La San-Felice – Tome IV

CXXIX – HOMMES ET LOUPS DE MER

Le nom de Nicolino Caracciolo, que nous venonsde prononcer, nous rappelle qu’il est temps que nous revenions à undes personnages principaux de notre histoire, oublié par nousdepuis longtemps, à l’amiral François Caracciolo.

Oublié, non ; nous avons eu tort de nousservir de cette expression : aucun des personnages prenantpart aux événements de ce long récit n’est jamais oubliécomplétement par nous ; seulement, notre œil, comme celui dulecteur, ne peut embrasser qu’un certain horizon, et, dans cethorizon, où il n’y a de place à la fois que pour un certain nombrede personnages, les uns, en entrant, doivent nécessairement,momentanément du moins, pousser les autres dehors, jusqu’au momentoù, la progression des événements y ramenant ceux-ci à leur tour,ils rentrent en lumière et font, par l’ombre qu’ils jettent,rentrer ceux auxquels ils succèdent dans la demi-teinte ou dansl’obscurité.

L’amiral François Caracciolo eût bien voulurester dans cette obscurité ou dans cette demi-teinte ; maisc’était chose impossible à un homme de cette valeur. Bloquée parmer, en même temps que la réaction, pas à pas, s’avançait vers ellepar terre, Naples, qui avait vu détruire par Nelson, sous ses yeuxet sous les yeux de son roi, cette marine qui lui avait coûté sicher, avait songé à réorganiser non point quelque chose de pareil àla magnifique flotte qu’elle avait perdue, mais tout au moinsquelques chaloupes canonnières avec lesquelles elle pût aider lecanon de ses forts à s’opposer au débarquement de l’ennemi.

Le seul officier de marine napolitain qui eûtun mérite incontestable et incontesté, était François Caracciolo.Aussi, dès que le gouvernement républicain eût décidé de créer desmoyens de défense maritimes, quels qu’ils fussent, on jeta les yeuxsur lui non-seulement pour en faire le ministre de la marine, maisencore pour lui donner comme amiral le commandement du peu debâtiments que, comme ministre, il pourrait mettre en mer.

Caracciolo hésita un instant entre le salut dela patrie et le péril personnel qu’il affrontait en prenant partipour la République. D’ailleurs, ses sentiments personnels, sanaissance princière, le milieu dans lequel il avait vécu,l’entraînaient bien plutôt vers les principes royalistes que versdes opinions démocratiques. Mais Manthonnet et ses collèguesinsistèrent tellement près de lui, qu’il céda, tout en avouantqu’il cédait à regret et contre ses intimes convictions.

Mais, on l’a vu, Caracciolo avait étéprofondément blessé de la préférence donnée à Nelson sur lui, pourle passage de la famille royale en Sicile. La présence du duc deCalabre à son bord lui avait paru plutôt un accident qu’une faveur,et, au fond du cœur, un certain désir de vengeance, dont il ne serendait pas compte lui-même et qu’il déguisait sous le nom d’amourde la patrie, le poussait à faire repentir ses souverains du méprisqu’ils avaient fait de lui.

Il en résulta que, dès qu’il eut pris sonparti de servir la République, Caracciolo s’y appliquanon-seulement en homme d’honneur, mais en homme de génie qu’ilétait. Il arma du mieux qu’il put, et avec une merveilleuserapidité, une douzaine de barques canonnières, qui, réunies àcelles qu’il fit construire, et à trois navires que le commandantdu port de Castellamare avait sauvés de l’incendie, luiconstituèrent une petite flottille d’une trentaine debâtiments.

L’amiral en était là et n’attendait qu’uneoccasion d’en venir aux mains d’une façon avantageuse avec lesAnglais, lorsqu’il s’aperçut, un matin, qu’au lieu des douze ouquinze bâtiments anglais qui, la veille encore, bloquaient la baiede Naples, il n’en restait plus que trois ou quatre : lesautres avaient disparu dans la nuit.

Faisons une enjambée de Naples à Palerme, etvoyons ce qui s’y est passé depuis le départ de la bannièreroyale.

On se rappelle que le commodore Troubridge,cédant au besoin qu’éprouvait la population de voir pendre dix oudouze républicains, avait prié le roi d’envoyer un juge par leretour du Perseus, et que, le roi ayant demandé ce juge auprésident Cardillo, celui-ci lui avait indiqué comme un homme surlequel il pouvait compter le conseiller Speciale.

Speciale avait, avant son départ, été reçu enaudience particulière par le roi et par la reine, qui lui avaientdonné ses instructions, et était, comme l’avait demandé Troubridge,arrivé à Ischia par le retour du Perseus.

Son premier acte fut de condamner à mort unpauvre diable de tailleur dont le crime unique était d’avoir fournides habits républicains aux nouveaux officiers municipaux.

Au reste, nous laisserons, pour donner à noslecteurs une idée de ce qu’était au moral le conseiller Speciale,nous laisserons, disons-nous, parler Troubridge, qui, on le sait,n’est pas tendre à l’endroit des républicains.

Voici quelques lettres du commodore Troubridgeque nous traduisons de l’original et que nous mettons sous les yeuxde nos lecteurs.

Comme celles que nous avons déjà lues, ellessont adressées à l’amiral Nelson.

« À bord du Culloden, en vue deProcida,

13 avril 1799.

» Le juge est arrivé. Je dois dire qu’ilm’a fait l’impression de la plus venimeuse créature qui se puissevoir. Il a l’air d’avoir complétement perdu la raison. Il ditqu’une soixantaine de familles lui sont indiquées (par qui ?),et qu’il lui faut absolument un évêque pour désacrer les prêtres,ou que, sinon, il ne pourra pas les faire exécuter. Je lui aidit : « Pendez-les toujours, et, si vous ne les trouvezpas assez désacrés par la corde, nous verrons après. »

» Troubridge. »

Ceci demande une explication : nous ladonnerons, si terrible qu’elle soit et quelque souvenir qu’elleéveille.

En effet, en Italie, – je ne sais s’il en estde même en France, et si Vergès, avant d’être exécuté, avait étédégradé, – en effet, en Italie, la personne du prêtre est sacrée,et le bourreau ne peut le toucher, quelque crime qu’il ait commis,que lorsqu’il a été dégradé par un évêque.

Or, on se le rappelle, Troubridge avait lâchétoute sa meute, espions et sbires, il le dit lui-même, soixanteSuisses et trois cents fidèles, sujets contre un pauvre prêtrenommé Albavena. Il ajoutait : « Avant la fin de lajournée, j’espère l’avoir mort ou vivant. » Sa bonne fortuneavait été complète. Le commodore Troubridge avait eu Albavenavivant.

Il avait cru que, dès lors, la chose iraittoute seule, qu’il n’aurait qu’à remettre le prêtre aux mains dubourreau qui le pendrait, et que tout serait dit.

La moitié du chemin vers la potence se fitcomme l’avait prévu Troubridge ; mais, au moment de pendrel’homme, il se trouva qu’il y avait un nœud à la corde.

Le bourreau qui, en sa qualité de chrétien,savait ce qu’ignorait le protestant Troubridge, – le bourreaudéclara qu’il ne pouvait pas pendre un prêtre avantdégradation.

Pendant que cette petite discussion avaitlieu, Troubridge, qui l’ignorait encore, écrivait à Nelson cetteseconde lettre, en date du 18 avril :

« Cher ami,

» Il y a deux jours que le juge est venume trouver, m’offrant de prononcer toutes les sentencesnécessaires ; seulement, il m’a laissé entendre que cettemanière de procéder n’était peut-être pas très-régulière. D’aprèsce qu’il m’a dit, j’ai cru comprendre que ses instructions luienjoignaient de procéder le plus sommairement possible et sousma direction.Oh ! oh !

» Je lui ai dit que, quant à ce dernierpoint, il se trompait, attendu qu’il s’agissait de sujets italienset non anglais[8].

» Au reste, sa manière deprocéder est curieuse. Presque toujours les accusés sont absents,de manière que la procédure – cela est facile à comprendre – setrouve facilement terminée. Ce que je vois de plus clair dans toutcela, mon cher lord, c’est que l’on voudrait nous mettre sur le dostout le côté odieux de l’affaire. Mais ce n’est point mon avis, etvous marcherez plus droit que cela, monsieur le juge, ou je vousbousculerai.

» Troubridge. »

Comme on le voit, le digne Anglais, quis’était contenté de saluer la tête du commissaire Ferdinand Ruggide ces mots : Voilà un gai compagnon ; quel dommagequ’il faille s’en séparer ! commençait déjà à se révoltercontre Speciale. L’affaire de la dégradation du prêtre l’exaspéra,comme on va voir.

Le 7 mai suivant, Troubridge écrivait àNelson :

« Milord, j’ai eu une longue conversationavec notre juge : il m’a dit qu’il aurait terminé toutes sesopérations la semaine prochaine, et que ce n’était point l’habitudede ses collègues, et par conséquent la sienne, de se retirersans avoir condamné. Il a ajouté que les condamnationsprononcées, il s’embarquerait immédiatement sur un vaisseau deguerre. Il a dit encore – et il y tient – que, n’ayant pas d’évêquepour dégrader ses prêtres, il les enverrait en Sicile, où le roiles ferait désacrer, et que, de là, on les ramènerait ici pour lespendre. Et savez-vous sur quoi il compte pour faire cettebesogne ? Sur un vaisseau anglais !Goddem ! Ce n’est pas le tout. Il paraît que lebourreau, faute d’habitude pend mal ; ce qui fait criernon-seulement le pendu, mais encore les assistants. Qu’est-il venume demander ? Un pendeur ! Un pendeur, à moi !comprenez-vous ? Oh ! quant à cela, je refuse et toutnet. Si l’on ne trouve pas de bourreau à Procida ni à Ischia, qu’onen envoie un de Palerme. Je vois bien leur affaire. Ce sont eux quitueront, et le sang retombera sur nous. On n’a pas idée de la façonde procéder de cet homme et de la manière dont se fait l’auditiondes témoins. Presque jamais les prévenus ne paraissent devant lejuge pour entendre lire leur sentence. Mais notre juge y trouve soncompte, attendu que la majeure partie des condamnés est fortriche.

» Troubridge. »

En vérité, ne vous semble-t-il pas que nous nesommes plus à Naples, que nous ne sommes plus en Europe ? Nevous semble-t-il pas que nous sommes dans quelque petite baie de laNouvelle-Calédonie et que nous assistons à un conseild’anthropophages !

Mais attendez.

C’était à tort que le commodore Troubridgeespérait faire partager à Nelson ses répugnances pour les actes,les faits et gestes, et surtout pour les demandes du juge Speciale.Le vaisseau anglais qui devait conduire les trois malheureuxprêtres, – car ce n’était pas un prêtre seulement, ce n’était plusle curé Albavena qu’il s’agissait de désacrer, c’étaient troisprêtres, – fut accordé sans difficulté.

Or, savez-vous en quoi consistait cettecérémonie de la déconsécration ?

On arracha aux trois prêtres la peau de latonsure avec des tenailles, et on leur coupa avec un rasoir lachair des trois doigts avec lesquels les prêtres donnent labénédiction ; puis, ainsi mutilés, on les ramena, sur unvaisseau anglais, toujours aux îles, où ils furent pendus, et cela,par un pendeur anglais que Troubridge fut chargé defournir[9].

Aussi tout était-il en train de se passer àmerveille, lorsque, le 6 mai, c’est-à-dire la veille du jour oùTroubridge écrivait à lord Nelson la lettre que nous venons delire, l’amiral comte de Saint-Vincent, qui croisait dans le détroitde Gibraltar, fut étonné, vers les cinq heures de l’après-midi, parun temps pluvieux et obscur, de voir passer l’escadre française deBrest, qui avait glissé entre les doigts de lord Keith. Le comte deSaint-Vincent compta vingt-quatre vaisseaux.

Il écrivit aussitôt à lord Nelson pour luiannoncer cette étrange nouvelle, sur laquelle il ne pouvaitconserver aucun doute. Un de ses bâtiments, le Caméléon,étant venu le rejoindre après avoir escorté des navires deTerra-Nova, chargés de sel, de Lisbonne à Saint-Uval, se trouva, le5 au matin, engagé au beau milieu de la flotte. Il eût même étépris, sans aucun doute, si un lougre n’eût hissé sa bannièretricolore et tiré sur lui, le capitaine Style, qui commandaitle Caméléon, ne faisant aucune attention à cette flotte,qu’il prenait pour celle de lord Keith.

L’amiral comte de Saint-Vincent ne pouvaitavoir aucune communication avec lord Keith à cause du vent d’ouestqui continuait de souffler : il n’en fit pas moins partir unbâtiment léger pour lui donner, s’il le rencontrait, l’ordre de lerejoindre immédiatement, et il nolisa à Gibraltar un petit bâtimentpour porter sa lettre à Palerme.

Son opinion était que l’escadre françaiseirait directement à Malte, et, de là, selon toute probabilité, àAlexandrie. Aussi expédia-t-il immédiatement le Caméléonvers ces deux points, et ordonna-t-il au capitaine Style de setenir sur ses gardes.

Le comte de Saint-Vincent ne se trompait pointdans ses conjectures : la flotte que le Caméléonavait vue passer, et que l’amiral avait entrevue à travers la pluieet le brouillard, était, en effet, la flotte française, commandéepar le célèbre Brueix, qu’il ne faut pas confondre avec Brueis,coupé en deux par un boulet à Aboukir.

Cette flotte avait ordre de tromper lasurveillance de lord Keith, de quitter Brest, d’entrer dans laMéditerranée et de faire voile pour Toulon, où elle attendrait lesordres du Directoire.

Ces ordres étaient d’une grande importance. LeDirectoire, épouvanté des progrès des Autrichiens et des Russes enItalie, progrès qui avaient fait, comme nous l’avons dit, rappelerMacdonald de Naples, redemandait Bonaparte à grands cris. La lettreque l’amiral Brueix devait recevoir à Toulon et qu’il était chargéde remettre au général en chef de l’armée d’Égypte, était conçue ences termes :

Au général Bonaparte, commandant en chefl’armée d’Orient.

« Paris, le 26 mai 1799.

» Les efforts extraordinaires, citoyengénéral, que l’Autriche et la Russie ont déployés, l’aspect sérieuxet presque alarmant qu’a pris la guerre, exigent que la Républiqueconcentre ses forces.

» Le Directoire a, en conséquence, donnél’ordre à l’amiral Brueix d’employer tous les moyens en son pouvoirpour se rendre maître de la Méditerranée, toucher en Égypte, yprendre l’armée française et la ramener en France.

» Il est chargé de se concerter avec voussur les moyens à prendre pour l’embarquement et le transport. Vousjugerez, citoyen général, si vous pouvez, sans danger, laisser enÉgypte une partie de nos forces, et le Directoire vous autorise, ence cas, à laisser le commandement de cette fraction à celui de voslieutenants que vous en jugerez le plus digne.

» Le Directoire vous verrait avecplaisir, de nouveau à la tête des armées de la République, que vousavez si glorieusement commandées jusqu’aujourd’hui. »

Cette lettre était signée de Treilhard, de laRévellière-Lepaux et de Barras.

L’amiral Brueix l’allait chercher à Toulon,lorsqu’il traversa le détroit de Gibraltar, et c’était là lesderniers ordres du gouvernement qu’il devait y prendre.

Le comte de Saint-Vincent ne se trompait doncpoint en pensant et en écrivant à lord Nelson que la destination dela flotte française était probablement Malte et Alexandrie.

Mais Ferdinand, qui n’avait pas le coup d’œilstratégique de l’amiral anglais, quitta immédiatement son châteaude Ficuzza, où un messager vint lui apporter la copie de la lettredu comte de Saint-Vincent à lord Nelson, et il accourut tout effaréà Palerme, ne doutant pas que la France, préoccupée de lui surtout,n’envoyât cette flotte pour s’emparer de la Sicile.

Il appela près de lui son bon ami le marquisde Circillo, et, qu’elle que fût sa répugnance à écrire, il traçasur le papier la proclamation suivante, qui indique le trouble oùl’avait jeté la terrible nouvelle.

Comme toujours, nous copions sur l’originalcette pièce d’autant plus curieuse que, circonscrite à la Sicile,elle n’a jamais été connue des historiens français ni mêmenapolitains.

La voici :

« Ferdinand, par la grâce de Dieu, roides Deux-Siciles et de Jérusalem, infant d’Espagne, duc de Parme,Plaisance, Castro, grand prince héréditaire de Toscane.

» Mes fidèles et bien-aimés sujets.

» Nos ennemis, les ennemis de la saintereligion, et, en un mot, de tout gouvernement régulier, lesFrançais, battus de tous côtés, tentent un dernier effort.

» Dix-neuf vaisseaux et quelquesfrégates, derniers restes de leur puissance maritime à l’agonie,sont sortis du port de Brest, et, profitant d’un coup de ventfavorable, sont entrés dans la Méditerranée.

» Ils vont peut-être tenter de fairelever le blocus de Malte et se flattent probablement de pouvoiratteindre impunément l’Égypte avant que les formidables et toujoursvictorieuses escadres anglaises puissent les rejoindre ; maisplus de trente vaisseaux britanniques sont à leur poursuite, etcela, sans compter l’escadre turque et russe, qui croise dansl’Adriatique. Tout promet que ces Français dévastateurs, une foisencore, porteront la peine de cette tentative, aussi téméraire quedésespérée.

» Il pourrait arriver que, dans lepassage sur les côtes de Sicile, ils tentassent contre nous quelqueinsulte momentanée, ou que, contraints par les Anglais et le vent,ils voulussent forcer l’entrée de quelque port ou la rade dequelque île. Prévoyant donc cette possibilité, je me tourne versvous, mes chers, mes bien-aimés sujets, mes braves et religieuxSiciliens. Voici une occasion de vous montrer ce que vous êtes.Soyez vigilants sur tous les points de la côte, et, à l’apparitionde tout bâtiment ennemi, armez-vous, accourez sur les pointsmenacés et empêchez toute insulte et tout débarquement qu’auraitl’audace de tenter ce cruel destructeur, cet insatiable ennemi, etcela, comme vous le faisiez du temps des invasions barbaresques.Pensez que, plus avides de rapine, cent fois plus inhumains, sontles Français. Les chefs militaires, la troupe de ligne et lesmilices avec leurs chefs accourront avec vous à la défense de notreterritoire, et, s’ils osent débarquer, ils éprouveront, pour laseconde fois, le courage de la brave nation sicilienne.Montrez-vous donc dignes de vos ancêtres, et que les Françaistrouvent dans cette île leur tombeau.

» Si vos aïeux combattirent aussibravement qu’ils le firent en faveur d’un roi éloigné, avec quelcourage et quelle ardeur ne combattrez-vous pas, vous, pourdéfendre votre roi, que dis-je ! votre père, qui, au milieu devous et à votre tête, combattra le premier, pour défendre votretendre mère et souveraine, sa famille, qui s’est confiée à votrefidélité, notre sainte religion, qui n’a d’appui que vous, nosautels, nos propriétés, vos pères, vos mères, vos épouses, vosfils ! Jetez un regard sur mon malheureux royaume ducontinent ; voyez quels excès les Français y commettent, etenflammez-vous d’un saint zèle ; car la religion elle-même,tout ennemie du sang qu’elle est, vous ordonne de saisir vos armeset de repousser cet ennemi rapace et immonde qui, non content dedévaster une grande partie de l’Europe, a osé mettre la main sur lapersonne sacrée du vicaire même de Jésus-Christ et le traîne captifen France. Ne craignez rien : Dieu soutiendra vos bras et vousdonnera la victoire. Il s’est déjà déclaré pour nous.

» Les Français sont battus par lesAutrichiens et par les Russes en Italie, en Suisse, sur le Rhin etjusque par nos fidèles paysans des Abruzzes, de la Pouille et de laTerre de Labour.

» Qui ne les craint pas les bat, et leursvictoires passées ne sont l’effet que de la trahison et de lalâcheté. Courage donc, ô mes braves Siciliens ! Je suis àvotre tête, vous combattrez sous mes yeux et je récompenserai lesbraves ; et nous aussi alors, nous pourrons nous vanterd’avoir contribué à détruire l’ennemi de Dieu, du trône et de lasociété.

» Ferdinand B.

» Palerme, 15 mai 1799. »

C’étaient ces événements qui avaient amené lalevée du blocus de Naples, et, sauf trois, la disparition desbâtiments anglais. Le post-scriptum d’une lettre de Caroline aucardinal Ruffo, en date du 17 mai 1799, annonce que dix de cesbâtiments sont déjà en vue de Palerme :

« 17 mai après dîner.

» P.-S. – L’avis nous est arrivéque Naples et Capoue son évacués par l’armée française et que cinqcents Français seulement sont demeurés au château Saint-Elme. Jen’en crois rien : nos ennemis ont trop de cervelle pourlaisser ainsi cinq cents hommes perdus au milieu de nous. Qu’ilsaient évacué Capoue et Gaete, je le crois ; qu’ils prennentquelque bonne position, je le crois encore. Quant au château del’Œuf, on assure qu’il est gardé par trois cents étudiantscalabrais. En somme, voilà de bonnes nouvelles, surtout si l’onajoute que dix vaisseaux anglais sont déjà en vue de Palerme etqu’on espère qu’ils seront tous réunis cette nuit ou demain matin.Voilà donc le plus fort du danger passé, et je voudrais donner desailes à ma lettre pour qu’elle portât plus rapidement ces bonnesnouvelles à Votre Éminence, et l’assure de nouveau de la constanteestime et de la reconnaissance éternelle avec laquelle je suis pourtoujours votre véritable amie.

» Caroline. »

Peut-être le lecteur, croyant que j’oublie lesdeux héros de notre histoire, me demandera-t-il ce qu’ils faisaientau milieu de ces grands événements : ils faisaient ce que fontles oiseaux dans les tempêtes, ils s’abritaient à l’ombre de leuramour.

Salvato était heureux, Luisa tâchait d’êtreheureuse.

Par malheur, Simon et André Backer n’avaientpoint été compris dans l’amnistie de la fête de la Fraternité.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer