La San-Felice – Tome IV

CXLII – CE QU’ALLAIT FAIRE LE BECCAÏO VIADEI SOSPIRI DELL’ABISSO

La via dei Sospiri-dell’Abisso, c’est-à-direla rue des Soupirs-de-l’Abîme, donnait d’un côté sur le quai dellastrada Nuova, de l’autre sur le Vieux-Marché, où se faisaientd’habitude les exécutions.

On l’appelait ainsi, parce qu’en entrant danscette rue, les condamnés, pour la première fois, apercevaientl’échafaud et qu’il était bien rare que cette vue ne leur tirâtpoint un amer soupir du fond des entrailles.

Dans une maison à porte si basse qu’ilsemblait qu’aucune créature humaine n’y pût entrer la tête levée,et dans laquelle on n’entrait, en effet, qu’en descendant deuxmarches et en se courbant, comme pour entrer dans une caverne, deuxhommes causaient à une table sur laquelle étaient posés un fiascode vin du Vésuve et deux verres.

L’un de ces hommes nous est complétementétranger ; l’autre est notre vieille connaissance Basso Tomeo,le pêcheur de Mergellina, le père d’Assunta et des trois gaillardsque nous avons vus tirer le filet le jour de la pèche miraculeuse,qui fut le dernier jour des deux frères della Torre.

On se rappelle à la suite de quelles craintesqui le poursuivaient à Mergellina il était venu demeurer à laMarinella, c’est-à-dire à l’autre bout de la ville.

En tirant ses filets, ou plutôt les filets deson père, Giovanni, son dernier fils, avait remarqué, à la fenêtrede la maison faisant le coin du quai de la strada Nuova et de larue des Soupirs-de-l’Abîme, fenêtre à fleur de terre à cause desdeux marches à l’aide desquelles on descendait dans l’appartementque, dans le jargon de nos constructeurs modernes, on appelleraitun sous-sol, – Giovanni avait, disons-nous, remarqué une bellejeune fille dont il était devenu amoureux.

Il est vrai que son nom semblait laprédestiner à épouser un pêcheur : elle s’appelait Marina.

Giovanni, qui arrivait de l’autre côté de laville, ne savait pas ce que personne n’ignorait du pont de laMadeleine à la strada del Piliere : c’était à qui appartenaitcette maison à porte basse et de qui était fille cette belle fleurde grève qui s’épanouissait ainsi au bord de la mer.

Il s’informa, et apprit que la maison et lafille appartenaient à maître Donato, le bourreau de Naples.

Quoique les peuples méridionaux, etparticulièrement le peuple napolitain, n’aient point pourl’exécuteur des hautes œuvres cette répulsion qu’il inspire, engénéral, aux hommes du Nord, nous ne saurions cacher à nos lecteursque la nouvelle ne fut point agréable à Giovanni.

Son premier sentiment fut de renoncer à labelle Marina. Comme nos deux jeunes gens n’avaient encore échangéque des regards et des sourires, la rupture n’exigeait pas degrandes formalités. Giovanni n’avait qu’à ne plus passer devant lamaison, ou, quand il y passerait, à tourner les yeux d’un autrecôté.

Il fut huit jours sans y passer ; mais,le neuvième, il n’y put tenir : il y passa. Seulement, en ypassant, il tourna la tête vers la mer.

Par malheur, ce mouvement avait été fait troptard, et, lorsqu’il avait détourné la tête, la fenêtre oùstationnait d’habitude la belle Marina s’était trouvée comprisedans le cercle parcouru par son rayon visuel.

Il avait entrevu la jeune fille ; il luiavait même semblé qu’un nuage de tristesse voilait son visage.

Mais la tristesse, qui enlaidit les vilainsvisages, fait un effet contraire sur les beaux.

La tristesse avait encore embelli Marina.

Giovanni s’arrêta court. Il lui sembla qu’ilavait oublié quelque chose à la maison. Il eût bien de la peine àdire quoi ; mais cette chose, quelle qu’elle fût, lui semblasi nécessaire, qu’il se retourna, mû par une force supérieure, etqu’en se retournant, les mesures qu’il avait déjà si mal prises,étant plus mal prises encore, il se trouva face à face avec cellequ’il s’était promis à lui-même de ne plus regarder.

Cette fois, les regards des deux jeunes gensse croisèrent et se dirent, avec ce langage si rapide et siexpressif des yeux, tout ce qu’auraient pu se dire leursparoles.

Notre intention n’est point de suivre, quelqueintérêt que nous serions sûr de lui donner, cet amour dans sesdéveloppements. Il suffira à nos lecteurs de savoir que, commeMarina était aussi sage que belle et que l’amour de Giovanni allaittoujours croissant, force lui fut, un beau matin, de s’ouvrir à sonpère, de lui avouer son amour et de lui dire, le plussentimentalement qu’il put, qu’il n’y avait plus de bonheur pourlui en ce monde s’il n’obtenait pas la main de la belle Marina.

Au grand étonnement de Giovanni, le vieuxBasso Tomeo ne vit point à ce mariage une insurmontable difficulté.C’était un grand philosophe que le pêcheur de Mergellina, et lamême raison qui lui avait fait refuser sa fille à Michele lepoussait à offrir son fils à Marina.

Michele, au su de tout le monde, n’avait pasle sou, tandis que maître Donato, exerçant un métier, exceptionnel,c’est vrai, mais, par cela même, lucratif, devait avoir uneescarcelle bien garnie.

Le vieux pêcheur consentit donc à s’aboucheravec maître Donato.

Il alla le trouver et lui exposa le motif desa visite.

Quoique Marina, ainsi que nous l’avons dit,fût charmante, et quoique le préjugé social soit moins grand chezles Méridionaux que chez les hommes du Nord, à Naples qu’à Paris,une fille de bourreau n’est point marchandise facile à placer, etmaître Donato ouvrit l’oreille aux propositions du vieux BassoTomeo.

Toutefois, le vieux Basso Tomeo, avec unefranchise qui lui faisait honneur, avouait que l’état de pêcheur,suffisant à nourrir son homme, ne suffisait pas à nourrir unefamille, et qu’il ne pouvait pas donner à son fils le moindre ducaten mariage.

Il fallait donc que les jeunes époux fussentdotés par maître Donato, ce qui lui serait d’autant plus facilequ’on entrait dans une phase de révolution, et, comme il est detradition qu’il n’est point de révolution sans exécutions, maîtreDonato, qui, à six cents ducats, c’est-à-dire à deux mille quatrecents francs de fixe par an, joignait dix ducats de prime,c’est-à-dire quarante francs à chaque exécution, allait, enquelques mois, faire une fortune, non-seulement rapide, maiscolossale.

Dans la perspective de ce travail lucratif, ilpromit de donner à Marina une dot de trois cents ducats.

Seulement, voulant donner cette somme, nonpoint sur ses économies déjà faites, mais sur son gain à venir, ilavait remis le mariage à quatre mois. C’était bien le diable si larévolution ne lui donnait point à faire huit exécutions en quatremois, une par quinzaine.

Ce bas chiffre représentait trois cents vingtducats ; ce qui lui donnait encore vingt ducats debénéfice.

Par malheur pour Donato, on a vu de quellefaçon philanthropique s’était faite la révolution de Naples ;de sorte que, trompé dans son calcul et n’ayant pas eu la moindrependaison à exécuter, maître Donato se faisait tirer l’oreille pourconsentir au mariage de Marina avec Giovanni, ou plutôt auversement de la dot qui devait assurer l’existence des deux jeunesgens.

Voilà pourquoi il était assis à la même tableque Basso Tomeo ; car, nous ne le cacherons pas plus longtempsà nos lecteurs, cet homme qui leur est inconnu, qui est assis enface du vieux pêcheur, qui saisit le fiasco par son col mince etflexible et qui remplit le verre de son partner, c’est maîtreDonato, le bourreau de Naples.

– Si ce n’est pas fait pour moi !Comprenez-vous, compère Tomeo ? c’est-à-dire que, quand j’aivu s’établir la République, que j’ai demandé à des gens instruitsce que c’était que la République, et que ceux-ci m’ont expliqué quec’était une situation politique dans laquelle la moitié descitoyens coupait le cou à l’autre, je me suis dit : « Cen’est point trois cents ducats que je vais gagner, c’est mille,cinq mille, dix mille ducats, c’est-à-dire unefortune ! »

– C’était à penser, en effet. On m’a assuréqu’en France il y avait un citoyen nommé Marat qui demandait troiscent mille têtes dans chaque numéro de son journal. Il est vraiqu’on ne les lui donnait pas toutes ; mais enfin on lui endonnait quelques-unes.

– Eh bien, pendant cinq mois qu’a duré notrerévolution, à nous, pas un seul des Cirillo, des Pagano, desCharles Laubert, des Manthonnet tant qu’on en a voulu, c’est-à-diredes philanthropes qui ont crié sur les terrasses : « Netouchez pas aux individus ! respectez lespropriétés ! »

– Ne m’en parlez pas, confrère, dit BassoTomeo en haussant les épaules ; on n’a jamais vu une pareillechose. Aussi, vous voyez où ils en sont, MM. lespatriotes ; cela ne leur a point porté bonheur.

– C’est au point que, quand j’ai vu qu’onpendait à Procida et à Ischia, j’ai réclamé. Partout où l’on pend,il me semble que je dois en être ; mais savez-vous ce que l’onm’a répondu ?

– Non.

– On m’a répondu qu’on ne pendait pas dans lesîles pour le compte de la République, mais pour le compte duroi ; que le roi avait envoyé de Palerme un juge pour juger,et que les Anglais avaient fourni un bourreau pour pendre. Unbourreau anglais ! Je voudrais bien voir comment il s’yprend !

– C’est un passe-droit, compère Donato.

– Enfin, il me restait un dernier espoir. Il yavait dans les prisons du Château-Neuf deux conspirateurs ;ceux-là ne pouvaient m’échapper : ils avouaient hautement leurcrime, ils s’en vantaient même.

– Les Backer ?

– Justement… Avant-hier, on les condamne àmort. Je dis : « Bon ! c’est toujours vingt ducatset leur défroque. » Comme ils étaient riches, leurs habitsauraient une valeur. Pas du tout : savez-vous ce que l’onfait ?

– On les fusille : je les ai vufusiller.

– Fusiller ! A-t-on jamais vu fusiller àNaples ! Tout cela pour faire sur un pauvre diable uneéconomie de vingt ducats ! Oh ! tenez, compère, ungouvernement qui ne pend pas et qui fusille ne peut pas tenir.Aussi, voyez, dans ce moment-ci, comment nos lazzaroni lesarrangent, vos patriotes !

– Mes patriotes, compère ? Ils n’ontjamais été à moi. Je ne savais pas même ce que c’était qu’unpatriote. Je l’ai demandé à fra Pacifico, qui m’a répondu quec’était un jacobin ; alors, je lui ai demandé ce que c’étaitqu’un jacobin, et il m’a répondu que c’était un patriote,c’est-à-dire un homme qui avait commis toute sorte de crimes, etqui serait damné.

– En attendant, nos pauvres enfants ?

– Que voulez-vous, père Tomeo ! Je nepeux pourtant pas me tirer le sang des veines pour eux. Qu’ilsattendent. J’attends bien, moi ! Peut-être que, si le roirentre, cela changera et que j’aurai à pendre (maître Donatogrimaça un sourire), même votre gendre Michele.

– Michele n’est pas mon gendre, Dieumerci ! Il a voulu l’être ; j’ai refusé.

– Oui, quand il était pauvre ; mais,depuis qu’il est riche, il n’a plus reparlé de mariage.

– Ça, c’est vrai. Le bandit ! Aussi, lejour où vous le pendrez, je tirerai la corde ; et, s’il nousfaut l’aide de nos trois fils, ils la tireront avec moi.

En ce moment, et comme Basso Tomeo offraitobligeamment son aide et celle de ses trois fils à maître Donato,la porte de cette espèce de cave qui servait de demeure à maîtreDonato s’ouvrit, et beccaïo, secouant toujours sa main sanglante,parut devant les deux amis.

Le beccaïo était bien connu de maître Donato,étant son voisin. Aussi, à la vue du beccaïo, appela-t-il sa filleMarina pour qu’elle apportât un verre.

Marina parut, belle et gracieuse comme unevision. On se demandait comment une si belle fleur avait pu pousseren un pareil charnier.

– Merci, merci, dit le beccaïo. Il ne s’agitpoint ici de boire, même à la santé du roi : il s’agit, maîtreDonato, de venir pendre un rebelle.

– Pendre un rebelle ? dit maître Donato.Cela me va.

– Et un vrai rebelle, maître, vous pouvez vousen vanter ; et, en cas de doute, vous enquérir à Pasquale deSimone. Nous avons été chargés ensemble de son exécution et nousl’avons manqué comme des imbéciles.

– Ah ! ah ! fit maître Donato ;et lui ne t’a pas manqué ? Car je présume que c’est lui quit’a donné ce fameux coup de sabre qui t’a balafré le visage.

– Et celui-ci qui m’a coupé la main, répliquale beccaïo montrant sa main mutilée et sanglante.

– Oh ! oh ! voisin, dit maîtreDonato, laissez-moi panser cela. Vous savez que nous sommes un peuchirurgiens, nous autres.

– Non, sang du Christ ! non ! dit lebeccaïo. Quand il sera mort, à la bonne heure ; mais, tantqu’il sera vivant, saigne ma main, saigne. Allons, venez,maître : on vous attend.

– On m’attend ? C’est bientôt dit ;mais qui me payera ?

– Moi.

– Vous dites cela parce qu’il estvivant ; mais quand il sera pendu ?

– Nous ne sommes qu’à un pas de ma boutique,nous nous y arrêterons, et je te conterai dix ducats.

– Hum ! fit maître Donato, c’est dixducats pour les exécutions légales ; mais, pour les exécutionsillégales, cela en vaut vingt, et encore je ne sais pas si c’estbien prudent à moi.

– Viens, et je t’en donnerai vingt ;seulement, décide-toi ; car, si tu ne veux pas le pendre, jele pendrai, moi, et ce sera vingt ducats de gagnés.

Maître Donato réfléchit qu’en effet, cen’était pas chose difficile que de pendre un homme, puisque tant degens se pendent tout seuls, et, craignant que cette aubaine ne luiéchappât :

– C’est bien, dit-il : je ne veux pasdésobliger un voisin.

Et il alla prendre un rouleau de cordesuspendu au mur par un clou.

– Où allez-vous donc ? demanda lebeccaïo.

– Vous le voyez bien, je vais prendre mesinstruments.

– Des cordes ? Nous en avons de restelà-bas.

– Mais elles ne sont point préparées ;plus une corde a servi, mieux elle glisse, et, par conséquent, pluselle est douce au patient.

– Plaisantes-tu ? s’écria le beccaïo.Est-ce que je veux que sa mort soit douce ? Une corde neuve,mordieu ! une corde neuve !

– Au fait, dit maître Donato avec son souriresinistre, c’est vous qui payez : c’est à vous de faire votrecarte. Au revoir, père Tomeo !

– Au revoir, répondit le vieux pêcheur, et boncourage, compère ! J’ai idée que voilà votre mauvaise veinecoupée.

Puis, à lui-même :

– Légale ou illégale, qu’importe ! c’esttoujours vingt ducats à compte sur la dot.

On sortit de la rue des Soupirs-de-l’Abîme etl’on se rendit chez le beccaïo.

Celui-ci alla droit au tiroir du comptoir et yprit vingt ducats, qu’il allait donner à maître Donato, quand toutà coup, se ravisant :

– Voilà dix ducats, maître, lui dit-il ;le reste après l’exécution.

– L’exécution de qui ? demanda la femmedu beccaïo en sortant de la chambre du fond.

– Si on te le demande, tu diras que tu ne l’asjamais su ou que tu l’as oublié.

S’apercevant alors seulement de l’état danslequel était la main de son mari :

– Jésus Dieu ! dit-elle, qu’est-ce quecela ?

– Rien.

– Comment, rien ? Trois doigts coupés, tuappelles cela rien !

– Bon ! dit le beccaïo, s’il faisait duvent, ce serait déjà séché. Venez, maître.

Et il sortit de sa boutique : le bourreaule suivit.

Les deux hommes gagnèrent la rue de Lavinago,le beccaïo guidant maître Donato, et marchant si vite, que maîtreDonato avait de la peine à le suivre.

Lorsque le beccaïo rentra, tout était dans lamême situation que lorsqu’il était parti. Le prisonnier, toujourscouché sur la table, insulté et frappé par les lazzaroni, n’avaitpas fait un seul mouvement et semblait plongé dans une immobilitécomplète.

Au reste, il avait fallu presque autant deforce morale pour supporter les injures, qu’il avait fallu de forcephysique pour supporter les coups et les blessures même à l’aidedesquels on avait, à vingt reprises différentes, essayé deréveiller ce dormeur obstiné. Injures et coups, nous l’avons dit,tout avait été inutile.

Des cris de joie et des acclamations detriomphe saluèrent l’apparition du tueur de boucs et du tueurd’hommes, et les cris : Il boïa ! il boïa !s’élancèrent de toutes les bouches.

Si ferme que fût Salvato, il tressaillit à cecri ; car il venait de comprendre la véritable cause du succèsqu’il avait obtenu. Non-seulement, dans sa vengeance, le beccaïovoulait sa mort, mais il voulait qu’il mourût d’une maininfâme.

Il réfléchit, toutefois, que sa mort, résultatd’une main exercée, serait plus prompte et moins douloureuse.

L’œil qu’il avait entr’ouvert se referma, etil retomba dans son impassibilité, dont personne, d’ailleurs, nes’était aperçu qu’il fût sorti.

Le beccaïo s’approcha de lui, et, le montrantà maître Donato :

– Tenez, dit-il, voici votre homme.

Maître Donato jeta les yeux autour de lui pourchercher un endroit convenable où établir un gibetprovisoire ; mais le beccaïo lui montra l’anneau et lacorde.

– On t’a préparé la besogne, lui dit-il.Cependant, ne te presse pas, tu as le temps.

Maître Donato monta sur la table ; mais,plus respectueux que le beccaïo pour le pauvre bipède qui seprétend fait à la ressemblance de Dieu et que l’on appelle l’homme,il n’osa monter sur le corps du patient, comme avait fait lebeccaïo.

Il monta sur une chaise pour s’assurer quel’anneau était solide et le nœud coulant bien fait.

L’anneau était solide ; mais le nœudcoulant ne coulait pas.

Maître Donato haussa les épaules, murmuraquelques paroles railleuses à l’adresse de ceux qui se mêlaient dechoses qu’ils ne savaient pas, et refit le nœud mal fait.

Pendant ce temps, le beccaïo insultait de sonmieux le prisonnier, toujours muet et immobile comme s’il eût étémort.

La pendule sonna sept heures.

– Compte maintenant les minutes, dit le tueurde boucs à Salvato ; car tu as fini de compter les heures.

La nuit n’était point encore venue ;mais, dans les rues étroites et aux hautes maisons de Naples,l’obscurité commence à descendre bien avant que se couche lesoleil.

On commençait à voir un peu confusément danscette salle à manger, où se préparait un spectacle dont personne nevoulait perdre le moindre détail.

Plusieurs voix s’écrièrent :

– Des torches ! des torches !

Il était bien rare que, dans une réunion decinq ou six lazzaroni, il n’y eût pas un homme muni d’une torche.Incendier était une des recommandations faites par le cardinalRuffo au nom de saint Antoine, et, en effet, l’incendie est un desaccidents qui jettent le plus de trouble dans une ville.

Or, comme il y avait dans la salle à mangerquarante ou cinquante lazzaroni, il s’y trouvait sept ou huittorches.

En une seconde, elles furent allumées, et aujour triste du crépuscule tombant succéda la lumière funèbre etenfumée des torches.

À cette lumière, mêlée de grandes ombres, àcause du mouvement qui leur était imprimé par ceux qui lesportaient, les figures de tous ces hommes de meurtre et de pillageprirent une expression plus sinistre encore.

Cependant, le nœud coulant était fait, et lacorde n’attendait plus que le cou du condamné.

Le bourreau mit un genou en terre près dupatient, et, soit pitié, soit conscience de son état :

– Vous savez que vous pouvez demander unprêtre, lui dit-il, et que nul n’a le droit de vous le refuser.

À ces paroles, dans lesquelles il sembla àSalvato sentir luire la première étincelle de sympathie qui lui eûtété témoignée depuis qu’il était tombé aux mains des lazzaroni, sarésolution de garder le silence s’évanouit.

– Merci, mon ami, dit-il d’une voix douce ensouriant au bourreau : je suis soldat, et, par conséquent,toujours prêt à mourir ; je suis honnête homme, et, parconséquent, toujours prêt à me présenter devant Dieu.

– Quel temps voulez-vous pour faire votredernière prière ? Foi de Donato, ce temps vous sera accordé,ou vous ne serez pas pendu par moi.

– J’ai eu le temps de faire ma prière depuisque je suis couché sur cette table, dit Salvato. Ainsi, mon ami, sivous êtes pressé, que je ne vous retarde pas.

Maître Donato n’était point habitué à trouvercette courtoisie chez ceux auxquels il avait affaire. Aussi, toutbourreau qu’il était, et par cela même qu’il était le bourreau,elle le toucha profondément.

Il se gratta l’oreille un instant.

– Je crois, dit-il, qu’il y a des préjugéscontre ceux qui exercent notre état, et que certaines personnesdélicates n’aiment pas à être touchées par nous. Voulez-vousdénouer votre cravate et rabattre le col de votre chemisevous-même, ou voulez-vous que je vous rende ce dernierservice ?

– Je n’ai pas de préjugés, répondit Salvato,et, non-seulement vous êtes pour moi ce qu’est un autre homme, maisencore je vous sais gré de ce que vous faites pour moi, et, sij’avais la main libre, ce serait pour vous serrer la main avant demourir.

– Par le sang du Christ ! vous me laserrerez alors, dit maître Donato en se mettant en devoir de délierles Cordes qui liaient les poignets de Salvato : ce sera unbon souvenir pour le reste de ma vie.

– Ah ! c’est comme cela que tu gagnes tonargent ! s’écria le beccaïo, furieux de voir que Salvatoallait mourir aussi impassiblement aux mains du bourreau qu’àcelles d’un autre homme. Du moment que cela est ainsi, je n’ai plusbesoin de toi.

Et, poussant maître Donato hors de laplate-forme que représentait la table, il y prit sa place.

– Défaire la cravate ! rabattre lachemise ! à quoi bon tout cela ? dit le beccaïo. Je vousle demande un peu ! Non pas ! non pas ! Mon bel ami,nous ne ferons pas tant de cérémonies avec vous. Vous n’avez pasbesoin de prêtre ? vous n’avez pas besoin de prières ?Tant mieux ! la chose va plus couramment.

Et, pressant le nœud coulant de la corde, ilsouleva la tête de Salvato par les cheveux et lui passa le lacet aucou.

Salvato était retombé dans son impassibilitépremière. Cependant quelqu’un qui eût pu voir son visage, plongédans l’ombre, eût reconnu, à l’œil entr’ouvert, au cou légèrementtendu du côté de la fenêtre, que quelque bruit extérieur attiraitson attention, bruit que, dans leur préoccupation haineuse, neremarquait aucun des assistants.

En effet, tout à coup deux ou trois lazzaroni,restés dans la cour, se précipitèrent dans la salle à manger encriant : « Alarme ! alarme ! » en mêmetemps qu’une décharge de mousqueterie se faisait entendre, que lesvitres de la fenêtre volaient en éclats, et que le beccaïo, enpoussant un horrible blasphème, tombait sur le prisonnier.

Une effroyable confusion succéda à cettepremière décharge, qui avait tué ou blessé cinq ou six hommes etcassé la cuisse au beccaïo.

Puis, par une fenêtre ouverte, une troupearmée s’élança, ayant à sa tête Michele, dont la voix, dominant letumulte, criait de toute la force de ses poumons :

– Est-il encore temps, mon général ? Sivous êtes vivant, dites-le ; mais, si vous êtes mort, par lamadone del Carmine ! je jure qu’aucun de ceux qui sont icin’en sortira vivant !

– Rassure-toi, mon bon Michele, réponditSalvato de sa voix ordinaire, et sans qu’on pût remarquer dans sonaccent la moindre altération ; je suis vivant et parfaitementvivant.

En effet, en tombant sur lui, le beccaïol’avait protégé contre les balles qui s’égaraient dans ce combatnocturne et qui pouvaient atteindre l’ami aussi bien que l’ennemi,la victime aussi bien que le meurtrier.

Puis, il faut le dire à l’honneur de maîtreDonato, le digne exécuteur, trompant complétement les espérancesque l’on avait mises en lui, avait tiré Salvato de dessus la table,si bien qu’en un clin d’œil le jeune homme s’était trouvé dessous.En un autre clin d’œil, et avec une adresse qui démontrait unehabitude longtemps exercée, Donato avait achevé de dénouer la cordequi lui liait les mains, et dans la main droite de l’ex-prisonnieril avait glissé à tout hasard un couteau.

Salvato avait fait un bond en arrière, s’étaitadossé à la muraille et s’apprêtait à vendre chèrement sa vie, sipar hasard le combat se prolongeait et si la victoire paraissait nepas favoriser ses libérateurs.

C’était de là, l’œil ardent, la main repliéecontre la poitrine, le corps ramassé comme un tigre prêt às’élancer sur sa proie, qu’il avait répondu à Michele et l’avaitrassuré en lui répondant.

Mais ce qu’il avait craint n’arriva pas. Lavictoire ne fut pas un instant douteuse. Ceux qui avaient destorches les jetèrent ou les éteignirent pour fuir plus rapidement,et, au bout de cinq minutes, il ne restait dans la salle que lesmorts et les blessés, le jeune officier, maître Donato, Michele,Pagliucella, son fidèle lieutenant, et les trente ou quarantehommes que les deux lazzaroni avaient réussi à rassembler àgrand’peine, lorsque Michele avait appris que Salvato étaitprisonnier du beccaïo et avait deviné le danger qu’il courait.

Par bonheur, se croyant absolument maître dela ville aux cris de désolation que l’on poussait de tous côtés, lebeccaïo n’avait point songé à poser des sentinelles, de sorte queMichele avait pu s’approcher de la maison où on lui avait dit queSalvato était prisonnier.

Arrivé là, il était monté sur les débris desmeubles brisés, était parvenu à la hauteur des fenêtres durez-de-chaussée et avait pu voir le beccaïo passant la corde au coude Salvato.

Il avait alors fort judicieusement jugé qu’iln’y avait pas de temps à perdre ; il avait visé le beccaïo etavait fait feu en criant :

– À l’aide du général Salvato !

Puis, le premier, il s’était élancé ;tous l’avaient suivi, faisant feu chacun de l’arme qu’il avait ence moment : celui-ci de son fusil, celui-là de sonpistolet.

Le premier soin de Michele, une fois dans lasalle à manger, fut de ramasser une torche jetée par un sanfédisteet qui avait continué de brûler, quoique dans la positionhorizontale ; de sauter sur la table et de secouer la torchepour éclairer l’appartement jusque dans ses profondeurs.

C’est alors qu’il avait vu clair sur le champde bataille, qu’il avait reconnu le beccaïo râlant à ses pieds,distingué deux ou trois cadavres, quatre ou cinq blessés setraînant dans leur sang et cherchant à s’appuyer contre lamuraille ; Salvato, le couteau à la main droite et prêt aucombat, tandis qu’il protégeait de la main gauche un homme qu’à songrand étonnement il reconnut peu à peu pour maître Donato.

Si intelligent que fût Michele, il avait peineà s’expliquer le dernier groupe. Comment Salvato, qu’il venait devoir, cinq minutes auparavant, la corde au cou et les poignetsliés, se retrouvait-il libre et le couteau à la main ? etcomment enfin le bourreau, qui ne pouvait être venu là que pourpendre Salvato, se trouvait-il protégé par lui ?

En deux mots, Michele fut au courant de ce quis’était passé ; mais l’explication ne fut donnée qu’après queSalvato se fut jeté dans ses bras.

C’était la contre-partie de la scène du largodel Pigne, quand Salvato avait sauvé la vie à Michele qu’on allaitfusiller. Cette fois, c’était Michele qui avait sauvé la vie àSalvato qu’on allait pendre.

– Ah ! ah ! dit Michele lorsqu’ileut su, par maître Donato lui-même, comment il avait été invité àla fête et ce qu’il y était venu faire, il ne sera pas dit,compère, qu’on t’aura dérangé pour rien. Seulement, au lieu dependre un honnête homme et un brave officier, tu vas pendre unmisérable assassin, un vil bandit.

– Colonel Michele, répondit maître Donato, jene me refuse pas plus à votre demande que je ne m’étais refusé àcelle du beccaïo, et je dois dire que je pendrai même avec moins deregret le beccaïo que ce brave officier. Mais je suis honnête hommeavant tout, et, comme j’avais reçu du beccaïo dix ducats pourpendre ce jeune homme, je ne crois pas qu’il soit dans mes droitsde garder les dix ducats quand ce n’est plus le jeune homme que jepends, mais lui-même. Vous êtes donc témoins, tous tant que vousêtes ici, que j’ai rendu au voisin ses dix ducats avant de meporter à aucune voie de fait contre lui.

Et, tirant les dix ducats de sa poche, il lesaligna sur la table où le beccaïo était couché.

– Maintenant, dit-il s’adressant à Salvato, jesuis prêt à obéir aux ordres de Votre Seigneurie.

Et, prenant la corde qu’un instant auparavantil tenait pour la passer au cou de Salvato, il s’apprêta à lapasser au cou du beccaïo, n’attendant qu’un signe de Salvato pourcommencer l’opération.

Salvato étendit son regard calme sur tous lesassistants, amis comme ennemis.

– Est-ce en effet à moi de donner des ordresici ? demanda-t-il, et, si j’en donne, seront-ilsexécutés ?

– Là où vous êtes, général, dit Michele,personne ne peut songer à commander, et personne, vous commandant,n’aurait l’audace de désobéir.

– Eh bien, alors, reprit Salvato, tu vas mereconduire avec tes hommes jusqu’au Château-Neuf ; car, ayantdes ordres de la plus haute importance à faire passer à Schipani,il est important que j’arrive le plus promptement possible, et sainet sauf. Pendant ce temps-là, maître Donato…

– Grâce ! murmura le beccaïo, qui croyaitentendre sortir de la bouche du jeune homme la sentence de mort,grâce ! je me repens.

Mais lui, sans l’écouter, continua :

– Pendant ce temps, vous ferez porter cethomme chez lui, et vous veillerez à ce que tous les soins quenécessite sa blessure lui soient donnés. Cela lui apprendrapeut-être qu’il y a des hommes qui combattent et qui tuent, et desgens qui assassinent et qui pendent. Seulement, comme lesabominables actions de ces derniers sont contraires aux saintesvolontés du Seigneur, ils n’assassinent qu’à moitié et ne pendentpas du tout.

Puis, tirant de sa poche un papier debanque :

– Tenez, maître Donato, dit-il, voici unepolice de cent ducats pour vous indemniser des vingt ducats quevous avez perdus.

Maître Donato prit les cent ducats d’un airmélancolique qui donnait à sa figure une expression plus grotesqueque sentimentale.

– Vous m’aviez promis autre chose que del’argent si vous aviez les mains libres, Excellence.

– C’est vrai, dit Salvato, je t’avais promisma main, et, comme un honnête homme n’a que sa parole, lavoici.

Maître Donato saisit la main du jeune officieravec reconnaissance et la baisa avec effusion.

Salvato la lui laissa quelques secondes, sansque sa physionomie exprimât la moindre répugnance, et, quand maîtreDonato la lui eut rendue :

– Allons, Michele, dit-il, nous n’avons pas uninstant à perdre : rechargeons les fusils, et droit auChâteau-Neuf !

Et en effet, Salvato et Michele, à la tête deslazzaroni libéraux qui venaient de seconder ce dernier dans ladélivrance du prisonnier, s’élancèrent dans la strada deiTribunali, gagnèrent la rue de Tolède par Porta-Alba et leMercatello, la suivirent jusqu’à la strada deSanta-Anna-dei-Lombardi, et prirent enfin celles de Monte-Olivetoet de Médina, qui les conduisirent droit à la porte duCastello-Nuovo.

Lorsque Salvato se fut fait reconnaître, ilapprit que l’événement qui venait de lui arriver était déjà parvenuaux oreilles des patriotes enfermés dans le château et que legouverneur Massa venait de donner l’ordre à une patrouille de centhommes de partir au pas de course et d’aller le délivrer.

Salvato songea dans quelle inquiétude devaitêtre Luisa, si la nouvelle de son arrestation était parvenuejusqu’à elle ; mais, toujours esclave de son devoir, ilchargea Michele d’aller la rassurer, tandis qu’il aviserait avec ledirectoire aux moyens de faire passer à Schipani les ordres de songénéral en chef.

En conséquence, il monta droit à la salle oùles directeurs tenaient leurs séances. À sa vue, un cri de joies’échappa de toutes les poitrines. On le savait pris, et, comme onconnaissait, en pareille occasion, la rapidité d’exécution deslazzaroni, on le croyait fusillé, poignardé ou pendu.

On voulut le féliciter, mais lui :

– Citoyens, dit-il, nous n’avons pas uneminute à perdre. Voici l’ordre de Bassetti en duplicata, prenez-enconnaissance et veillez, en ce qui vous regarde, à cequ’il soit exécuté. Je vais, si vous le voulez bien, m’occuper,moi, de trouver des messagers pour le porter.

Salvato avait une manière claire et résolue deprésenter les choses qui ne permettait que l’acceptation ou lerefus. Dans cette circonstance, il n’y avait qu’à accepter. Lesdirecteurs acceptèrent, gardèrent un double de l’ordre, pour le casoù le premier serait intercepté, et remirent l’autre à Salvato.

Salvato, sans perdre une seconde, prit congéd’eux, descendit rapidement, et, sûr de retrouver Michele près deLuisa, il courut à l’appartement vers lequel, il n’en doutait pas,l’appelaient les vœux les plus ardents.

Et, en effet, Luisa l’attendait sur le seuilde la porte. Dès qu’elle aperçut son amant, un long cri de« Salvato ! » s’élança de la bouche de la jeunefemme. Elle était dans les bras de celui qu’elle attendait, que,les yeux fermés, le cœur palpitant, renversée en arrière, comme sielle allait s’évanouir, elle murmurait encore :

– Salvato ! Salvato !

Ce nom qui, en italien, veut diresauvé, avait, dans la bouche de la jeune femme, la doubletendresse de sa double signification, c’est-à-dire, qu’il alla,frémissant, éveiller jusqu’aux dernières fibres le cœur de celuiqu’il appelait.

Salvato prit Luisa dans ses bras et l’emportadans sa chambre, où, comme il l’avait présumé, l’attendaitMichele.

Puis, quand la San-Felice fut un peu revenue àelle, que son cœur, encore bondissant dans sa poitrine, mais secalmant peu à peu, eut permis au cerveau de reprendre le fil de sesidées momentanément interrompu :

– Tu l’as bien remercié, n’est-ce pas, lui ditSalvato, ce cher Michele ? Car c’est à lui que nous devons lebonheur de nous revoir. Sans lui, à cette heure, au lieu de serrerentre tes bras un corps vivant qui t’aime, te répond, vit de ta vieet frissonne sous tes baisers, tu ne tiendrais qu’un cadavre froid,inerte, insensible, et avec lequel tu tenterais vainement departager cette flamme précieuse qui, une fois éteinte, ne serallume plus !

– Mais non, dit avec étonnement Luisa ;il ne m’a rien dit de tout cela, le mauvais garçon ! Il m’adit seulement que tu étais tombé aux mains des sanfédistes, et que,grâce à ton courage et à ton sang-froid, tu t’en étais tiré.

– Eh bien, dit Salvato, connais enfin tonfrère de lait pour un affreux menteur. Moi, je m’étais laisséprendre comme un sot, et j’allais être pendu comme un chien,lorsque… Mais attends : sa punition va être de te raconter lachose lui-même.

– Mon général, dit Michele, le plus pressé, jecrois, est de faire passer la dépêche au général Schipani :elle doit être d’une certaine importance, à en juger par le dangerque vous avez affronté pour vous la procurer. Il y a une barque enbas prête à partir au premier ordre que vous donnerez.

– Es-tu sûr de ceux qui la montent ?

– Autant qu’un homme peut l’être d’autreshommes ; mais au nombre des matelots, déguisé en matelot, seraPagliucella, dont je suis sûr comme de moi-même. Je vais expédierla barque et la dépêche. Vous, pendant ce temps-là, racontez àLuisa comment je vous ai sauvé la vie : vous raconterez lachose beaucoup mieux que moi.

Et, poussant Luisa dans les bras de Salvato,il referma la porte sur les deux amants, et descendit l’escalier enchantant la chanson, si populaire à Naples, des Souhaits,et qui commence par ce couplet :

Que ne suis-je, hélas ! l’enfant sans demeure

Qui marche courbé sous son tombereau !

Devant ton palais, j’irais à toute heure

Criant : « Voici l’eau ! Je suis porteurd’eau. »

Tu dirais : « Quel est cet enfant quicrie ?

De cette eau qu’il vend qu’il me monte un seau. »

Et je répondrais : « Cruelle Marie,

Ce sont pleurs d’amour et non pas del’eau ! »

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