La San-Felice – Tome I

XXI – LE MÉDECIN ET LE PRÊTRE

Finissons-en avec les événements de cette nuitsi pleine d’événements, afin que nous puissions continuer désormaisnotre récit, sans être forcé de nous arrêter ou de revenir enarrière.

Si nos lecteurs ont lu avec attention notredernier chapitre, ils doivent se rappeler que les conspirateurs,après le départ de Salvato Palmieri, s’étaient séparés en deuxgroupes de trois personnes chacun : l’un, qui avait remonté lePausilippe ; l’autre, qui avait pris la mer dans unebarque.

Le groupe qui avait remonté le Pausilippe secomposait de Nicolino Caracciolo, de Velasco et de Schipani.

L’autre, qui était parti à l’aide d’une barqueamarrée sous le grand portique du palais de la reine Jeanne,portique que baigne la mer, et où elle avait bravé la tempête, secomposait de Dominique Cirillo, d’Ettore Caraffa et deManthonnet.

Ettore Caraffa était, comme nous l’avons dit,caché à Portici. Manthonnet y demeurait. Manthonnet, grand amateurde la pêche, avait une barque à lui. Avec cette barque, aidéd’Hector Caraffa, il se rendait de Portici au palais de la reineJeanne. Rudes rameurs tous deux, ils faisaient le trajet en deuxheures par les temps calmes. Quand il y avait du vent et que levent était bon, ils allaient à la voile, et la voile leursuffisait.

Cette nuit-là, ils s’en retournaient ainsi quede coutume ; seulement, ils s’en allaient à la rame, le ventétant tombé et la mer ayant calmi ; en passant, ils devaientdéposer Cirillo à Mergellina. Cirillo demeurait à l’extrémité de larivière de Chiaïa : voilà pourquoi, au lieu de nagerdirectement sur Portici, ils avaient été vus par les sbireslongeant le rivage.

Arrivés en face du casino du Roi, aujourd’huiappartenant au prince Torlonia, ils déposèrent Cirillo à terre,choisissant un endroit où la pente était facile pour atteindre lechemin, devenu depuis une rue.

Puis ils avaient repris la mer, s’écartantcette fois du rivage et naviguant pour passer à la pointe duchâteau de l’Œuf.

Cirillo avait donc atteint la rue facilementet sans être remarqué, lorsque, après avoir fait une centaine depas, il vit tout à coup un groupe composé d’une vingtaine desoldats arrêtés et paraissant discuter au milieu du chemin ;leurs fusils brillaient à la lueur de deux torches.

À cette même lueur qui se reflétait dans leursarmes, ils semblaient examiner deux hommes couchés en travers de larue.

Cirillo reconnut une patrouille dansl’exercice de ses fonctions.

C’était, en effet, la patrouille qu’avaitentendue venir Pasquale de Simone, et devant laquelle il avait fuipour ne pas compromettre la reine.

Comme l’avait présumé le sbire, arrivée aulieu du combat, la patrouille avait trouvé couché sur lelastrico un mort et un blessé ; les deux autresblessés, celui qui avait reçu un coup de sabre à travers la figureet celui qui avait eu l’épaule brisée par une balle, avaient eu laforce de fuir par la petite rue qui longeait la partie nord dujardin de la San-Felice.

La patrouille avait facilement reconnu quel’un des deux hommes était mort, et que, de celui-là, il étaitparfaitement inutile de se préoccuper ; mais, quoique évanoui,son compagnon respirait encore, et, celui-là, peut-être pouvait-onle sauver.

On était à vingt pas de la fontaine duLion ; un des soldats alla y prendre de l’eau dans son bonnetet revint vider cette eau sur le visage du blessé, qui, surpris parcette fraîcheur inattendue, rouvrit les yeux et revint à lui.

Se voyant entouré de soldats, il essaya de selever, mais inutilement ; il était complétement paralysé, latête seule pouvait tourner à droite et à gauche.

– Dites donc, mes amis, fit-il, si je n’aiplus qu’à mourir, ne pourrait-on pas au moins me porter sur un litun peu plus doux ?

– Ma foi, dirent les soldats, c’est un bondiable ; il faut, quel qu’il soit, lui accorder ce qu’ildemande.

Ils essayèrent de le soulever dans leursbras.

– Eh ! mordieu ! dit celui-ci,touchez-moi comme si j’étais de verre, mannaggia laMadonna !

Ce blasphème, un des plus grands que puisseproférer un Napolitain, indiquait que le mouvement qu’on venait delui faire faire avait causé au blessé une vive douleur.

En apercevant ce groupe, la première pensée deCirillo fut de l’éviter ; mais, presque aussitôt, il songeaque cette patrouille, et les hommes qu’elle ramassait sur le pavé,se trouvaient justement au beau travers de la route qu’avait dûsuivre Salvato Palmieri, pour se rendre chez l’ambassadeurfrançais, et il lui vint naturellement à l’idée que cerassemblement pouvait bien être causé par quelque catastrophe danslaquelle le jeune envoyé du général Championnet avait eu sa part etjoué son rôle.

Il s’avança donc résolument, au moment même oùl’officier commandant la patrouille menaçait d’enfoncer la ported’une maison située de l’autre côté de la fontaine du Lion etfaisant l’angle de la rue, un des caractères distinctifs de lapopulation napolitaine étant la répugnance qu’elle éprouveinstinctivement à porter secours à son semblable, fût-il en dangerde mort.

Mais, à l’ordre de l’officier, et surtoutdevant les coups de crosse de fusil des soldats, la porte finit pars’ouvrir, et Cirillo entendit deux ou trois voix qui demandaient oùl’on pouvait trouver un chirurgien.

Son devoir et sa curiosité le poussaientdoublement à s’offrir.

– Je suis médecin et non chirurgien,dit-il ; mais, peu importe, je puis au besoin faire de lachirurgie.

– Ah ! monsieur le docteur, dit le blesséque l’on apportait et qui avait entendu les paroles de Cirillo,j’ai peur que vous n’ayez en moi une mauvaise pratique.

– Bon ! dit Cirillo, la voix ne me paraîtpas mauvaise, cependant.

– Il n’y a plus que la langue qui remue, ditle blessé, et, ma foi, j’en use.

Pendant ce temps, on avait tiré un matelas dulit, on l’avait posé sur une table au milieu de la chambre ;on y coucha le blessé.

– Des coussins, des coussins sous la tête, ditCirillo ; la tête d’un blessé doit toujours être haute.

– Merci, docteur, merci ! dit lesbire ; je vous aurai la même reconnaissance que si vousréussissiez.

– Et qui vous dit que je ne réussiraipas ?

– Hum ! je me connais en blessures,allez ! Celle-la va à fond.

Il fit signe à Cirillo de s’approcher. Cirillopencha son oreille vers la bouche du blessé.

– Ce n’est pas que je doute de votrescience ; mais vous feriez bien, je crois, comme si celavenait de vous, d’envoyer chercher un prêtre.

– Déshabillez cet homme avec les plus grandesprécautions, dit Cirillo.

Puis, s’adressant au maître de la maison, qui,avec sa femme et ses deux enfants, regardaient curieusement leblessé :

– Envoyez un de vos deux bambins à l’église deSanta-Maria-di-Porto-Salvo et faites demander don MichelangeloCiccone.

– Ah ! nous le connaissons. Cours, Tore,cours, tu as entendu ce que dit M. le docteur.

– J’y vais, dit l’enfant.

Et il s’élança hors de la maison.

– Il y a une pharmacie à dix pas d’ici, luicria Cirillo ; réveille en passant le pharmacien et dis-luique le docteur Cirillo va lui envoyer une ordonnance. Qu’il ouvresa porte et qu’il attende.

– Ah çà ! quel diable d’intérêt avez-vousdonc à ce que je vive ? demanda le blessé au docteur.

– Moi, mon ami ? répondit Cirillo.Aucun ; l’humanité.

– Oh ! le drôle de mot ! dit lesbire avec un ricanement douloureux ; c’est la première foisque je l’entends prononcer… Ah ! Madonna delCarmine !

– Qu’y a-t-il ? demanda Cirillo.

– Il y a qu’ils me font mal en medéshabillant.

Cirillo tira sa trousse, y prit un bistouri etfendit la culotte, la veste et la chemise du sbire, de manière àmettre à découvert tout son flanc gauche.

– À la bonne heure ! dit le blessé, voilàun valet de chambre qui s’y entend. Si vous savez aussi bienrecoudre que couper, vous êtes un habile homme, docteur !

Puis, montrant la plaie qui s’ouvrait entreles fausses côtes :

– Tenez, c’est là, dit-il.

– Je vois bien, dit le docteur.

– Mauvais endroit, n’est-ce pas ?

– Lavez-moi cette blessure-là avec de l’eaufraîche, et le plus doucement que vous pourrez, dit le docteur à lamaîtresse de la maison. Avez-vous du linge bien doux ?

– Pas trop, dit celle-ci.

– Tenez, voilà mon mouchoir ; pendant cetemps-là, on ira chez le pharmacien chercher l’ordonnance quevoici.

Et, au crayon, il écrivit en effet une potioncordiale calmante, composée d’eau simple, d’acétate d’ammoniaque etde sirop de cédrat.

– Et qui payera ? demanda la femme touten lavant la plaie avec le mouchoir du docteur.

– Pardieu ! moi, dit Cirillo.

Et il mit une pièce de monnaie dansl’ordonnance, en disant au second bambin :

– Cours vite ! le reste de la monnaiesera pour toi.

– Docteur, dit le sbire, si j’en reviens, jeme fais moine et je passe ma vie à prier pour vous.

Le docteur, pendant ce temps, avait tiré de satrousse une sonde d’argent ; il s’approcha du blessé.

– Ah çà ! lui dit-il, mon brave, ils’agit d’être homme.

– Vous allez sonder ma blessure ?

– Il le faut bien, pour savoir à quoi s’entenir.

– Est-il permis de jurer ?

– Oui ; seulement, on vous écoute et l’onvous regarde. Si vous criez trop, on dira que vous êtesdouillet ; si vous jurez trop, on dira que vous êtesimpie.

– Docteur, vous avez parlé d’un cordial. Je neserais pas fâché d’en prendre une cuillerée avant l’opération.

L’enfant rentra tout essoufflé, tenant unepetite bouteille à la main.

– Mère, dit-il, il y a eu six grains pourmoi.

Cirillo lui prit la bouteille des mains.

– Une cuiller, dit-il.

On lui donna une cuiller ; il y versa cequ’elle pouvait contenir du cordial et le fit boire au blessé.

– Tiens ! dit celui-ci après un instant,cela me fait du bien.

– C’est pour cela que je vous le donne.

Puis, après quelques secondes :

– Maintenant, dit gravement Cirillo, êtes-vousprêt ?

– Oui, docteur, dit le blessé ; allez, jetâcherai de vous faire honneur.

Le docteur enfonça lentement, mais d’une mainferme, la sonde dans la blessure. Au fur à mesure que l’instrumentdisparaissait dans la plaie, le visage du patient sedécomposait ; mais il ne poussa pas une plainte. La souffranceet le courage étaient si visibles, qu’au moment où le docteurretira sa sonde, un murmure d’encouragement sortit de la bouche dessoldats qui assistaient curieusement à ce sombre et émouvantspectacle.

– Est-ce cela, docteur ? demanda le sbiretout orgueilleux de lui-même.

– C’est plus que je n’attendais du couraged’un homme, mon ami, répondit Cirillo en essuyant avec la manche deson habit la sueur de son front.

– Eh bien, donnez-moi à boire, ou je vais metrouver mal, dit le blessé d’une voix éteinte.

Cirillo lui donna une seconde cuillerée ducordial.

Non-seulement la blessure était grave ;mais, comme l’avait jugé le blessé lui-même, elle étaitmortelle.

La pointe du sabre avait pénétré entre lesfausses côtes, avait touché l’aorte thoracique et traversé lediaphragme ; tous les secours de l’art, en diminuantl’hémorrhagie par la compression, devaient se borner à prolonger dequelques instants la vie, voilà tout.

– Donnez-moi du linge, dit Cirillo enregardant autour de lui.

– Du linge ? dit l’homme. Nous n’en avonspas.

Cirillo ouvrit une armoire, y prit une chemiseet la déchira par petits morceaux.

– Eh bien, que faites-vous donc ? crial’homme. Vous déchirez mes chemises, vous !

Cirillo tira deux piastres de sa poche et leslui donna.

– Oh ! à ce prix-là, dit l’homme, vouspouvez les déchirer toutes.

– Dites donc, docteur, fit le blessé, si vousavez beaucoup de pratiques comme moi, vous ne devez pas vousenrichir.

Avec une partie de la chemise, Cirillo fit untampon ; avec l’autre, une bande.

– Maintenant, vous sentez-vous mieux ?demanda-t-il au blessé.

Celui-ci respira longuement et avechésitation.

– Oui, dit-il.

– Alors, dit l’officier, vous pouvez répondreà mes questions ?

– À vos questions ? Pour quoifaire ?

– J’ai mon procès-verbal à rédiger.

– Ah ! dit le blessé, votreprocès-verbal, je vais vous le dicter en quatre mots. Docteur, unecuillerée de votre affaire.

Le sbire but une cuillerée de cordial etreprit :

– Moi, sixième, nous attendions un jeune hommepour l’assassiner ; il a tué l’un de nous, il en a blessétrois, et je suis l’un des trois blessés : voilà tout.

On comprend avec quelle attention Cirilloavait écouté la déclaration du mourant ; ses soupçons étaientdonc fondés : ce jeune homme que les sbires attendaient pourl’assassiner, sans aucun doute c’était Salvato Palmieri ;d’ailleurs, quel autre que lui pouvait mettre hors de combat quatrehommes sur six ?

– Et quels sont les noms de voscompagnons ? demanda l’officier.

Le blessé fit une grimace qui ressemblait à unsourire.

– Ah ! pour cela, dit-il, vous êtes tropcurieux, mon bon ami. Si vous les savez par quelqu’un, ce ne serapoint par moi ; puis, quand je vous les dirais, cela ne vousservirait pas à grand’chose.

– Cela me servirait à les faire arrêter.

– Croyez-vous ? Eh bien, je vais vousdire quelqu’un qui les sait, leurs noms ; libre à vous d’allerles lui demander.

– Et quel est ce quelqu’un ?

– Pasquale de Simone. Voulez-vous sonadresse ? Basso-Porto, au coin de la rue Catalana.

– Le sbire de la reine ! murmurèrent àdemi-voix les assistants.

– Merci, mon ami, dit l’officier ; monprocès-verbal est fait.

Puis, s’adressant à la patrouille :

– Allons, en route ! dit-il ; depuisune heure, nous perdons notre temps ici.

Et on entendit le froissement des armes et lebruit mesuré des pas qui s’éloignaient.

Cirillo resta debout près du blessé.

– Les avez-vous vus, dit le sbire, comme ilsont décampé ?

– Oui, répondit Cirillo, et je comprends quevous n’ayez rien voulu dire qui compromit vos camarades ;mais, à moi, refuserez-vous de me donner quelques renseignementsqui ne compromettent personne et qui n’intéressent quemoi ?

– Oh ! à vous, docteur, je ne demande pasmieux ; vous avez eu la bonne volonté de me faire du bien, etvous m’eussiez sauvé si j’avais pu l’être ; seulement,dépêchez-vous, je sens que je m’affaiblis ; demandez-moi vitece que vous désirez savoir, la langue s’embarbouille ; c’estce que nous appelons le commencement de la fin.

– Je serai bref. Ce jeune homme que Pasqualede Simone attendait pour l’assassiner, n’était-ce pas un jeuneofficier français ?

– Il paraît que oui, quoiqu’il parlât lenapolitain comme vous et moi.

– Est-il mort ?

– Je ne saurais vous l’affirmer ; mais ceque je puis vous dire, c’est que, s’il n’est pas mort, il est aumoins bien malade.

– Vous l’avez vu tomber ?

– Oui, mais mal vu : j’étais déjà àterre, et, dans ce moment-là, je m’occupais plus de moi que delui.

– Enfin, qu’avez-vous vu ? Rappelez tousvos souvenirs : j’ai le plus grand intérêt à savoir ce qu’estdevenu ce jeune homme.

– Eh bien, j’ai vu qu’il est tombé contre laporte du jardin au palmier, et puis alors, comme à travers unnuage, il m’a semblé que la porte du jardin s’ouvrait et qu’unefemme vêtue de blanc attirait à elle ce jeune homme. Après cela, ilest possible que ce soit une vision, et que ce que j’ai pris pourune femme vêtue de blanc, ce fût l’ange de la mort qui venaitchercher son âme.

– Et ensuite, vous n’avez plus rienvu ?

– Si fait. J’ai vu le beccaïo quis’enfuyait en tenant sa tête entre ses mains ; il était toutaveuglé par le sang.

– Merci, mon ami ; je sais maintenanttout ce que je voulais savoir ; d’ailleurs, il me semble quej’entends…

Cirillo prêta l’oreille.

– Oui, le prêtre et sa sonnette. Oh !j’ai entendu aussi… Quand cette sonnette-là vient pour vous, onl’entend de loin !

Il se fit un instant de silence, pendantlequel la sonnette se rapprocha de plus en plus.

– Ainsi, dit le sbire à Cirillo, c’est bienfini, n’est-ce pas ? il ne s’agit plus de songer aux choses dece monde ?

– Vous m’avez prouvé que vous étiez unhomme ; je vous parlerai comme à un homme : vous avez letemps de vous réconcilier avec Dieu, et voilà tout.

– Amen ! fit le sbire. Et,maintenant, une dernière cuillerée de votre cordial, afin que j’aiela force d’aller jusqu’au bout ; car je me sens bien bas.

Cirillo fit ce que lui demandait leblessé.

– Maintenant, serrez-moi la main bienfort.

Cirillo lui serra la main.

– Plus fort, dit le sbire, je ne vous senspas.

Cirillo serra de toutes ses forces la main dumourant, déjà paralysée.

– Puis faites sur moi le signe de la croix.Dieu m’est témoin que je voudrais le faire moi-même, mais que je nepuis.

Cirillo fit le signe de la croix, et leblessé, d’une voix qui s’affaiblissait de plus en plus, prononçales paroles : Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit,ainsi-soit-il !

En ce moment, le prêtre parut sur la porte,précédé de l’enfant qui l’était allé chercher ; il avait à sagauche la croix, à sa droite l’eau bénite, et lui-même portait lesaint viatique.

À sa vue, tout le monde tomba à genoux.

– On m’a appelé ici ? demanda-t-il.

– Oui, mon père, dit le moribond ; unpauvre pécheur est sur le point de rendre l’âme, si toutefois il ena une, et, dans cette rude opération, il désire que vous l’aidiezde vos prières, n’osant vous demander votre bénédiction, dont il sereconnaît indigne.

– Ma bénédiction est à tous, mon fils,répondit le prêtre, et plus grand est le pêcheur, plus il en abesoin.

Il approcha une chaise du chevet du lit ets’assit, le ciboire entre ses deux mains et l’oreille près de labouche du mourant.

Cirillo n’avait plus rien à faire près de cethomme, dont il avait, autant qu’il était en son pouvoir, adoucimatériellement la dernière heure ; le médecin avait achevé sonœuvre, c’était au prêtre de commencer la sienne ; il se glissahors de la maison, ayant hâte de visiter le lieu de la lutte et des’assurer que le sbire lui avait dit la vérité à l’endroit deSalvato Palmieri.

On sait quelles étaient les localités. Aupalmier balançant sa tête élégante au-dessus des orangers et descitronniers, Cirillo reconnut la maison du chevalierSan-Felice.

Le sbire avait bien désigné le terrain.Cirillo alla droit à la petite porte du jardin, par laquellecelui-ci avait vu ou cru voir disparaître le blessé ; ils’inclina contre cette porte et crut y reconnaître effectivementdes traces de sang.

Mais cette tache noire était-elle du sang ouseulement de l’humidité ? Cirillo avait laissé son mouchoiraux mains de la femme qui avait lavé la blessure du sbire ; ildétacha sa cravate, en mouilla un bout à la fontaine du Lion, puisrevint en frotter cette portion de bois, qui paraissait de teinteplus foncée que le reste.

À quelques pas de là, en remontant vers lepalais de la reine Jeanne, une lanterne brûlait devant unemadone.

Cirillo monta sur une borne et approcha labatiste de la lanterne.

Il n’y avait pas à s’y tromper, c’était biendu sang.

– Salvato Palmieri est là, dit-il en étendantle bras vers la maison du chevalier San-Felice ; seulement,est-il mort ou est-il vivant ? C’est ce que je sauraiaujourd’hui même.

Il traversa la place et repassa devant lamaison où l’on avait porté le sbire.

Il jeta un coup d’œil dans l’intérieur.

Le blessé venait d’expirer, et donMichelangelo Ciccone priait à son chevet.

Au moment où Dominique Cirillo rentrait chezlui, trois heures sonnaient à l’église de Pie-di-Grotta.

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