Le Meneur de loups

III

Mocquet était au physique un homme d’unequarantaine d’années, court, trapu, solide des épaules, ferme desjarrets. Il avait la peau brunie par le hâle, de petits yeuxperçants, des cheveux grisonnants, des favoris noirs passant encollier sous son cou.

Il m’apparaît au fond de mes souvenirs avec unchapeau à trois cornes, une veste verte à boutons argentés, uneculotte de velours à côtes, de grandes guêtres de cuir, carnassièreà l’épaule, fusil au bras, brûle-gueule à la bouche.

Arrêtons-nous un instant à cebrûle-gueule.

Ce brûle-gueule était devenu, non pas unaccessoire de Mocquet, mais une partie intégrante de Mocquet.

Nul ne pouvait dire avoir jamais vu Mocquetsans son brûle-gueule.

Quand, par hasard, Mocquet ne tenait pas sonbrûle-gueule à la bouche, il le tenait à la main.

Ce brûle-gueule, destiné à accompagner Mocquetau milieu des plus épais fourrés, devait présenter le moins deprise possible aux corps solides qui pouvaient amener sonanéantissement.

Or, l’anéantissement d’un brûle-gueule bienculotté était pour Mocquet une perte que les années seulespouvaient réparer.

Aussi la tige du brûle-gueule de Mocquet nedépassait jamais cinq ou six lignes, et encore pouvait-on toujours,sur les cinq ou six lignes, parier pour trois lignes au moins entuyau de plume.

Cette habitude de ne pas quitter sa pipe,laquelle avait creusé son étau entre la quatrième incisive et lapremière molaire de gauche, en faisant disparaître presqueentièrement les deux canines, avait amené chez Mocquet une autrehabitude, qui était celle de parler les dents serrées, ce quidonnait un caractère particulier d’entêtement à tout ce qu’ildisait.

Or, ce caractère d’entêtement devenait encoreplus remarquable lorsqu’il ôtait momentanément sa pipe de labouche, aucun obstacle n’empêchant plus ses mâchoires de serejoindre et les dents de se serrer, de manière à ne plus laisserpasser les paroles que comme un sifflement à peineintelligible.

Voilà ce qu’était Mocquet au physique.

Les quelques lignes qui vont suivreindiqueront ce qu’il était au moral.

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