Clitandre

Scène II

 

Rosidor, sur sonlit.

Amants les mieux payés de votre longuepeine,

Vous de qui l’espérance est la moinsincertaine,

Et qui vous figurez, après tant delongueurs,

Avoir droit sur les corps dont vous tenez lescœurs,

En est-il parmi vous de qui l’âme contente

Goûte plus de plaisir que moi dans sonattente ?

En est-il parmi vous de qui l’heur à venir

D’un espoir mieux fondé se puisseentretenir ?

Mon esprit, que captive un objet adorable,

Ne l’éprouva jamais autre que favorable,

J’ignorerais encor ce que c’est quemépris,

Si le sort d’un rival ne me l’avaitappris.

Je te plains toutefois, Clitandre, et lacolère

D’un grand roi qui te perd me semble tropsévère.

Tes desseins par l’effet n’étaient que troppunis ;

Nous voulant séparer, tu nous as réunis.

Il ne te fallait point de plus cruelssupplices

Que de te voir toi-même auteur de nosdélices,

Puisqu’il n’est pas à croire, après ce lâchetour,

Que le prince ose plus traverser notreamour.

Ton crime t’a rendu désormais trop infâme

Pour tenir ton parti sans s’exposer aublâme :

On devient ton complice à te favoriser.

Mais, hélas ! mes pensers, qui vous vientdiviser ?

Quel plaisir de vengeance à présent vousengage ?

Faut-il qu’avec Caliste un rival vouspartage ?

Retournez, retournez vers mon uniquebien :

Que seul dorénavant il soit votreentretien ;

Ne vous repaissez plus que de sa seuleidée ;

Faites-moi voir la mienne en son âmegardée.

Ne vous arrêtez pas à peindre sa beauté,

C’est par où mon esprit est le moinsenchanté ;

Elle servit d’amorce à mes désirsavides ;

Mais ils ont su trouver des objets plussolides :

Mon feu qu’elle alluma fût mort au premierjour,

S’il n’eût été nourri d’un réciproqueamour.

Oui, Caliste, et je veux toujours qu’il m’ensouvienne,

J’aperçus aussitôt ta flamme que lamienne :

L’amour apprit ensemble à nos cœurs àbrûler ;

L’amour apprit ensemble à nos yeux àparler ;

Et sa timidité lui donna la prudence

De n’admettre que nous en notreconfidence :

Ainsi nos passions se dérobaient àtous ;

Ainsi nos feux secrets n’ayant point dejaloux…

Mais qui vient jusqu’ici troubler mesrêveries ?

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