Clitandre

Scène première

 

Caliste

N’en doute plus, mon cœur, un amanthypocrite

Feignant de m’adorer, brûle pourHippolyte :

Dorise m’en a dit le secret rendez-vous

Où leur naissante ardeur se cache aux yeux detous ;

Et pour les y surprendre elle m’y doitconduire,

Sitôt que le soleil commencera de luire.

Mais qu’elle est paresseuse à me venirtrouver !

La dormeuse m’oublie, et ne se peut lever.

Toutefois, sans raison J’accuse saparesse :

La nuit, qui dure encor, fait que rien ne lapresse :

Ma jalouse fureur, mon dépit, mon amour,

Ont troublé mon repos avant le point dujour :

Mais elle, qui n’en fait aucuneexpérience,

Étant sans intérêt, est sans impatience.

Toi qui fais ma douleur, et qui fis monsouci,

Ne tarde plus, volage, à te montrerici ;

Viens en hâte affermir ton indignevictoire ;

Viens t’assurer l’éclat de cette infâmegloire ;

Viens signaler ton nom par ton manque defoi.

Le jour s’en va paraître ; affronteur,hâte-toi.

Mais, hélas ! cher ingrat, adorableparjure,

Ma timide voix tremble à te dire uneinjure ;

Si j’écoute l’amour, il devient sipuissant,

Qu’en dépit de Dorise il te faitinnocent :

Je ne sais lequel croire, et j’aime tant cedoute,

Que j’ai peur d’en sortir entrant dans cetteroute.

Je crains ce que je cherche, et je ne connaispas

De plus grand heur pour moi que d’y perdre mespas.

Ah, mes yeux ! si jamais vos fonctionspropices

À mon cœur amoureux firent de bonsservices,

Apprenez aujourd’hui quel est votredevoir :

Le moyen de me plaire est de medécevoir ;

Si vous ne m’abusez, si vous n’êtesfaussaires,

Vous êtes de mon heur les cruelsadversaires.

Et toi, soleil, qui vas, en ramenant lejour,

Dissiper une erreur si chère à mon amour,

Puisqu’il faut qu’avec toi ce que je crainséclate,

Souffre qu’encore un peu l’ignorance meflatte.

Mais je te parle en vain, et l’aube, de sesrais,

A déjà reblanchi le haut de ces forêts.

Si je puis me fier à sa lumière sombre,

Dont l’éclat brille à peine et dispute avecl’ombre,

J’entrevois le sujet de mon jaloux ennui,

Et quelqu’un de ses gens qui conteste aveclui.

Rentre, pauvre abusée, et cache-toi desorte

Que tu puisses l’entendre à travers cetteporte.

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