Clitandre

Scène première

Pymante,Dorise

 

Dorise

Je te le dis encor, tu perds temps à mesuivre ;

Souffre que de tes yeux ta pitié medélivre :

Tu redoubles mes maux par de telsentretiens.

Pymante

Prenez à votre tour quelque pitié desmiens,

Madame, et tarissez ce déluge delarmes ;

Pour rappeler un mort ce sont de faiblesarmes ;

Et, quoi que vous conseille un inutileennui,

Vos cris et vos sanglots ne vont point jusqu’àlui.

Dorise

Si mes sanglots ne vont où mon cœur lesenvoie,

Du moins par eux mon âme y trouvera lavoie ;

S’il lui faut un passage afin des’envoler,

Ils le lui vont ouvrir en le fermant àl’air.

Sus donc, sus, mes sanglots ! redoublezvos secousses :

Pour un tel désespoir vous les avez tropdouces :

Faites pour m’étouffer de plus puissantsefforts.

Pymante

Ne songez plus, madame, à rejoindre lesmorts ;

Pensez plutôt à ceux qui n’ont point d’autreenvie

Que d’employer pour vous le reste de leurvie ;

Pensez plutôt à ceux dont le serviceoffert

Accepté vous conserve, et refusé vousperd.

Dorise

Crois-tu donc, assassin, m’acquérir par toncrime ?

Qu’innocent méprisé, coupable jet’estime ?

À ce compte, tes feux n’ayant pum’émouvoir,

Ta noire perfidie obtiendrait cepouvoir ?

Je chérirais en toi la qualité de traître,

Et mon affection commencerait à naître

Lorsque tout l’univers a droit de tehaïr ?

Pymante

Si j’oubliai l’honneur jusques à letrahir,

Si, pour vous posséder, mon esprit, tout deflamme,

N’a rien cru de honteux, n’a rien trouvéd’infâme,

Voyez par là, voyez l’excès de monardeur :

Par cet aveuglement jugez de sa grandeur.

Dorise

Non, non, ta lâcheté, que j’y vois tropcertaine,

N’a servi qu’à donner des raisons à mahaine.

Ainsi ce que j’avais pour toi d’aversion

Vient maintenant d’ailleurs qued’inclination :

C’est la raison, c’est elle à présent qui meguide

Aux mépris que je fais des flammes d’unperfide.

Pymante

Je ne sache raison qui s’oppose à mesvœux,

Puisqu’ici la raison n’est que ce que jeveux,

Et, ployant dessous moi, permet à monenvie

De recueillir les fruits de vous avoirservie.

Il me faut des faveurs malgré voscruautés.

Dorise

Exécrable ! ainsi donc tes désirseffrontés

Voudraient sur ma faiblesse user deviolence ?

Pymante

Je ris de vos refus, et sais trop lalicence

Que me donne l’amour en cette occasion.

Dorise, lui crevant l’œilde son aiguille.

Traître ! ce ne sera qu’à taconfusion.

Pymante, portant les mainsà son œil crevé.

Ah, cruelle !

Dorise

Ah, brigand !

Pymante

Ah, que viens-tu de faire ?

Dorise

De punir l’attentat d’un infâme corsaire.

Pymante, prenant son épéedans la caverne où il l’avait jetée au second acte.

Ton sang m’en répondra ; tu m’auras beauprier,

Tu mourras.

Dorise, àpart.

Fuis, Dorise, et laisse-le crier.

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