La San-Felice – Tome IV

CXXXII – CORRESPONDANCE ROYALE

On a vu, par la proclamation du roi, l’étatdans lequel la nouvelle du passage de la flotte française dans laMéditerranée avait mis la cour de Palerme.

Nous consacrerons ce chapitre à mettre sousles yeux de nos lecteurs des lettres de la reine. Ellescompléteront le tableau des craintes royales, et, en même temps,donneront une idée exacte de la façon dont Caroline, de son côté,envisageait les choses.

« 17 mai.

» Je viens, par celle-ci, parler à VotreÉminence des bonnes et des mauvaises nouvelles que nous avonsreçues. En commençant par les tristes, vous saurez que la flottefrançaise, sortie de Brest le 25 avril, a passé le détroit deGibraltar et est entrée dans la Méditerranée le 5 juin, échappant àla vigilance de la flotte anglaise, dont le commandant s’étaitfourré dans la tête que le Directoire avait décidé une expéditionen Irlande, et qui, croyant que la flotte prenait ce chemin, nes’en est point inquiété. Le fait est qu’elle a passé le détroit etque, tant de bâtiments de ligne que d’autres, elle est forte detrente-cinq voiles. Or, dans l’espérance ou dans la certitude quela flotte française ne tromperait pas deux flottes anglaises, etque, gardé par l’amiral Bridgeport et l’amiral Jarvis, le détroitde Gibraltar lui était fermé, lord Nelson a divisé et subdivisé sonescadre de telle façon, qu’il se trouvait à Palerme avec un seulvaisseau et un bâtiment portugais, c’est-à-dire deux contrevingt-deux ou vingt-trois. Cela, vous le comprenez bien, nous acausé une vive alarme, et l’on a envoyé des messagers de tous côtéspour réunir à Palerme le plus de bâtiments possible. On va donc, entout ou en partie, lever le blocus de Naples et de Malte, attenduque Nelson doit réunir le plus de forces possible pour nous sauverd’un bombardement ou d’un coup de main. Mais, onze jours s’étantdéjà passés sans qu’on ait aperçu une voile française, je commenceà espérer que l’escadre républicaine est allée à Toulon prendre destroupes de débarquement, et, par conséquent, laissera le temps àcelle du comte de Saint-Vincent de se réunir à celle de lordNelson, et que les deux escadres réunies pourront non-seulementrésister aux Français, mais encore les battre.

» Quant à moi, voici ce que monimagination me porte à croire : c’est que l’expéditionfrançaise a pour but de faire lever le siège de Malte et, de là,courir en Égypte, y prendre Bonaparte et le ramener en Italie. Quoiqu’il en soit, la nouvelle nous a tout à fait troublés.

» Peut-être se pourrait-il encore qu’enfaisant lever toujours le blocus de Naples, la flotte française seportât directement sur Constantinople, afin d’y faire une vastediversion aux Russes et aux Turcs.

» Il y a encore cette possibilité que laflotte française ait pour mission de faire lever le blocus deNaples, d’y prendre les troupes françaises, et, leur adjoignantquelques milliers de nos fanatiques, ne vienne attaquer laSicile.

» Mais, comme toutes ces opérationsdemandent du temps, nous aurons, nous, celui de rallier l’escadrede Nelson, qui fera sa jonction avec le comte Saint-Vincent, et quialors pourra combattre les Français à forces égales. La seulecrainte est maintenant que la flotte de Cadix, se trouvant sansblocus, et, par conséquent, libre de ses mouvements, ne vienneaugmenter le nombre de nos ennemis. Et mon avis encore, à moi,c’est que les Français feront tout au monde pour arriver à cerésultat. Enfin, quelques jours encore, et nous saurons ce que nousaurons à craindre ou à espérer. En tout cas, si nous avons lebonheur de battre cette escadre, tout sera fini, les Français n’enayant pas d’autres à nous opposer. Mais qui peut dire ce quiarrivera si elle nous tombe dessus avant la réunion de Nelson aucomte Saint-Vincent ?

» Maintenant, pour en venir aux bonnesnouvelles, je vous dirai que nous avons appris, d’une frégateanglaise partie le 5 de Livourne, que l’armée française avait étédétruite presque entièrement à Lodi, dans une bataille des plussanglantes, à la suite de laquelle les impériaux sont entrés sansrésistance à Milan, aux acclamations du peuple, qui avait injuriéet souffleté le gouverneur français. Nos alliés ont également prisFerrare et Bologne, où les Russes ont passé au fil de l’épée tousceux qui, lors de la retraite, avaient insulté l’innocent grand-ducet sa famille. Le 5 au matin, jour même du départ de la frégate,l’armée impériale devait faire sa rentrée à Florence, ramenant legrand-duc. Une colonne autrichienne, en outre, marchait sur Gêneset une autre sur le Piémont, dans les forteresses duquel lesFrançais se sont retirés. Après toutes ces victoires, il resteencore à nos alliés 40,000 hommes de troupes fraîches, prêtes àcombattre, sous le général Strasoldo, et qui, je l’espère,suffiront pour délivrer bientôt l’Italie.

» Je fais faire en ce moment le bulletinde tous ces événements, que j’enverrai, lorsqu’ils seront imprimés,à Votre Éminence, comme je lui envoie deux copies de laproclamation qu’a faite le roi aux Siciliens, et que l’on enverraen province, attendu qu’en ce moment nous ne voulons pas tropexciter les passions dans la capitale.

» Ai-je besoin de vous dire que j’attendsavec la plus grande impatience des nouvelles de VotreÉminence ? Tout ce qu’elle fait, je le lui affirme, excite monadmiration par la profondeur de la pensée et la sagesse desmaximes. Cependant, je dois lui dire que je ne suis pas tout à faitde son avis, c’est-à-dire de dissimuler et d’oublier, vis-à-vis deschefs de nos brigands, surtout lorsque Votre Éminence va jusqu’àparler de les acheter par des récompenses. Et je ne suis pas de cetavis, non pas par esprit de vengeance, cette passion est inconnue àmon cœur, et, si je vous parle comme si, au contraire, je voulaisme venger, je parle inspirée par le suprême mépris et le peu decompte que je fais de nos scélérats, qui ne méritent ni d’êtregagnés ni d’être achetés à notre cause, mais qui doivent êtreséparés du reste de la société qu’ils corrompent. Les exemples declémence, de pardon et surtout de récompense, loin d’inspirer à unenation aussi corrompue que la nôtre[10] dessentiments de reconnaissance et de gratitude, n’inspireraient aucontraire, que le remords de n’avoir pas fait cent fois davantage…Je le dis donc avec peine, et il n’y a pas à hésiter, tous ceshommes doivent être punis de mort, et particulièrement Caracciolo,Maliterno, Rocca-Romana[11],Frederici, etc.

» Quant aux autres, ils doivent tous êtredéportés, avec engagement pris par eux de ne jamais revenir, etleur consentement par écrit, s’ils reviennent jamais, d’êtreenfermés pour le reste de leurs jours dans une prison et de voirleurs biens confisqués. Ceux-là n’augmenteront pas les forcesfrançaises, car ils n’auront ni le courage ni l’énergie decombattre avec les Français ; ils n’augmenteront pas nos maux,par la même raison de lâcheté, et nous nous délivrerons ainsi d’unerace pernicieuse, sans mœurs, qui jamais, de bonne foi, nereviendrait à nous, et la perte de quelques milliers de pareilsgredins est un bien pour l’État qui s’en purge, et, cettepurgation-là, opérez-la, non point sur des dénonciations, mais surdes faits, sur les services rendus, sur les alliances signées avecles ennemis du roi et de la patrie ; opérez-la, dis-je,indifféremment et sans distinction de rang et de sexe sur lesnobles, sur le mezzo ceto, sur les femmes, et cela, sansaucun égard aux familles ni à rien. En Amérique tout cela ! enAmérique… ou en France, si la dépense est trop grande.

» Et alors, quand les uns seront morts etles autres exilés, nous pourrons mettre en oubli les indignitéscommises. Mais d’abord, mais avant tout mais en commençant, jecrois la suprême rigueur de toute nécessité ; carnon-seulement c’est une félonie de s’être donné à un autresouverain, mais c’est le renversement de tous les principes de lareligion et l’oubli de tous les devoirs. Je croirais donc laclémence fatale, en ce qu’ils la regarderaient, eux, comme unefaiblesse, et le peuple, dont la fidélité n’a pas vacillé un seulinstant, comme une injustice. Donc, pour la sûreté future et latranquillité à venir de l’État, une bonne purgation, je vous lerépète, de toute cette canaille, dont le départ, sans augmenter lesforces de la France, assure au moins notre tranquillité. Et ceciest si bien ma conviction, que je préférerais ne pas même tenter dereprendre Naples, mais attendre des forces imposantes pour m’enemparer d’assaut, et alors lui imposer, – je ne me lasserai pas dele redire et de répéter le même mot, parce que lui seul répond à mapensée, – et sur la base que j’ai dite, cette purgation qui seulepeut assurer notre future tranquillité. Si, aujourd’hui, vousn’avez pas les forces nécessaires pour agir ainsi, je préféreraisne pas même tenter de rentrer dans ma capitale que d’y rentrer en ylaissant toute cette infection. Les armées austro-russess’approchent de Naples. J’eusse mieux aimé que nos Russes, à nous,fussent venus, et qu’avec eux nous eussions reconquis le royaume.Mais, en tout cas, mon avis est d’accepter le secours, de quelquepart qu’il vienne. Mais, de quelque part que vienne ce secours,Naples reprise, il ne faut point pardonner à des gens qui sontl’unique cause de la perte du royaume…[12] QueVotre Éminence m’excuse d’insister si fort sur la punition descoupables, mais j’ai voulu à ce sujet, pour que vous neprétendissiez cause d’ignorance, vous dire mes sentiments et mesintentions. Après tout, j’espère que Votre Éminence sait ce qu’ellea à faire et qu’elle le fera.

» Que Votre Éminence ne me croie ni lecœur mauvais, ni l’esprit tyrannique, ni l’âme vindicative. Je suisprête à accueillir les coupables et à leur pardonner ;seulement, je suis convaincue que ce serait la perte du royaume,quand une juste rigueur peut le sauver.

» Adieu. Je désire bien vivement recevoirdes nouvelles de vous et que ces nouvelles soient bonnes.

» Je suis, avec une vraie etreconnaissante estime, votre éternelle et affectionnée amie,

» Caroline. »

Les nouvelles qu’attendait Caroline ducardinal avaient été bonnes, en effet. Le cardinal avait continuéde marcher sur Naples, avait, comme nous l’avons dit, été rejointpar les Russes et par les Turcs, et, quelle que fût la défensepréparée par les patriotes, il n’y avait point de doute que, dansun temps plus ou moins long, Naples ne fût reprise.

Cela avait donné une telle confiance à tout lemonde, que le duc de Calabre s’était enfin décidé à se mettre de lapartie. Ses augustes parents l’avaient confié à Nelson, et ildevait faire sa première campagne sous le pavillon anglais contrele drapeau de la République.

On va voir, par une nouvelle lettre de lareine, quels événements, à son grand regret, empêchèrent le jeuneprince d’acquérir toute la gloire et toute la popularité que l’onattendait de cette expédition.

La seconde lettre de la reine ne nous paraîtpas moins curieuse et surtout moins caractéristique que lapremière.

« 14 juin 1799.

» Cette lettre, Votre Éminence, selontoute probabilité, la recevra à Naples, c’est-à-dire lorsque VotreÉminence aura reconquis le royaume.

» La fatalité, qui est toujours contrenous, a forcé hier la flotte anglaise, qui était partie pourNaples, de rentrer à Palerme. Sortie du port par le plus beau tempset le meilleur vent possible, elle prit congé de nous vers onzeheures du matin, et, à quatre heures de l’après-midi, on l’avaitperdue de vue. Il était probable, le vent continuant d’êtrepropice, qu’elle serait aujourd’hui à Procida. Malheureusement,entre les îles et Capri, on rencontra deux bâtiments de renfort,qui annonçaient à l’amiral que la flotte française venait de sortirde Toulon et s’avançait vers les côtes méridionales de l’Italie. Unconseil de guerre fut tenu, et Nelson y déclara que son premierdevoir était de veiller sur la Sicile, et, se débarrassant destroupes de débarquement et de l’artillerie, de courir au-devant del’ennemi et de le combattre.

En conséquence de cette décision, Nelson estrevenu ce soir en toute hâte à Palerme pour faire son débarquementet reprendre aussitôt la mer.

» Jugez quel désappointement pournous ! Quelque chose que je dise, je ne saurais vous le fairecomprendre. L’escadre était belle, imposante, superbe ; avectous ses transports, elle eût fait le plus grand effet. Mon fils,embarqué pour sa première expédition, était plein d’enthousiasme.En somme, ce contre-temps m’a désespérée. Les lettres reçues deProcida, le 11 et le 12, me disent que la bombe est près d’éclater.Le manque de vivres et d’eau doit hâter leur reddition. Je laisse àVotre Éminence le soin de tout conduire. Mais aussi, je désire avecvous que l’on massacre et que l’on pille le moins possible, attenduque je suis convaincue que les Napolitains ne se défendront pas.Quant aux classes rebelles, elles n’ont aucun courage, et lepeuple, qui seul en a montré, est pour la bonne cause. Je croisdonc que vous reprendrez Naples sans grande et même sans aucunepeine. Le seul fort Saint-Elme m’embarrasse avec ses Français. À laplace de Votre Éminence, je poserais cette proposition à soncommandant, avec intimation de répondre dans les vingt-quatreheures : Où il se rendra dans la journée même, et, muni d’unsauf-conduit ou d’une escorte, se retirera, emmenant avec luicinquante ou même cent jacobins, mais laissant munitions, canons,murailles, tout en bon état ; – ou, s’il refuse, il n’aura àattendre aucun quartier, et lui et sa garnison seront passés au filde l’épée. Ainsi, on paralyserait Saint-Elme. Et, si ce commandants’obstinait, en avant à l’instant même et à l’assaut, Russes etTurcs, et quelques-uns des nôtres, les mieux choisis ! uneonce d’or à l’assaut et une autre au retour. Avec cette promesse,je suis sûr qu’avant une demi-heure, Saint-Elme est à nous. Mais,alors, tenons la parole à tous, aux assiégeants comme aux assiégés.Quant aux députés et aux élus, vous comprenez bien que c’est au roiseul à les nommer, les sedili étant abolis ; c’est lemoins que mérite leur félonie pour avoir détrôné le roi, chassé sonvicaire et assumé la responsabilité sans sa permission. Mais ce quime paraît instant surtout, c’est de créer l’ordre, d’empêcher lesvols, de remettre Saint-Elme à un commandant honnête, brave etfidèle ; d’organiser une armée, de mettre le port en état dedéfense et de prendre immédiatement un compte exact des forcesmaritimes, de l’artillerie et de ce que les magasinscontiennent ; en somme, de remettre un peu d’unité dans lesrouages de la machine. Et si, dans le premier momentd’enthousiasme, on pouvait pousser le peuple à entrer dans lesÉtats romains, à délivrer Rome, à la rendre à son pasteur, et ànous donner à nous la montagne pour frontière, ce serait un coup demaître qui réparerait la blessure faite à notre honneur.

» Si tout autre que Votre Éminence étaitchargé d’un pareil labeur, je mourrais d’inquiétude ; mais, aucontraire, je suis parfaitement tranquille, connaissant toutel’étendue et la profondeur de son génie, qui n’a de comparable queson zèle et son activité.

» J’ai reçu la lettre de Votre Éminence,écrite de Bovino, en date du 4, – celle du 6, d’Ariano ; j’ailà, en outre, celle qu’elle a écrite à Acton, et j’ai admiré lessages et profonds raisonnements qui y sont contenus, et, quoiquemon intime conviction, fondée sur une longue et pénible expérience,ne soit point d’accord avec Votre Éminence, elle m’a fait faire deprofondes réflexions, dont le résultat a été une admirationcroissante pour elle. Plus j’y pense, en effet, plus je suisconvaincue que le gouvernement de Naples sera d’une difficultéinfinie et aura besoin de toutes ses connaissances, de tout songénie, de toute sa fermeté. Bien que le passé semble, en apparence,présenter le peuple napolitain comme un peuple docile, les haines,les passions privées, les craintes des coupables qui se voientdévoilés, en feront un gouvernement horriblement difficile ;mais le génie de Votre Éminence remédiera à tout.

» Laissez-moi vous dire encore que jedésire ardemment, Naples prise, que vous entriez en arrangementavec Saint-Elme et le commandant français. Mais, vousentendez ! aucun traité avec nos vassaux rebelles. Le roi,dans sa clémence, leur pardonnera ou allégera leur châtiment, enraison de sa bonté ; mais traiter avec des coupables rebellesqui sont à l’agonie et qui ne peuvent pas faire plus de mal que lasouris dans la trappe, non, non, jamais ! Si le bien de l’Étatle veut, je consentirai à leur pardonner ; mais pactiser avecde si lâches scélérats, jamais !

» C’est mon humble opinion que jesoumets, comme toutes les autres, à vos lumières et à votreappréciation.

« Que Votre Éminence croied’ailleurs, que je sens avec une vive gratitude tout ceque nous lui devons, et que, si parfois nos opinions diffèrent àl’endroit de l’indulgence, qu’elle croit bonne et que je croismauvaise, je n’en professe pas moins une reconnaissance éternellepour les services qu’elle nous a rendus ; et, pour moi, laréorganisation de Naples sera certainement le plus grand et le plusdifficile de tous ses services, et mettra le comble à l’œuvregigantesque qui, déjà accomplie aux trois quarts, est sur le pointde l’être tout à fait.

» Je termine en priant Votre Éminence,dans ces moments critiques et décisifs, de ne point nous laissermanquer de nouvelles, devant comprendre avec quelle anxiété nousles attendons.

» Et je la prie encore de me croire, avecune éternelle et profonde gratitude, sa reconnaissante ettrès-affectionnée amie,

» Caroline. »

À ces deux lettres-ci doit se joindrel’analyse de la lettre du roi, que nous avons mise à tort dans leprologue de notre livre, et dont la place serait ici.

Les lecteurs verront par cette analyse que lesdeux augustes époux, si rarement d’accord en toute chose, avaientdu moins un point sur lequel ils s’entendaient admirablement :c’était de poursuivre leurs vengeances jusqu’au bout et de ne fairegrâce sous aucun prétexte.

On verra, d’un autre côté, ce que nous sommesbien aise, au reste, de constater comme rectification historique,que les suprêmes rigueurs arrêtées par les deux époux servent deréponse à des lettres où le cardinal Ruffo conseillel’indulgence.

Et, pour cela, nous nous contenterons deremettre sous les yeux de nos lecteurs les recommandations que faitle roi au cardinal à l’endroit des différentes catégories decoupables, ainsi que l’énumération des différents supplices dont ildésire qu’ils soient punis ; nous laisserons le roi parlerlui-même :

« De mort :

» Tous ceux qui ont fait partiedu gouvernement provisoire ;

» Tous ceux qui ont fait partie de lacommission législative et exécutive de Naples ;

» Tous les membres de la commissionmilitaire et de police formée par les républicains ;

» Tous ceux qui ont fait partie desmunicipalités patriotes, et, qui, en général, ont reçu unecommission de la république parthénopéenne ou des Français, et plusparticulièrement encore ceux qui ont fait partie de la commissionchargée d’enquérir sur les prétendues déprédations faites par moiet par mon gouvernement ;

» Tous les officiers qui étaient à monservice et qui sont passés au service de la soi-disant Républiqueou des Français : bien entendu que ma volonté est que ceuxdesdits officiers qui seraient pris les armes à la main contre messoldats ou ceux de mes alliés, soient fusillés dans lesvingt-quatre heures, sans aucune forme de procès et militairement,comme aussi tous les barons qui, les armes à la main, se seraientopposés ou s’opposeraient à mon retour ;

» Tous ceux qui ont créé ou imprimé desgazettes républicaines, des proclamations et autres écrits, tendantà exciter mes peuples à la révolte et à répandre les maximes dunouveau gouvernement, et particulièrement un certain VicenzoCuoco.

» Je veux que soit également arrêtée etpunie une certaine Luisa Molina San-Felice, qui a découvert etdénoncé la contre-révolution des royalistes, à la tête desquelsétaient Backer, père et fils ;

» Enfin, tous les élus de la cité etdéputés de la place qui chassèrent de son gouvernement mon vicairegénéral Pignatelli et le traversèrent dans toutes ses opérationspar des observations ou des mesures contraires à la fidélité qu’ilsme devaient.

» Après quoi, ceux qui seront reconnusmoins coupables seront économiquement déportés hors de nosdomaines leur vie durant, et leurs biens seront confisqués. Et, surce point particulièrement, je dois vous dire que j’ai trouvétrès-sensé ce que vous me proposez à l’endroit de la déportation engénéral mais, tout bien pensé, je crois qu’il vaut mieux se défairede ces vipères que de les garder dans sa maison. Ah ! sij’avais quelque île fort éloignée de mes domaines du continent, jene dis pas, et j’adopterais volontiers votre système de substituerla déportation à la mort. Mais le voisinage des îles où sont mesdeux royaumes donnerait facilité aux exilés d’ourdir des tramesavec les mécontents. Il est vrai que, d’un autre côté, les reversque subissent les Français en Italie, et que ceux que, grâce auciel, ils vont souffrir encore, mettront les déportés hors d’étatde nous nuire ; mais alors, si nous consentons à l’exil, ilfaudra bien songer au lieu de la déportation et aux moyens del’exécuter avec sécurité. Je suis en train d’y aviser.

» Je me réserve, aussitôt que j’aurairepris Naples, de faire à la liste que je vous adresse quelquesadjonctions que les événements et les connaissances que nousacquerrons pourront me suggérer. Après quoi, mon intention est, enbon chrétien et en père amoureux de mes peuples, d’oublierentièrement le passé et d’accorder un pardon général qui puisserassurer ceux des égarés qui ne l’ont point été parperversité d’âme, mais par crainte et pusillanimité. »

Nous ignorons si cette phrase, écrite à lasuite l’une liste de proscription digne de Sylla, d’Octave ou deTibère, est une sombre plaisanterie, ou, ce qui est possible encoreau point de vue où certains rois envisagent la royauté, si elle aété écrite sérieusement.

Mais ce qui avait été écrit sérieusement et aumoment où elle s’en doutait le moins, c’était l’arrêt de la pauvreSan-Felice.

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