Mademoiselle de Maupin

Chapitre 6

 

En cet endroit, si le débonnaire lecteurveut bien nous le permettre, nous allons pour quelque tempsabandonner à ses rêveries le digne personnage qui, jusqu’ici, aoccupé la scène à lui tout seul et parlé pour son propre compte, etrentrer dans la forme ordinaire du roman, sans toutefois nousinterdire de prendre par la suite la forme dramatique, s’il en estbesoin, et en nous réservant le droit de puiser encore dans cetteespèce de confession épistolaire que le susdit jeune hommeadressait à son ami, persuadé que, si pénétrant et si plein desagacité que nous soyons, nous devons assurément en savoirlà-dessus moins long que lui-même.

…Le petit page était tellement harassé qu’ildormait sur les bras de son maître et que sa petite tête toutedéchevelée allait et venait comme s’il eût été mort. Il y avaitassez loin du perron à la chambre que l’on avait désignée pour êtrecelle du nouvel arrivant, et le domestique qui le précédaits’offrit à porter l’enfant à son tour ; mais le jeunecavalier, pour qui, du reste, ce fardeau semblait n’être qu’uneplume, le remercia et ne voulut pas s’en dessaisir : il ledéposa sur le canapé tout doucement et en prenant mille précautionspour ne pas le réveiller ; une mère n’eût pas mieux fait.Quand le domestique se fut retiré et que la porte fut fermée, il semit à genoux devant lui et essaya de lui tirer sesbottines ; mais ses petits pieds gonflés et endolorisrendaient cette opération assez difficile, et le joli dormeurpoussait de temps en temps quelques soupirs vagues et inarticulés,comme une personne qui va se réveiller ; alors le jeunecavalier s’arrêtait et attendait que le sommeil l’eût repris. Lesbottines cédèrent enfin, c’était le plus important ; les basfirent peu de résistance. – Cette opération achevée, le maître pritles deux pieds de l’enfant, et les posa l’un à côté de l’autre surle velours du sofa ; c’étaient bien les deux plus adorablespieds du monde, pas plus grands que cela, blancs comme de l’ivoireneuf et un peu rosés par la pression de la chaussure où ils étaienten prison depuis dix-sept heures, des pieds trop petits pour unefemme, et qui semblaient n’avoir jamais marché ; ce qu’onvoyait de la jambe était rond, potelé, poli, transparent et veiné,et de la plus exquise délicatesse ; – une jambe digne dupied.

Le jeune homme, toujours à genoux, contemplaitces deux petits pieds avec une attention amoureusementadmirative ; il se pencha, prit le gauche et le baisa, et puisle droit et le baisa aussi ; et puis, de baisers en baisers,il remonta le long de la jambe jusqu’à l’endroit où l’étoffecommençait. – Le page souleva un peu sa longue paupière, et laissatomber sur son maître un regard bienveillant et assoupi, où neperçait aucune surprise. – Ma ceinture me gêne, dit-il en passantson doigt sous le ruban, et il se rendormit. – Le maîtredéboucla la ceinture, releva la tête du page avec un coussin ?et touchant ses pieds qui étaient devenus un peu froids, debrûlants qu’ils étaient, il les enveloppa soigneusement dans sonmanteau, prit un fauteuil, et s’assit au plus près du sofa. Deuxheures se passèrent ainsi, le jeune homme regardant dormir l’enfantet suivant sur son front les ombres de ses rêves. Le seul bruitqu’on entendit par la chambre était sa respiration régulière et letic-tac de la pendule.

C’était un tableau assurément fort gracieux. –Il y avait dans l’opposition de ces deux genres de beauté un moyend’effet dont un peintre habile eût tiré bon parti. – Le maîtreétait beau comme une femme, – le page beau comme une jeune fille. –Cette tête ronde et rose, ainsi posée dans ses cheveux, avait l’aird’une pêche sous ses feuilles ; elle en avait la fraîcheur etle velouté, quoique la fatigue de la route lui eût enlevé quelquepeu de son éclat habituel ; la bouche mi-ouverte laissaitapercevoir de petites dents d’un blanc laiteux, et sous ses tempespleines et luisantes s’entre-croisait un réseau de veinesazurées ; les cils de ses yeux, pareils à ces fils d’or quis’épanouissent dans les missels autour de la tête des vierges, luivenaient presque au milieu des joues ; ses cheveux longs etsoyeux tenaient à la fois de l’or et de l’argent, – or dansl’ombre, argent dans la lumière ; son cou était en même tempsgras et frêle, et n’avait rien du sexe indiqué par seshabits ; deux ou trois boutons du justaucorps, défauts pourfaciliter la respiration, permettaient d’entrevoir, par l’hiatusd’une chemise de fine toile de Hollande, un losange de chairpotelée et rebondie d’une admirable blancheur, et le commencementd’une certaine ligne ronde difficile à expliquer sur la poitrined’un jeune garçon ; en y regardant bien, on eût peut-êtretrouvé aussi que ses hanches étaient un peu trop développées. – Lelecteur en pensera ce qu’il voudra ; ce sont de simplesconjectures que nous lui proposons : nous n’en savons paslà-dessus plus que lui, mais nous espérons en apprendre davantagedans quelque temps, et nous lui promettons de le tenir fidèlementau courant de nos découvertes. – Que le lecteur, s’il a la vuemoins basse que nous, enfonce son regard sous la dentelle de cettechemise et décide en conscience si ce contour est trop ou trop peusaillant ; mais nous l’avertissons que les rideaux sont tirés,et qu’il règne dans la chambre un demi-jour peu favorable à cessortes d’investigations.

Le cavalier était pâle, mais d’une pâleurdorée, pleine de force et de vie ; ses prunelles nageaient surun cristallin humide et bleu ; son nez droit et mince donnaità son profil une fierté et une vigueur merveilleuses, et la chairen était si fine que, sur le bord du contour, elle laissaittranspercer la lumière ; sa bouche avait le sourire le plusdoux à de certains moments, mais d’ordinaire elle était arquée àses coins, comme quelques-unes de ces têtes qu’on voit dans lestableaux des vieux maîtres italiens, plutôt en dedans qu’endehors ; ce qui lui donnait quelque chose d’adorablementdédaigneux, une smorfia on ne peut plus piquante, un airde bouderie enfantine et de mauvaise humeur très singulier et trèscharmant.

Quels étaient les liens qui unissaient lemaître au page et le page au maître ? Assurément il y avaitentre eux plus que l’affection qui peut exister entre le maître etle domestique. Étaient-ce deux amis ou deux frères ? – Alors,pourquoi ce travestissement ? – Il eût été cependant difficilede croire à quiconque eût vu la scène que nous venons de décrireque ces deux personnages n’étaient en vérité que ce qu’ilsparaissaient être.

– Ce cher ange, comme il dort ! dit àvoix basse le jeune homme ; je crois qu’il n’avait jamais tantfait de chemin de sa vie. Vingt lieues à cheval, lui qui est sidélicat ! j’ai peur qu’il ne soit malade de fatigue. Mais non,cela ne sera rien ; demain il n’y paraîtra plus ; il aurarepris ses belles couleurs, et sera plus frais qu’une rose après lapluie. – Est-il beau comme cela ! Si je ne craignais del’éveiller, je le mangerais de caresses. Quelle adorable fossetteil a au menton ! quelle finesse et quelle blancheur depeau ! – Dors bien, cher trésor. – Ah ! je suis vraimentjaloux de ta mère et je voudrais t’avoir fait. – Il n’est pasmalade ? Non ; – sa respiration est réglée, et il nebouge pas. – Mais je crois qu’on a frappé…

En effet, on avait frappé deux petits coupsaussi doucement que possible sur le panneau de la porte.

Le jeune homme se leva, et, craignant des’être trompé, attendit, pour ouvrir, que l’on heurtât de nouveau.– Deux autres coups, un peu plus accentués, se firent entendre denouveau, et une douce voix de femme dit sur un ton très bas :– C’est moi, Théodore.

Théodore ouvrit, mais avec moins de vivacitéqu’un jeune homme n’en met à ouvrir à une femme dont la voix estdouce, et qui est venue gratter mystérieusement à votre huis versla tombée du jour. – Le battant entrebâillé donna passage, devinezà qui ? à la maîtresse du perplexe d’Albert, à la princesseRosette en personne, plus rose que son nom, et les seins aussi émusque les eut jamais femme qui soit entrée le soir dans la chambred’un beau cavalier.

– Théodore ! dit Rosette.

Théodore leva le doigt et le posa sur sa lèvrede manière à figurer la statue du silence, et, lui montrantl’enfant qui dormait, il la fit passer dans la pièce voisine.

– Théodore, reprit Rosette qui semblaittrouver des douceurs singulières à répéter ce nom, et chercher enmême temps à rallier ses idées, – Théodore, continua-t-elle sansquitter la main que le jeune homme lui avait présentée pour laconduire à son fauteuil, – vous nous êtes donc enfin revenu ?Qu’avez-vous fait tout ce temps ? où êtes-vous allé ? –Savez-vous qu’il y a six mois que je ne vous ai vu ?Ah ! Théodore, cela n’est pas bien ; on doit aux gens quinous aiment, même quand on ne les aime pas, quelques égards etquelque pitié.

THEODORE. – Ce que j’ai fait ? – Je nesais. – J’ai été et je suis venu, j’ai dormi et j’ai veillé, j’aichanté et j’ai pleuré, j’ai eu faim et soif, j’ai eu trop chaud ettrop froid, je me suis ennuyé, j’ai de l’argent de moins et sixmois de plus, j’ai vécu, voilà tout. – Et vous, qu’avez-vousfait ?

ROSETTE. – Je vous ai aimé.

THEODORE. – Vous n’avez fait quecela ?

ROSETTE. – Oui, absolument. J’ai mal employémon temps, n’est-ce pas ?

THEODORE. – Vous auriez pu l’employer mieux,ma pauvre Rosette ; par exemple, à aimer quelqu’un qui pûtvous rendre votre amour.

ROSETTE. – Je suis désintéressée en amourcomme en tout. – Je ne prête pas de l’amour à usure ; c’est unpur don que je fais.

THEODORE. – Vous avez là une vertu bien rare,et qui ne peut naître que dans une âme choisie. J’ai désiré biensouvent pouvoir vous aimer, du moins comme vous le voudriez ;mais il y a entre nous un obstacle insurmontable, et que je ne puisvous dire – Avez-vous eu un autre amant depuis que je vous aiquittée ?

ROSETTE. – J’en ai eu un que j’aiencore.

THEODORE. – Quelle espèce d’hommeest-ce ?

ROSETTE. – Un poète.

THEODORE. – Diable ! quel est ce poète,et qu’a-t-il fait ?

ROSETTE. – Je ne sais trop, une manière devolume que personne ne connaît, et que j’ai essayé de lire unsoir.

THEODORE. – Ainsi donc vous avez pour amant unpoète inédit. – Cela doit être curieux. – A-t-il des trous aucoude, du linge sale et des bas en vis de pressoir ?

ROSETTE. – Non ; il se met assez bien, selave les mains, et n’a pas de tache d’encre au bout du nez. C’estun ami de C*** ; je l’ai rencontré chez madame de Thémines,vous savez, une grande femme qui fait l’enfant et se donne depetits airs d’innocence.

THEODORE. – Et peut-on savoir le nom de ceglorieux personnage ?

ROSETTE. – Oh ! mon Dieu, oui ! ilse nomme le chevalier d’Albert !

THEODORE. – Le chevalier d’Albert ! il mesemble que c’est un jeune homme qui était sur le balcon quand jesuis descendu de cheval.

ROSETTE. – Précisément.

THEODORE. – Et qui m’a regardé avec tantd’attention.

ROSETTE. – Lui-même.

THEODORE. – Il est assez bien. – Et il ne m’apas fait oublier ?

ROSETTE. – Non. Vous n’êtes pasmalheureusement de ceux qu’on oublie.

THEODORE. – Il vous aime fort sansdoute ?

ROSETTE. – Je ne sais trop. – Il y a desmoments où l’on croirait qu’il m’aime beaucoup ; mais au fondil ne m’aime pas, et il n’est pas loin de me haïr, car il m’en veutde ce qu’il ne peut m’aimer. – Il a fait comme plusieurs autresplus expérimentés que lui ; il a pris un goût vif pour de lapassion, et s’est trouvé tout surpris et tout désappointé quand sondésir a été assouvi. – C’est une erreur que, parce que l’on acouché ensemble, on se doit réciproquement adorer.

THEODORE. – Et que comptez-vous faire de cesusdit amoureux qui ne l’est pas ?

ROSETTE. – Ce qu’on fait des anciens quartiersde lune ou des modes de l’an passé. – Il n’est pas assez fort pourme quitter le premier, et, quoiqu’il ne m’aime pas dans le sensvéritable du mot, il tient à moi par une habitude de plaisir, et cesont celles-là qui sont les plus difficiles à rompre. – Si je nel’aide pas, il est capable de s’ennuyer consciencieusement avec moijusqu’au jour du jugement dernier, et même au-delà ; car il aen lui le germe de toutes les nobles qualités ; et les fleursde son âme ne demandent qu’à s’épanouir au soleil de l’éternelamour. – Réellement, je suis fâchée de n’avoir pas été le rayonpour lui. – De tous mes amants que je n’ai pas aimés, c’estcelui que j’aime le plus ; – et, si je n’étais aussi bonneque je le suis, je ne lui rendrais pas sa liberté, et je legarderais encore. – C’est ce que je ne ferai pas ; – j’achèveen ce moment-ci de l’user.

THEODORE. – Combien celadurera-t-il ?

ROSETTE. – Quinze jours, trois semaines, maisà coup sûr moins que cela n’eût duré si vous n’étiez pas venu. – Jesais que je ne serai jamais votre maîtresse. – Il y a, dites-vous,pour cela une raison inconnue à laquelle je me rendrais s’il vousétait permis de me la révéler. Ainsi donc toute espérance de cecôté me doit être interdite, et cependant je ne puis me résoudre àêtre la maîtresse d’un autre quand vous êtes là : il me sembleque c’est une profanation, et que je n’ai plus le droit de vousaimer.

THEODORE. – Gardez celui-ci pour l’amour demoi.

ROSETTE – Si cela vous fait plaisir, je leferai. – Ah ! si vous avez pu être à moi, combien ma vie eûtété différente de ce qu’elle a été ! – Le monde a une bienfausse idée de moi, et j’aurai passé sans que nul se soit douté dece que j’étais, – excepté vous, Théodore, le seul qui m’ayezcomprise, et qui m’ayez été cruel. – Je n’ai jamais désiré que vouspour amant, et je ne vous ai pas eu. – Si vous m’aviez aimée, ôThéodore ! j’aurais été vertueuse et chaste, j’aurais étédigne de vous : au lieu de cela, je laisserai (si quelqu’un sesouvient de moi) la réputation d’une femme galante, d’une espèce decourtisane qui n’avait de différent de celle du ruisseau que lerang et la fortune. – J’étais née avec les plus hautesinclinations ; mais rien ne déprave comme de ne pas êtreaimée. – Beaucoup me méprisent qui ne savent pas ce qu’il m’a fallusouffrir pour arriver où j’en suis. – Étant sûre de ne jamaisappartenir à celui que je préférais entre tous, je me suis laisséealler au courant, je n’ai pas pris la peine de défendre un corpsqui ne pouvait être à vous. – Pour mon cœur, personne ne l’a eu etne l’aura jamais. – Il est à vous, quoique vous l’ayez brisé ;– et, différente de la plupart des femmes qui se croient honnêtes,pourvu qu’elles n’aient pas passé d’un lit dans un autre, quoiquej’aie prostitué ma chair, j’ai toujours été fidèle d’âme et de cœurà votre pensée. – Au moins, j’aurai fait quelques heureux, j’auraienvoyé danser autour de quelques chevets de blanches illusions.J’ai trompé innocemment plus d’un noble cœur ; j’ai été simisérable d’être rebutée par vous que j’ai toujours été épouvantéeà l’idée de faire subir un pareil supplice à quelqu’un. – C’est leseul motif de bien des aventures qu’on a attribuées à un pur espritde libertinage ! – Moi ! du libertinage ! Ômonde ! – Si vous saviez, Théodore, combien il estprofondément douloureux de sentir qu’on a manqué sa vie, que l’on apassé à côté de son bonheur, de voir que tout le monde se méprendsur votre compte et qu’il est impossible de faire changer l’opinionqu’on a de vous, que vos plus belles qualités sont tournéesen défaut, vos plus pures essences en noirs poisons, qu’il n’atranspiré de vous que ce que vous aviez de mauvais ; d’avoirtrouvé les portes toujours ouvertes pour vos vices et toujoursfermées pour vos vertus, et de n’avoir pu amener à bien, parmi tantde ciguës et d’aconits, un seul lis ou une seule rose ! vousne savez pas cela, Théodore.

THEODORE. – Hélas ! hélas ! ce quevous dites là, Rosette, est l’histoire de tout le monde ; lameilleure partie de nous est celle qui reste en nous, et que nousne pouvons produire. – Les poètes sont ainsi. – Leur plus beaupoème est celui qu’ils n’ont pas écrit ; ils emportent plus depoèmes dans la bière qu’ils n’en laissent dans leurbibliothèque.

ROSETTE. – J’emporterai mon poème avecmoi.

THEODORE. – Et moi, le mien. – Qui n’en a faitun dans sa vie ? qui est assez heureux ou assez malheureuxpour n’avoir pas composé le sien dans sa tête ou dans soncœur ? – Des bourreaux en ont peut-être fait qui sont touthumides des pleurs de la plus douce sensibilité ; des poètesen ont peut-être fait aussi qui eussent convenu à des bourreaux,tant ils sont rouges et monstrueux.

ROSETTE. – Oui. – On pourrait mettre des rosesblanches sur ma tombe. – J’ai eu dix amants, – mais je suis vierge,et mourrai vierge. Bien des vierges, sur les fosses desquelles ilneige à perpétuité du jasmin et des fleurs d’oranger, étaient devéritables Messalines.

THEODORE. – Je sais ce que vous valez,Rosette.

ROSETTE. – Vous seul au monde avez vu ce queje suis ; car vous m’avez vue sous le coup d’un amour bienvrai et bien profond, puisqu’il est sans espoir ; et qui n’apas vu une femme amoureuse ne peut pas dire ce qu’elle est ;c’est ce qui me console dans mes amertumes.

THEODORE. – Et que pense de vous ce jeunehomme qui, aux yeux du monde, est aujourd’hui votreamant ?

ROSETTE. – La pensée d’un amant est un gouffreplus profond que la baie de Portugal, et il est bien difficile dedire ce qu’il y a au fond d’un homme ; la sonde seraitattachée à une corde de cent mille toises de longueur, et on ladéviderait jusqu’au bout, qu’elle filerait toujours sans rienrencontrer qui l’arrêtât. Cependant j’ai touché quelquefois le fondde celui-ci en quelques endroits, et le plomb a rapporté tantôt dela boue, tantôt de beaux coquillages, mais le plus souvent de laboue et des débris de coraux mêlés ensemble. – Quant à son opinionsur moi, elle a beaucoup varié ; il a commencé d’abord par oùles autres finissent, il m’a méprisée ; les jeunes gens quiont l’imagination vive sont sujets à cela. – Il y a toujours unechute énorme dans le premier pas qu’ils font, et le passage de leurchimère à la réalité ne peut se faire sans secousse. – Il meméprisait, et je l’amusais ; maintenant il m’estime, et jel’ennuie. – Aux premiers jours de notre liaison, il n’a vu dans moique le côté banal, et je pense que la certitude de ne paséprouver de résistance était pour beaucoup dans sa détermination.Il paraissait extrêmement empressé d’avoir une affaire, et je crusd’abord que c’était une de ces plénitudes de cœur qui ne cherchentqu’à déborder, un de ces amours vagues que l’on a dans le mois demai de la jeunesse, et qui font qu’à défaut de femmes onentourerait les troncs d’arbres avec ses bras, et qu’onembrasserait les fleurs et le gazon des prairies. – Mais ce n’étaitpas cela ; – il ne passait à travers moi que pour arriver àautre chose. J’étais un chemin pour lui, et non un but. – Sous lesfraîches apparences de ses vingt ans, sous le premier duvet del’adolescence, il cachait une corruption profonde. Il était piquéau cœur ; – c’était un fruit qui ne renfermait que de lacendre. Dans ce corps jeune et vigoureux s’agitait une âme aussivieille que Saturne, – une âme aussi incurablement malheureusequ’il en fut jamais. – Je vous avoue, Théodore, que je fus effrayéet que le vertige faillit me prendre en me penchant sur les noiresprofondeurs de cette existence. – Vos douleurs et les miennes nesont rien, comparées à celles-là. – Si je l’avais plus aimé, jel’aurais tué. – Quelque chose l’attire et l’appelle invinciblementqui n’est pas de ce monde ni en ce monde, et il ne peut avoir derepos ni jour ni nuit ; et, comme l’héliotrope dans une cave,il se tord pour se tourner vers le soleil qu’il ne voit pas. –C’est un de ces hommes dont l’âme n’a pas été trempée assezcomplètement dans les eaux du Léthé avant d’être liée à soncorps, et qui garde du ciel dont elle vient des réminiscencesd’éternelle beauté qui la travaillent et la tourmentent, qui sesouvient qu’elle a eu des ailes, et qui n’a plus que des pieds. –Si j’étais Dieu, je priverais de poésie pendant deux éternitésl’ange coupable d’une pareille négligence. – Au lieu d’avoir àbâtir un château de cartes brillamment coloriées pour abriterpendant un printemps une blonde et jeune fantaisie, il fallaitélever une tour plus haute que les huit temples superposés deBélus. – Je n’étais pas de force, je fis semblant de ne pas l’avoircompris, et je le laissai ramper sur ses ailes et chercher unsommet d’où il pût s’élancer dans l’espace immense. – Il croit queje n’ai rien aperçu de tout cela, parce que je me suis prêtée àtous ses caprices sans avoir l’air d’en soupçonner le but. – J’aivoulu, ne pouvant le guérir, et j’espère qu’il m’en sera un jourtenu compte devant Dieu, lui donner au moins ce bonheur de croirequ’il avait été passionnément aimé. Il m’inspirait assez de pitiéet d’intérêt pour aisément pouvoir prendre avec lui un ton et desmanières assez tendres pour lui faire illusion. J’ai joué mon rôleen comédienne consommée ; j’ai été enjouée et mélancolique,sensible et voluptueuse ; j’ai feint des inquiétudes et desjalousies ; j’ai versé de fausses larmes, et j’ai appelé surmes lèvres des essaims de sourires composés. – J’ai paré cemannequin d’amour des plus brillantes étoffes ; je l’aifait promener dans les allées de mes parcs ; j’ai invité tousmes oiseaux à chanter sur son passage, et toutes mes fleurs dahliaset daturas à le saluer en inclinant la tête ; je lui ai faittraverser mon lac sur le dos argenté de mon cygne chéri ; jeme suis cachée dedans, et je lui ai prêté ma voix, mon esprit, mabeauté, ma jeunesse, et je lui ai donné une apparence si séduisanteque la réalité ne valait pas mon mensonge. Quand le temps sera venude briser en éclats cette creuse statue, je le ferai de manière àce qu’il croie que tout le tort est de mon côté et à lui enépargner le remords. – C’est moi qui donnerai le coup d’épinglé paroù doit s’échapper le vent dont ce ballon est plein. – N’est-ce paslà une sainte prostitution et une honorable tromperie ? J’aidans une urne de cristal quelques larmes que j’ai recueillies aumoment où elles allaient tomber. – Voilà mon écrin et mes diamants,et je les présenterai à l’ange qui me viendra prendre pourm’emmener à Dieu.

THEODORE. – Ce sont les plus beaux quipuissent briller au cou d’une femme. Les parures d’une reine nevalent pas celles-là. – Pour moi, je pense que la liqueur queMadeleine versa sur les pieds du Christ était faite des ancienspleurs de ceux qu’elle avait consolés, et je pense aussi que c’estde pareilles larmes qu’est semé le chemin de saint Jacques, et non,comme on l’a prétendu, des gouttes de lait de Junon. – Qui feradonc pour vous ce que vous avez fait pour lui ?

ROSETTE. – Personne, hélas ! puisque vousne le pouvez.

THEODORE. – Ô chère âme ! que ne lepuis-je ! – Mais ne perdez pas l’espoir. – Vous êtes belle etbien jeune encore. – Vous avez bien des allées de tilleuls etd’acacias en fleurs à parcourir avant d’arriver à cette routehumide, bordée de buis et d’arbres sans feuilles, qui conduit dutombeau de porphyre où l’on enterrera vos belles années mortes autombeau de pierre brute et couverte de mousse où l’on se hâtera depousser le reste de ce qui fut vous et les spectres ridés etbranlants des jours de votre vieillesse. Il vous reste beaucoup àgravir de la montagne de la vie, et de longtemps vous neparviendrez à la zone où se trouve la neige. Vous n’en êtes qu’à larégion des plantes aromatiques, des cascades limpides où l’irissuspend ses arches tricolores, des beaux chênes verts et desmélèzes parfumés. Montez encore quelque peu, et de là, dansl’horizon plus large qui se déploiera à vos pieds, vous verrezpeut-être s’élever la fumée bleuâtre du toit où dort celui qui vousaimera. Il ne faut pas, dès l’abord, désespérer de sa vie, ils’ouvre, comme cela, dans notre destinée, des perspectives à quoinous ne nous attendions plus. – L’homme, dans la vie, m’a souventfait penser à un pèlerin qui suit l’escalier en colimaçon d’unetour gothique. Le long serpent de granit tord dans l’obscurité sesanneaux dont chaque écaille est une marche. Après quelquescirconvolutions, le peu de jour qui venait de la porte s’estéteint. L’ombre des maisons qu’on n’a pas encore dépassées nepermet pas aux soupiraux de laisser entrer le soleil : lesmurs sont noirs, suintants ; on a plutôt l’air de descendredans un cachot d’où l’on ne doit jamais sortir que de monter àcette tourelle qui, d’en bas, vous paraissait si svelte et siélancée, et couverte de dentelles et de broderies, comme si elleallait partir pour le bal. – On hésite si l’on doit aller plushaut, tant ces moites ténèbres pèsent lourdement sur votre front. –L’escalier tourne encore quelquefois, et des lucarnes plusfréquentes découpent leurs trèfles d’or sur le mur opposé. Oncommence à voir les pignons dentelés des maisons, les sculpturesdes entablements, les formes bizarres des cheminées ; quelquespas de plus, et l’œil plane sur la ville entière ; c’est uneforêt d’aiguilles, de flèches et de tours qui se hérissent detoutes parts, dentelées, tailladées, évidées, frappées àl’emporte-pièce et laissant transparaître le jour par leurs milledécoupures. – Les dômes et les coupoles s’arrondissent comme lesmamelles de quelque géante ou des crânes de Titans. Les îlots demaisons et de palais se détachent par tranches ombrées oulumineuses. Quelques marches encore, et vous serez sur laplate-forme ; et alors vous verrez, au-delà de l’enceinte dela ville, verdoyer les cultures, bleuir les collines et blanchirles voiles sur le ruban moiré du fleuve. Un jour éblouissantvous inonde, et les hirondelles passent et repassent auprès de vousen poussant de petits cris joyeux. Le son lointain de la cité vousarrive comme un murmure amical ou le bourdonnement d’une ruched’abeilles ; tous les clochers égrènent dans les airs leurscolliers de perles sonores ; les vents vous apportent lessenteurs de la forêt voisine et des fleurs de la montagne : cen’est que lumière, harmonie et parfum. Si vos pieds s’étaientlassés, ou que le découragement vous eût prise et que vous fussiezrestée assise sur une marche inférieure, ou que vous fussiez tout àfait redescendue, ce spectacle eût été perdu pour vous. –Quelquefois cependant la tour n’a qu’une seule ouverture au milieuou en haut. – La tour de votre vie est ainsi construite ; –alors il faut un courage plus obstiné, une persévérance arméed’ongles plus crochus pour s’accrocher, dans l’ombre, aux sailliesdes pierres, et parvenir au trèfle resplendissant par où la vues’échappe sur la campagne ; ou bien les meurtrières ont étéremplies, ou l’on a oublié d’en percer, et alors il faut allerjusqu’au faîte ; mais plus on s’est élevé sans voir, plusl’horizon semble immense, plus le plaisir et la surprise sontgrands.

ROSETTE – Ô Théodore, Dieu veuille que jeparvienne bientôt à l’endroit où est la fenêtre ! Voilà bienassez longtemps que je suis la spirale à travers la nuit la plusprofonde ; mais j’ai peur que l’ouverture n’ait été maçonnéeet qu’il ne faille gravir jusqu’au sommet ; et si cetescalier aux marches innombrables n’aboutissait qu’à une portemurée ou à une voûte de pierres de taille ?

THEODORE. – Ne dites pas cela, Rosette ;ne le pensez pas. – Quel architecte construirait un escalier quin’aboutirait à rien ? Pourquoi supposer le paisible architectedu monde plus stupide et plus imprévoyant qu’un architecteordinaire ? – Dieu ne se trompe pas, et n’oublie rien. On nepeut pas croire qu’il se soit amusé, pour vous faire pièce, à vousenfermer dans un long tube de pierre sans issue et sans ouverture.Pourquoi voulez-vous qu’il dispute à de pauvres fourmis comme noussommes leur misérable bonheur d’une minute, et l’imperceptiblegrain de mil qui leur revient dans cette large création ? – Ilfaudrait pour cela qu’il eût la férocité d’un tigre ou d’unjuge ; et, si nous lui déplaisions tant, il n’aurait qu’à direà une comète de se détourner un peu de sa course et à nousétrangler tous avec un crin de sa queue. – Comment diablevoulez-vous que Dieu se divertisse à nous enfiler un à un dans uneépingle d’or, comme faisait des mouches l’empereur Domitien ?– Dieu n’est pas une portière ni un marguillier, et, quoiqu’il soitvieux, il n’est pas encore tombé en enfance. – Toutes ces petitesméchancetés sont au-dessous de lui, et il n’est pas assez niaispour faire de l’esprit avec nous et nous jouer des tours. –Courage, Rosette, courage ! Si vous êtes essoufflée,arrêtez-vous un peu et reprenez haleine, et puis continuez votreascension : vous n’avez peut-être plus qu’une vingtaine demarches à gravir pour arriver à l’embrasure d’où vous verrez votrebonheur.

ROSETTE. – Jamais ! oh !jamais ! et si je parviens au sommet de la tour, ce ne seraque pour m’en précipiter.

THEODORE. – Chasse, ma pauvre affligée, cesidées sinistres qui voltigent autour de toi comme deschauves-souris, et jettent sur ton beau front l’ombre opaque deleurs ailes. Si tu veux que je t’aime, sois heureuse, et ne pleurepas. (Il l’attire doucement contre lui et l’embrasse sur lesyeux.)

ROSETTE. – Quel malheur pour moi de vous avoirconnu ! et pourtant, si la chose était à refaire, je voudraisencore vous avoir connu. – Vos rigueurs m’ont été plus douces quela passion des autres ; et, quoique vous m’ayez beaucoup faitsouffrir, tout ce que j’ai eu de plaisir m’est venu de vous ;par vous, j’ai entrevu ce que j’aurais pu être. Vous avez été unéclair de ma nuit, et vous avez illuminé bien des endroits sombresde mon âme ; vous avez ouvert dans ma vie des perspectivestoutes nouvelles. – Je vous dois de connaître l’amour, l’amour ilest vrai ; mais il y a à aimer sans être aimé un charmemélancolique et profond, et il est beau de se ressouvenir de ceuxqui nous oublient. – C’est déjà un bonheur que de pouvoir aimermême quand on est seul à aimer, et beaucoup meurent sans l’avoireu, et souvent les plus à plaindre ne sont pas ceux qui aiment.

THEODORE. – Ceux-là souffrent et sententleurs plaies, mais du moins ils vivent. Ils tiennent à quelquechose ; ils ont un astre autour duquel ils gravitent, un pôleauquel ils tendent ardemment. Ils ont quelque chose àsouhaiter ; ils se peuvent dire : Si je parviens là, sij’ai cela, je serai heureux. Ils ont d’effroyables agonies, mais enmourant ils peuvent au moins se dire : – Je meurs pour lui. –Mourir ainsi, c’est renaître. – Les vrais, les seulsirréparablement malheureux sont ceux dont la folle étreinteembrasse l’univers entier, ceux qui veulent tout et ne veulentrien, et que l’ange ou la fée qui descendrait et leur diraitsubitement : – Souhaitez une chose, et vous l’aurez, –trouverait embarrassés et muets.

ROSETTE. – Si la fée venait, je sais bien ceque je lui demanderais.

THEODORE. – Vous le savez, Rosette, et voilàen quoi vous êtes plus heureuse que moi, car je ne le sais pas. Ils’agite en moi beaucoup de désirs vagues qui se confondentensemble, et en enfantent d’autres qui les dévorent ensuite. Mesdésirs sont une nuée d’oiseaux qui tourbillonnent et voltigent sansbut ; le vôtre est un aigle qui a les yeux sur le soleil, etque le manque d’air empêche de se soulever sur ses ailes déployées.– Ah ! si je pouvais savoir ce que je veux ; si l’idéequi me poursuit se dégageait nette et précise du brouillard quil’entoure ; si l’étoile favorable ou fatale apparaissait aufond de mon ciel ; si la lueur que je dois suivre venait àrayonner dans la nuit, feu follet perfide ou pharehospitalier ; si ma colonne de feu marchait devant moi, fût-ceà travers un désert sans manne et sans fontaines ; si jesavais où je vais, dussé-je n’aboutir qu’à un précipice ! –j’aimerais mieux ces courses insensées de chasseurs maudits, parles fondrières et les halliers, que ce piétinement absurde etmonotone. Vivre ainsi, c’est faire un métier pareil à celui de ceschevaux qui, les yeux bandés, tournent la roue de quelque puits, etfont des milliers de lieues sans rien voir et sans changer deplace. – Il y a assez longtemps que je tourne, et le seau devraitbien être remonté.

ROSETTE. – Vous avez avec d’Albert beaucoup depoints de ressemblance, et, quand vous parlez, il me semblequelquefois que ce soit lui qui parle. – Je ne doute pas que,lorsque vous le connaîtrez plus, vous ne vous attachiez beaucoup àlui ; vous ne pouvez manquer de vous convenir. – Il esttravaillé, comme vous, de ces élans sans but ; il aimeimmensément sans savoir quoi, il voudrait monter au ciel, car laterre lui paraît un escabeau bon à peine pour un de ses pieds, etil a plus d’orgueil que Lucifer avant sa chute.

THEODORE. – J’avais d’abord eu peur que ce nefût un de ces poètes comme il y en a tant, et qui ont chassé lapoésie de la terre, un de ces enfileurs de perles fausses qui nevoient au monde que la dernière syllabe des mots, et qui,lorsqu’ils ont fait rimer ombre avec sombre,flamme avec âme, et Dieu avec lieu,se croisent consciencieusement les bras et les jambes, etpermettent aux sphères d’accomplir leur révolution.

ROSETTE. – Il n’est point de ceux-là. Ses verssont au-dessous de lui, et ne le contiennent pas. On prendrait,d’après ce qu’il a fait, une idée très fausse de sa personne ;son véritable poème, c’est lui, et je ne sais pas s’il en ferajamais d’autre. – Il a au fond de son âme un sérail de belles idéesqu’il entoure d’un triple mur, et dont il est plus jaloux quejamais sultan ne le fut de ses odalisques. – Il ne met dans sesvers que celles dont il ne se soucie pas ou dont il estrebuté ; c’est la porte par où il les chasse, et le monde n’aque ce dont il ne veut plus.

THEODORE. – Je conçois cette jalousie et cettepudeur. – De même bien des gens ne conviennent de l’amour qu’ilsont eu que lorsqu’ils ne l’ont plus, et de leurs maîtresses quelorsqu’elles sont mortes.

ROSETTE. – L’on a tant de peine à posséderquelque chose en propre dans ce monde ! tout flambeau attiretant de papillons, tout trésor attire tant de voleurs ! –J’aime ces silencieux qui emportent leur idée dans leur tombe et nela veulent point livrer aux sales baisers et aux impudiquesattouchements de la foule. Ces amoureux me plaisent qui n’écriventle nom de leur maîtresse sur aucune écorce, qui ne le confient àaucun écho, et qui, en dormant, sont poursuivis de cette craintequ’un rêve ne le leur fasse prononcer. Je suis de ce nombre ;je n’ai pas dit ma pensée, et nul ne saura mon amour… Mais voiciqu’il est bientôt onze heures, mon cher Théodore, et je vousempêche de prendre un repos dont vous devez avoir besoin. Quand ilfaut que je vous quitte, j’éprouve toujours un serrement de cœur,et il me semble que c’est la dernière fois que je vous verrai. Jeretarde le plus que je peux ; mais il faut bien s’en aller àla fin. Allons, adieu, car j’ai peur que d’Albert ne mecherche ; adieu, ami.

Théodore lui mit le bras autour de la taille,et la conduisit ainsi jusqu’à la porte : là il s’arrêta, et lasuivit longtemps de l’œil ; le corridor était percé de loin enloin de petites fenêtres à carreaux étroits, éclairées par la lune,et qui faisaient une alternative d’ombre et de lumière trèsfantastique. À chaque fenêtre, la forme blanche et pure de Rosetteétincelait comme un fantôme d’argent ; puis elle s’éteignaitpour reparaître plus brillante un peu plus loin ; enfin elledisparut entièrement.

Théodore, comme abîmé dans de profondesréflexions, resta quelques minutes immobile et les bras croisés,puis il passa sa main sur son front, et rejeta ses cheveux enarrière par un mouvement de tête, rentra dans la chambre, et fut secoucher après avoir embrassé au front le page, qui dormaittoujours.

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