La Galerie du Palais

Scène V

Dorimant,Hippolyte

Dorimant

Autant que mon esprit adore vos mérites,

Autant veux-je de mal à vos longuesvisites.

Hippolyte

Que vous ont-elles fait pour vous mettre encourroux ?

Dorimant

Elles m’ôtent le bien de vous trouver chezvous.

J’y fais à tous moments une courseinutile ;

J’apprends cent fois le jour que vous êtes enville ;

En voici presque trois que je n’ai pu vousvoir,

Pour rendre à vos beautés ce que je saisdevoir ;

Et n’était qu’aujourd’hui cette heureuserencontre,

Sur le point de rentrer, par hasard me lesmontre,

Je crois que ce jour même aurait encorpassé

Sans moyen de m’en plaindre aux yeux qui m’ontblessé.

Hippolyte

Ma libre et gaie humeur hait le ton deplainte ;

Je n’en puis écouter qu’avec de lacontrainte.

Si vous prenez plaisir dedans monentretien,

Pour le faire durer ne vous plaignez derien.

Dorimant

Vous me pouvez ôter tout sujet de meplaindre.

Hippolyte

Et vous pouvez aussi vous empêcher d’enfeindre.

Dorimant

Est-ce en feindre un sujet qu’accuser vosrigueurs ?

Hippolyte

Pour vous en plaindre à faux, vous feignez deslangueurs.

Dorimant

Verrais-je sans languir ma flamme qu’onnéglige ?

Hippolyte

Éteignez cette flamme où rien ne vousoblige.

Dorimant

Vos charmes trop puissants me forcent à cesfeux.

Hippolyte

Oui, mais rien ne vous force à vous approcherd’eux.

Dorimant

Ma présence vous fâche et vous estodieuse.

Hippolyte

Non ; mais tout ce discours la peutrendre ennuyeuse.

Dorimant

Je vois bien ce que c’est ; je lis dansvotre cœur :

Il a reçu les traits d’un plus heureuxvainqueur ;

Un autre, regardé d’un œil plus favorable,

À mes submissions vous faitinexorable ;

C’est pour lui seulement que vous voulezbrûler.

Hippolyte

Il est vrai ; je ne puis vous ledissimuler :

Il faut que je vous traite avec toutefranchise.

Alors que je vous pris, un autre m’avaitprise,

Un autre captivait mes inclinations.

Vous devez présumer de vos perfections

Que si vous attaquiez un cœur qui fût àprendre,

Il serait malaisé qu’il s’en pût biendéfendre.

Vous auriez eu le mien, s’il n’eût étédonné ;

Mais puisque les destins ainsi l’ontordonné,

Tant que ma passion aura quelqueespérance,

N’attendez rien de moi que del’indifférence.

Dorimant

Vous ne m’apprenez point le nom de cetamant :

Sans doute que Lysandre est cet objetcharmant

Dont les discours flatteurs vous ontpréoccupée.

Hippolyte

Cela ne se dit point à des hommesd’épée :

Vous exposer aux coups d’un duelhasardeux,

Ce serait le moyen de vous perdre tousdeux.

Je vous veux, si je puis, conserver l’un etl’autre ;

Je chéris sa personne, et hais si peu lavôtre,

Qu’ayant perdu l’espoir de le voir monépoux,

Si ma mère y consent, Hippolyte est àvous.

Mais aussi jusque-là plaignez votreinfortune.

Dorimant

Permettez pour ce nom que je vousimportune ;

Ne me refusez plus de me ledéclarer :

Que je sache en quel temps j’aurai droitd’espérer,

Un mot me suffira pour me tirer depeine ;

Et lors j’étoufferai si bien toute mahaine,

Que vous me trouverez vous-même tropremis.

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