Le Meneur de loups

XIV. Une noce de village.

À peine Thibault eut-il fait cinq cents pasdans la forêt, qu’il se trouva au milieu de ses loups.

Il eut plaisir à les revoir.

Il ralentit sa course.

Il les appela.

Les loups se pressèrent autour de lui.

Thibault les caressa comme un pasteur fait deses brebis, comme un piqueur fait de ses chiens.

C’était son troupeau, c’était sa meute.

Troupeau aux yeux flamboyants, meute auxregards de flamme.

Au-dessus de sa tête, dans les branchessèches, sautillaient sans bruit ou voletaient en silence leschats-huants aux houhoulements plaintifs, et les chouettes aux crisfunèbres.

Et dans les branches, comme des charbonsailés, on voyait scintiller les yeux des oiseaux de nuit.

Thibault semblait être le centre d’un cercleinfernal.

De même que les loups venaient, en lecaressant, se coucher à ses pieds, de même les hiboux et leschouettes semblaient attirés vers lui.

Les hiboux effleuraient ses cheveux du bout deleurs ailes silencieuses.

Les chouettes venaient se percher sur sonépaule.

– Ah ! ah ! murmura Thibault,je ne suis donc pas l’ennemi de toute la création : si leshommes me détestent, les animaux m’aiment.

Thibault oubliait quel rang tenaient, dans lachaîne des êtres créés, les animaux qui l’aimaient.

Il ne songeait plus que ces animaux quil’aimaient étaient les animaux qui haïssent l’homme et que l’hommemaudit.

Il ne réfléchissait pas que ces animauxl’aimaient parce qu’il était devenu, parmi les hommes, ce qu’ilsétaient, eux, parmi les animaux :

Une créature de nuit !

Un homme de proie !

Avec la réunion de tous ces animaux, Thibaultne pouvait pas faire un atome de bien.

Mais, en échange, il pouvait faire beaucoup demal.

Thibault sourit au mal qu’il pouvaitfaire.

Il était à une lieue encore de sacabane : il se sentait fatigué. Il connaissait aux environs ungrand chêne creux, il s’orienta et chemina vers ce chêne.

Il n’en aurait pas su le chemin que les loupsle lui eussent montré, comme s’ils eussent pénétré sa pensée etdeviné ce qu’il cherchait. Tandis que chouettes et hibouxsautillaient de branche en branche comme pour éclairer son chemin,les loups trottaient devant lui pour le lui montrer.

L’arbre était à vingt pas de la route.C’était, nous l’avons dit, un vieux chêne qui ne comptait point parannées, mais par siècles.

Les arbres qui vivent dix, vingt, trenteexistences d’homme, ne comptent pas, comme les hommes, par jours etpar nuits, ils comptent par saisons.

L’automne est leur crépuscule, l’hiver estleur nuit. Le printemps est leur aube, l’été leur jour.

L’homme envie l’arbre, l’éphémère enviel’homme.

Le tronc du vieux chêne n’eût pas été encerclépar les bras de quarante hommes réunis.

Le creux que le temps y avait formé, enfaisant tomber tous les jours une parcelle de bois avec la pointede sa faux, était grand comme une chambre ordinaire.

Cependant l’entrée en était suffisante à peineau passage d’un homme.

Thibault s’y glissa.

Il y trouva une espèce de siège taillé dansl’épaisseur du tronc, s’y assit aussi doucement et confortablementque dans un fauteuil à la Voltaire, souhaita la bonne nuit à sesloups et à ses chats-huants, ferma les yeux et s’endormit ou paruts’endormir.

Les loups se couchèrent en cercle autour del’arbre.

Les hiboux et les chouettes perchèrent dansles branches.

Avec ces lumières répandues à ses pieds, avecces lumières éparses dans les branches, le chêne ressemblait à ungrand if illuminé pour quelque fête infernale.

Il était grand jour quand Thibault seréveilla.

Depuis longtemps les loups étaient rentrésdans leurs cavernes, et chouettes et hiboux avaient regagné leursruines.

Il n’était plus question de la pluie de laveille.

Un rayon de soleil, un de ces rayons encorepâles, mais qu’on reconnaît cependant pour des messagers duprintemps, glissait à travers les branches dépouillées des arbres,et, à défaut de la verdure annuelle encore absente, faisait reluirel’éternelle et sombre verdure du gui.

Un bruit de musique se faisait vaguemententendre dans le lointain.

Mais peu à peu ce bruit approchait, et l’onpouvait commencer à distinguer que le concert se composait de deuxviolons et d’un hautbois.

D’abord Thibault crut rêver.

Mais, comme il était grand jour, comme ilparaissait avoir la pleine jouissance de son esprit, force fut bienà Thibault de comprendre qu’il était parfaitement éveillé ;d’autant plus que, quand il se fut bien frotté les yeux pours’assurer de la vérité, les sons rustiques qu’il avait entendusparvinrent à son oreille parfaitement distincts.

Ils se rapprochaient rapidement de lui.

Un oiseau répondait au concert des hommes parle concert de Dieu. Une fleur, un perce-neige, il est vrai,brillait comme une étoile au pied du buisson où chantaitl’oiseau.

Le ciel était bleu comme en un beau jourd’avril.

Que voulait donc dire cette fête du printempsau milieu de l’hiver ?

Le chant de l’oiseau qui saluait ce jourinespéré, l’éclat de cette fleur qui faisait miroiter sa corollepour remercier le soleil d’être venu la visiter, ces bruits de fêtequi prouvaient au malheureux damné que les hommes s’associaient aureste de la nature pour être heureux sous ce dais d’azur, tout cebouquet de joie, toute cette gerbe de bonheur, au lieu de fairerevenir Thibault à des idées plus calmes, augmentèrent sa méchantehumeur.

Il eût voulu que le monde entier fût sombre etnoir comme était alors son âme.

Il pensa d’abord à fuir le concert champêtrequi s’approchait de plus en plus.

Mais il lui semblait qu’une puissance plusforte que sa volonté clouât ses pieds à la terre.

Il s’enfonça donc dans le creux de son chêneet attendit.

On entendait distinctement des cris joyeux etdes chansons grivoises se mêler aux accents des violons et au sondu hautbois.

De temps en temps, un coup de fusilretentissait, un pétard éclatait.

Thibault comprit que tout ce bruit joyeuxdevait être causé par une noce de village.

Effectivement, à une centaine de pas de lui, àl’extrémité de cette longue route de la queue de Ham, il vitdéboucher un cortège de gens endimanchés et ayant de longs rubansde toutes couleurs, flottant, chez les femmes à leur ceinture, chezles hommes, à leur chapeau et à leurs boutonnières.

En tête marchaient les ménétriers.

Puis quelques paysans, mêlés à des valets qu’àleur livrée Thibault reconnut pour appartenir au seigneur Jean.

Puis Engoulevent, l’apprenti piqueur, donnantle bras à une vieille femme aveugle, enrubannée comme lesautres.

Puis le majordome du château de Vez,représentant probablement le père du petit valet du chenil, etdonnant le bras à la mariée.

Cette mariée, Thibault fixait vainement surelle des yeux effarés. Il s’obstinait à ne pas la reconnaître.

Il fallut bien qu’il la reconnût enfinlorsqu’elle ne fut plus qu’à trente ou quarante pas de lui.

Cette mariée, c’était l’Agnelette.

L’Agnelette !

Et, pour comble d’humiliation, comme derniercoup porté à l’orgueil de Thibault, l’Agnelette non point pâle,tremblante, traînée violemment à l’autel, regardant derrière ellecomme pour suivre un regret ou un souvenir, mais l’Agnelettejoyeuse comme cet oiseau qui chantait, comme ce perce-neige quifleurissait, comme ce rayon de soleil qui brillait :l’Agnelette, toute fière de sa couronne de fleurs d’oranger, de sonvoile de tulle, de sa robe de mousseline ; l’Agnelette enfinblanche et souriante comme la Vierge de l’église deVillers-Cotterêts, lorsqu’on lui met sa belle robe blanche du jourde la Pentecôte.

Sans doute devait-elle tout ce luxe à lachâtelaine de Vez, à la femme du seigneur Jean, qui était unesainte pour les aumônes et pour les bienfaits.

Ce qui rendait Agnelette si joyeuse etpourtant si souriante, ce n’était pas le grand amour qu’elleressentait pour celui qui allait devenir son mari ; non,c’était d’avoir trouvé ce qu’elle souhaitait si ardemment, ce queThibault lui avait méchamment promis sans le lui vouloir donner, unappui pour sa vieille grand-mère aveugle.

Les musiciens, les mariés, les garçons et lesfilles de noce parurent sur la route, à vingt pas de Thibault, sansvoir sortir du creux de son arbre cette tête aux cheveux de flamme,ces yeux au regard d’éclair.

Puis, comme Thibault les avait vus apparaîtreà travers la futaie, à travers la futaie ils disparurent.

Comme il avait entendu grandir peu à peu lebruit des violons et du hautbois, le bruit des violons et duhautbois s’éteignit peu à peu. Au bout d’un quart d’heure, la forêtétait redevenue déserte…

Thibault était resté avec son oiseau quichantait, sa fleur qui fleurissait, son rayon de soleil quibrillait.

Seulement, un enfer nouveau venait des’allumer dans son cœur ; le plus terrible de tous, celui dontles serpents mordent le cœur avec les dents les plus aiguës etinfiltrent le poison le plus corrosif : l’enfer de lajalousie !

En revoyant Agnelette si fraîche, si gentille,si naïvement joyeuse, et surtout en la revoyant à l’heure où elleallait appartenir à un autre, Thibault, qui depuis trois mois nesongeait plus à elle, Thibault, qui n’avait jamais eu l’idée de luitenir la promesse qu’il lui avait faite, Thibault se figura qu’iln’avait jamais cessé de l’aimer.

Il lui sembla qu’Agnelette était engagée aveclui par serment, qu’Engoulevent lui enlevait son bien.

Peu s’en fallut qu’il ne bondît hors de sacachette pour reprocher à la jeune fille sa trahison.

Agnelette, lui échappant, venait d’acquérir àl’instant même aux yeux de Thibault des vertus, des qualités, desavantages qu’il n’avait pas même soupçonnés quand, pour lesposséder, il n’avait qu’à dire un mot.

Après toutes les déceptions qu’il avaitéprouvées, perdre ce qu’il regardait comme un trésor à lui, auquelil lui semblait qu’il serait toujours temps de revenir parce qu’illui semblait que personne n’aurait jamais l’idée de le lui envier,lui parut un dernier coup de la fortune.

Son désespoir, pour être muet, n’en fut queplus morne et plus profond. Il se mordit les poings, battit de satête les parois de l’arbre ; enfin, il pleura et sanglota.

Mais ces pleurs et ces sanglots n’étaientpoint de ceux qui, en attendrissant le cœur, servent souvent detransition entre un mauvais et un bon sentiment ; non, pleurset sanglots, inspirés cette fois plutôt par la colère, plutôt parla rage que par le regret, pleurs et sanglots ne purent chasser lahaine de l’âme de Thibault.

Il semblait qu’en même temps qu’une moitié deslarmes se déversait au-dehors, l’autre se répandît au-dedans etretombât sur le cœur comme autant de gouttes de fiel.

Il prétendait adorer Agnelette.

Il se lamentait de l’avoir perdue.

Mais sa tendresse de furieux se fût volontiersarrangée de la voir tomber morte avec son fiancé au pied de l’auteloù le prêtre allait les unir.

Par bonheur, Dieu, qui réservait les deuxenfants à d’autres épreuves, ne permit point que le souhait fatalse formulât dans l’esprit de Thibault.

Ils furent pareils à un homme qui dans l’orageentend le bruit du tonnerre et voit serpenter la foudre autour delui, mais qui a le bonheur de ne pas être touché par le fluidemortel.

Bientôt le sabotier rougit de ses pleurs eteut honte de ses sanglots.

Il renfonça les uns dans ses yeux, les autresdans sa poitrine.

Il sortit de son gîte la tête perdue, ets’élança dans la direction de sa cabane.

Il fit une lieue en moins d’un quartd’heure.

Cette course effrénée, en amenant latranspiration, le soulagea un peu.

Enfin, il reconnut les alentours de sachaumière.

Il y rentra comme un tigre rentre dans sacaverne, referma la porte derrière lui, et s’accroupit dansl’endroit le plus obscur du pauvre logis.

Là, les coudes sur les genoux, le menton surles poignets, il pensa.

Quelles furent les pensées de cedésespéré ?

Demandez à Milton quelles furent les penséesde Satan après sa chute.

Il pensa à ces rêves qui lui avaientéternellement bouleversé l’esprit, qui avaient fait tant dedésespérés avant lui dans le passé, et qui devaient encore fairetant de désespérés après lui dans l’avenir.

Pourquoi les uns naissent-ils faibles et lesautres puissants ?

Pourquoi tant d’inégalité dans une chose quise passe d’une façon si identique à tous les étages de la société,la naissance ?

Par quel moyen corriger ce jeu de la nature oùle hasard tient éternellement les cartes contre l’homme ?

N’est-ce pas, avait-il pensé, en faisant commefont les joueurs habiles : en mettant le diable de leurcôté ?

En trichant ?

Il avait fait ainsi, lui.

Mais qu’avait-il gagné à tricher ?

Chaque fois qu’il avait eu beau jeu, chaquefois qu’il s’était cru sûr du point, c’était le diable qui avaitgagné.

Quel bénéfice lui avait rapporté cette fatalepuissance qui lui était donnée de faire le mal ?

Aucun.

Agnelette lui avait échappé.

La meunière l’avait chassé.

La baillive l’avait raillé.

Son premier souhait avait causé la mort dupauvre Marcotte et ne lui avait même pas rapporté un cuissot de cedaim qu’il avait ambitionné, et qui avait été le point de départ deses désirs déçus.

Il avait été obligé de donner ce daim auxchiens du seigneur Jean pour leur faire faire fausse voie sur leloup noir.

Et puis cette multiplication des cheveuxdiaboliques était effrayante !

Elle rappelait l’exigence de ce savant quiavait demandé un grain de blé multiplié par chacune dessoixante-quatre cases de l’échiquier ; il fallait mille ansd’abondantes récoltes pour remplir la dernière case !

Lui, combien de souhaits lui restait-il àfaire ? Sept ou huit, tout au plus.

Le malheureux n’osait plus se regarder.

Il n’osait porter ses regards ni dans lafontaine qui dormait au pied d’un arbre dans la forêt, ni dans laglace suspendue à la muraille.

Il craignait de se rendre à lui-même un comptetrop exact de la durée de sa puissance.

Il aimait mieux rester dans la nuit que devoir l’aurore terrible qui devait se lever au-delà de cettenuit.

Cependant, il devait y avoir un moyen decombiner les choses pour que le mal d’autrui lui rapportât unbénéfice quelconque.

Il lui semblait que, s’il eût reçu uneéducation scientifique au lieu d’être un pauvre sabotier sachantlire et compter à peine, il eût trouvé, dans les sciences, descombinaisons qui lui eussent infailliblement donné la richesse etle bonheur.

Pauvre fou !

S’il eût été savant, il eût connu la légendedu docteur Faust.

À quoi avait conduit Faust la toute-puissanceconcédée par Méphistophélès, à lui, le rêveur, le penseur, lesavant par excellence ?

Au meurtre de Valentin ! Au suicide deMarguerite ! À la poursuite d’Hélène, c’est-à-dire d’uneombre !

D’ailleurs, Thibault pouvait-il rien chercher,rien combiner, dans ce moment où la jalousie lui rongeait le cœur,où il voyait la blanche Agnelette engageant pour toute sa vie, aupied de l’autel, sa foi à un autre que lui !

Et à qui engageait-elle sa foi ?

Au misérable petit Engoulevent, à celui quil’avait découvert juché sur son arbre et qui avait retrouvé dans lebuisson l’épieu qui lui avait valu les coups de courroie appliquéspar Marcotte.

Oh ! s’il l’avait su ! Comme il eûtdésiré que ce fût à lui qu’il arrivât malheur au lieu deMarcotte ! !

Qu’était-ce que la torture physique que lescoups de ceinturon lui avaient fait éprouver, auprès de la torturemorale qu’il éprouvait !

Supposez que les désirs d’ambition nel’eussent pas pris, et, comme des ailes de vautour, ne l’eussentpas enlevé au-dessus de sa sphère : quel bonheur n’eût pas étéle sien, à lui, habile ouvrier, pouvant gagner jusqu’à six francspar jour, avec une gentille petite ménagère commeAgnelette !

Car c’était certainement lui qu’Agneletteaimait le premier ; c’était lui peut-être qu’elle aimaitencore, en épousant un autre. Et, tout en faisant ces réflexions,Thibault sentait le temps s’écouler. La nuit venait.

Si modeste que fût la fortune des mariés, sibornés que fussent les désirs des paysans qui les suivaient, ilétait évident qu’à cette heure paysans et mariés étaient à tablefaisant un joyeux repas.

Lui, il était seul et triste.

Il n’avait personne pour lui préparer sondîner.

Qu’y avait-il à manger, à boire dans toute lamaison ?

Du pain ! De l’eau !

La solitude ! au lieu de cettebénédiction du Ciel qu’on appelle une sœur, une amie, unefemme.

Mais pourquoi donc ne dînerait-il pas, luiaussi, joyeusement et copieusement ?

Ne pouvait-il pas aller dîner où bon luisemblerait ?

N’avait-il pas dans sa poche le prix dudernier gibier qu’il avait vendu à l’aubergiste de la Bouled’or ?

Ne pouvait-il pas dépenser à lui tout seulautant que les nouveaux mariés et tous leurs convives ?

Il ne tenait qu’à lui.

– Ah ! par ma foi ! dit-il, jesuis trop niais de rester ici, de me laisser creuser le cerveau parla jalousie, et l’estomac par la faim, tandis que je puis, dans uneheure, grâce à un dîner copieux et à deux ou trois bonnesbouteilles de vin ne plus songer à tout cela. Allons manger, etsurtout allons boire !

Et voulant, en effet, faire un bon repas, ilprit le chemin de la Ferté-Milon, où florissait, à l’enseigne duDauphin d’or, un restaurant capable, assurait-on, de damerle pion au maître d’hôtel de Son Altesse Sérénissime monseigneur leduc d’Orléans.

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