Le Singe, l’idiot et autres gens

Le Singe, l’idiot et autres gens

de William Chambers Morrow

LA RÉSURRECTION DE LA PETITEWANG-TAI

Une file de voitures foraines, se déroulant sur une route poussiéreuse dans la vallée de Santa Clara, avançait lentement sous la chaleur suffocante d’un soleil de juillet. Des tourbillons de poussière enveloppaient les roulottes bariolées de la ménagerie. On avait fait jouer sur leurs coulisses les volets des cages afin de donner de l’air aux animaux haletants, mais avec l’air entrait la poussière, et la poussière incommodait fort Romulus.

Jamais il n’avait autant aspiré après la liberté. Du plus loin qu’il put se rappeler, il avait été dans une cage comme celle-ci ; il y avait passé son enfance et sa jeunesse. Nulle trace dans sa mémoire d’une époque où il eût été libre. Il n’avait pas le plus léger souvenir d’un temps où il avait pu se balancer dans les branches des forêts équatoriales. La vie n’était pour lui que désolation et désespérance, et le caractère poignant en était encore acerbé par les tourbillons de poussière qui entraient par les grilles de la cage.

Romulus alors chercha un moyen de s’enfuir.

Leste, adroit, l’œil vif, il eut tôt découvert le point faible de sa prison, réussit à le forcer et bondit sur la grand’route, singe libre. Aucun des conducteurs, assoupis et las,n’avait vu sa fuite, mais un juste sentiment de circonspection lui fit quérir l’abri d’un buisson où il se dissimula jusqu’à ce que fût passée la longue procession des roulottes.

Et, maintenant le vaste monde s’ouvrait devant lui.

Sa liberté était immense et douce, mais lui fut, un temps, embarrassante. Un bond tout instinctif pour saisir la barre du trapèze suspendu dans sa cage lui mit seulement les mains en contact avec l’air insaisissable. Il en fut décontenancé et un peu effrayé. Le monde lui paraissait beaucoup plus vaste et plus brillant depuis que les noirs barreaux de sa prison ne striaient plus sa vision. Et puis, à sa stupéfaction, au lieu de la toiture sordide de sa cage, lui apparut l’énorme et imposante étendue du ciel bleu, dont la surprenante profondeur et l’éloignement le terrifièrent.

La course d’un écureuil cherchant son terrier attira bientôt son regard, et il suivit les agissements du petit animal avec curiosité. Puis il courut au terrier et se blessa les pieds sur le chaume acéré. Ceci le rendit plus circonspect. Ne trouvant pas l’écureuil, il regarda autour de lui et aperçut deux hiboux perchés sur un petit tertre, non loin de là. Leur regard solennel fixé sur lui l’emplit d’un effroi mystérieux, mais sa curiosité ne le laissa pas renoncer à les examiner de plus près. Il se glissa prudemment vers eux, puis s’arrêta, s’assit et leur fit des grimaces. Ce ne produisit aucun effet. Il se gratta la tête et réfléchit. Puis il semblant de fondre sur eux : ils prirent leur vol.

Romulus les regarda s’envoler dans un état de stupéfaction profonde, n’ayant encore jamais vu rien voler par les airs. Mais le monde était si vaste et la liberté si illimitée, que sûrement tout être libre devait voler. Romulus alors s’élança dans l’air qu’il battit de ses bras comme il avait vu les hiboux le battre de leurs ailes, et quand il se trouva couché sur le sol, il en éprouva la première et douloureuse déception que devait lui apporter sa liberté.

Son esprit alerte chercha un nouvel aliment.

À quelque distance s’élevait une maison, etdevant la porte se tenait un homme. Or, Romulus savait l’homme leplus vil et le plus cruel de toutes les créatures vivantes, lemaître sans conscience aucune de l’être faible. Romulus évita lamaison et prit à travers champs. Bientôt il rencontrait un objeténorme qui lui en imposa. C’était un chêne, et des oiseauxchantaient dans sa ramure. Mais sa curiosité obstinée mit un freinà sa peur, et en rampant il s’en approcha de plus en plus. L’aspectbienveillant de l’arbre, le charme de son ombre, les fraîchesprofondeurs de sa frondaison, le doux balancement de ses branchesau souffle aimable du vent, – tout l’invitait à s’approcher. C’estce qu’il fit, jusqu’à ce qu’il eut atteint le vieux tronc noueux,et il s’élança alors dans les branches et se sentit rempli deplaisir. Les petits oiseaux s’étaient envolés. Romulus s’assit surl’un des rameaux, puis s’y étendit tout de son long et goûta lecalme et le bien-être du moment. Mais il était singe, et il luifallait de l’occupation : il se risqua sur des branchesmoindres et les secoua à la façon de ses parents avant lui.

Ces joies épuisées, Romulus se laissa tomber àterre, et se remit à explorer le monde. Mais le monde était sivaste que son isolement l’accablait. Soudain il vit un chien et sehâta vers lui. Le chien voyant approcher cet être bizarre, tenta del’effrayer par ses aboiements, mais Romulus avait déjà vu desanimaux comme celui-là, et avait entendu aussi des sons semblables.Il ne pouvait s’en effrayer. Il alla hardiment vers le chien parbonds successifs sur ses quatre pattes. Le chien, terrifié parcette étrange créature, se sauva en hurlant et laissa Romulus avecsa liberté et le monde.

Et voilà Romulus parti à travers champs, d’icide là traversant une route, et évitant soigneusement les êtresvivants qu’il rencontrait. Bientôt il arrivait devant une hautepalissade, fermant un grand enclos, où se dressait une habitationau milieu d’un bouquet d’eucalyptus.

Romulus avait soif et l’eau d’une fontainedans les arbres le tentait cruellement.

Peut-être eût-il trouvé assez de courage pours’y aventurer, n’eût-il à ce moment aperçu un être humain, à dixpas de lui, de l’autre côté de la palissade. Romulus se recula avecun cri d’épouvante et puis s’arrêta, se blottissant et, prêt à fuirpour sa vie et sa liberté, il considéra cet ennemi de lacréation.

Mais le regard qu’il reçut en échange était sidoux, et, somme toute, si particulier, si différent de tout cequ’il avait vu jusque-là, que son instinct de fuite céda devant sondésir de se rendre compte.

Romulus ne savait pas que la grande habitationau milieu des eucalyptus était un hospice de jeunes idiots, ni quele garçon à la physionomie étrange, mais bienveillante, était l’unde ses pensionnaires.

Il n’y lisait que bienveillance. Le regardqu’il voyait n’était pas le regard dur et cruel du gardien de laménagerie, ni le regard vide, frivole, curieux des spectateurs quiencouragent par leur présence et soutiennent de leur obole cettepratique infâme et exclusivement humaine qui consiste à s’emparerd’animaux sauvages pour les garder toute leur vie dans les affresde la captivité. Romulus était si profondément intéressé par cequ’il voyait qu’il en oubliait ses craintes et, penchant sa tête decôté, fit une grimace baroque. Ses mouvements et son attitudeétaient si comiques que Moïse, l’idiot, ricana un sourire que vitRomulus par les fentes de la palissade. Mais ce ricanement ne futpas la seule manifestation de joie chez Moïse. Un mouvementvermiculaire particulier, commençant aux pieds et se terminant à latête, fut le précurseur d’un lent et niais accès de gros rireexprimant la joie la plus intense dont il était capable. Moïsen’avait encore jamais vu d’être aussi bizarre que ce petit hommebrun, tout velu : il n’avait encore jamais vu un singe, cettebanale cause de joie pour les enfants ordinaires.

Moïse avait dix-neuf ans. Bien que sa voixn’eût plus rien de celle de l’enfant, que ses joues fussentcouvertes de méchants poils, qu’il fût grand et fort, surtout enbras et en jambes, il était simple et innocent. Ses vêtementsétaient bien trop courts pour lui et des cheveux embroussaillés quene retenait aucune coiffure, lui dominaient la tête.

Et ces deux êtres étranges se considéraientl’un l’autre, retenus par une égale sympathie, une égale curiosité.N’ayant ni l’un ni l’autre le don de la parole, ils ne se pouvaientpas mentir.

Était-ce l’instinct qui avertissait Romulusque parmi tous ces bipèdes diaboliques, il en était un d’espritassez bon pour l’aimer ? Était-ce aussi par instinct queRomulus, ignorant comme il l’était des façons du monde, découvritque son propre cerveau était le plus solide et le plus capable desdeux ? Et, comprenant la douceur, jusque-là insoupçonnée parlui, de la liberté, lui vint-il à l’idée que ce semblable étaitprisonnier, comme lui-même l’avait été, et que comme lui ilaspirait ardemment à goûter du grand air ? Enfin, si c’étaitbien ainsi qu’avait raisonné Romulus, était-ce par un sentimentchevaleresque ou par désir d’avoir un compagnon, qu’il fut amené àla délivrance de cet être plus faible encore et plus malheureux quelui ?

Avec circonspection il s’approcha de lapalissade, y passa la patte et toucha Moïse. Le gars, ravi, prit lapatte du singe dans la sienne, et la meilleure intelligence derégner aussitôt entre eux. À force de taquineries, Romulus invital’autre à le suivre ; il s’éloignait de quelques pas, puistournait vers lui ses yeux implorants ; il s’en revenait et àtravers la palissade lui prenait la main. Il répéta son manègejusqu’à ce que son intention se fût frayé sa route jusqu’au cerveaude l’idiot.

La palissade était trop haute pour la pouvoirescalader ; mais, maintenant que le désir d’être libre s’étaitemparé de son être, Moïse eut tôt fait, à grands coups de pieds, debriser quelques planches et il sortit de sa geôle.

Ils étaient maintenant libres tous lesdeux !

Et les cieux semblaient encore plus loin etl’horizon paraissait plus large. Un fossé se présenta à propos pourleur permettre d’étancher leur soif et dans un verger ilscueillirent quelques abricots bien mûrs ; mais qu’est-ce quiassouvirait la faim d’un singe ou d’un idiot ? Le monde étaitvaste, et doux, et beau, et un sentiment exquis de liberté sansbornes coulait dans leurs veines surprises comme un vin vieux etgénéreux. Et tout cela causait à Romulus et au compagnon sous sagarde une joie infinie, comme ils s’en allaient par la plaine.

Pourquoi dire en détail tout ce qu’ils firentpar cet après-midi de folie, de caprice et de bonheur, tandisqu’ils allaient en titubant, ivres de liberté ?

En passant quelque part, sans être vus, ilsouvrirent à un serin la porte de sa cage, qu’on avait suspendue àun cerisier non loin de la maison ; ailleurs, ils défirent lescourroies qui retenaient un bébé dans sa voiture, et l’auraient puemporter sans crainte de surprise, mais tout ceci n’a qu’unlointain rapport avec la fin de leurs aventures, marchant à grandspas vers leur terme.

Quand le soleil fut descendu dans la splendeurblonde de l’occident et que le grand dôme argenté de l’observatoiredu Mont Hamilton d’argent se fut changé en cuivre, nos deux amislas et affamés de nouveau, arrivèrent en un endroit bizarre etinattendu. Ce fut un grand chêne qui, d’abord, avec son ombre enforme de cône allongé pointant vers l’orient et les fraîchesprofondeurs de son feuillage, attira leur attention. Autour del’arbre étaient rangés de petits tertres à la tête desquels sedressait un écriteau dont de plus savants eussent aussitôt saisi lasignification. Mais comment un singe ou un idiot eût-il pusoupçonner un affranchissement aussi doux et calme, aussi dénué detoute entrave et de toute réserve que celui de la mort ?Comment auraient-ils su que les gagnants de ce prix inestimableétaient pleurés, mouillés de larmes et placés dans la terre avectoute la majesté, toute la pompe de la douleur ? Ne sachantrien de toutes ces choses, comment pouvaient-ils remarquer que cecimetière mesquin où ils étaient venus errer, ne ressemblait guèreà cet autre, bien en vue, à quelque distance de là, coupé qu’ilétait d’allées et orné de bouquets d’arbres, de fontaines, destatues, de plantes rares et de somptueux ornements ? –Ah ! mes amis, comment, sans argent, pouvons-nous donner ànotre douleur une expression adéquate ? Et la douleur,lorsqu’elle ne peut témoigner de son existence, est bien la plusvaine des satisfactions !

Mais il n’y avait ni pompe ni majesté sousl’ombrage de ce chêne, car la haie défoncée qui dérobait ce lieu àl’influence de la civilisation chrétienne, entourait des tombesrenfermant des os qui n’eussent pu reposer à l’aise dans un solstrié par l’ombre d’une croix. Romulus et Moïse ne savaient rien detout cela ; ils ne connaissaient pas cette loi interdisanttoute exhumation avant un espace de deux années ; ils nesavaient rien de ce peuple étrange venu de Chine qui, plein demépris pour le sol chrétien étranger qu’il foule aux pieds,ensevelit ses morts par soumission à la loi qu’il ne fut pas assezfort pour combattre, et qui, deux ans après, déterre leurs os etles rapatrie, afin de les ensevelir pour l’éternel repos dans unsol créé et fécondé par leur dieu.

Romulus et Moïse pouvaient-ils juger cespeuples ? Ils avaient mieux à faire.

Ils avaient à peine fini d’examiner un étrangefour de brique où se brûlait le texte des prières et un petitautel, de brique aussi, tout enduit du suif de cierges consumés,qu’un nuage de poussière longeant la haie défoncée les invitait àplus de circonspection.

Romulus fut le plus prompt à fuir, car unefile de voitures foraines laisse aussi une traînée de poussière surla route, et avec une surprenante agilité il s’élança dans lesbranches du chêne, suivi par ce lourdaud de Moïse se hissantpéniblement à sa suite avec de gros rires à l’éloge de l’agilitésupérieure de son compagnon. Ce fit rire encore Moïse de voir lepetit homme velu s’étendre sur une branche et dans une sensation debien-être pousser un soupir de satisfaction. Il manqua choir envoulant imiter le leste Romulus. Mais ils restèrent immobiles etsilencieux quand le nuage de poussière se divisant à la barrière,laissa voir pénétrant dans l’enclos une petite procession devoitures et de charrettes.

Une fosse avait été tout nouvellement creusée,et c’est vers celle-ci que se dirigea le convoi – fosse peuprofonde, car on ne doit pas s’étendre trop profondément dans lesol chrétien des barbares à face blanche, – mais c’était une fossesi petite ! Romulus lui-même, eût suffi à la combler, et,quant à Moïse, elle n’eut pas été suffisante pour ses grandspieds.

C’est que la petite Wang-Tai était morte, etque dans cette petite fosse devaient reposer pendant vingt-quatremois ses os fragiles, sous trois pieds de terre chrétienne.L’intérêt tempéra la frayeur que ressentirent Romulus et Moïse,quand la première voiture s’arrêta au bruit d’aigres hautbois, deviolons criards, de tam-tam de cuivre et de cymbales discordantesexécutant un chant funèbre pour la petite Wang-Tai, moins pourrecommander à la protection divine sa mignonne âme, que pour laprotéger contre les tortures des démons.

Puis, au milieu des autres, s’avança unepetite femme accablée par la douleur et les larmes, car la petiteWang-Tai avait une mère et toute mère a un cœur de mère. Ce n’étaitqu’une petite femme jaune de l’Asie, avec une ample et bizarreculotte en guise de jupe, et des sandales qui lui battaient lestalons. Ses cheveux noirs non couvert étaient solidement noués etépinglés ; ses yeux étaient noirs de couleur et douxd’expression, et son visage, probablement calme dans lecontentement, était mouillé de pleurs et tiré par la souffrance. Etvoilà que sur elle, comme un rayonnement du ciel, pesait la plusdouce, la plus triste, la plus profonde, la plus tendre de toutesles afflictions humaines – la seule que le temps jamais ne peutguérir.

Et ils ensevelirent la petite Wang-Tai, etRomulus et Moïse voyaient tout cela. Des textes de prières furentbrûlés dans le four, des cierges s’allumèrent sur l’autel, et, pourréconforter les anges qui devaient venir emporter la mignonne âmede Wang-Tai dans les hauteurs profondes du ciel bleu, des viandessavoureuses furent disposés sur la tombe.

La fosse comblée, les fossoyeurs serrèrentleurs bêches derrière le four, curieusement épiés par Romulus. Lapetite femme accablée ramassa toute sa douleur dans son cœur etl’emporta. Un nuage de poussière se leva, grandissant toujours lelong de la haie défoncée, pour enfin disparaître dans le lointain.Le dôme du Mont Hamilton s’était changé de cuivre en or ; lesgorges empourprées des Monts Santa Cruz se glaçaient sous leflamboiement orange du ciel d’Occident ; sous le grand chêneles grillons faisaient retentir leurs notes joyeuses, et la nuittomba doucement comme un rêve.

Deux paires d’yeux affamés voyaient lesviandes sur la tombe, tandis que quatre narines avides enreniflaient l’arôme. Romulus dégringola et moins habilement voilàMoïse dégringolant à son tour. Ce soir-là, les anges de la petiteWang-Tai remonteraient au ciel sans souper, – et la route estlongue de la terre au ciel ! Nos deux vagabonds se jetèrentsur cette proie, se chamaillant et se battant, puis, quand tout futdévoré, ils se résolurent à de nouvelles entreprises. Romulus allachercher les bêches et se mit consciencieusement à creuser la tombede Wang-Tai, et Moïse, riant et croassant, lui prêta main-forte.Comme résultat de leurs efforts, la terre s’amoncela de chaquecôté. Trois pieds seulement de terre peu solide recouvraient lapetite Wang-Tai !

 

Une petite femme jaune, gémissant de douleur,s’était toute la nuit tournée et retournée sur la natte dure quilui servait de couchette et sur son oreiller de bois, plus durencore. Les sons mêmes qui retentissaient rauques et familiers dèsla première heure du matin dans le quartier chinois de San José etlui rappelaient la distante patrie occupant tout ce qui de son cœurn’avait pas été enseveli sous la terre chrétienne, ne pouvaientalléger ce lourd fardeau qui l’accablait. Elle vit le soleil aumatin se frayer sa route à travers des flots d’ambre et le dômeargenté du grand observatoire sur le Mont Hamilton se découper d’unnoir d’ébène sur la radieuse splendeur de l’orient. Elle entenditle jargon asiatique du revendeur national criant sa marchandisedans les ruelles fétides, et ses larmes vinrent grossir le nombredes perles dont la rosée avait jonché son seuil. Ce n’était qu’unepetite femme jaune d’Asie, toute ployée par le chagrin. Et quellejoie pouvait lui apporter l’éclat resplendissant du soleildéversant sur elle sa lumière et conviant tous les gamins et toutesles fillettes du monde à trouver la vie et la santé dans sonsplendide déploiement ? Elle vit le soleil escalader les cieuxdans son impérieuse magnificence, mais des voix chuchotaient à sonoreille et tempéraient le rayonnement du jour par les souvenirs dupassé.

Auriez-vous pu, le cœur brisé et les yeuxvoilés de larmes, distinguer avec toute la netteté voulue lespersonnes composant le cortège bizarre qui, descendant la ruelle,se dirigeait vers sa demeure ? C’étaient des hommes blancsavec trois prisonniers, – trois êtres qui si récemment venaientd’éprouver les douceurs de la liberté pour être de nouveau plongésdans la servitude. Deux d’entre eux avaient été arrachés à laliberté de la vie et l’autre à l’affranchissement de la mort, et onles avait à l’aube trouvés endormis tous les trois près de la fosseouverte et du cercueil vide de la petite Wang-Tai.

Les malins prétendirent que la petiteWang-Tai, par l’ignorance d’un médecin avait été enterrée vivante,et que Romulus et Moïse, au moyen de leurs tours diaboliques,l’avaient ramenée à la vie après l’avoir arrachée à sa tombe.

Mais qu’importent ces racontars ?

N’est-ce point assez de savoir que les deuxbrigands furent fouettés et renvoyés à leur esclavage, et que,lorsque la petite femme jaune d’Asie eut serré la mignonne enfantsur sa poitrine, les fenêtres de son âme s’ouvrirent pour recevoirla chaleur que le soleil d’or déversait du ciel ?

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