Une Fille du Régent

Chapitre 15FIEZ-VOUS AUX SIGNES DE RECONNAISSANCE !

Tapin crut d’abord que c’était le chevalier Gaston deChanlay ; mais il se trompait : ce n’était qu’une femmequi venait chercher une chopine de vin.

– Qu’est-il donc arrivé à ce pauvre monsieurBourguignon ? dit-elle, on l’emporte dans un fiacre, en bonnetde coton.

– Hélas ! ma chère dame, dit Tapin, un malheur auquelnous étions loin de nous attendre. Ce pauvre Bourguignon, au momentoù il s’y attendait le moins, en causant là, avec moi, vient d’êtrefrappé d’une apoplexie foudroyante.

– Bonté divine !

– Hélas ! reprit Tapin en levant les yeux au ciel,cela prouve, ma pauvre chère dame, que nous sommes tousmortels.

– Mais la petite fille qu’on emmène aussi ? continuala commère.

– Elle soignera son père, c’est son devoir.

– Mais le marmiton ? reprit la voisine, qui voulait enavoir le cœur net.

– Le marmiton leur fera la cuisine, c’est son métier.

– Seigneur, mon Dieu ! j’avais vu tout cela du bas dema porte, et je n’y comprends rien ; aussi, quoique je n’eneusse pas besoin, je venais vous acheter une chopine de blanc poursavoir à quoi m’en tenir.

– Eh bien, vous le savez, maintenant, ma chère dame.

– Mais qui êtes-vous ?

– Je suis Champagne, le cousin de Bourguignon ;j’arrivais ce matin du pays, par hasard ; je lui apportais desnouvelles de sa famille, tout à coup la joie, lesaisissement : ça lui a porté un coup, et bernique ! pluspersonne. Tenez, demandez à Grabigeon, continua Tapin, montrant sonaide de cuisine qui achevait l’omelette commencée par la fille del’hôte et par son marmiton.

– Oh ! mon Dieu, oui, cela s’est passé exactementcomme le raconte monsieur Champagne, répondit Grabigeon en essuyantune larme avec le manche de sa cuiller à pot.

– Pauvre monsieur Bourguignon ! alors vous croyezqu’il faut prier Dieu pour lui ?

– Il n’y a jamais de mal à prier Dieu, dit sentencieusementTapin.

– Ah ! un instant, un instant, dites donc !faites-moi bonne mesure, au moins.

Tapin fit un signe affirmatif, et servit en effet fortadroitement la voisine ; ce n’était pas chose difficile :il s’agissait purement et simplement de prodiguer le bien d’autrui.Bourguignon eût poussé des hurlements de douleur s’il eût vu lamesure que Tapin remplit à cette femme de bon vin de Mâcon, pourdeux sous.

– Allons, allons, dit-elle, je vais rassurer le quartier,qui commençait à s’émouvoir, et je vous promets de vous conserverma pratique, monsieur Champagne ; il y a même plus, simonsieur Bourguignon n’était pas votre cousin, je vous dirais ceque j’en pense.

– Oh ! dites, voisine, dites, ne vous gênez pas.

– Eh bien, je viens de m’apercevoir qu’il me volait commeun gueux. Le même pot que vous venez de m’emplir bord à bord pourdeux sous, c’est à peine s’il me l’emplissait pour quatre, lui.

– Voyez-vous cela ! dit Tapin.

– Oh ! monsieur Champagne, on a beau dire, voyez-vous,s’il n’y a pas de justice ici-bas, il y en a là-haut en tout :car c’est bien heureux que vous vous soyez trouvé là pour continuerson commerce.

– Je le crois bien, dit tout bas Tapin ; – heureuxpour ses clients.

Et il se hâta de congédier la femme, car il craignait de voirarriver celui que l’on attendait, et des explications pareillespouvaient sembler suspectes au nouveau venu.

En effet, au même moment, et comme l’horloge sonnait deux heuresdemie, la porte de la rue s’ouvrit, et un jeune homme de haute mineentra, couvert d’un manteau bleu semé de neige.

– C’est bien ici l’aubergedu Muids-d’Amour ? demanda le cavalier àTapin.

– Oui, monsieur.

– Et monsieur le capitaine la Jonquière loge ici ?

– Oui, monsieur.

– Est-il au logis, en ce moment ?

– Oui, monsieur, il vient justement de rentrer.

– Eh bien, prévenez-le, s’il vous plaît, de l’arrivée demonsieur le chevalier Gaston de Chanlay.

Tapin s’inclina, offrit au chevalier une chaise que celui-cirefusa, et entra dans la chambre du capitaine la Jonquière.

Gaston secoua la neige attachée à ses bottes, puis celle quimouchetait son manteau, et se mit à regarder, avec la curiositédésœuvrée de l’homme qui attend, les images qui tapissaient lesmurailles du cabaret, sans se douter qu’il y avait là, autour desfourneaux, trois ou quatre lames qu’un seul clignement d’yeux decet hôte si humble et si obligeant pouvait faire passer de leursfourreaux dans sa poitrine.

Au bout de cinq minutes, Tapin rentra, et, laissant la porteouverte, pour indiquer le chemin :

– Monsieur le capitaine la Jonquière, dit-il, est auxordres de monsieur le chevalier de Chanlay.

Gaston s’avança dans la chambre, parfaitement rangée et tenueavec un ordre tout militaire : dans cette chambre était celuique l’hôte lui présentait comme le capitaine la Jonquière, et, sansêtre un physionomiste bien exercé, il s’aperçut, ou qu’il fallaitque cet homme cachât habilement son jeu, ou que ce n’était pas unbien grand matamore.

Petit, sec, le nez bourgeonnant, l’œil gris ; ballottantdans un uniforme assez râpé et qui cependant le gênait auxentournures, attaché à une épée aussi longue que lui, tel apparut àGaston ce capitaine formidable pour lequel les instructions dumarquis de Pontcalec et des autres conjurés lui recommandaientd’avoir les plus grands égards.

– Cet homme est laid et a l’air d’un sacristain, pensaGaston.

Puis, comme cet homme s’avançait vers lui pour lerecevoir :

– C’est au capitaine la Jonquière, dit-il, que j’ail’honneur de parler ?

– À lui-même, dit Dubois métamorphosé en capitaine.

Puis, saluant à son tour :

– C’est monsieur le chevalier Gaston de Chanlay, reprit-il,qui veut bien me faire une visite ?

– Oui, monsieur, répondit Gaston.

– Vous avez les signes convenus ? demanda le fauxcapitaine la Jonquière.

– Voici la moitié de la pièce d’or.

– Et voici l’autre, dit Dubois.

On rapprocha les deux fragments du sequin, qui s’emboîtèrentparfaitement.

– Et maintenant, dit Gaston, voyons les deux papiers.

Gaston tira de sa poche le papier taillé de si bizarre façon,sur lequel était écrit le nom du capitaine la Jonquière.

Dubois tira aussitôt de sa poche un papier pareil, sur lequelétait écrit le nom du chevalier Gaston de Chanlay ; on les mitl’un sur l’autre. Ils étaient taillés exactement sur le mêmepatron, et les découpures intérieures se rajustaientparfaitement.

– À merveille ! dit Gaston, et maintenant leportefeuille.

Les portefeuilles de Gaston et du faux la Jonquière furentcomparés, ils étaient exactement pareils, et tous deux, quoiqu’ilsfussent neufs, contenaient un calendrier de l’année 1700,c’est-à-dire de dix-neuf ans antérieur à l’époque où l’on setrouvait. C’était une double précaution qui avait été prise de peurd’imitation.

Mais Dubois n’avait pas eu besoin d’imiter, il avait tout prissur le capitaine la Jonquière ; et, avec sa diaboliquesagacité et son infernal instinct, il avait tout deviné et tiréparti de tout.

– Et maintenant, monsieur ?… dit Gaston.

– Maintenant, reprit Dubois, nous pouvons causer de nospetites affaires ; n’est-ce point cela que vous voulez dire,chevalier ?

– Justement ; seulement sommes-nous ensûreté ?

– Comme si nous étions au fond d’un désert.

– Asseyons-nous donc, et causons.

– Volontiers, causons, chevalier.

Les deux hommes s’assirent de chaque côté d’une table surlaquelle il y avait une bouteille de xérès et deux verres.

Dubois en remplit un ; mais, au moment où il allait remplirl’autre, le chevalier étendit la main dessus, pour indiquer qu’ilne boirait pas.

– Peste ! dit Dubois en lui-même, il est mince etsobre, mauvais signe ; César se défiait de ces gens maigres etqui ne buvaient jamais de vin, et ces gens-là, c’étaient Brutus etCassius.

Gaston paraissait réfléchir, et de temps en temps jetait unregard de profonde investigation sur Dubois.

Dubois sirotait son verre de vin d’Espagne à petits coups, etsupportait parfaitement le regard du chevalier.

– Capitaine, dit enfin Gaston après un moment de silence,quand on entreprend, comme nous le faisons, une affaire danslaquelle on risque sa tête, il est bon, je crois, de se connaître,afin que le passé réponde de l’avenir. Montlouis, Talhouët, duCouëdic et Pontcalec sont mes introducteurs auprès de vous ;vous savez mon nom et ma condition. J’ai été élevé par un frère quiavait des motifs de haine personnelle contre le régent. Cettehaine, j’en ai hérité ; il en est résulté que, lorsque, voilàbientôt trois ans, la ligue de la noblesse s’est formée enBretagne, je suis entré dans la conjuration. Maintenant, j’ai étéchoisi par les conjurés bretons pour venir m’entendre avec ceux deParis, venir recevoir les instructions du baron de Valef, qui estarrivé d’Espagne, les transmettre au duc d’Olivarès, agent de SaMajesté Catholique à Paris, et m’assurer de son assentiment.

– Et que doit faire, dans tout cela, le capitaine laJonquière ? demanda Dubois, comme si c’était lui qui doutât del’identité du chevalier.

– Il doit me présenter au duc. Je suis arrivé il y a deuxheures ; j’ai vu monsieur Valef tout d’abord ; enfin, jeviens de me faire reconnaître à vous ; maintenant, monsieur,vous connaissez ma vie comme moi-même.

Dubois avait écouté en mimant chacune des impressions qu’ilrecevait, comme eût pu le faire le meilleur acteur ; puis,quand Gaston eût fini :

– Quant à moi, chevalier, dit-il en se renversant sur sachaise avec un air plein de noble indolence, je dois avouer que monhistoire est un peu plus longue et un peu plus accidentée que lavôtre. Cependant, si vous désirez que je vous la raconte, je meferai un devoir de vous obéir.

– Je vous ai dit, capitaine, reprit Gaston en s’inclinant,que, lorsqu’on en était où nous en sommes, une des premièresnécessités de la situation était de se bien connaître.

– Eh bien ! reprit Dubois, je me nomme, comme vous lesavez, le capitaine la Jonquière ; mon père était, ainsi quemoi, officier d’aventure ; c’est un métier où l’on gagnebeaucoup de gloire, mais où l’on amasse, en général, fort peud’argent. Mon glorieux père mourut donc en me laissant, pour touthéritage, sa rapière et son uniforme. Je ceignis la rapière, quiétait un peu longue, et j’endossai l’uniforme, qui était un peularge. C’est depuis ce temps, continua Dubois en faisant remarquerau chevalier l’ampleur de son justaucorps, que du reste lechevalier avait déjà remarqué ; c’est depuis ce temps que j’aicontracté l’habitude de ne pas être gêné dans mes mouvements.

Gaston s’inclina en signe qu’il n’avait rien à dire contre cettehabitude, et que, quoiqu’il fût plus serré dans son habit queDubois ne l’était dans le sien, il la tenait pour bonne.

– Grâce à ma bonne mine, continua Dubois, je fus reçu dansle Royal-Italien, qui, par économie d’abord, et ensuite parce quel’Italie n’était plus à nous, se recrutait, pour le moment, enFrance. J’y tenais donc une place fort distinguée comme anspessade,lorsque, la veille de la bataille de Malplaquet, j’eus avec monsergent une légère altercation à propos d’un ordre qu’il me donnaitdu bout de sa canne en l’air, au lieu de me le donner, comme lachose était convenable, le bout de la canne en bas.

– Pardon, dit Gaston, mais je ne comprends pas bien ladifférence que cela pouvait faire à l’ordre qu’il vous donnait.

– Cela fit cette différence, qu’en baissant sa canne ileffleura la corne de mon chapeau, lequel tomba à terre. Il résultade cette maladresse un petit duel, dans lequel je lui insinuai monsabre au travers du corps. Or, comme on m’eût incontestablementpassé par les armes si j’avais eu la complaisance d’attendre qu’onm’arrêtât, je fis demi-tour à gauche et je me réveillai lelendemain matin, le diable m’emporte si je sais comment cela sefit ! dans le corps d’armée du prince de Marlborough.

– C’est-à-dire que vous désertâtes, reprit le chevalier ensouriant.

– J’avais pour moi l’exemple de Coriolan et du grand Condé,continua Dubois, ce qui me parut une excuse suffisante aux yeux dela postérité. J’assistai donc comme acteur, je dois le dire,puisque nous avons promis de n’avoir rien de caché l’un pourl’autre ; j’assistai comme acteur à la bataille deMalplaquet ; seulement, au lieu de me trouver d’un côté duruisseau, je me trouvai de l’autre ; au lieu de tourner le dosau village, je l’avais en face de moi. Je crois que ce changementde place fut fort heureux pour votre serviteur : leRoyal-Italien laissa huit cents hommes sur le champ de bataille, macompagnie fut écharpée, mon camarade de lit coupé en deux par undes dix-sept mille coups de canon qu’on tira dans la journée. Lagloire dont feu mon régiment s’était couvert enchanta tellementl’illustre Marlborough, qu’il me fit enseigne sur le champ debataille. Avec un tel protecteur, je devais aller loin ; mais,sa femme, lady Marlborough, que le ciel la confonde, ayant eu,comme vous le savez, la maladresse de laisser tomber une jatted’eau sur la robe de la reine Anne, ce grand événement changea laface des choses en Europe, et dans le bouleversement qu’il amena,je me trouvai sans autre protecteur que mon mérite personnel et lesennemis qu’il m’avait faits.

– Et que devîntes-vous alors ? demanda Gaston, quiprenait un certain intérêt à la vie aventureuse du prétenducapitaine.

– Que voulez-vous ! cet isolement me conduisit, bienmalgré moi, à demander du service à Sa Majesté Catholique,laquelle, en son honneur, je dois le dire, accéda gracieusement àma demande. Au bout de trois ans, j’étais capitaine ; mais,sur une solde de trente réaux par jour, on nous en retenait vingt,tout en nous faisant valoir l’honneur infini que nous faisait leroi d’Espagne en nous empruntant notre argent. Comme ce mode deplacement ne me paraissait pas présenter la sécurité nécessaire, jedemandai à mon colonel la permission de quitter le service de SaMajesté Catholique et de revenir dans ma belle patrie, le toutaccompagné d’une recommandation quelconque, afin que l’on nem’inquiétât point par trop à l’endroit de mon affaire deMalplaquet. Le colonel m’adressa alors à Son Excellence le princede Cellamarre, lequel ayant reconnu en moi une certaine dispositionnaturelle à obéir aux ordres qu’on me donne sans les discuterjamais, lorsqu’ils me sont donnés d’une façon convenable etaccompagnés d’une certaine musique, allait m’employer activementdans la fameuse conspiration à laquelle il a donné son nom ;lorsque tout à coup l’affaire manqua, comme vous le savez, par ladouble dénonciation de la Fillon et d’un misérable écrivain nomméBuvat. Mais, comme Son Altesse pensa fort judicieusement que ce quiétait différé n’était pas perdu, il me recommanda à son successeur,auquel j’espère que mes petits services pourront être de quelqueutilité, et que je remercie de tout mon cœur de m’avoir offertcette occasion de faire la connaissance d’un cavalier aussiaccompli que vous. Faites donc état de moi, chevalier, comme devotre très-humble et très-obéissant serviteur.

– Ma demande se bornera, capitaine, répondit Gaston, à vousprier de me présenter au duc, le seul à qui mes instructions mepermettent de m’ouvrir, et à qui je dois rendre les dépêches dubaron de Valef. Je suivrai donc à la lettre mes instructions, etvous prierai, capitaine, de me présenter à Son Excellence.

– Aujourd’hui même, monsieur, dit Dubois, qui paraissaitavoir pris sa résolution ; dans une heure, si vous levoulez ; dans dix minutes, si c’est nécessaire.

– Le plus tôt possible.

– Écoutez, dit Dubois, je me suis un peu avancé quand jevous ai dit que je vous ferais voir Son Excellence dans une heure.À Paris, on n’est sûr de rien ; peut-être n’est-il pas prévenude votre arrivée, peut-être ne vous attend-il pas, peut-être ne letrouverai-je pas chez lui.

– Je comprends cela, j’aurai patience.

– Peut-être enfin, continua Dubois, serai-je empêché devenir vous reprendre.

– Pourquoi cela ?

– Pourquoi cela ? Peste ! chevalier, on voit bienque vous en êtes à votre premier voyage à Paris.

– Que voulez-vous dire ?

– Je veux dire, monsieur, qu’il y a, à Paris, troispolices, toutes différentes, toutes distinctes, et qui, cependant,s’entre-croisent et se réunissent quand il s’agit de tourmenter leshonnêtes gens qui ne demandent pas autre chose que le renversementde ce qui est, pour y mettre ce qui n’est pas : 1° La policedu régent, qui n’est pas bien à craindre ; 2° Celle de messireVoyer-d’Argenson. Heu ! celui-là, il a ses jours, ceux où ilest de mauvaise humeur, quand il a été mal gratté au couvent de laMadelaine du Tresnel ; 3° Il y a celle de Dubois… Ah celle-là,c’est autre chose… Maître Dubois est un grand…

– Un grand misérable ! reprit Gaston. Vous nem’apprenez rien là de nouveau, je le sais.

Dubois s’inclina avec son fatal sourire de singe.

– Eh bien, pour échapper à ces trois polices ?… ditGaston.

– Il faut beaucoup de prudence, chevalier…

– Instruisez-moi, alors, capitaine ; car vousparaissez plus au courant que moi. Moi, je vous l’ai dit, je suisun provincial, et pas autre chose.

– Eh bien, d’abord, il serait important que nous nelogeassions pas dans le même hôtel.

– Diable ! répondit Gaston, qui se rappelait l’adressedonnée à Hélène, voilà qui me contrarie ; j’avais des raisonspour désirer rester ici…

– Qu’à cela ne tienne, chevalier, c’est moi quidéménagerai… Prenez une de mes deux chambres : celle-ci oucelle du premier.

– Je préfère celle-ci.

– Vous avez raison : au rez-de-chaussée, fenêtre surune rue, porte secrète sur l’autre. Allons, allons, vous avez del’œil, et l’on fera quelque chose de vous.

– Revenons à notre affaire, dit le chevalier.

– Oui, c’est juste… Que disais-je ?

– Vous disiez que vous seriez peut-être empêché de venir meprendre vous-même.

– Oui ; mais, en ce cas, faites bien attention de nesuivre celui qui viendra vous chercher qu’à bonne enseigne.

– Dites-moi à quels signes je pourrai reconnaître qu’ilvient de votre part.

– D’abord, il faut qu’il ait une lettre de moi.

– Je ne connais pas votre écriture.

– C’est juste ; et je vais vous en donner unspécimen.

Dubois se mit à une table et écrivit les quelques lignessuivantes :

« Monsieur le chevalier,

« Suivez avec confiance l’homme qui vous remettra cebillet ; il est chargé par moi de vous conduire dans la maisonoù vous attendent M. le duc d’Olivarès et le capitaine laJonquière. »

– Tenez, continua-t-il en lui remettant le billet ; siquelqu’un venait en mon nom, il vous remettrait un autographepareil à celui-ci.

– Serait-ce assez !…

– Ce n’est jamais assez. Outre l’autographe, il vousmontrera la moitié de la pièce d’or, et, à la porte de la maison oùil vous conduira, vous lui demanderiez encore le troisième signe dereconnaissance.

– Qui serait ?…

– Qui serait le papier.

– C’est bien, dit Gaston. Avec ces précautions, c’est bienle diable si nous nous laissons prendre. Ainsi, maintenant,qu’ai-je à faire ?

– Maintenant, attendez. Vous ne comptez pas sortiraujourd’hui ?

– Non.

– Eh bien, tenez-vous coi et couvert dans cet hôtel, oùrien ne vous manquera. Je vais vous recommander à l’hôte.

– Merci.

– Mon cher monsieur Champagne, dit, en ouvrant la porte, laJonquière à Tapin, voici le chevalier de Chanlay qui reprend machambre ; je vous le recommande comme moi-même.

Puis, en la refermant :

– Ce garçon-là vaut son pesant d’or, monsieur Tapin, ditDubois à demi-voix. Que ni vous ni vos gens ne le perdent donc uninstant de vue ; vous m’en répondez sur votre tête.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer