Clitandre

Scène IV

Floridan,Clitandre,Page

 

Floridan, parlant à sonpage.

Ce cheval trop fougueux m’incommode à lachasse ;

Tiens-m’en un autre prêt, tandis qu’en cetteplace,

À l’ombre des ormeaux l’un dans l’autreenlacés,

Clitandre m’entretient de ses travauxpassés.

Qu’au reste, les veneurs, allant sur leursbrisées,

Ne forcent pas le cerf, s’il est auxreposées ;

Qu’ils prennent connaissance, et pressentmollement,

Sans le donner aux chiens qu’à moncommandement.

(Le page rentre.)

Achève maintenant l’histoire commencée

De ton affection si mal récompensée.

Clitandre

Ce récit ennuyeux de ma triste langueur,

Mon prince, ne vaut pas le tirer enlongueur ;

J’ai tout dit en un mot : cette fièreCaliste

Dans ses cruels mépris incessammentpersiste ;

C’est toujours elle-même ; et sous sadure loi,

Tout ce qu’elle a d’orgueil se réserve pourmoi.

Cependant qu’un rival, ses plus chèresdélices,

Redouble ses plaisirs en voyant messupplices.

Floridan

Ou tu te plains à faux, ou, puissammentépris,

Ton courage demeure insensible auxmépris ;

Et je m’étonne fort comme ils n’ont dans tonâme

Rétabli ta raison, ou dissipé ta flamme.

Quelques charmes secrets mêlés dans sesrigueurs

Étouffent en naissant la révolte descœurs ;

Et le mien auprès d’elle, à quoi qu’il sedispose,

Murmurant de son mal, en adore la cause.

Floridan

Mais puisque son dédain, au lieu de teguérir,

Ranime ton amour, qu’il dût faire mourir,

Sers-toi de mon pouvoir ; en ma faveur,la reine

Tient et tiendra toujours Rosidor enhaleine ;

Mais son commandement dans peu, si tu leveux,

Te met, à ma prière, au comble de tesvœux.

Avise donc ; tu sais qu’un fils peut toutsur elle.

Clitandre

Malgré tous les mépris de cette âmecruelle,

Dont un autre a charmé les inclinations,

J’ai toujours du respect pour sesperfections,

Et je serais marri qu’aucune violence…

Floridan

L’amour sur le respect emporte la balance.

Clitandre

Je brûle ; et le bonheur de vaincre sesfroideurs,

Je ne le veux devoir qu’à mes vivesardeurs ;

Je ne la veux gagner qu’à force deservices.

Floridan

Tandis, tu veux donc vivre en d’éternelssupplices ?

Clitandre

Tandis, ce m’est assez qu’un rival préféré

N’obtient, non plus que moi, le succèsespéré.

À la longue ennuyés, la moindre négligence

Pourra de leurs esprits romprel’intelligence ;

Un temps bien pris alors me donne en unmoment

Ce que depuis trois ans je poursuisvainement.

Mon prince, trouvez bon…

Floridan

N’en dis pas davantage ;

Celui-ci qui me vient faire quelquemessage,

Apprendrait malgré toi l’état de tesamours.

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