Scène troisième
Perrichon, Madame Perrichon
Perrichon. – Comment, allons donc?… Est-ilbête, cet animal-là!
Madame Perrichon. – Maintenant que nous voilàde retour, j’espère que tu vas prendre un parti… Nous ne pouvonstarder plus longtemps à rendre réponse à ces deux jeunes gens… Deuxprétendus dans la maison… c’est trop!…
Perrichon. – Moi, je n’ai pas changé d’avis…j’aime mieux Daniel!
Madame Perrichon. Pourquoi?
Perrichon. – Je ne sais pas… je le trouve plus…enfin, il me plaît, ce jeune homme!
Madame Perrichon. – Mais l’autre… l’autre, t’asauvé!
Perrichon. – Il m’a sauvé! Toujours le mêmerefrain!
Madame Perrichon. – Qu’as-tu à lui reprocher?Sa famille est honorable, sa position excellente…
Perrichon. – Mon Dieu, je ne lui reproche rien…je ne lui en veux pas, à ce garçon!
Madame Perrichon. – Il ne manquerait plus queça!
Perrichon. – Mais je lui trouve un petit airpincé.
Madame Perrichon. – Lui?
Perrichon. – Oui, il a un ton protecteur… desmanières.!. il semble toujours se prévaloir du petit service qu’ilm’a rendu…
Madame Perrichon. – Il ne t’en parlejamais!
Perrichon. – Je le sais bien! mais c’est sonair! – son air me dit: « Hein! sans moi?… » C’est agaçant à lalongue tandis que l’autre…
Madame Perrichon. – L’autre te répète sanscesse: « Hein! sans vous… hein! sans vous? » Cela flatte ta vanité…et voilà… et voilà pourquoi tu le préfères.
Perrichon. – Moi, de la vanité? J’auraispeut-être le droit d’en avoir!
Madame Perrichon. – Oh!
Perrichon. – Oui, madame!… l’homme qui a risquésa vie pour sauver son semblable peut être fier de lui-même… maisj’aime mieux me renfermer dans un silence modeste… signecaractéristique du vrai courage!
Madame Perrichon. – Mais tout cela n’empêchepas que M. Armand…
Perrichon. – Henriette n’aime pas… ne peut pasaimer M. Armand!
Madame Perrichon. – Qu’en sais-tu?
Perrichon. – Dame, je suppose…
Madame Perrichon. – Il y a un moyen de lesavoir; c’est de l’interroger… et nous choisirons celui qu’ellepréférera.
Perrichon. – Soit!… mais ne l’influencepas!
Madame Perrichon. – La voici.