La San-Felice – Tome IV

CXXIII – LES PETITS CADEAUX ENTRETIENNENTL’AMITIÉ

Pendant que le cheval du cardinal Ruffo,portant son illustre maître, entrait dans la ville de Cotrone ayantdu sang jusqu’au ventre, et se cabrait à la vue et au bruit desmaisons s’écroulant dans les flammes, le roi chassait, pêchait etjouait.

Nous ne savons point quelles améliorationsl’exil avait apportées à sa pêche et à son jeu ; mais noussavons que jamais saint Hubert lui-même, patron des chasseurs, nefut entouré de délices pareilles à celles au milieu desquelles leroi Ferdinand oubliait la perte de son royaume.

L’honneur que le roi avait fait au présidentCardillo en acceptant une chasse dans son fief d’Illice avaitempêché bien des gens de dormir et, entre autres, l’abbesse desUrsulines de Caltanizetta.

Son couvent, situé à moitié chemin à peu prèsde Palerme à Girgenti, possédait d’immenses domaines en plaines eten forêts. Ces plaines et ces forêts, déjà fort giboyeuses, furentpeuplées, par cette excellente abbesse, d’un surcroît de daims, decerfs et de sangliers, et, lorsque la chasse fut véritablementdevenue digne d’un roi, l’abbesse elle-même, avec quatre de sesplus jolies religieuses, partit pour Palerme, demanda une audienceà Sa Majesté, et la supplia de vouloir bien donner à de pauvresrecluses, dont elle dirigeait les âmes, la satisfaction d’unechasse. Celle qui était offerte se présentait dans des conditionssi exceptionnelles et si attrayantes, que le roi n’eut garde de larefuser, et qu’il fut convenu que, le lendemain, le roi partiraitavec l’abbesse et ses quatre aides de camp, passerait un jour à sepréparer par ses dévotions aux massacres des daims, des cerfs etdes chevreuils, comme Charles IX, par les mêmes pratiquessaintes, s’était préparé aux massacres des huguenots, et que, lelendemain de cette préparation, il passerait de la viecontemplative à la vie active.

Le roi partit en effet. Un courrier envoyéd’avance avait annoncé au reste de la communauté que les vœux del’abbesse avaient été agréés, et que Sa Majesté arriverait seuled’abord, mais bientôt serait suivie de toute sa cour.

Le roi se promettait une grande liesse decette partie de chasse, faite dans des conditions si nouvelles. Aumoment où il allait monter en voiture, on lui remit, de la part dela reine, le numéro du Moniteur parthénopéen, quiannonçait la découverte du complot Backer et l’arrestation des deuxchefs de ce complot, c’est-à-dire du père et du fils. On serappelle la grande amitié que le roi avait vouée au jeuneAndré : aussi, sa colère fut-elle double, d’abord de voirdécouvert un complot qui devait, à la fois, le débarrasser, sansqu’il eût à s’en mêler lui-même, des Français et des jacobins, etensuite de voir arrêtés les deux hommes qui, au milieu d’uneindifférence qu’il n’était point sans avoir remarquée, lui avaientdonné de si grandes marques de dévouement.

Par bonheur, les affaires du cardinal etcelles de Troubridge, qui allaient à merveille, lui laissaientl’espoir de la vengeance. Il prit sur ses tablettes le nom de LuisaMolina San-Felice, et se jura à lui-même que, s’il remontait jamaissur le trône, la Mère de la patrie payerait cher le titredont l’avait décorée le Moniteur parthénopéen.

Par bonheur, chez Ferdinand, les sensations,et surtout les sensations pénibles, ne persistaient point avecopiniâtreté. Une fois qu’il eut poussé un soupir à l’adresse deSimon et un autre soupir à l’adresse d’André Backer, une fois qu’ilse fut promis la mort de la San-Felice, il se livra tout entier auxsensations complétement opposées que devaient faire naître dans sonesprit quatre jeunes et jolies religieuses, et une abbesse poussantsi loin le respect de la royauté, que les moindres désirs du roiétaient pour elle des ordres aussi sacrés que s’ils lui venaient deDieu même et lui fussent transmis par l’intermédiaire de sesanges.

Tout le monde connaissait l’ardeur du roi pourla chasse. Aussi fut-on bien étonné à Palerme lorsque, dans lanuit, arriva un courrier annonçant que Sa Majesté, s’étant trouvéeun peu fatiguée du voyage, et, ayant besoin de repos, faisait dire,non point que la chasse était contremandée, mais que le départ desautres chasseurs était retardé de quarante-huit heures. Le messagerétait chargé de rassurer les trop grandes inquiétudes que cecontre-ordre pouvait éveiller à Palerme, en disant que le médecinde la communauté n’avait conçu aucune inquiétude sur la santé duroi, mais avait seulement ordonné des bains aromatisés.

Au moment où le courrier était parti, le roiprenait son premier bain.

La chronique ne dit point si la chambre del’abbesse, comme celle du président Cardillo, était en face decelle du roi, et si, à quatre heures du matin, Ferdinand eut enviede voir quelle figure faisait une abbesse en cornette de nuit,comme il avait eu envie de voir quelle figure faisait un présidenten bonnet de coton ; elle se contente de dire que le roi restaune semaine entière au couvent ; que, pendant cinq joursconsécutifs, on chassa ; que les chasses furent aussiabondantes que dans les forêts de Persano et d’Asproni ; quele roi s’amusa fort et que les religieuses eurent toutes lesdistractions qu’elles pouvaient espérer de sa présence royale.

Le roi promit solennellement de revenir, et cene fut qu’à cette condition que les saintes colombes écartèrent,pour laisser partir Ferdinand, les ailes sous lesquelles ellesl’abritaient.

À moitié route de Caltanizette à Palerme, leroi rencontra un courrier du cardinal. Ce courrier lui apportaitune lettre dans laquelle se trouvaient tous les détails de la prisede Cotrone et des horreurs qui avaient été commises. Le cardinaldéplorait ces horreurs, s’en excusait auprès du roi et lui disaitque, la ville ayant été prise en son absence, il n’avait pu lesempêcher.

Il lui demandait aussi ce qu’il devait fairedes dix-sept Français qui se trouvaient enfermés dans la citadelleavec les patriotes calabrais.

Le roi ne voulut point tarder à exprimer toutesa satisfaction au cardinal. Une halte avait été fixée pour sondîner à Villafrati.

Sa Majesté demanda une plume et de l’encre,et, de sa propre main, répondit au cardinal la lettre suivante.

Si nous avons eu le regret de ne pouvoirmettre sous les yeux de nos lecteurs la lettre du cardinal Ruffo,nous avons, en échange, la satisfaction de pouvoir leur faire lirela réponse du roi, que nous avons traduite sur l’original lui-même,et dont nous garantissons l’authenticité.

« Villafrati, 5 avril 1799.

» Mon éminentissime, je reçois, sur laroute de Caltanizette à Palerme, votre lettre du 26 mars, danslaquelle vous me racontez toutes les affaires de cette malheureuseville de Crotone. Le sac qu’elle a subi me fait grand’peine,quoique, à vrai dire, entre nous, les habitants méritaient bien cequi leur est arrivé pour leur rébellion contre moi. C’est pourquoije vous répète que je veux qu’on ne fasse aucune miséricorde à ceuxqui se sont montrés rebelles à Dieu et à moi. Quant aux Françaisque vous avez trouvés dans la forteresse, j’expédie à l’instantl’ordre qu’ils soient immédiatement renvoyés en France, attenduqu’il faut les regarder comme une race empestée et se garantir deleur contact par l’éloignement.

» À mon tour de vous donner desnouvelles. Deux expéditions m’ont été faites par le commodoreTroubridge, une de Procida, qui m’est arrivée dimanche dernier àCaltanizetta, où j’étais en retraite, et l’autre,avant-hier. Comme personne près de moi ne savait l’anglais, je lesai immédiatement renvoyées à Palerme pour que lady Hamilton me lestraduisît. Aussitôt traduites, je vous enverrai la copie de ceslettres. J’espère que les nouvelles qu’elles contiennent et cellesque je pourrai recueillir en arrivant, et que je vous enverraiaussitôt, ne vous feront point de peine, d’après ce qu’a pucomprendre Circello, qui baragouine un peu d’anglais. Troubridgedemandait qu’on lui envoyât un juge pour juger et condamner lesrebelles. J’ai écrit à Cardillo de m’en choisir un de sa main, desorte que, s’il a exécuté mon ordre et que le juge soit partilundi, Dieu et le vent aidant, il doit, recommandation étant donnéeaudit juge de ne pas faire de cérémonie avec les accusés, il doit,dis-je, à cette heure y avoir pas mal de casicavalli defaits.

» Je vous recommande, de mon côté, monéminentissime, d’agir conformément à ce que je vous ai écrit, avecla plus grande activité. De grands coups de bâton et de petitsmorceaux de pain font de beaux enfants, comme dit le proverbenapolitain.

» Nous sommes ici dans la plus grandeanxiété, attendant des nouvelles de nos chers petits Russes. S’ilsarrivent vite, j’espère qu’en peu de temps nous ferons la noce, et,qu’avec l’aide du Seigneur, nous verrons la fin de cette mauditehistoire.

» Je suis au désespoir que le tempscontinue d’être pluvieux, attendu que la pluie doit nuire à nosopérations. J’espère qu’elle ne nuit pas à votre santé. La nôtreest bonne, Dieu merci ! et, fût-elle mauvaise, que les bonnesnouvelles que nous recevons de vous la rendraient meilleure. Que leSeigneur vous conserve et bénisse de plus en plus vos opérations,comme le désire et l’en prie indignement,

» Votre affectionné

» Ferdinand B. »

Il y a dans la lettre de Sa Majesté une phraseque nos lecteurs peu habitués à la langue italienne, ou plutôt aupatois napolitain, n’ont pas dû comprendre ; c’est celle où leroi dit, par manière de plaisanteries : Si le juge estarrivé, il doit, à cette heure, y avoir pas mal de casicavalli defaits.

Quiconque s’est promené dans les rues deNaples a vu les plafonds des marchands de fromage garnis d’uncomestible de cette espèce qui se fabrique particulièrement enCalabre. Il a la forme d’un énorme navet qui aurait une tête.

Dans une enveloppe très-dure, il contient unecertaine quantité de beurre frais, qui grâce à la suppressioncomplète de l’air, peut se maintenir frais pendant des années.

Ces fromages sont pendus par le col.

Le roi, en disant qu’il y a, il l’espère bien,pas mal de casicavallide faits, veut dire tout simplementqu’il espère qu’il y a déjà bon nombre de patriotes pendus.

Quant au proverbe royal : De grandscoups de bâton et de petits morceaux de pain font de beauxenfants, je crois qu’il n’a pas besoin d’explication. Il n’y apas de peuple qui n’ait entendu sortir de la bouche de quelqu’un deses rois un proverbe du même genre et qui n’ait fait sa révolutionpour avoir des coups de bâton moins lourds et des morceaux de painplus gros.

La première chose que demanda, en arrivant àPalerme, le roi Ferdinand, fut la traduction des lettres deTroubridge.

Cette traduction l’attendait.

Il n’eut donc qu’à la joindre à la lettrequ’il avait écrite au cardinal à Villafratri, et le même messagerput tout emporter :

À lord Nelson.

« 3 avril 1799,

» Les couleurs napolitaines flottent surtoutes les îles de Ponsa. Votre Seigneurie n’a jamais assisté àsemblable fête. Le peuple est littéralement fou de joie et demandeà cor et à cri son monarque bien-aimé. Si la noblesse étaitcomposée de gens d’honneur ou d’hommes à principes, rien ne seraitplus facile que de faire tourner l’armée du côté du roi. Ayezseulement mille braves soldats anglais, et je vous promets que leroi sera remonté sur son trône dans quarante-huit heures. Je prieVotre Seigneurie de recommander particulièrement au roi lecapitaine Cianchi. C’est un brave et hardi marin, un bon et loyalsujet, désireux de faire du bien à son pays. Si toute la flotte duroi de Naples avait été composée d’hommes comme lui, le peuple nese fût point révolté.

» J’ai à bord un brigand nommé Francesco,ex-officier napolitain. Il a ses propriétés dans l’île d’Ischia. Iltenait le commandement du fort lorsque nous nous en emparâmes. Lepeuple a mis en lambeaux son infâme habit tricolore et a arrachéses boutons, qui portaient le bonnet de la Liberté. Étant alorssans habit, il eut l’audace de revêtir son ancien uniformed’officier napolitain. Mais, tout en lui laissant l’habit, je luiai arraché les épaulettes et la cocarde, et l’ai forcé à jeter cesobjets par-dessus le bord ; après quoi, je lui fis l’honneurde le mettre aux doubles fers. Le peuple a mis en morceaux l’arbrede la Liberté et en charpie la bannière qui le surmontait ; desorte que, de cette bannière, je ne puis mettre le plus petitmorceau aux pieds de Sa Majesté. Mais, quant à l’arbre de laLiberté, je suis plus heureux : je vous en envoie deux bûches,avec les noms de ceux qui les ont données.

» J’espère que Sa Majesté en fera du feuet s’y chauffera.

» Troubridge.

» P.-S. – J’apprends à l’instantmême que Caracciolo a l’honneur de monter la garde comme simplesoldat, et qu’hier il était en sentinelle à la porte du palais. Ilsobligent tout le monde, bon gré ou mal gré, à servir.

» Vous savez que Caracciolo adonné sa démission au roi. »

Nous avons souligné dans le post-scriptum deTroubridge, ce qui a rapport à Caracciolo.

Ces deux phrases, comme on le verra plus tard,si Nelson eût eu la loyauté de produire la lettre de Troubridge,eussent pu avoir une grande influence sur l’esprit des jugeslorsqu’on fit son procès à l’amiral.

Voici la seconde lettre de Troubridge ;elle porte la date du lendemain :

« 4 avril 1799.

» Les troupes françaises montent à un peuplus de deux mille hommes.

» Elles sont ainsi distribuées :

» 300 soldats à Saint-Elme ;

» 200 au château de l’Œuf ;

» 1,400 au château Neuf ;

» 100 à Pouzzoles ;

» 30 à Baïa.

» Leurs combats à Salerne ont été suivisde grandes pertes ; pas un de leurs hommes n’est revenu sansblessures. Ils étaient 1,500.

» D’un autre côté, on dit qu’à l’attaqued’une ville nommée Andria, dans les Abruzzes, trois mille Françaisont été tués.

» Les Français et les patriotesnapolitains se querellent. Il règne entre les uns et les autres unegrande défiance. Il arrive souvent que, dans les rondes de nuit,quand l’un crie : « Qui vive ? » et que l’autrerépond : « Vive la République ! » on échangedes coups de feu.

» Votre Seigneurie voit qu’il n’est pointprudent de s’aventurer dans les rues de Naples.

» Je reçois à l’instant la nouvelle qu’unprêtre nommé Albavena prêche la révolte à Ischia. J’envoie soixanteSuisses et trois cents sujets fidèles pour lui donner la chasse.J’espère l’avoir mort ou vif dans la journée. Je prie en grâceVotre Seigneurie de demander au roi un juge honnête par le retourdu Perséus ; autrement, il me sera impossible decontinuer ainsi. Les misérables peuvent être, d’un moment àl’autre, arrachés de mes mains et être mis en morceaux par lepeuple. Pour le calmer, il faudrait, au plus vite, pendre unedouzaine de républicains. »

Troubridge venait à peine d’expédier ces deuxlettres et de perdre de vue le petit aviso grec qui les portait àPalerme, qu’il vit s’avancer vers sa frégate une balancelle venantdans la direction de Salerne.

À tout moment, il lui arrivait de la terre,des communications importantes. Aussi, après s’être assuré quec’était bien au Sea-Horse, qu’il montait, que la barqueavait affaire, il attendit qu’elle accostât le bâtiment ; cequ’elle fit après avoir répondu aux questions habituelles enpareille circonstance.

La balancelle était montée par deux hommes,dont l’un prit sur sa tête une espèce de bourriche qu’il apportasur le pont. Arrivé là, il demanda où était Son Excellence lecommodore Troubridge.

Troubridge s’avança. Il parlait un peuitalien : il put donc interroger lui-même l’homme à labourriche.

Celui-ci ne savait pas même ce qu’ilapportait. Il était chargé de remettre l’objet, quel qu’il fût, aucommodore, et d’en prendre un reçu, comme preuve que lui et soncamarade s’étaient acquittés de leur commission.

Avant de donner le reçu, Troubridge voulutsavoir ce que contenait le panier. En conséquence, il coupa lesficelles qui retenaient la paille, et, au milieu du double cerclede ses officiers et de ses matelots, attirés par la curiosité, ilplongea sa main dans la paille ; mais aussitôt il la retiraavec un mouvement de dégoût.

Toutes les lèvres s’ouvrirent pour demander ceque c’était ; mais la discipline qui règne à bord desbâtiments anglais arrêta la question sur les lèvres.

– Ouvre ce panier, dit Troubridge au matelotqui l’avait apporté, en même temps qu’il s’essuyait les doigts avecun mouchoir de batiste, comme fait Hamlet après avoir tenu dans samain le crâne d’Yorick.

Le matelot obéit, et l’on vit apparaîtred’abord une épaisse chevelure noire.

C’était le contact de cette chevelure quiavait causé au commodore la sensation de dégoût qu’il n’avait puréprimer.

Mais le marinier n’était point aussi dégoûtéque l’aristocrate capitaine. Après la chevelure, il mit à découvertle front, après le front les yeux, après les yeux le reste duvisage.

– Tiens, dit-il en la prenant par les cheveux,et en tirant hors du panier qui la contenait et dans lequel elleavait été emballée avec toute sorte de soins une tête fraîchementcoupée et reposant délicieusement sur une couche de son, – tiens,c’est la tête de don Carlo Granosio di Gaffoni.

Et, en tirant la tête de son enveloppe, il fittomber un billet.

Troubridge le ramassa. Il était justement àson adresse.

Il contenait les lignes suivantes[2] :

Au commandant de la stationanglaise.

« Salerne, 24 avril au matin.

» Monsieur,

» Comme fidèle sujet de Sa Majesté monroi Ferdinand, que Dieu garde ! j’ai la gloire de présenter àVotre Excellence la tête de don Carlo Granosio di Gaffoni, quiétait employé dans l’administration directe de l’infâme commissaireFerdinand Ruggi. Ledit Granosio a été tué par moi dans un lieuappelé les Puggi, dans le district de Ponte-Cognaro, tandis qu’ilprenait la fuite.

» Je prie Votre Excellence d’acceptercette tête et de vouloir bien considérer mon action comme unepreuve de mon attachement à la couronne.

» Je suis, avec le respect qui vous estdû,

» Le fidèle sujet du roi,

» Giuseppe Maniutio Vitella. »

– Une plume et du papier, demanda Troubridgeaprès avoir lu.

On lui apporta ce qu’il demandait.

Il écrivit en italien :

« Je soussigné reconnais avoir reçu deM. Giuseppe Maniutio Vitella, par les mains de son messager,la tête en bon état de don Carlo Granosio di Gaffoni, et m’empressede lui assurer que, par la première occasion, cette tête seraenvoyée au roi, à Palerme, qui appréciera, je n’en doute point, unpareil cadeau.

» Troubridge.

» Le 24 avril 1799, à quatre heures del’après-midi. »

Il enveloppa une guinée dans le reçu et ledonna au marinier, qui se hâta d’aller rejoindre son compagnon,moins pressé probablement de partager la guinée avec lui que de luiraconter l’événement.

Troubridge fit signe à un de ses matelots deprendre la tête par les cheveux, de la réintégrer dans le sac et deremettre la bourriche dans l’état où elle était avant d’êtreouverte.

Puis, lorsque l’opération futterminée :

– Porte cela dans ma cabine, dit-il.

Et, avec ce flegme qui n’appartient qu’auxAnglais et un mouvement d’épaules qui n’appartenait qu’àlui :

– Un gai compagnon, dit-il. Quel malheur qu’ilfaille s’en séparer !

Et, en effet, l’occasion s’étant trouvée, lelendemain, d’envoyer un bâtiment à Palerme, le précieux cadeau dedon Giuseppe Mannutio Vitella fut expédié à Sa Majesté.

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