous-même et que vousprissiez la peine de repasser les événements de la journée où noussommes, vous ne me contrediriez pas.

M. Temple le regarda stupéfait.

Le comte Boehm reprit :

– À l’époque dont il est question, lajustice anglaise, confondant Percy-Balcomb avec les plus vilscriminels, l’envoya en Australie, d’où il est revenu, car les voiesde la Providence sont profondes, avec une idée qui peut écraserl’Angleterre et changer la face du monde… Je n’ajoute rien,M. Temple, parce que en ce moment vous seriez peut-être encorecontre nous… Mais la patience humaine a des bornes, tandis que labrutale insolence n’en connaît point, quand elle se croit sûre del’impunité… Qui sait si demain vous ne serez pas avecnous ?

L’ancien intendant de police garda lesilence.

– En 1815, poursuivit Frédéric Boehm,vers la fin de mars, nous reçûmes presque en même temps la nouvelledu débarquement de Cannes et l’ordre de tout préparer pourl’enlèvement du roi de Rome et de l’impératrice. Marie-Louiseportait alors officiellement le titre de princesse de Parme, dontFrançois Ier lui avait assuré lasouveraineté ; mais elle avait protesté et se faisait appelerla duchesse de Colorno. Mesdames de Menneval, de Brignoles, deBeausset et de Karaksai, ses femmes, la couronnèrent ce soir-là enlui rendant son titre d’impératrice.

M. le duc de Wellington était à Vienne.Sous prétexte de son départ prochain et pour le service prétendu desa fuite, nous retînmes, mes frères et moi, tous les chevaux deposte dans un rayon de vingt-cinq lieues autour de Vienne ;une fois le premier relais franchi, il y aurait eu impossibilité depoursuivre les illustres fugitifs. La nuit tomba. Outre les fidèlesde Marie-Louise, il y avait cent cinquante rosen-kreuz, armésjusqu’aux dents, sous bois, de l’autre côté de la Gloriette. À dixheures du soir, je vins annoncer que les voitures étaient prêtes àl’extrémité des charmilles, et je pris le petit roi de Rome dansmes bras.

Au moment où les dames descendaient le perrondu côté du parc, et comme Marie-Louise paraissait à la porte aubras de son premier écuyer, des commandements militairesretentirent sous les bosquets, situés à droite et à gauche de larampe qui monte à la Gloriette. En un instant, la pelouse futblanche d’uniformes.

Des hommes noirs, sortis du château même parles portes latérales, nous entourèrent et Onslow, le sous directeurde la police impériale, engagea, chapeau bas, la princesse de Parmeà rentrer dans ses appartements. Il y avait eu trahison.

Marie-Louise quitta Schœnbrunn le soir même,pour n’y rentrer jamais. On lui assigna pour résidence le palais dela chancellerie, à Vienne, et désormais elle fut séparée de sonfils. Je restai, pour ma part, auprès du jeune prince, et quand,cette année même où nous sommes, l’empereur l’a fait duc deReichstadt, avec grade de colonel dans l’armée autrichienne, j’aireçu mon brevet de lieutenant-colonel.

J’aime l’empereur François d’Autriche, je n’aipour l’empereur Napoléon que le respect dû à la gloire et àl’infortune. Vous êtes Anglais, M. Temple, je vous diraicependant quel est le véritable sentiment qui pousse en avant touteune armée de jeunes et généreux cœurs : c’est l’horreurinspirée par l’égoïsme et la trahison de l’Angleterre…

À la fin de 1816, le comte Albert Boehm futtué en duel par le capitaine Baumgarten, de l’artillerie impérialeet royale ; deux mois après, en sortant du burg d’Ofen, oùl’archiduc-vice-roi de Hongrie l’avait mandé, le comte Reynier, surle pont de bateaux qui sépare Bude de Pesth, reçut un coup decouteau d’un magyar jaloux de sa femme, et qui le prenait pourl’amant de celle-ci. Il m’est connu que le magyar Kerolvi et lecapitaine Baumgarten sont affiliés aux porte-glaives ; Reynierétait à Pesth pour organiser une ligue ou vente de rosen-kreuz.

J’arrivai le lendemain de l’accidentpour recevoir son dernier soupir. Il me donna ses secrets et mourutdans mes bras.

Ceux qui nous connaissaient tous les troisn’auraient jamais pu croire que je resterais le dernier vivant. Mesfrères étaient forts et hardis comme deux lions ; moi, je n’aide ma race que le courage.

Reynier devait venir à Londres en janvier dela présente année 1817 ; je m’y rendis à sa place et pouraccomplir une de ses dernières volontés. Le comte Henri de Belcampm’attendait sous London-Bridge, lors de l’arrivée du paquebot. Endébarquant, et sans prendre le temps de changer mes habits devoyage, je montai dans une voiture qui me conduisit dans Regentstreet, chez la signora Constance Bartolozzi, où le conseil de laDélivrance était assemblé. Je fus reçu compagnon sur laprésentation du comte Henri de Belcamp, et je prêtai serment entreses mains. Mon nom de frère fut : Pierre-Alexis Orloff, pourdépister la surveillance des agents autrichiens.

Ce qui fut décidé chez Constance Bartolozzi, àcette séance et à d’autres, ne doit point vous être dit. En dehorsde ces séances, la Bartolozzi recevait et donnait à jouer. Un soir,je me trouvai chez elle en présence de Sarah O’Brien, qu’on me ditêtre sa dame de compagnie. Je passe de longues heures, souvent, àme demander si Sarah me reconnut. Son regard se fixa sur moiplusieurs fois. Je m’approchai d’elle, et la voix s’arrêta dans magorge. On m’emporta évanoui.

Pauvre histoire, n’est-ce pas, monsieur ?enfance prolongée, timidité puérile et qui sans doute mériterait unautre nom ?… Je ne sais ce qui se passa en moi ; je crusque j’allais mourir. Cet amour est tellement au-dessus des forcesde mon cœur qu’il fait trembler ma voix en ce moment et mouille mestempes comme un effort épuisant. Sarah me sembla mille fois plusbelle qu’autrefois. C’était une femme ; et cependant saprunelle nageait dans cette eau diamantée que le mariage dessèche,dit-on ; elle avait les fiertés farouches et les capricessouriants des jeunes filles.

Sarah n’était qu’une jeune fille avec son portde reine et son éblouissant diadème de beauté.

Je voulais savoir, je voulais parler, jevoulais agenouiller mon aveu à ses pieds ; je n’osaipas ; le bonheur, la crainte, l’espoir, étreignirent à la foismon pauvre cœur malade ; je fus paralysé : j’avaisparfois souhaité cette mort.

Par quelle série de circonstances était-elletombée jusqu’à cette condition ? Elle avait plus de quinze ansquand elle avait quitté Prague, et elle ne pouvait ignorer ni sanaissance ni ses droits. Le mystère reste tout entier ici ;aucune de mes questions n’a eu de réponse ; l’occasion perduene devait point renaître.

Sarah O’Brien avait maintenant un autre nom,un nom irlandais aussi ; elle s’appelait Sarah O’Neil chezMme Bartolozzi.

– J’aurais pu vous l’apprendre, comte,murmura M. Temple.

– Tant mieux si vous en savez assez longpour me satisfaire, monsieur, dit Frédéric dont la fatigue étaitmaintenant visible. Puissé-je apprendre auprès de vous tout ce quej’ai si grand besoin de savoir ! Mais laissez-moi poursuivre.Encore quelques mots et j’aurai achevé.

Le 1er février, je fus convoquéselon la forme, non plus chez madame Bartolozzi, mais, chose qui mesurprit, dans le propre salon que j’occupais ici, hôtel Mivart. Jen’étais pas sorti de ma chambre depuis que j’avais vu Sarah ;je n’avais donné aucune autorisation ; j’attendis.

À onze heures du soir, sept membres étaientprésents. L’un d’eux accusa la signora Bartolozzi de trahison, etle fait ne fut prouvé que trop clairement par deux lettres de cettemalheureuse femme, adressées à vous-même, monsieur, et qui avaientété interceptées dans vos propres bureaux. Sept voix unanimes lacondamnèrent, et l’exécution fut fixée à la nuit du lendemain.

Le lendemain, je me munis chez mon banquierd’une somme considérable, et je louai une chaise de poste. J’avaisl’intention d’enlever madame Bartolozzi et de la conduire àDouvres, où je l’aurais embarquée sur le paquebot de Calais.

J’aurais payé son obéissance au lieu de laforcer.

J’avais l’intention de m’expliquer avec Sarahet de lui offrir ma main. En cas de refus, je voulais lui rendreintégralement la fortune de sa mère.

Il n’est pas besoin de vous apprendre qu’àLondres surtout l’argent est le maître. Rien ne résiste à l’argent.Devant mon talisman, les portes de la maison de madame Bartolozzis’ouvrirent, et les domestiques désertèrent leurs postes. À deuxheures du matin, j’étais seul dans cette demeure abandonnée, bienplus seul, hélas ! que je ne croyais, car des deux femmes quej’étais venu chercher, l’une était absente, l’autre étaitmorte.

Morte sur son lit en sommeillant sans doute,et telle que je me figure O’Brien décédé, d’après les récits de mesfrères ; morte les deux bras paisiblement arrondis, la bouchetranquille, les yeux fermés, ses bijoux auprès d’elle.

Je quittai Londres le lendemain matin, partiepour fuir le théâtre de cette tragédie, partie pour obéir à unordre de rappel de M. le prince de Metternich. À Vienne, où jerepris mon service auprès du roi de Rome, la maison Balcomb etCie, de Londres, par l’ordre de M. Wood, anciensollicitor…

– Un des plus dangereux coquins des troisroyaumes ? s’écria M. Temple.

– Je sais cela, monsieur, et c’est lemalheur de ceux qui travaillent dans l’ombre de n’avoir pastoujours le choix de leurs agens… À Vienne, disais-je, la maisonBalcomb et Cie m’adressa de Londres trois demandesd’argent… Je devais : je payai.

– Vous deviez ?… répétaM. Temple, qui malgré l’obscurité, complète maintenant, jetasur lui un regard inquisiteur.

– Pas comme vous le pourriez entendre,monsieur, répliqua le jeune comte, si vous mettiez à m’écouter lamême entière bonne foi que je mets à vous parler… Mais enfin jedevais, j’avais promis en pleine connaissance de cause.

– Dans la lettre que Votre Seigneurie m’afait l’honneur de m’écrire, objecta l’ancien intendant de police,j’ai trouvé copie d’une missive adressée à ce M. Wood, etcontenant le bordereau des sommes payées depuis le 1erjanvier à la maison Balcomb et Cie. Cette missiveparlait tout autrement que ne le fait maintenant VotreSeigneurie.

– Cette missive avait un but que voussaurez tout à l’heure. Mon intention est de ne vous rien cacher. Jefis honneur à ces trois premières demandes d’argent, et monbanquier de Vienne me dénonça à l’empereur. François me fit manderau Hofburg. Il y avait sur la table une lettre pour le gouverneurde la forteresse de Spandau. « Vous êtes le dernier d’une raceillustre et fidèle, » me dit-il, « votre père était, monami. Entre les mains d’un enfant comme vous, des revenus comme lesvôtres sont en danger. Vous êtes mêlé à de certaines menées ;je vous excuse, parce que j’aime l’archiduchesse de Parme, mafille. Mon Conseil veut faire de vous un prisonnier d’État, maisvous n’irez pas à Spandau si vous consentez librement à vous mettreen tutelle. » Je consentis sans hésiter, et, faisant valoirles menaces de mort prochaine écrites trop lisiblement sur monfront, j’obtins de Sa Majesté la permission de voyager en Italie,en France et en Angleterre. En me donnant congé, l’empereur,parlant à voix basse et le front soucieux, fit une allusion rapideau sort de mes frères et me recommanda la prudence.

Mes trois compagnons de voyage furent choisisen conseil parmi les serviteurs de ma famille qui offraient le plusde garantie à la cour. Nous partîmes ; on m’avait fixé unbudget de prince. Je savais en outre que, à Paris comme à Londres,je trouverais des spéculateurs hardis tout prêts à passer, en vued’un gros bénéfice, par-dessus l’obstacle de minorité. À peinearrivé en France, je reçus une demande de 380,000 florins, àlaquelle je pus faire droit immédiatement…

– Près d’un million ! murmuraM. Temple.

– Je comptais passer tout de suite enAngleterre, mais un incident me retint. Le lendemain de monarrivée, je voulus visiter le jardin du Colisée. J’étais dans lafoule, admirant la vogue de ce divertissement bizarre qu’on nommeles montagnes russes, quand je vis la beauté de Sarah glisserdevant mes yeux comme un rêve, emportée sur la pente avec une follerapidité. Dans son traîneau, il y avait un jeune homme qui m’étaitinconnu. Je m’élançai, mais la foule retarda ma course, et, quandje parvins au lieu où les voyageurs descendent de traîneau, Sarahet son cavalier avaient disparu.

Elle était à Paris. Je restai plusieurssemaines remuant ciel et terre pour la trouver. Tous mes effortsfurent inutiles. Au commencement de juin, il y a quelques jours àpeine, je revenais d’une promenade au bois, à cheval, quandj’aperçus du bout de la rue et sortant de mon hôtel, une femme enélégante toilette qui remontait dans sa voiture. Sa taille mefrappa. La voiture me croisa l’instant d’après, et je reconnusSarah O’Brien à travers le carreau de la portière fermée. J’étais àcheval, je piquai des deux : elle ne pouvait m’échapper cettefois !…

Au bout de cinquante pas, les sergents depolice me barrèrent le passage. Il est défendu de galoper dans lesrues de Paris. La discussion dura quelques secondes ; quandelle prit fin, la voiture de Sarah était hors de vue.

À mon hôtel, je trouvai une lettre contenantune cinquième demande d’argent. La demande dépassait un million. Jedevais, j’aurais fait cette fois comme les autres, mais j’apprisque la lettre avait été remise par une jeune femme, élégante etcharmante, dont la description se rapportait exactement à Sarah.Mon esprit, appliqué sans cesse aux moyens de retrouver Sarah, seprit à travailler. J’avais ouï parler de vous, et l’on m’avaitdésigné M. Wood comme l’agent avec lequel, au besoin, jedevais correspondre. J’écrivis à M. Wood et à vous les deuxlettres que vous savez. C’est là l’explication que je vouspromettais tout à l’heure. Mon refus n’était qu’une ruse de guerre.Au moyen de cette manœuvre, soit par vous, soit par M. Wood,il me semblait certain que je retrouverais Sarah. Voilà tout ce quej’avais à vous dire.

Le jeune comte Boehm cessa de parler.M. Temple réfléchit un instant.

– Alors, murmura-t-il sans prendre soucide dissimuler l’amertume dédaigneuse de sa pensée, votre butprincipal, ou plutôt votre but unique est de retrouver cettefemme ?

– Je l’aime, prononça tout basFrédéric.

– Et suivant toute apparence vousn’écouteriez pas volontiers tout ce qui serait dit contreelle ?

– Je l’aime ! répéta le jeune comteavec une énergie concentrée. Il me la faut pour vivre par lebonheur ou pour mourir de joie !

– La douleur aussi fait mourir, ditM. Temple comme malgré lui.

Puis, après un silence, il reprit de cettevoix précise et ferme que nous lui connaissions du temps où iltrônait dans son bureau de Scotland-Yard.

– Monsieur le comte, vous avez vingt ans.À cet âge les illusions sont tenaces. En vous écoutant, il m’estvenu tout un monde d’idées, dont quelques-unes arrivent àl’extravagance : quand il s’agit d’un homme comme Jean-Diable,il faut parfois chercher la sagesse dans l’extravagance… C’est moiqui l’ai formé… Je vous prie de ne point m’interrompre ; jeserai bref et clair… C’est moi qui l’ai formé, dis-je, sans levouloir et sans le savoir : je connais les routes où va sapensée… Les gens comme lui montreront toujours aux gens comme vous,dans un lointain plus ou moins brumeux, quelque immense édificecommencé, en disant : Voici mon œuvre : je suis un grandarchitecte !… Écraser l’Angleterre et changer la face dumonde, avez-vous dit ; c’est bien cela ! il me semblel’entendre !… Mais quel roc assez lourd, détaché de quellecime assez haute, écraserait l’Angleterre, contre laquelle votreNapoléon s’est brisé ?… L’Angleterre vit et grandit pendantque son ennemi se meurt, rongé par les vautours de sa colèreimpuissante… Et le monde va sa route, ignorant le rôle que lescharlatans lui font jouer dans leurs contes à dormir debout !Assez là-dessus : je ne suis ni assez jeune, ni assez poëtepour discuter en politique les théories de Polichinelle ou de JeanDiable. Vous avez mis la question tout en haut de je ne sais quellefantastique échelle, elle est pour moi tout en bas : nous nesaurions nous entendre. Ce qui est réel, ce sont les millions qu’onvous a extorqués. J’appuierais sur ce point vis-à-vis d’un autre,mais avec vous à quoi bon ? ce n’est qu’une goutte d’eau dansle profond réservoir de votre richesse. Je pourrais vous renseignercatégoriquement sur l’homme lui-même ; je le ferai sans douteplus tard ; aujourd’hui, non ; vous êtes prévenu, et sije vous disais que votre comte Henri était un employé infidèle dema police, vous me répondriez sans doute encore : je lesavais.

– Je le savais, il est vrai, monsieur,répondit Frédéric.

– C’est au mieux !… Alors vousn’avez pas à chercher le nom de celui qui intercepta les lettres del’infortunée Constance Bartolozzi, même peut-être le mot de cetteénigme funèbre… Mais je veux m’attacher à un seul ordre d’idées etme renfermer dans un seul fait. Je comprends les idées fixes :j’ai la mienne comme vous avez la vôtre. Je sais où est SarahO’Brien, et je vous l’apprendrai.

– Pour prix d’un tel service… commença lejeune comte qui lui saisit les deux mains.

M. Temple se dégagea de cette étreinte etne le laissa pas achever.

– Monsieur le comte, dit-il d’un tontriste et fier, j’étais riche… non pas comme vous, mais assez pourvivre une tranquille vieillesse et donner l’indépendance à monunique enfant. Je suis maintenant un mendiant, car j’ai toutdévoré, jusqu’au pain de ma fille !… J’accepterai un payement,je l’exigerai considérable, mais ce ne sera pas pour moi, cetargent, non ! ce ne sera pas même pour ma fille chérie… cesera pour ma justice, à moi, qui suis désormais franc-juge aussi…ce sera pour ma vengeance !

– Vous fixerez vous-même la somme,monsieur.

– J’ai achevé, sauf un dernier mot. Danstout marché, il faut savoir ce qu’on achète. Ce fut Jean Diable, ouGeorge Palmer, ou le comte Henri de Belcamp, ou, si mieux vousaimez, le chef de la maison Balcomb et Cie, qui enlevaSarah O’Brien du château de la Tutelle, à Reichstadt. Le comteHenri de Belcamp vous a joué comme il vous a pillé. Les maîtressesdes bandits sont célèbres aussi bien que celles des héros. SarahO’Neil est là Belle Irlandaise, maîtresse de Jean Diablele Quaker.

– Vous avez la preuve de cela, monsieur’?prononça le jeune Allemand d’une voix à peine intelligible.

– Et je vous la fournirai, je m’y engage,si vous voulez me suivre à Paris.

Frédéric Boehm sonna et donna l’ordred’apporter des flambeaux.

La lumière vint, éclairant la mortelle pâleurde ses traits si beaux, et ses grands yeux où la fièvre lentemettait un sinistre éclat.

– Qu’on fasse venir M. Spiegel,M. Arnheim et M. Weber, ordonna-t-il encore.

Puis, se tournant vers M. Temple, ildemanda :

– Vous plait-il que nous partions pourParis ce soir même ?

– Je voudrais auparavant, réponditl’ancien intendant de police, connaître le caractère précis de cesmessieurs.

– Trois conjurés comme moi, répondit lejeune comte.

Les trois docteurs rentraient avec leurs pipeset leurs bonnes faces allemandes resplendissantes de santé.

– Nous partons pour Paris dans une heure,leur dit Frédéric Boehm ; M. Temple vient avec nous.

– Quelle est la suite de men herr ?demanda le docteur Spiegel, chargé des préparatifs.

– Un seul homme, Français, du nom dePierre Louchet, répondit M. Temple.

Il se leva pour aller quérir son bagage. Lecomte Boehm appuyé sur son bras, l’accompagna jusqu’à la porte.

En arrivant au seuil, il retira de sa boucheson mouchoir blanc, qui avait des taches de sang, et dit de sa voixglacée :

– Je vous attends, monsieur… Si SarahO’Brien est la maîtresse d’Henri de Belcamp, je le tuerai, je vousle jure !

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