Le Voyage de Monsieur Perrichon

Scène deuxième

 

L’Employé, Perrichon, Madame Perrichon,Henriette

Ils entrent par la droite.

Perrichon. – Par ici!… ne nous quittons pas!nous ne pourrions plus nous retrouver… Où sont nos bagages?…(Regardant à droite; à la cantonade.) Ah très bien! Quiest-ce qui a les parapluies?…

Henriette. – Moi, papa.

Perrichon. – Et le sac de nuit?… lesmanteaux?…

Madame Perrichon. – Les voici!

Perrichon. – Et mon panama?… Il est resté dansle fiacre! (Faisant un mouvement pour sortir ets’arrêtant.) Ah! non! je l’ai à la main!… Dieu, que j’aichaud!

Madame Perrichon. – C’est ta faute!… tu nouspresses, tu nous bouscules!… je n’aime pas à voyager comme ça!

Perrichon. – C’est le départ qui est laborieux…une fois que nous serons casés!… Restez là, je vais prendre lesbillets… (Donnant son chapeau à Henriette.) Tiens,garde-moi mon panama… (Au guichet.) Trois premières pourLyon!…

L’Employé, brusquement. – Ce n’est pasouvert! Dans un quart d’heure!

Perrichon, à l’employé. – Ah! pardon!c’est la première fois que je voyage… (Revenant à safemme.) Nous sommes en avance.

Madame Perrichon. – Là! quand je te disais quenous avions le temps… Tu ne nous as pas laissés déjeuner!

Perrichon. – Il vaut mieux être en avance!… onexamine la gare! (A Henriette.) Eh bien, petite fille,es-tu contente?… Nous voilà partis!… encore quelques minutes, et,rapides comme la flèche de Guillaume Tell, nous nous élanceronsvers les Alpes! (A sa femme.) Tu as pris la lorgnette?

Madame Perrichon. – Mais oui!

Henriette, à son père. – Sansreproches, voilà au moins deux ans que tu nous promets cevoyage.

Perrichon. – Ma fille, il fallait que j’eussevendu mon fonds… Un commerçant ne se retire pas aussi facilementdes affaires qu’une petite fille de son pensionnat!… D’ailleurs,j’attendais que ton éducation fût terminée pour la compléter enfaisant rayonner devant toi le grand spectacle de la nature!

Madame Perrichon. – Ah çà! est-ce que vousallez continuer comme ça?…

Perrichon. – Quoi?…

Madame Perrichon. – Vous faites des phrasesdans une gare!

Perrichon. – Je ne fais de phrases… j’élève lesidées de l’enfant. (Tirant de sa poche un petit carnet.)Tiens, ma fille, voici un carnet que j’ai acheté pour toi.

Henriette. – Pour quoi faire?…

Perrichon. – Pour écrire d’un côté la dépense,et de l’autre les impressions.

Henriette. – Quelles impressions?…

Perrichon. – Nos impressions de voyage! Tuécriras, et moi je dicterai.

Madame Perrichon. – Comment! Vous allez vousfaire auteur à présent?

Perrichon. – Il ne s’agit pas de me faireauteur… mais il me semble qu’un homme du monde peut avoir despensées et les recueillir sur un carnet!

Madame Perrichon. – Ce sera bien joli!

Perrichon, à part. – Elle est comme ça, chaquefois qu’elle n’a pas pris son café!

Un Facteur, poussant un petit chariotchargé de bagages. – Monsieur, voici vos bagages. Voulez-vousles faire enregistrer?…

Perrichon. – Certainement! Mais, auparavant, jevais les compter… parce que, quand on sait son compte… Un, deux,trois, quatre, cinq, six, ma femme, sept, ma fille, huit, et moi,neuf. Nous sommes neuf.

Le Facteur. – Enlevez!

Perrichon, courant vers le fond. -Dépêchons-nous!

Le Facteur. – Pas par là, c’est par ici!

Il indique la gauche.

Perrichon. – Ah! très bien! (Auxfemmes.) Attendez-moi là!… ne nous perdons pas!

Il sort en courant, suivant le facteur.

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