Le Cas du Docteur Plemen

Chapitre 9L’INSTRUCTION

Pendantque William Witson se livrait à l’enquête personnelle dont nousvenons de raconter sommairement les résultats, M. Baboupoursuivait son instruction avec une ardeur qu’il n’avait jamaisapportée à nulle autre affaire, si zélé qu’il fût toujours.

Très ferré sur le Code d’instructioncriminelle, il usait et abusait des droits exorbitants que luidonnait la loi.

Il commença par prendre connaissance de tousles papiers saisis par lui à la Malle et, à la lecture des lettrestrouvées dans la chambre à coucher de Mme Deblain,il bondit de joie.

Ces lettres d’amour adressées à la jeunefemme, cela ne faisait pour lui aucun doute, bien que son nom n’yfigurât point une seule fois, étaient de Barthey.

Quoique le peintre ne les eût signées qued’une sorte d’hiéroglyphe, son écriture, dont le juge d’instructions’était procuré un spécimen, était reconnaissable, et certaines deces épîtres amoureuses donnaient une force terrible àl’accusation.

« Que n’êtes-vous tout à fait libre, machère âme, avait écrit l’amant entre autres choses passionnées.Nous ne pourrons donc jamais vivre à notre guise à Paris, que vousaimez tant ! Devrai-je toujours ne vous adorer qu’en secret,toujours craindre de vous compromettre et de vous perdre ?

« Je laisse à d’autres les ambitions defortune et d’honneurs ; moi, je n’en ai qu’une seule :être éternellement aimé de vous, dont je n’ai pas besoin dereproduire les traits adorables sur la toile, tant ils sontprofondément gravés dans mon cœur. »

Il était impossible d’être plus clair :M. Deblain, c’était l’un de ces autres ambitieux de gloire etd’honneurs. La femme aimée, c’était bien celle qu’on ne pouvaitvoir que furtivement, en secret, au lieu de la posséder à Paris, àParis que Rhéa eût habité presque toujours si son mari avait étéélu député. Donc, logiquement, selon. M. Babou, le jour oùl’échec de M. Deblain était devenu certain, ce jour-là, ilavait été condamné par ceux dont il gênait les amoursadultères.

Une autre lettre, découverte, celle-là, dansle tiroir de la table de travail du peintre, n’avait pas semblémoins démonstrative au magistrat instructeur. Elle était du princede Linar, qui disait à son ami :

« Est-ce que vous ne nous reviendrez pasbientôt, cher grand artiste ? Il est vrai que si j’étais àvotre place, je ne quitterais pas votre paradis pour l’enferparisien. Que vous êtes heureux et combien je vous envie !

« Il serait d’ailleurs impossible d’avoirune plus adorable hôtesse que celle qui vous garde. Rappelez-moirespectueusement à son souvenir ainsi qu’à celui de sa toutecharmante sœur. »

Ainsi, les amis de M. Barthey eux-mêmesconnaissaient sa liaison avec Mme Deblain.

À ces deux pièces, si probantes pour lui,M. Babou s’empressa de joindre la facture du marchand decouleurs, Tronsin, facture sur laquelle figurait une quantitéconsidérable d’arséniate de cuivre et qui était datée du 10septembre, c’est-à-dire de moins de quinze jours avantl’empoisonnement du riche manufacturier de Vermel.

Est-ce que jamais accusation s’était élevéesur des bases plus solides ?

Puis le magistrat entendit les docteursMagnier et Plemen.

Le premier de ces médecins, qui n’avait jamaissoigné M. Deblain et n’était venu près de lui que pour, enquelque sorte, constater son décès, ne put que redire au juged’instruction quelle avait été son impression immédiate, enexaminant le mort.

Tout lui avait permis de croire à unesuffocation par une angine de poitrine ou à tout autre accidentnaturel. La pensée d’un crime n’était pas venue une seconde à sonesprit, sachant l’existence que menait le défunt, comment il étaitentouré et quel savant praticien lui donnait ses soins les plusaffectueux.

Ce dont M. Magnier était certain, c’estque rien surtout ne lui avait permis de supposer un empoisonnement,par des sels de cuivre du moins, ni le facies du cadavre,ni le désordre du lit, ni des traces de déjection sur les draps ousur les tapis.

La mort avait dû être foudroyante, aprèsquelques minutes à peine de lutte et peut-être quelques crisétouffés du malheureux.

Quant au docteur Plemen, après avoir maintenules conclusions de son rapport médico-légal, il affirma, avec uneconviction énergique, qu’il ne s’agissait pas d’un crime, mais d’unaccident, et que c’était de ce côté que devaient se porter lesrecherches de l’instruction.

Malheureusement, nous l’avons vu, l’opinion deM. Babou était fixée, grâce aux lettres de Félix Barthey et àla découverte de l’arséniate de cuivre.

Aussi répondit-il au savant toxicologue, avecun sourire ironique :

– Oh ! sur ce point, j’en sais plusque vous, malgré toute votre science, à moins que vous ne voussoyez trompé.

Est-ce que cela est possible, hélas !

Après avoir lancé cette exclamation avec uninexprimable accent de douleur, Plemen se retira désespéré, pendantque le magistrat entêté se disait :

– Pauvre docteur ! sa situation est,en effet, bien pénible. Livrer à la justice une ancienne maîtresse,qu’on aime peut-être encore, il y a là de quoi troubler plussceptique que lui ! Comme il nous aurait joués touspar-dessous la jambe, s’il avait pu prévoir qui je soupçonnais.Allons, décidément, je ne suis pas un sot !

Ces premières dépositions reçues et aprèss’être informé des relations des prévenus, le juge d’instructionavait dressé une liste interminable de témoins à entendre et envoyédes commissions rogatoires à Paris. Pour un rien, s’il l’eût osé,il aurait expédié des agents spéciaux en Amérique.

Il avait ensuite fait dresser un plan, non dupremier étage de l’hôtel Deblain, ce qui se serait compris, mais dela maison tout entière, sans souci des frais considérables que celacoûtait. Peu lui importait, puisque ces frais devaient être à lacharge de ceux qu’il regardait déjà comme condamnés.

Quand le moment de faire comparaître lestémoins fut venu, ce furent d’abord les domestiques des Deblain quidéfilèrent devant M. Babou ; mais leurs dépositions seressemblèrent toutes, à peu près.

Mme Deblain avait toujours étépour eux une maîtresse douce, bonne, généreuse ; jamais ilsn’avaient entendu, entre elle et son mari, la plus légèrediscussion. Les époux vivaient dans le meilleur accord ; aucund’eux ne se souvenait du moindre fait de nature à permettre desupposer que la jeune femme imposait ses volontés et queM. Deblain la blâmait de quoi que ce fût. Ils avaient toujoursvu leur maître heureux et gai, sauf dans les deux derniers mois desa vie, lorsqu’il avait commencé à s’occuper de politique. Sa femmes’était constamment montrée remplie de prévenances et d’égards pourlui.

Interrogés sur la liaison coupable queMme Deblain devait avoir eue, d’abord avec ledocteur Plemen et ensuite avec M. Barthey, ces gensrépondirent qu’ils n’avaient jamais rien surpris de semblable.

Si la jeune femme, ainsi que n’hésitèrent pasà le reconnaître les époux Ternier, les concierges de la Malle,passait parfois la nuit à la campagne, alors que son mari couchaiten ville, cela n’était arrivé que quandMme Gould-Parker était au château. M. Deblainn’avait jamais fait, à ce sujet, la moindre observation. Bien aucontraire, il était le premier à conseiller à sa femme de tenir leplus souvent possible compagnie à sa sœur, dont la santé laissaitbeaucoup à désirer et que la prolongation de l’absence de son marisemblait affecter de plus en plus.

M. Babou n’obtint pas de renseignementsplus satisfaisants de Pauline, la femme de chambre deMme Deblain.

Il eut beau la questionner pendant des heuresentières, la menacer de la faire arrêter, lui dire sévèrement queson silence l’autorisait à supposer qu’elle était la complice de samaîtresse, qu’elle en savait certainement plus qu’elle ne voulaiten avouer, cette fille répondit toujours sur le même ton :

– Madame aimait le plaisir et le luxe,mais c’est une honnête femme ; elle n’avait avecM. Barthey que des relations de camaraderie ; jamais cejeune homme n’a pris aucune familiarité avec elle. Il m’est arrivévingt fois, ainsi d’ailleurs qu’à tout le monde, d’entrer sans êtreappelée dans l’atelier où M. Félix faisait le portrait demadame, et jamais ma présence ou celle des autres domestiques n’aparu la contrarier.

Interrogée sur ce queMme Deblain avait fait dans la soirée du 22septembre, la brave fille ajouta :

– J’étais un peu malade ce soir-là etmadame m’avait forcée de remonter dans ma chambre aussitôt après ledîner. Je ne l’ai revue que le lendemain matin, lorsque je suisentrée chez elle pour lui annoncer l’événement. Une seule chose m’afrappée : son désespoir.

– Les portes des cabinets de toilette quiséparent la chambre de M. Deblain de celle de sa femmeétaient-elles restées ouvertes ? demanda M. Babou.

– Je n’en sais rien, puisque je n’ai pasaidé, ce jour-là, madame à se mettre au lit.

– C’était votre habitude ?

– Certainement, je ne me retirais quequand madame n’avait plus besoin de moi.

– Oui, mais, ce soir-là, le 22 septembre,elle vous a renvoyée plus tôt que d’ordinaire !

Et dix fois, vingt fois, le juge d’instructionadressa les mêmes questions à Pauline, mais pour en recevoir lesmêmes réponses.

Quant à Pierre, le valet de chambre, il avaitaccompagné son maître chez lui, vers dix heures, laissantMme Deblain et le docteur au fumoir, et il s’étaitretiré après avoir fait son service. M. Deblain, qui s’étaitcouché immédiatement, lui avait fait mettre à la portée de sa mainla potion qu’il prenait tous les soirs depuis quelque temps et leflacon où il puisait lui-même pour se faire une piqûre de morphine.Il était très agité et se plaignait de fortes douleurs dansl’estomac ainsi qu’à la tête.

Le lendemain matin, vers huit heures et demie,lorsqu’il était entré doucement dans la chambre de son maître, pourvoir s’il dormait, Pierre l’avait trouvé inanimé. Alors, sans rienexaminer de l’état dans lequel était le lit, saisi d’horreur etd’épouvante, il n’avait fait qu’un bond jusqu’au rez-de-chaussée,en appelant au secours.

De tout ce dont on accusaitMme Deblain, le pauvre garçon ne savait rien, sonservice le retenant constamment auprès de son maître. Il ne voyaitguère la maîtresse de la maison qu’aux heures des repas ; maisce qu’il pouvait jurer, c’est que jamais il n’avait entenduM. Deblain se plaindre de sa femme.

M. Babou n’en apprit pas davantage desautres domestiques. Jamais il n’avait rencontré des serviteursaussi discrets, aussi respectueux pour leurs maîtres.

Le cocher Dumont affirma queMme Deblain n’était pas une seule fois revenueseule de la Malle avec M. Barthey, en voiture fermée. Lorsquele peintre et la jeune femme faisaient cette route ensemble,c’était toujours dans une victoria ou en phaéton que la jeune femmeconduisait elle-même.

Il ne fut pas plus heureux avec le prince deLinar, ni avec le marchand de couleurs, M. Tronsin, qu’ilavait fait interroger tous deux à Paris par commissionrogatoire.

Le prince repoussa énergiquement le sens qu’ondonnait à sa correspondance avec son ami Barthey. Il n’avait pasvoulu dire que le peintre fût retenu à la Malle par une passionsatisfaite, mais seulement par le plaisir qu’il trouvait à vivrelà, près de deux femmes charmantes, qu’il jugeait, lui, dignes detous les respects.

Quant au marchand de couleurs, il necomprenait rien à tout ce qui se passait. Il avait envoyé àM. Barthey de l’arséniate de cuivre avec autant d’indifférencequ’il lui aurait fait parvenir tout autre produit. C’était lapremière fois, il est vrai, que M. Barthey lui avait demandéde l’arséniate de cuivre, mais cette commande ne l’avait en riensurpris ; il lui était arrivé souvent d’en livrer à d’autresartistes qui, demeurés dans les vieilles traditions, broienteux-mêmes leurs couleurs.

En faisant saisir à l’hôtel Deblain lesustensiles en cuivre de la cuisine, le juge d’instruction s’étaitimaginé qu’il trouverait là quelques indices de nature à expliquerla possession de sels de cuivre par Mme Deblain, etl’étamage récent auquel avaient été soumis ces ustensiles lui avaittout d’abord semblé un commencement de preuve à l’appui de sonhypothèse ; mais la découverte d’arséniate de cuivre chezBarthey lui avait fait ensuite abandonner ce point spécial de sesinvestigations.

Néanmoins, par acquit de conscience et parcequ’il ne voulait rien négliger, il interrogea à ce sujet Nicolas,le maître d’hôtel, qui lui répondit :

– Madame n’est jamais entrée dans lacuisine. Après la mort de monsieur, j’ai pris sur moi de tout fairemettre en état, puisque nous quittions la ville pour nous installerà la campagne.

Et comme le quincaillier auquel avaient étélivrés tous ces objets affirma qu’aucun d’eux ne portait de tracesde vert de gris ni de grattage, au moment où ils lui avaient étéconfiés, M. Babou s’applaudit doublement d’avoir mis la mainsur le poison dont les assassins s’étaient bien évidemment servis,car il avait le sentiment inconscient du ridicule de ses premièressuppositions.

Le seul témoin qui vint réellement en aide aumagistrat, ce fut Mme Dusortois.

Ah ! celle-là ne se fit pas prier, elleen raconta dix fois plus qu’il n’en fallait pour que la culpabilitéde sa nièce devint indiscutable.

Selon cette excellente parente, tout ce quiétait arrivé, elle l’avait prévu dès les premiers mois de mariagede son pauvre neveu. Deblain était d’une faiblesse extrême ;sa femme le dominait complètement ; il n’osait lui résister.C’est ainsi que cette étrangère avait séparé son mari de toute safamille et s’était fait donner sa fortune entière partestament.

Que de fois, elle avait surpris Raymondnerveux, fatigué, désespéré de l’existence folle de sa femme !Que de fois, il avait été sur le point de tout lui dire, à elle, lasœur de sa mère ! Mais l’Américaine l’effrayait, il en avaitpeur. Il n’osait pas non plus faire ses confidences à son amiPlemen, non seulement parce qu’il craignait que celui-ci ne semoquât de lui, mais aussi peut-être parce qu’il soupçonnait lesrapports qui existaient entre Rhéa et lui.

– C’est précisément pour en finir avecces soupçons et s’étourdir, ajouta un jourMme Dusortois, que Deblain se lança dans lapolitique. S’il était nommé député, comme il l’espérait, ilenlèverait sa femme à l’influence du docteur, car il ne reviendraitque rarement en province. Il ignorait bien certainement alors queM. Barthey avait remplacé M. Plemen dans le cœur de Rhéa,et il ne se doutait guère qu’en quittant Vermel, il agirait toutsimplement selon les désirs de celle qui le trompait, et lalivrerait lui-même à l’homme qu’elle aimait. Le malheureux étaitaveugle !

Au cours d’une autre déposition, la misérabletante raconta les impressions qu’elle avait ressenties le matin où,avertie de la mort de son neveu, elle était accourue à l’hôtel.

– En entrant dans la chambre de Raymond,dit-elle, lorsque je le vis inanimé, ayant, depuis longtemps déjà,rendu le dernier soupir, j’éprouvai d’abord une grande douleur,puis, à cette douleur se joignit aussitôt un profond désespoir. Nonseulement il avait succombé seul, sans une main amie pour luifermer les yeux, mais encore il n’avait pas reçu les secours de lareligion. Cette pensée m’était si pénible qu’elle me conduisitimmédiatement à me demander comment il pouvait se faire que safemme ne l’eût pas entendu se plaindre, car bien certainement ilavait appelé à son secours. On pouvait encore lire sur son visageune horrible expression de souffrance, et, bien que tout eût étédéjà rangé dans sa chambre, il régnait néanmoins un certaindésordre autour de son lit. Je me suis empressée alors de passerchez Mme Deblain. Elle pleurait, mais il ne mesembla point qu’elle eût un aussi grand chagrin qu’elle le voulaitexprimer, et quand je lui demandai comment les plaintes de Raymondne l’avaient pas réveillée, ses réponses furent embarrassées. Decela j’ai gardé fidèlement la mémoire.

Ce qu’il y avait de terrible dans tous cesdétails donnés par Mme Dusortois, c’est quecelle-ci était d’aussi bonne foi que peut l’être une personneaveuglée par la haine ; c’est qu’elle était absolumentconvaincue.

Par conséquent, M. Babou ne douta pas uninstant de tout ce qu’il plut à la terrible parente de luiraconter ; c’est surtout sur ses dépositions que l’accusations’affermit, et elles donnèrent au magistrat l’idée de faire uneexpérience d’acoustique pour s’assurer siMme Deblain avait pu réellement ne pas entendre sonmari.

Dans ce but, en compagnie du procureur de laRépublique, il se transporta un matin à l’hôtel du boulevardThiers, avec son greffier, et là, en présence des domestiques de lamaison, il fit coucher le greffier dans le lit de M. Deblain,avec ordre de se débattre, de pousser des gémissements et même descris, pendant que lui, enfermé dans la chambre à coucher del’épouse coupable, il se rendrait compte de la façon dont cesbruits divers pouvaient parvenir d’un appartement dans l’autre, àtravers les deux cabinets de toilette qui les séparaient.

L’épreuve fut décisive : le juged’instruction perçut distinctement les moindres plaintes de sonscribe. Cependant on était en plein jour.

Comment admettre alors que, dans le silence dela nuit, M. Deblain avait appelé à son aide sans que sa femmel’entendît.

Sur ce point spécial, il n’était pas permis deconserver l’ombre d’un doute. Si Mme Deblainn’était pas venue au secours de celui qui mourait, à quelques pasd’elle, dans d’atroces douleurs, c’est qu’il lui avait convenu des’abstenir, soit par cruauté, soit par terreur, parce qu’ellen’avait osé affronter les derniers regards de sa victime.

Ce fut également l’opinion de M. Duret,et le procès-verbal de cette terrible constatation vint encoreaugmenter la série des preuves qui s’accumulaient contre les deuxcomplices.

Toutes ces opérations terminées, son dossiermis en ordre et n’ayant plus qu’à rédiger ses conclusions tendantau renvoi des prévenus en cour d’assises par la chambre des misesen accusation, M. Babou voulut bien enfin autoriserMme Deblain et Félix Barthey à communiquer avecleurs conseils et à recevoir la visite de leurs parents.

Il y avait près d’un mois que la jeune femmeet le peintre étaient au secret, et déjà quinze jours queM. Panton, le révérend Jonathan et M. Armand Bartheyétaient arrivés à Vermel, où l’opinion publique était toujoursviolemment surexcitée.

Si muet qu’eût été M. Babou, certainsépisodes de son instruction étaient connus. On savait, entre autreschoses, que la veuve de Raymond, après avoir comparu une seule foisdevant lui, avait refusé de revenir à son cabinet et même de luirépondre, lorsqu’il s’était présenté à la prison des Carmes pourl’interroger.

On n’ignorait pas non plus que M. FélixBarthey avait à peu près agi de la même façon, et le dossier dumagistrat instructeur étant ainsi forcément incomplet, en ce quitouchait les interrogatoires, on en préjugeait logiquement que lesdébats donneraient lieu à des révélations inattendues.

On n’en trouvait pas moins que M. Babouavait été bien dur et bien sévère en isolant aussi longtempsMme Deblain.

Il lui avait à peine permis de recevoirquelques lignes de son père et de lui répondre, à la conditionqu’il prendrait connaissance de ces lettres avant qu’elles fussentremises à leurs destinataires.

Profondément humiliée de cette mesure, lajeune femme n’avait jamais adressé à M. Panton et àMme Gould-Parker que quelques mots chaque matin,pour leur donner de ses nouvelles et les assurer de satendresse.

Quant à l’Américain, il était à bout depatience ; il ne parlait de rien moins que d’étrangler tout leparquet de Vermel, lorsqu’il reçut enfin l’autorisation de voir sonenfant.

Le gros Elias, accompagné seulement durévérend, car sa fille aînée était allée passer quarante-huitheures à Paris, ne fit qu’un bond de l’hôtel du Lion-d’Orà la prison des Carmes. Il est aisé de comprendre ce que fut lapremière entrevue de ce père indigné avec sa fille prisonnière.

Le brave Panton, qui, nous le savons, n’étaitrien moins qu’expansif, éclata en sanglots lorsque la jeune femmese jeta dans ses bras ; puis, couvrant de baisers son visageamaigri, il la garda contre son cœur en murmurant :

– Rhéa ! ma petite Rhéa !Oh ! les misérables ! les coquins ! T’emprisonner,t’accuser, toi !

Jamais le Yankee n’avait senti à ce pointcombien sa fille lui était chère.

Il l’éloignait un peu de lui, mais à lalongueur des bras seulement, pour lire sur ses traits fatiguéstoutes les souffrances qu’elle supportait depuis un mois ;puis il la ramenait de nouveau sur sa poitrine, ens’écriant :

– Voyez donc, Thompson, dans quel étatils l’ont mise ! Ah ! les sauvages, les Sioux, lesPeaux-Rouges ! Je les tuerai tous, les lâches !

La veuve de Raymond répondait à son père parmille caresses.

Quant au révérend, dont l’émotion étaitprofonde, car il aimait réellement sa nièce, il pouvait à peineprononcer une parole. Il se contentait de murmurer, en levant lesyeux au ciel :

– Le Très-Haut est avec nous, il saurabien séparer l’ivraie du bon grain !

Master Panton finit enfin par céder auxprières de Rhéa, qui, le voyant un peu maître de lui-même, luiraconta tout ce qui s’était passé depuis le moment de sonarrestation. Elle termina ce triste récit en disant :

– Soyez sans crainte, il ne me sera pasdifficile de prouver mon innocence, et bientôt nous retourneronstous ensemble à Philadelphie, auprès de ma bonne mère, que jen’aurais jamais dû quitter. Je verrai aujourd’huiMe Langerol. C’est un des premiers avocats de laville ; j’étais fort liée avec sa femme, qui estcharmante ; je l’ai choisi pour défenseur.

– Tu en as encore un autre, fitElias.

– Qui donc ?

– Un de mes anciens amis de là-bas, donttu te souviens peut-être : le docteur Maxwell, qui a disparusi subitement jadis.

– Stephan Maxwell ! Je crois bienque je me souviens de lui. Comment est-il à Vermel ?

– Uniquement à cause de toi. Il estaccouru de Paris dès qu’il a su ce qui se passait ici. Quant auxmotifs de sa longue disparition, on ne les connaît pas.

– Je vais le voir ?

– S’il n’est pas venu ce matin avec nous,c’est par discrétion ; mais je suis sûr de lui, il n’a pasperdu son temps. Ah ! les gredins ! Te tenir ainsiprisonnière, dans celle horrible chambre, privée de tout ! Ilssont donc fous, ces gens-là !

Le gros Panton, pris d’un nouvel accès decolère, parcourait de ses regards furieux cette pièce sordide, oùson enfant était condamnée à vivre pendant plusieurs semainesencore.

Il ne fallut rien moins que de nouveauxbaisers de sa fille pour le calmer, car les exhortations de sonbeau-frère Jonathan à la patience le mettaient au contraire hors delui.

Au même instant, Félix Barthey recevait lavisite de son frère et de l’un de ses amis de Paris,Me Leblanc, l’un des jeunes maîtres les plus connusdu barreau de la grande ville.

Depuis l’arrestation du peintre, il se tenaità sa disposition, ayant compris de suite qu’il n’y avait, dans laterrible aventure dont l’artiste parisien était la victime, qu’unestupide erreur.

Prévenu, par dépêche, que le prisonnier deM. Babou pouvait enfin communiquer avec ses parents et sesconseils, Me Leblanc n’avait pas perdu une secondepour se rendre à Vermel. Il y était arrivé juste à temps pouraccompagner M. Armand Barthey à la maison d’arrêt desCarmes.

Georges Leblanc avait, à cette époque,trente-cinq ans à peine, mais il était déjà presque célèbre, silourd que fût à porter le nom illustre que lui avait laissé sonpère, le plus grand avocat criminel du siècle. Le jeune maîtreétait un de ces Parisiens de race, qui savent faire marcher defront les travaux sérieux et les distractions mondaines.

De taille moyenne, blond, élégant, distingué,très lancé dans la haute société, familier avec toutes lesillustrations de l’époque, de relations sûres, il était àl’occasion publiciste politique de premier ordre ou romancierrempli d’humour.

Devant la justice, il devenait un adversaireredoutable. On ne craignait pas moins sa logique que ses répartiessanglantes comme un coup de fouet de Juvénal. Barthey et luiétaient liés depuis près de dix ans. Ils avaient fait ensemble,pour ainsi dire, leurs débuts à Paris. Ils savaient ce qu’ilsvalaient l’un et l’autre.

Aussi le peintre, qui avait compté sur lejeune avocat, le reçut-il comme un ami impatiemment attendu. Il luisuffit de quelques mots pour le mettre au courant des choses.Me Leblanc avait en quelque sorte tout deviné.

– Il n’est pas moins vrai, répondit-il àl’artiste, que te voilà accusé d’empoisonnement. C’est idiot, maistout est grave en semblable matière, surtout lorsqu’on professeainsi que toi, et que moi, des opinions politiques qui transformentaisément, sans même qu’ils s’en doutent, les juges les plushonnêtes en ennemis irréconciliables. Je dois une visite à cesmessieurs, c’est l’usage ; je la leur rendrai demain et sauraide suite à quels hommes nous avons affaire. J’ai acceptél’hospitalité de mon charmant confrère,Me Langerol, le défenseur deMme Deblain. Nous aurons dans les vingt-quatreheures communication du dossier et l’étudierons ensemble. Pauvrepetite femme, ce qui se passe est autrement douloureux pour elleque pour toi !

Quant à M. Armand Barthey, il s’étaitcontenté d’embrasser son frère qu’il devait désormais visiter tousles jours. Moins encore que personne, il n’avait jamais douté del’innocence de celui qui portait le même nom que lui.

Le soir même, Georges Leblanc fut mis enrapport avec William Witson, que M. Panton avait présenté àMe Langerol, car ce dernier s’était empressé derendre visite au père de Mme Deblain, aussitôtqu’il avait été informé de son arrivée à Vermel, et tous ces amiset défenseurs des prisonniers se préparèrent à lutter contreM. Babou.

Le lendemain, Mme Gould-Parkerrevint de Paris et courut à la prison. L’entrevue des deux sœursfut touchante. Tendrement enlacées, elles demeurèrent pendant delongs instants sans pouvoir prononcer un seul mot, n’échangeant quedes soupirs et des baisers.

Rhéa, la première, revint au calme pour diretout à coup à Jenny :

– As-tu été appelée chez le juged’instruction ?

– Non, et j’en suis fort surprise. Dixfois, vingt fois, j’ai voulu aller le trouver ; maisMe Langerol s’y est énergiquement opposé.

– Dieu soit loué ! Alors,écoute-moi ; écoute-moi attentivement, pour ne pas oublier lamoindre de mes paroles.

– Parle ! parle ! Tum’épouvantes !

– Tu m’aimes toujours bien ?

– Si je t’aime !… Oh ! machérie !

La jeune femme saisit de nouveau sa sœur entreses bras.

Mme Deblain se dégageadoucement de cette affectueuse étreinte et reprit :

– Tu sais qu’on a saisi chez moi leslettres que tu m’avais confiées. Or, le juge d’instruction lesprétend écrites par M. Barthey et y voit la preuve que cebrave garçon est mon complice.

– Cela est affreux, je dois dire lavérité ! Il faut qu’on sache que ces lettresm’appartiennent.

– Moi, je ne le veux pas, ou plutôt je tesupplie de garder le silence, non seulement à propos de ceslettres, mais même s’il t’est jamais adressé quelque question, quece soit à l’égard de mon existence à la Malle, des excursions quej’y faisais, des motifs qui m’y amenaient. Jure-moi de répondretoujours : « Je ne sais rien. »

– Si mon silence allait te compromettre,te perdre !

– Il y a des choses qui doivent demeurersecrètes entre nous. Un mot de toi, un seul, serait peut-être plusimprudent que ton refus de parler. On donnerait à tes paroles uneinterprétation dangereuse pour nous deux. Ma Jenny bien-aimée,promets-moi, sur la vie de notre bonne mère, de m’obéiraveuglément.

– Explique-moi au moins…

– Non ! Si on te demande, et celaqui que ce soit, fût-ce même notre père : « Votre sœuravait-elle un amant, cet amant n’était-il pas M. FélixBarthey ? » contente-toi de répondre : « Je nele crois pas, rien ne m’a jamais permis de le supposer. » Sion te pose cette question : « Mme Deblainest-elle venue à la Malle dans la soirée du 22 septembre, ya-t-elle passé la nuit ? » Dis seulement : « Àcette époque, j’étais très souffrante et il est arrivé plusieursfois à ma sœur de ne pas rentrer en ville ou de venir me rejoindrele soir, mais je ne puis me souvenir si cela lui est arrivé à telleou telle date. »

– Rhéa ! ma chère Rhéa !

Mme Gould-Parker s’étaitlaissée tomber sur un siège. Le visage voilé de ses deux mains,elle sanglotait.

La veuve de Raymond se mit à ses genoux,l’entoura tendrement de ses bras, but en quelque sorte ses larmesdans ses baisers et lui dit :

– D’ailleurs, maintenant, on net’interrogera pas ; on l’eût fait déjà depuis longtemps. Si tuas toujours pour moi la même affection, jure-moi de m’obéir.

– Tu le veux ?

– Je t’en supplie, pour ton bonheur etpour le mien.

– Eh bien ! soit ! il en serafait ainsi que tu l’ordonnes, je te le jure ! Tu sais biencependant que je suis prête à donner pour toi mon honneur et mavie !

– Ah ! merci, merci ! L’heurede comparaître devant mes juges peut maintenant sonner ; elleme trouvera forte et sans peur.

Les deux filles d’Elias Panton, unies par cepacte mystérieux, le scellèrent d’un dernier baiser.

Moins de huit jours plus tard,Mes Langerol et Leblanc avaient vu tous les témoinscités par le juge d’instruction, moinsMme Dusortois, et leur enquête était terminée.

Ils firent alors savoir immédiatement au chefdu parquet qu’ils avaient choisi comme médecin expertM. Stephan Maxwell, docteur de la Faculté de Paris, et qu’ilsdemandaient, conformément à la loi, que la partie réservée desorganes examinés par le docteur Plemen fût mise à la disposition deson confrère, afin que celui-ci pût se livrer à unecontre-expertise, s’il la jugeait nécessaire.

Cette requête des défenseurs deMme Deblain et de Félix Barthey fit hausser lesépaules à M. Babou.

Douter de la science du docteur Plemen,vouloir contrôler son examen, discuter son rapport médico-légal,c’était là, pour le juge d’instruction, le comble del’outrecuidance et, en quelque sorte, une preuve nouvelle que lesconseils des prévenus ne savaient comment s’y prendre pour luttercontre l’instruction.

Néanmoins il donna l’ordre au commissaire depolice, M. Berton, de satisfaire à la demande de la défense.Il apprit alors que cela allait nécessiter une exhumation nouvelle,car non seulement le docteur Plemen avait omis de faire deux partsdes fractions d’organes enlevées par lui au cadavre de la victimeet c’était la totalité de ces fractions qu’il avait soumise à sonanalyse chimique, mais on n’avait pas même suivi les prescriptionsaccoutumées, ordonnant de replacer le corps dans une bière scelléequi doit rester à la disposition de la justice.

Certainement il y avait là un oubli fâcheux dela part du grand praticien de Vermel ; mais M. Babou nesongea pas un instant à l’en rendre responsable. Jamais, dans lescauses criminelles précédentes, et cela depuis une dizained’années, une contre-expertise n’avait été demandée.

Le commissaire de police fut donc obligé deprocéder à une seconde exhumation ; le corps du malheureuxépoux de Rhéa sortit une seconde fois de sa bière et fut étendu denouveau sur la table de marbre de la salle d’autopsie, pour êtreexaminé par le docteur Maxwell, auquel, sous le prétexte qu’ilétait étranger, le juge d’instruction imposa le concours,c’est-à-dire la surveillance du docteur Magnier.

Mais M. Magnier était aussi galant hommeque médecin de valeur. Il ne lui fallut que quelques instants deconversation avec Maxwell pour comprendre qu’il avait affaire à unconfrère du plus haut mérite, et ils furent immédiatementd’accord.

Par déférence et aussi par ironie contre sesadversaires, M. Babou avait informé le docteur Plemen de cequi se passait, car l’ancien ami de Raymond ne sortait plus de chezlui que pour visiter ses malades. Il avait même, pour raisons desanté, abandonné momentanément la direction de l’hôpital. Il secontenta de répondre au magistrat :

– La défense use de son droit ; sil’expert qu’elle a choisi peut prouver que j’ai commis une erreur,personne n’en sera plus heureux que moi.

Ces quelques mots avaient exaspéré le jugeinstructeur, dont l’orgueil professionnel était déjà dans uninexprimable état de surexcitation.

Depuis un mois, il avait été fait, près delui, une foule de démarches dans l’intérêt de ceux qu’il croyaitcoupables.

Le général Sauvière, auquel Félix Bartheydevait sa médaille militaire, était venu lui-même chezM. Babou, et, dans sa rudesse loyale de soldat, il lui avaitdit qu’il était prêt à répondre du peintre sur son proprehonneur.

Les gens les plus considérables de Paris luiavaient écrit dans le même sens. Le premier secrétaire del’ambassade américaine, ami du colonel Gould-Parker, avait faitplusieurs fois le voyage de Paris pour voirMme Deblain et les membres du parquet, et, de laChancellerie, on avait recommandé de nouveau au procureur généralde mener cette affaire avec la plus grande circonspection, de nemarcher en quelque sorte qu’à coup sûr.

Mais au lieu de troubler la conscience du juged’instruction, toutes ces marques de sympathie pour les prévenusavaient eu un résultat diamétralement opposé.

Devant les dénégations des autres, saconviction s’était faite plus profonde, et il hâta si bien leschoses, il mena à ce point le procureur général – carM. Duret, le procureur de la République, s’était effacé, ainsid’ailleurs que le premier président – que bientôt le dossier del’affaire fut remis à la chambre des mises en accusation ; etmoins de huit jours plus tard, conformément aux conclusions deM. Lachaussée, cette chambre rendit un arrêt qui renvoyait encour d’assises, sous l’accusation d’empoisonnement, Rhéa Deblain etFélix Barthey.

Cette terrible nouvelle, qui atterra le braveElias Panton, le révérend Jonathan etMme Gould-Parker, ne surprit ni la jeune femme nile peintre.

Mes Langerol et Leblanc neleur avaient pas fait espérer un seul instant que M. Babouconclurait à une ordonnance de non-lieu.

Il s’était trop avancé, non pas pour ne pointrevenir en arrière, si sa conscience le lui avait commandé, – nousl’avons dit, ce n’était pas un malhonnête homme, – mais pour voirnettement les choses.

Sans s’en rendre compte, sans se l’avouer, ilpensait son honneur engagé ; et sa femme lui disait tropsouvent, depuis les débuts de l’affaire : « Jérôme, tutiens ta présidence de chambre entre les mains ! » pourqu’il ne demeurât pas absolument convaincu de son coup d’œil, de sahaute intelligence et du dénouement selon ses vues de ce dramejudiciaire, dont il avait, avec tant d’indépendance et sihabilement, dénoué tous les fils. Il le pensait, du moins.

Quant au docteur Maxwell, après avoir étudiéle rapport médico-légal de son confrère Plemen et terminé sonanalyse chimique, il avait dit à Mes Langerol etLeblanc :

– Le parquet de Vermel ne se doute pasdes surprises que je lui réserve.

Il s’était transporté ensuite à la maison desCarmes, où, en embrassant la pauvre Rhéa et en serrant les mains del’artiste, il leur avait juré que toute cette horrible aventure seterminerait à la confusion de leurs accusateurs.

L’affaire était inscrite au rôle pour la finde la seconde quinzaine de décembre.

L’heure de la flétrissure ou de laréhabilitation allait enfin sonner pour ces deux infortunés quisubissaient, depuis près de trois mois, les tortures morales de ladétention préventive.

Conformément aux usages, la veille del’ouverture des débats, M. le conseiller de la Marnière,président des assises pour la session, interrogea successivementles deux accusés. Il ne sortit pas moins ému de la cellule deMme Deblain que de celle de M. Barthey.

– Triste et mystérieuse affaire !murmura l’éminent magistrat en rentrant chez lui ; si cesmalheureux sont innocents, comme je le crois, je ferai mon devoiret tenterai du moins de sauver la dignité de la justice, siimprudemment compromise.

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