Le Singe, l’idiot et autres gens

LE FAISEUR DE MONSTRES

I

Un jeune homme d’apparence élégante, mais sousl’évidente influence de sérieux troubles cérébraux, se présentaitun matin à la porte d’un singulier vieillard, connu commechirurgien d’une remarquable habileté.

La maison était une construction en briques,parfaitement démodée, et d’aspect si bizarre et primitif, que sonexistence ne s’expliquait que par l’éloignement du quartier où elleétait située. Elle était vaste, triste et sombre, avec de longscorridors et de grandes pièces lugubres, bien trop vaste pour lepetit ménage – le mari et la femme – qui l’occupait.

Décrire la maison, c’est faire le portrait deson principal locataire. Il savait se montrer aimable au besoin,mais restait néanmoins un mystère vivant.

La femme, elle, chétive, pâle, taciturne,évidemment malheureuse, peut-être témoin de choses répugnantes,exposée aux angoisses et victime de la crainte et de la tyrannie.Mais ce ne sont là, après tout, que des suppositions.

Il pouvait avoir soixante-cinq ans environ, etelle, on lui en eût donné quarante.

Il était maigre, grand et chauve, avait lafigure mince et rasée et des yeux très vifs ; il ne sortaitjamais et paraissait malpropre. L’homme était fort, la femmefaible ; il dominait, elle souffrait.

Bien que chirurgien d’une adresse peu commune,sa clientèle était presque nulle ; il était rare, en effet, devoir ceux qui connaissaient sa grande habileté montrer assez decourage pour se risquer dans la lugubre habitation, et, quand ilss’y décidaient, il leur fallait faire la sourde oreille à toutesles vilaines histoires qui circulaient à son sujet.

Ce n’étaient pour la plupart que desexagérations auxquelles donnaient naissance ses expériences devivisection : il était fanatique de chirurgie.

Le jeune homme qui se présenta le matin dujour dont nous parlons, était un grand et beau garçon, mais d’uncaractère faible évidemment et d’un tempérament maladif, – naturesensitive aussi facilement la proie de l’exaltation que del’abattement.

Un seul regard suffit à convaincre lechirurgien que son visiteur était atteint de troubles cérébrauxsérieux : jamais sur un visage il n’avait vu plus profondémentgravé le masque de la mélancolie, fixe et irrémédiable.

Un étranger n’eût pas soupçonné que la maisonétait habitée. La porte d’entrée, vieille, gauchie et gondolée parle soleil, était fermée à clé, et les minces volets, d’un vertpassé, étaient clos.

Le jeune homme frappa à la porte.

Pas de réponse.

Il frappa de nouveau. En vain.

Il consulta un carré de papier, vérifia lenuméro de la maison, puis avec l’impatience d’un enfant, lança unfurieux coup de pied dans la porte, d’un air qui en laissaitprévoir beaucoup d’autres.

La réponse cette fois ne se fit pasattendre : il entendit un pas furtif dans le vestibule ;une clé rouillée grinça dans la serrure et un visage effilé semontra dans l’entrebâillement de la porte.

– Êtes-vous le docteur ? demanda lejeune homme.

– Oui, oui ! entrez, répondit lemaître de la maison.

Le jeune homme entra.

Derrière lui le vieux chirurgien referma laporte et, avec soin, tourna la clé.

– Par ici, dit-il, se dirigeant vers unescalier branlant.

Le jeune homme le suivit.

Le chirurgien gravit l’escalier, prit à gaucheun étroit corridor où régnait une odeur de moisi, le longea,faisant sonner sous ses pas les lamelles disjointes du parquet et,arrivé au bout, ouvrant à sa droite une porte, il fit signe auvisiteur d’entrer.

Le jeune homme se trouva dans une chambreagréable, meublée très simplement, à l’ancienne mode.

– Asseyez-vous, dit le vieillard et ildisposa le siège de façon à ce que son visiteur fît face à unefenêtre donnant sur une muraille se dressant à six pieds de lamaison. Il ouvrit les volets ; une lumière pâle pénétra dansla pièce. Puis il s’assit près du jeune homme, bien en face, et,d’un œil scrutateur qui avait toute la puissance d’un microscope,il se mit à diagnostiquer son cas.

– Eh bien ? interrogea-t-ilenfin.

Le visiteur, gêné, s’agita sur sa chaise.

– Je… je suis venu vous voir, finit-ilpar balbutier, parce que je suis tourmenté.

– Ah !

– Oui, voyez-vous, j’ai… c’est-à-dire…j’y renonce.

– Ah !

Et il y avait dans cette exclamation unmélange de pitié et de sympathie.

– C’est bien ça. J’y renonce, ajouta levisiteur.

Il tira de sa poche une liasse de billets debanque et, avec le plus grand sang-froid, les compta sur sesgenoux.

– Cinq mille dollars, dit-il avec calme.Ils sont pour vous. C’est tout ce que je possède ; mais jeprésume… j’imagine… non, ce n’est pas le mot juste… jesuppose… oui, c’est bien le mot… je suppose que cinq milledollars… Est-ce bien la somme exacte ? Laissez-moicompter.

De nouveau il compta les billets.

– Ces cinq mille dollars seront deshonoraires suffisants pour ce que je désire de vous.

Les lèvres du chirurgien eurent un plissementde pitié, de dédain peut-être aussi.

– Que désirez-vous de moi ?demanda-t-il d’un air indifférent.

Le jeune homme se leva, regarda autour de luid’un air mystérieux, s’approcha du chirurgien et lui mit la liassesur les genoux. Puis il se pencha et lui chuchota quelques mots àl’oreille.

Ces mots produisirent sur lui l’effet d’unepile électrique.

Le vieillard sursauta brusquement, puis, seredressant d’une pièce, il empoigna son visiteur avec colère, etlui plongea dans les yeux son regard aussi tranchant qu’uncouteau.

Ses yeux flamboyaient, et il ouvrait la bouchepour lancer quelque rude imprécation, quand soudain il secontint.

Toute colère disparut de son visage, quin’exprima plus que de la pitié. Il relâcha son étreinte, ramassales billets épars et, les tendant à son visiteur, ditlentement :

– Je n’ai nul besoin de votre argent.Vous êtes tout bêtement absurde. Vous vous croyez dans la peine. Ehbien, vous ne savez pas ce que c’est que la peine. Votre seulepeine est de ne pas avoir la moindre virilité. Vous êtes simplementfou… je ne dirai pas pusillanime. Vous devriez vous remettre auxmains des autorités et vous faire envoyer, pour y suivre untraitement, dans quelque hospice d’aliénés.

Le jeune homme sentit vivement l’insultevoulue ; dans ses yeux passa une lueur dangereuse.

– Chien que vous êtes, oser m’insulterainsi ! cria-t-il. Il vous sied de prendre de grands airsvertueux indigné, vieil assassin que vous êtes ! Vous nevoulez pas de mon argent, hein ! Quand un homme vient à vousde lui-même et vous le demande, vous vous emportez et repoussez sonargent ; mais qu’un de ses ennemis vienne et vous paye, vousne serez que trop bien disposé. Combien de vilenies semblablesn’avez-vous pas commises dans votre misérable taudis ? Il estheureux que la police ne l’ait pas envahi et n’ait pas apportépelle et pioche pour la circonstance. Savez-vous ce qu’on dit devous ? Croyez-vous donc avoir tenu vos volets assezhermétiquement clos pour qu’aucun son n’ait pu les traverser ?Où cachez-vous vos instruments infernaux ?

Il en était arrivé à un état de violentecolère. Sa voix était rauque, forte et rude. Les yeux, injectés desang, lui sortaient des orbites. Son corps tout entier frémissaitet ses doigts se crispaient. Mais il avait devant lui son maître.Les deux yeux adverses se trouaient en lui leur route.

Le résultat ne fut pas long.

– Asseyez-vous, commanda la voix dure duchirurgien.

C’était l’ordre d’un père à son enfant, d’unmaître à son esclave. La colère du visiteur tomba, et, faible,vaincu, il s’abattit sur sa chaise.

En même temps, une animation insolite éclairala physionomie du vieux chirurgien : aube d’une idéeétrange ; morne rayon échappé à la fournaise de l’abîme sansfond ; lumière dangereuse, qui illumine la route desenthousiastes. Le vieillard un instant resta plongé dans unerêverie profonde, tandis que des éclairs d’avide intelligenceperçaient momentanément le nuage de sombres méditations qui luicouvrait le visage. Puis éclata la large flamme d’une déterminationimpénétrable. Il y avait en elle quelque chose de sinistre, commes’il se fût agi du sacrifice d’une chose jusque-là tenue poursacrée.

Après une lutte, l’intelligence l’emportaitsur la conscience.

Prenant une feuille de papier et un crayon, lechirurgien inscrivit soigneusement les réponses aux questions qued’un ton péremptoire il posa à son visiteur, relatives à son nom,son âge, son lieu de résidence, ses occupations, sa famille,etc.

– Quelqu’un sait-il que vous êtes venufrapper à cette porte ? demanda-t-il.

– Non.

– Vous le jurez ?

– Oui.

– Mais votre absence prolongée feranaître des inquiétudes et entraînera des recherches.

– J’ai prévu cela.

– Comment ?

– En jetant, en venant, une lettre à laposte annonçant mon intention de me noyer.

– On draguera la rivière.

– Et après ? demanda le jeune homme,haussant les épaules avec une insouciante indifférence. De rapidescourants inférieurs existent, n’est-ce pas ? et on ne retrouvepas tout le monde…

Il y eut une pause.

– Êtes-vous prêt ? demandafinalement le chirurgien.

– Parfaitement.

La réponse était faite d’un ton froid etrésolu.

Les manières du chirurgien dénotaienttoutefois un trouble réel. La pâleur qui avait envahi son visage aumoment où il avait pris une décision, devint intense. Untremblement nerveux le secouait. Au-dessus brillait toujours laflamme de l’enthousiasme.

– Avez-vous choisi le moyen ?demanda-t-il.

– Oui ; anesthésie absolue.

– Et l’agent ?

– Le plus sûr et le plus rapide.

– Désirez-vous quelque… quelque sensationsubséquente ?

– Non ; l’annulationseulement ; simplement m’éteindre, comme une bougie au souffledu vent ; un souffle… puis la nuit, sans trace. Le souci devotre propre sécurité vous suggérera la méthode la meilleure. Jem’en remets à vous.

– Aucun souvenir à vos amis ?

– Aucun.

Il y eut une nouvelle pause.

– M’avez-vous dit que vous étiezprêt ? demanda le chirurgien.

– Tout prêt.

– Et parfaitement consentant.

– Désireux est le mot.

– Alors, attendez un instant.

Sur ces mots, le vieux chirurgien se leva etse détira. Puis, avec la furtive circonspection d’un chat, ilouvrit la porte et jeta un coup d’œil dans le corridor, écoutantattentivement. Aucun bruit. Il referma doucement la porte et entourna la clé. Puis il tira les volets et les fixa. Cela fait, ilouvrit une porte conduisant dans une pièce contiguë, qui n’avaitpas de fenêtre et qu’éclairait seule une petite lucarne.

Le jeune homme le suivait attentivement desyeux.

Un grand soulagement se lisait sur ses traitset avait remplacé l’air d’égarement et de désespérance qu’il avaitune demi-heure auparavant. Abattu tout à l’heure, il semblaitmaintenant dans le ravissement.

Cette porte, en s’ouvrant, laissait voir unspectacle curieux.

Au centre de la pièce, juste au-dessous de lalucarne, était une table d’opération, comme celles dont se serventles professeurs d’anatomie. Une vitrine, contre le mur, renfermaitles instruments de chirurgie les plus variés. Dans une autrevitrine étaient suspendus des squelettes de différentes tailles.Sur des rayons étaient rangés des bocaux cachetés, renfermant,conservées dans l’alcool, des monstruosités de toutes sortes. Parmiles objets innombrables épars dans la pièce, se trouvaient encoreun écorché, un chat empaillé, un cœur humain desséché, des moulagesde différentes parties du corps, des schémas et un grandassortiment de drogues et de produits chimiques. Il y avait aussiun grand sofa pouvant se former un lit.

Le chirurgien l’ouvrit et, tirant de côté latable d’opération, mit le sofa ouvert à sa place.

– Entrez, dit-il à son visiteur.

Le jeune homme obéit sans la moindrehésitation.

– Ôtez votre veste.

Ainsi fut fait.

– Couchez-vous sur ce lit.

Un instant après, le jeune homme était étendutout de son long, observant le chirurgien. Celui-ci, sans aucundoute, en proie à une très grande excitation, n’hésitait cependantpas. Ses mouvements étaient sûrs et prompts. Choisissant une fiole,il mesura avec soin une certaine quantité du liquide qu’ellerenfermait.

Pendant qu’il était ainsi occupé, ildemanda :

– N’avez-vous jamais eu de troubles aucœur ?

– Non.

La réponse fut prompte, mais immédiatementsuivie d’un regard ironique à l’adresse de l’interlocuteur.

– Je présume, ajouta-t-il, que votrequestion signifie qu’il pourrait être dangereux de me faireabsorber une certaine drogue. Étant données les circonstancescependant, j’avoue ne pas saisir l’à-propos de votre demande.

Cela déconcerta un moment le vieux chirurgien,mais il se hâta d’expliquer qu’il était soucieux de ne pas luiinfliger une douleur inutile.

Il posa le verre sur la table, s’approcha deson visiteur et soigneusement lui tâta le pouls.

– C’est merveilleux !s’écria-t-il.

– Pourquoi ?

– Il est parfaitement normal.

– Parce que je suis complètement résigné.Il y a même longtemps que je n’ai éprouvé pareil bonheur. Il n’estpoint actif, mais infiniment doux.

– Vous n’avez aucun désir latent de vousdédire ?

– Aucun.

Le chirurgien se dirigea vers la table etrevint avec le breuvage.

– Prenez ceci, dit-il avec bonté.

Le jeune homme se souleva et prit le verre.Pas un de ses muscles ne tressaillit. Il but le liquide jusqu’à ladernière goutte, puis rendit le verre avec un sourire.

– Merci, dit-il ; vous êtes l’hommele plus noble de ce monde. Puissiez-vous toujours prospérer etvivre heureux ! Vous êtes mon bienfaiteur, mon libérateur.Soyez béni, béni ! Vous vous êtes baissé vers moi avec lesdieux pour m’enlever dans la paix glorieuse et le repos. Je vousaime, je vous aime de tout mon cœur !

Ces mots, dits avec conviction, d’une voixbasse et mélodieuse, accompagnés d’un sourire d’une ineffabletendresse, percèrent le cœur du vieillard. Un frémissement répriméle secoua ; une angoisse intense lui tordit le cœur, la sueurruissela sur son front. Le jeune homme continuait de luisourire.

– Ah ! cela me fait du bien !dit-il.

Le chirurgien s’assit sur le bord du sofa et,prenant le poignet de son visiteur, compta les pulsations.

– Combien de temps celaprendra-t-il ? demanda le jeune homme.

– Dix minutes. Deux se sont écouléesdéjà.

Sa voix était rauque.

– Ah ! plus que huit minutes !…Délicieux, délicieux ! je la sens venir… Qu’est-ce que c’étaitque ça ?… Ah ! je comprends… De la musique…Superbe ! Elle vient, elle vient !… Est-ce là de…l’eau ? Elle coule !… Elle ruisselle !Docteur !

– Eh bien ?

– Merci… merci… noble cœur… mon sauveur…mon bien… mon bienfaiteur… Elle coule… coule… elle ruisselle…Docteur !

– Eh bien ?

– Docteur !

– Il est maintenant sourd, marmonna lechirurgien.

– Docteur !

– Et aveugle.

Il n’eut pour toute réponse qu’une vigoureuseétreinte de la main.

– Docteur !

– Et froid.

– Docteur !

Le vieillard observait et attendait.

– Elle coule… coule…

La dernière goutte avait coulé. Il y eut unsoupir, puis plus rien.

Le chirurgien, qui lui tenait la main, lalaissa retomber.

– C’est le premier pas, gémit-il en selevant (Tout son être se dilata.) Le premier pas, – le plusdifficile et pourtant le plus simple. La remise providentielleentre mes mains de ce que, depuis quarante ans, j’ai si ardemmentdésiré. Pas moyen maintenant de reculer ! C’est possible,parce que c’est scientifique ; rationnel, mais dangereux. Sije réussis – si ? Je réussirai. Je veux réussir… Et après laréussite, quoi ? Oui, quoi ? Publier le projet et lesrésultats. La potence. Tant que lui il existera et que moij’existerai, la potence. Ceci fait… Mais comment expliquer saprésence ? Ah, voilà qui est embarrassant ! Ayonsconfiance en l’avenir.

Il tressaillit.

– Je me demande si elle a entendu ou vuquoi que ce soit…

À cette pensée, après un regard jeté sur laforme qui gisait sur la couche, il sortit de la pièce, en ferma laporte à clé, ferma de même la porte de la seconde pièce, suivitdeux ou trois corridors, pénétra dans une partie écartée de lamaison et frappa à une porte.

Dans l’intervalle, il avait reconquis tout sonempire sur lui-même.

– J’avais cru entendre quelqu’un dans lamaison tout à l’heure, dit-il, mais je ne trouve personne.

– Je n’ai rien entendu.

Il éprouva un réel soulagement.

– J’ai cependant entendu frapper à laporte il y a moins d’une heure, reprit-elle, et je vous ai, jecrois, entendu causer. L’avez-vous fait entrer ?

– Non.

La femme regarda les pieds de son mari etparut embarrassée.

– Je suis presque certaine, dit-elle,d’avoir entendu un bruit de pas dans la maison, et cependant jem’aperçois que vous avez vos pantoufles.

– Oh, j’avais mes souliers tout àl’heure.

– Voilà qui explique tout, dit la femmesatisfaite ; ce sont des rats que nous avons entendus.

– Ah ! c’est bien possible, fit lechirurgien.

Il s’en alla.

Il avait refermé la porte. Il la rouvrit pourdire :

– Je voudrais bien ne pas être dérangéaujourd’hui.

Et, tandis qu’il longeait le corridor, il sedisait :

– De ce côté tout va bien !

Il regagna la pièce où gisait le visiteurqu’il examina soigneusement.

– Le splendide spécimen ! fit-il àvoix basse : tous les organes sont sains, toutes les fonctionsparfaites ; le corps est beau ; les muscles sont bienformés, forts et nerveux, susceptibles d’un développementmerveilleux, si l’occasion leur en est donnée… Je ne doute pas quece ne puisse se faire. Déjà j’ai réussi avec un chien, tâche moinsdifficile que celle-ci, car chez l’homme, le cerveau recouvre lecervelet, ce qui n’est pas le cas chez le chien. Voici qui offre unvaste champ aux expériences, avec une occasion unique dans le coursde toute une vie ! Dans le cerveau, l’intelligence et lesaffections ; dans le cervelet, les sens et les forcesmotrices ; dans la moelle allongée, le centre respiratoire.Dans le cervelet et la moelle se trouvent tous les principesessentiels de la simple existence. Le cerveau n’est qu’uneparure ; en fait, la raison et les affections servent presquepurement d’ornement. Je l’ai prouvé déjà. Mon chien, le cerveau unefois enlevé, était idiot, mais dans une certaine mesure conservaitses sens physiques.

Tout en se parlant ainsi il faisait dediligents préparatifs.

Il éloigna la couchette, replaça sa tabled’opération au-dessous de la lucarne, choisit un certain nombred’instruments, prépara certaines drogues, disposa de l’eau, desserviettes et tous les accessoires d’une longue opérationchirurgicale.

Soudain il éclata de rire.

– Pauvre niais ! s’écria-t-il.M’avoir payé cinq mille dollars pour le tuer ! N’avoir pas lecourage de souffler lui-même sa bougie ! Singulières,singulières, bizarres, les lubies qu’ont ces fous ! Tu croyaismourir, pauvre idiot ! Permettez-moi, monsieur, de vousinformer que vous êtes aussi vivant en ce moment que vous l’étieztout à l’heure. Mais pour vous ce sera tout comme ; jamaisvous ne serez plus conscient que vous ne l’êtes en ce moment ;et pour toute fin pratique, en ce qui vous concerne, vous êtesdorénavant mort, quoique vous deviez vivre. Soit dit en passant,que diriez-vous de perdre la tête ? Ha, ha, ha !… maisc’est une plaisanterie macabre !

Il souleva de la couchette le corps inerte etl’étendit sur la table d’opération.

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