Clitandre

Scène première

Floridan,Clitandre, unPrévôt, Cléon

 

Floridan, parlant auprévôt.

Dites vous-même au roi qu’une telleinnocence

Légitime en ce point ma désobéissance,

Et qu’un homme sans crime avait bienmérité

Que j’usasse pour lui de quelque autorité.

Je vous suis. Cependant que mon heur estextrême,

Ami, que je chéris à l’égal de moi-même,

D’avoir su justement venir à ton secours

Lorsqu’un infâme glaive allait trancher tesjours,

Et qu’un injuste sort, ne trouvant pointd’obstacle,

Apprêtait de ta tête un indignespectacle !

Clitandre

Ainsi qu’un autre Alcide, en m’arrachant desfers,

Vous m’avez aujourd’hui retiré desenfers ;

Et moi dorénavant j’arrête mon envie

À ne servir qu’un prince à qui je dois lavie.

Floridan

Réserve pour Caliste une part de tessoins.

Clitandre

C’est à quoi désormais je veux penser lemoins.

Floridan

Le moins ! Quoi ! désormais Calisteen ta pensée

N’aurait plus que le rang d’une imageeffacée ?

Clitandre

J’ai honte que mon cœur auprès d’elleattaché

De son ardeur pour vous ait souventrelâché,

Ait souvent pour le sien quitté votreservice :

C’est par là que j’avais mérité monsupplice ;

Et pour m’en faire naître un justerepentir,

Il semble que les dieux y voulaientconsentir ;

Mais votre heureux retour a calmé cetorage.

Floridan

Tu me fais assez lire au fond de toncourage :

La crainte de la mort en chasse des appas

Qui t’ont mis au péril d’un si honteuxtrépas,

Puisque sans cet amour la fourbe malconçue

Eût manqué contre toi de prétexte etd’issue ;

Ou peut-être à présent tes désirs amoureux

Tournent vers des objets un peu moinsrigoureux.

Clitandre

Doux ou cruels, aucun désormais ne metouche.

Floridan

L’amour dompte aisément l’esprit le plusfarouche ;

C’est à ceux de notre âge un puissantennemi.

Tu ne connais encor ses forces qu’àdemi ;

Ta résolution, un peu trop violente,

N’a pas bien consulté ta jeunessebouillante.

Mais que veux-tu, Cléon, et qu’est-ilarrivé ?

Pymante de vos mains se serait-ilsauvé ?

Cléon

Non, seigneur ; acquittés de la chargecommise,

Nos veneurs ont conduit Pymante, et moiDorise ;

Et je viens seulement prendre un ordrenouveau.

Floridan

Qu’on m’attende avec eux aux portes duchâteau.

Allons, allons au roi montrer toninnocence ;

Les auteurs des forfaits sont en notrepuissance ;

Et l’un d’eux, convaincu dès le premieraspect,

Ne te laissera plus aucunement suspect.

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