La San-Felice – Tome IV

CXXIV – ETTORE CARAFFA

On se rappelle que le commodore Troubridge,dans sa lettre à lord Nelson, parlait de deux échecs éprouvés parles patriotes napolitains unis aux Français, l’un devant la villed’Andria, l’autre du côté de Salerne.

Cette nouvelle, dont une moitié était fausseet l’autre vraie, était la conséquence du plan arrêté, on se lerappelle, entre Manthonnet, ministre de la guerre de la République,et Championnet, général en chef des armées françaises.

On se rappelle que, depuis ce temps,Championnet avait été rappelé pour rendre compte de saconduite.

Mais, lorsque Championnet quitta Naples, lesdeux colonnes étaient déjà en route.

Comme chacune d’elles est conduite par un denos principaux personnages, nous allons les suivre, l’une dans samarche triomphale, l’autre dans ses désastres.

La plus forte de ces deux colonnes, composéede six mille Français et de mille Napolitains, avait été dirigéesur les Pouilles. Il s’agissait de reconquérir le grenier deNaples, bloqué par la flotte anglaise et presque entièrement tombéau pouvoir des bourboniens.

Les six mille Français étaient commandés parle général Duhesme, à qui nous avons vu faire des prodiges devaleur dans la campagne contre Naples, et les mille Napolitains parun des premiers personnages de cette histoire que nous avons missous les yeux de nos lecteurs, par Ettore Caraffa, comte deRuvo.

Le hasard fit que la première ville contrelaquelle la colonne franco-napolitaine dut marcher, était Andria,l’antique fief de sa famille, dont, comme l’aîné, il se trouvaitcomte.

Andria était bien fortifiée ; mais Ruvoespéra qu’une ville qui l’avait pour seigneur ne résisterait pointà sa parole. Il employa, en conséquence, tous les moyens, entamatoutes les négociations pour déterminer les habitants à adopter lesprincipes républicains. Tout fut inutile, et il vit bien qu’ilserait forcé d’employer vis-à-vis d’eux les derniers arguments desrois qui veulent rester tyrans, des peuples esclaves qui veulentdevenir libres, la poudre et le fer.

Mais, avant de s’emparer d’Andria, il fallaitoccuper San-Severo.

Les bourboniens réunis à San-Severo avaientpris le titre d’armée coalisée de la Pouille et des Abruzzes. Cetteagglomération d’hommes, qui pouvait monter à 12,000 individus, secomposait du triple élément qui formait toutes les arméessanfédistes de cette époque, c’est-à-dire des restes de l’arméeroyaliste de Mack, des forçats que le roi avait mis en libertéavant de quitter Naples[3], pour mêlerau peuple qu’il abandonnait l’effroyable dissolvant du crime, et dequelques royalistes purs qui affrontaient ce voisinage parenthousiasme de leur opinion.

Cette troupe, qui avait abandonné San-Severo,parce que la ville n’offrait point à ses défenseurs une forteposition, avait occupé une colline dont le choix dénonçait, chezles chefs qui la commandaient, quelques connaissances militaires.C’était un monticule planté de lauriers qui dominait une large etlongue plaine. L’artillerie des sanfédistes commandait tous lesdébouchés par lesquels on pouvait entrer dans la plaine, oùmanœuvrait une belle et nombreuse cavalerie.

Le 25 février, Duhesme avait laissé à Foggia,pour garder ses derrières, Broussier et Hector Caraffa, et avaitmarché sur San-Severo.

En s’approchant des bourboniens, Duhesme secontenta de leur faire dire :

– À Bovino, j’ai fait fusiller les révoltés ettrois soldats coupables de vol ; il en sera de même devous : aimez-vous mieux la paix ?

Les bourboniens répondirent :

– Et nous, nous avons fusillé lesrépublicains, les citoyens et les prêtres patriotes qui demandaientla paix ; rigueur pour rigueur : la guerre !

Le général divisa sa troupe en troisdétachements : l’un marcha sur la ville ; les deux autresenveloppèrent la colline, afin qu’aucun sanfédiste ne pûts’échapper.

Le général Forest, qui commandait un des deuxdétachements, arriva le premier. Il avait cinq cents hommes, à peuprès, sous ses ordres, tant en infanterie qu’en cavalerie.

En voyant ces cinq cents hommes et encalculant qu’ils étaient plus de douze mille, les sanfédistesfirent sonner le tocsin à San-Severo et descendirent à leurrencontre dans la plaine.

Le détachement français, en voyant cetteavalanche d’hommes descendre de la colline, se forma en batailloncarré et s’apprêta à la recevoir sur ses baïonnettes. Maisl’attaque n’avait pas encore commencé, que l’on entendit une vivefusillade qui retentissait dans San-Severo même, et que l’on vit,par une porte, déboucher les fugitifs.

C’était Duhesme en personne qui avait attaquéla ville, qui s’en était emparé et qui apparaissait du côté opposéà Forest.

Cette apparition changeait la face du combat.Les sanfédistes furent obligés de se diviser en deux troupes. Mais,au moment où ils venaient d’achever ce mouvement et où ilscommençaient le combat, la troisième colonne apparaissait d’untroisième côté et achevait d’envelopper les bourboniens.

Ceux-ci, se voyant pris dans un triangle defeu, essayèrent de regagner leur première position, imprudemmentabandonnée ; mais de trois côtes le tambour battit, et lesFrançais s’élancèrent sur les sanfédistes au pas de charge.

Dès que la terrible baïonnette put faire sonœuvre sur cette troupe massée en désordre au haut de la colline, cene fut plus un combat, ce fut une boucherie.

Duhesme avait à venger trois cents patrioteségorgés et l’insolente réponse faite à son parlementaire.

Les trompettes continuèrent de sonner, donnantle signal de l’extermination. Le carnage dura trois heures. Troismille cadavres demeurèrent sur le champ de bataille, et, troisheures après, on en eût compté le double si, tout à coup, pareillesà ces Romaines qui vinrent implorer Coriolan, un groupe de femmestenant leurs enfants par la main ne fût sorti de San-Severo et, enhabits de deuil, ne fût venu implorer la pitié des Français.

Duhesme avait juré de brûler San-Severo ;mais, à, la vue de cette grande douleur des filles, des sœurs, desmères et des épouses, Duhesme fit grâce.

Cette victoire eut un grand résultat etproduisit un grand effet. Tous les habitants du Gargano, du montTaburne et du Corvino envoyèrent des députations et donnèrent desotages en signe de soumission.

Duhesme envoya à Naples les drapeaux pris à lacavalerie. Quant aux étendards, c’était tout simplement des devantsd’autel.

San-Severo pris, il ne restait plus auxbourboniens de position importante qu’Andria et Trani.

Nous avons dit que l’expédition était partiequand Championnet était encore commandant en chef des troupesfrançaises à Naples ; nous avons assisté à son rappel et ditdans quelles conditions il avait été rappelé.

Quelques jours après le combat de San-Severo,Macdonald, ayant été nommé général en chef à la place deChampionnet, appela Duhesme près de lui.

Broussier remplaça Duhesme et eut la directiondes mouvements qui devaient s’opérer sur Andria et Trani. Il réunitaux 17e et 64e demi-brigades les grenadiersde la 76e, la 16e de dragons, six piècesd’artillerie légère, un détachement venu des Abruzzes sous lecommandement du chef de brigade Berger, et la légion napolitained’Hector Caraffa, qui brûlait de combattre à son tour, n’ayantpoint pris part aux derniers événements.

Andria et Trani avaient restauré leursfortifications, et aux vieux ouvrages qui les défendaient enavaient ajouté de nouveaux ; excepté une seule, toutes leursportes étaient murées, et, derrière chacune d’elles, on avaitcreusé un large fossé, entouré d’un large parapet ; les ruesétaient coupées et barricadées, les maisons crénelées, et lesportes de ces maisons blindées.

Le 21 mars, on marcha contre Andria. Lelendemain, au point du jour, la ville était enveloppée, et lesdragons, sous les ordres du chef de brigade Leblanc, furent placésde manière à interrompre les communications entre Andria etTrani.

Une colonne formée de deux bataillons de la17e demi-brigade et de la légion Caraffa fut chargé del’attaque de la porte Camazza, tandis que le général Broussierdevait attaquer celle de Trani, et que l’aide de camp du généralDuhesme, Ordonneau, guéri de la blessure qu’il avait reçue al’attaque de Naples, s’avançait par la porte Barra.

Nous avons dit ce qu’était Hector Caraffa,homme de guerre, général et soldat à la fois, mais plus soldat quegénéral, cœur de lion dont le champ de bataille était la véritablepatrie. Il prit non-seulement le commandement, mais la tête de sacolonne, saisit d’une main son épée nue, de l’autre la bannièrerouge, jaune et bleue, s’avança jusqu’au pied des murailles aumilieu d’une grêle de balles, prit avec une échelle la mesure durempart, la dressa sur le point dont elle atteignait le sommet, et,criant : « Qui m’aime me suive ! » il commença,comme un héros d’Homère ou du Tasse, de monter le premier àl’assaut.

La lutte fut terrible. Hector Caraffa, l’épéeaux dents, portant d’une main sa bannière, se tenant de l’autre aumontant de son échelle, gravissait, échelon par échelon, sans queles projectiles de toute espèce que l’on faisait pleuvoir sur luieussent le pouvoir de l’arrêter.

Enfin, il saisit un créneau que rien neparvint à lui faire lâcher.

Un moulinet de son épée fit un grand cerclevide autour de lui, et, au milieu de ce cercle vide, on vit HectorCaraffa plantant le premier la bannière tricolore sur les mursd’Andria.

Pendant qu’Hector Caraffa, suivi de quelqueshommes à peine, s’emparait de la muraille, et, malgré les effortsd’une troupe dix fois plus considérable que la sienne, s’ymaintenait, un obus effondrait la porte de Trani, et, par cetteouverture, les Français se ruaient dans la ville.

Mais, derrière la porte, ils trouvèrent lefossé, dans lequel ils se précipitèrent, mais qu’ils eurent combléen un instant.

Alors, s’aidant les uns les autres, lesblessés prêtant leurs épaules à ceux qui ne l’étaient pas, aveccette furie française à laquelle rien ne résiste, les soldats deBroussier franchirent le fossé, s’élancèrent dans les rues au pasde course, à travers une grêle de balles, qui partant de toutes lesmaisons, tua en quelques minutes plus de douze officiers et de centsoldats, et pénétrèrent jusqu’à la grande place, où ilss’établirent.

Hector Caraffa et sa colonne vinrent les yjoindre : Hector était ruisselant du sang des autres et dusien.

La colonne d’Ordonneau, qui n’avait pu entrerpar la porte de Barra, laquelle était murée, entendant la fusilladedans l’intérieur de la ville, en conclut que Broussier ou HectorCaraffa avaient trouvé une brèche et en avaient profité. Elle semit donc à faire au pas de course le tour de la ville, trouva laporte de Trani enfoncée et entra par la porte de Trani.

Sur la place, où se trouvaient réunies, aprèsle terrible combat que nous avons essayé de décrire, les troiscolonnes françaises et la colonne napolitaine, s’expliqua cetterage frénétique qui avait animé les habitants d’Andria, et dontnous ne donnerons qu’un seul exemple.

Douze hommes barricadés dans une maisonétaient assiégés par un bataillon entier.

Sommés trois fois de se rendre, ils refusèrenttrois fois.

On fit venir de l’artillerie et l’on fitcrouler la maison sur eux. Tous furent écrasés, mais pas un ne serendit.

Cette explication, la voici :

Un autel surmonté d’un grand crucifix étaitdressé sur la place, et, la veille du combat, le Christ, au pointdu jour, avait été trouvé tenant une lettre à la main. Cettelettre, signée : Jésus, disait que ni les bouletsni les balles des Français n’avaient de pouvoir sur les habitantsd’Andria, et annonçait un renfort considérable.

Et, en effet, pendant la soirée, quatre centshommes du corps qui se réunissait à Bitonto arrivèrent, confirmantla prédiction faite par la lettre de Jésus, et se réunirent auxassiégés ou plutôt à ceux qui devaient l’être le lendemain.

La défense, on l’a vu, fut acharnée. LesFrançais et les Napolitains laissèrent au pied des murailles trenteofficiers et deux cent cinquante sous-officiers et soldats. Deuxmille hommes, du côté des bourboniens, furent passés au fil del’épée.

Hector Caraffa fut le héros de la journée.

Le soir, il y eut conseil de guerre. HectorCaraffa, comme Brutus condamnant ses fils, vota pour la destructioncomplète de la ville et demanda qu’Audria, son fief, fût réduite encendres, auto-da-fé expiatoire et terrible.

Les chefs français combattirent cetteproposition, dont l’âpre patriotisme les effrayait ; mais lavoix de Caraffa l’emporta sur la leur : Andria fut condamnée al’incendie, et, de la même main qu’il avait dressé l’échelle contreles murailles d’Andria, Hector Caraffa porta la torche au pied deses maisons.

Restait Trani, Trani qui, loin de s’effrayerdu sort d’Andria, redoublait d’énergie et de menaces.

Broussier marcha contre elle avec sa petitearmée, diminuée de plus de cinq cents hommes par les deux combatsde San-Severo et d’Andria.

Trani était mieux fortifiée qu’Andria :elle était considérée comme le boulevard de l’insurrection et commela principale place d’armes des révoltés, ceinte d’une muraillebastionnée, protégée par un fort régulier et défendue par plus dehuit mille hommes. Ces huit mille hommes, habitués aux armes,étaient des marins, des corsaires, d’anciens soldats de l’arméenapolitaine.

Dans une autre époque et dans un temps deguerre stratégique, Trani eût peut-être obtenu les honneurs d’unsiège régulier ; mais le temps et les hommes manquaient, et ilfallait substituer les coups de main hasardeux aux combinaisonshabiles. Et cependant Trani ne laissait pas que d’inquiéter le chefde l’expédition, qui opposait à la confiance de Caraffa unegarnison de huit mille hommes commandés par d’excellents officiers,à l’abri derrière de bonnes murailles, sans compter dans le portune flottille composée de barques et de chaloupes canonnières. Maisà toutes les objections de Broussier, Hector Caraffarépondait :

– Du moment qu’il y aura une échelle assezhaute pour atteindre les murailles de Trani, je prendrai Tranicomme j’ai pris Andria.

Broussier se rendit, convaincu par cettehéroïque confiance. Il fit avancer l’armée sur trois colonnes etpar trois chemins différents pour bloquer complétement la ville.Dans la journée du 1er avril, les avant-postes s’enapprochèrent à un tir de pistolet.

La nuit vint, et on l’occupa à établirdifférentes batteries de brèche.

Ettore Caraffa demanda à ne point entrer dansles combinaisons générales et à suivre son inspiration en disposantà sa volonté de ses hommes.

La chose lui fut accordée.

Le 2 avril, au point du jour, les batteriescommencèrent à tirer du côté de Biseglia.

Quant à Hector et à ses hommes, ils avaient,bien avant le point du jour, contourné les murailles et étaientarrivés, sans reconnaître aucun endroit faible, de l’autre côté deTrani, jusque sur la plage de la mer.

Là, le comte de Ruvo s’arrêta, fit cacher seshommes, se dépouilla de ses habits et se jeta à la mer pour allerfaire une reconnaissance.

L’attaque générale était dirigée, comme nousl’avons dit, par Broussier en personne. Il s’avança avec quelquescompagnies de grenadiers, soutenues par la 64edemi-brigade, portant avec elle des fascines pour combler lesfossés et des échelles pour escalader les murs.

Les assiégés avaient deviné le projet dugénéral et s’étaient portés en masse sur la partie de la muraillemenacée par lui, de sorte qu’à peine à portée de fusil, il futassailli par une avalanche de balles qui renversa presque toute lafile de ses grenadiers et tua le capitaine au milieu de sessoldats.

Les grenadiers, étourdis par la violence dufeu et par la chute de leur capitaine, hésitèrent un instant.

Broussier ordonna de continuer de marchercontre les murailles, mit le sabre à la main et donnal’exemple.

Mais, tout à coup, on entendit une vivecanonnade du côté de la mer, et un grand trouble se manifesta chezles défenseurs des murailles.

Un de ceux-ci, coupé en deux par un boulet,tomba des créneaux dans le fossé.

D’où venaient ces boulets qui tuaient lesassiégés sur leurs propres remparts ?

De Caraffa, qui tenait sa parole.

Il était, comme nous l’avons dit, parvenujusque sur la plage, avait dépouillé ses vêtements et s’était jetéà la mer pour faire une reconnaissance.

Il avait, dans cette reconnaissance, découvertun petit fortin caché parmi les écueils, qui, n’étant point menacé,puisqu’il s’élevait du côté de la mer, lui parut mal gardé.

Il revint vers ses compagnons et demanda vingthommes de bonne volonté, tous nageurs.

Il s’en présenta quarante.

Hector leur ordonna de ne conserver que leurscaleçons, de lier leur giberne sur leur tête, de prendre leur sabreentre leurs dents, de tenir leur fusil de la main gauche, de nagerde la droite, et, en restant couverts le plus possible, des’avancer vers le fortin.

Entièrement nu, Hector leur servait de guide,les encourageant, les soutenant sous les épaules quand l’un oul’autre était fatigué.

Ils atteignirent ainsi le pied des murailles,trouvèrent un vieux mur troué, passèrent par le trou, et, sesuspendant aux aspérités de la pierre, atteignirent la crête dubastion, avant d’avoir été éventés par les sentinelles, qui furentpoignardées sans qu’elles eussent eu le temps de jeter un seulcri.

Hector et ses hommes se précipitèrent dansl’intérieur du bastion, tuèrent tout ce qui s’y trouvait,tournèrent immédiatement les canons sur la ville et firentfeu[4].

C’était le boulet sorti d’un de ces canons quiavait coupé en deux et précipité du haut des murailles le soldatbourbonien dont la mort et la chute avaient fait penser à bon droità Broussier qu’il se passait quelque chose d’extraordinaire dans laville.

En voyant venir l’attaque du côté où ilsavaient placé la défense, la mort du point même où ils attendaientleur salut, les bourboniens poussèrent de grand cris ets’élancèrent du côté d’où venaient ces nouveaux assaillants, déjàrenforcés de ceux de leurs compagnons qu’ils avaient laissés sur laplage. De leur côté, les grenadiers, sentant faiblir la défense,reprirent l’offensive, marchèrent contre la muraille, y appuyèrentles échelles et donnèrent l’assaut. Après un combat d’un quartd’heure, les Français, vainqueurs, couronnaient les murailles, etHector Caraffa, nu comme le Romulus de David, guidant sescompagnons demi-nus et tout ruisselants d’eau, s’élançait dans unedes rues de Trani ; car être maître des murailles et desbastions, ce n’était point être maître de la ville.

En effet, les maisons étaient crénelées.

Cette fois encore, le comte de Ruvo indiquapar l’exemple une autre manière d’attaque. On escalada les maisonscomme on avait fait des murailles ; on éventra les terrasses,et, par les toits, on se laissa glisser dans les intérieurs. Oncombattait en l’air d’abord, comme ces fantômes que Virgile vitannonçant la mort de César ; puis, de chambre en chambre,d’escalier en escalier, corps à corps, à la baïonnette, arme laplus familière aux Français, la plus terrible à leurs ennemis.

Après trois heures d’une lutte acharnée, lesarmes tombèrent des mains des assaillants : Trani était prise.Un conseil de guerre se réunit. Broussier inclinait à la clémence.Nu encore, couvert de poussière, tout marbré du sang ennemi et dusien, son sabre faussé et ébréché à la main, Hector Caraffa, commeun autre Brennus, jeta son avis dans la balance, et, cette foisencore, il l’emporta. Son avis était : Mort et incendie. Lesassiégés furent passés au fil de l’épée, la ville fut réduite encendres.

Les troupes françaises laissèrent Tranifumante encore. Le comte de Ruvo, comme un juge armé de lavengeance des dieux, en sortit avec eux, et avec eux sillonna laPouille, laissant sur ses pas la ruine et la dévastation, qu’àl’autre extrémité de l’Italie méridionale répandaient, de leurcôté, les soldats de Ruffo. Quand les insurgés imploraient sa pitiépour les cités rebelles : « Ai-je épargné ma propreville ? » répondait-il. Quand ils lui demandaient la vie,il leur montrait ses blessures, dont toujours quelques-unes étaientassez fraîches pour que le sang en coulât encore, et il répondaiten frappant : « Ai-je épargné ma proprevie ? »

Mais, en même temps qu’arrivait à Naples lanouvelle de la triple victoire de Duhesme, de Broussier et d’HectorCaraffa, on y apprenait la défaite de Schipani.

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