La Quittance de minuit – Tome I – L’héritière

II – LE GRAND LIBÉRATEUR

Le tumulte excité parmi les dignes bourgeoisde Galway dans le parloir de l’auberge du Roi Malcolmn’était rien, absolument rien, auprès de l’abominable tapage qui sefaisait dans le taproom[6] et jusquedans le comptoir de Saunder Flipp. Le lendemain on devait élire unmembre du Parlement, pour remplacer l’honorable Algernon Arrow,député du comté, enlevé à la fleur de l’âge par un flux de rhum.L’honorable Algernon Arrow avait été, en son vivant, un de cestories modèles, créés spécialement et tout exprès mis au monde pourétayer de leur épais entêtement le monstrueux édifice desprivilèges protestants. Il était mort plein d’arrack et de fiel,maudissant le Parlement, anathématisant Robert Peel, et prédisantla chute de la dynastie de Brunswick, dont les ministres aveugléstraitaient les papistes comme des hommes.

Les temps avaient bien changé depuisl’élection de ce digne gentleman ! Il s’agissait d’envoyer àla Chambre un protestant d’égal mérite, et la chose n’était pointfacile.

– Sullivan pour toujours !

James Sullivan était l’espoir du partiorangiste. Il déplorait amèrement l’émancipation et pleuraitd’attendrissement à la pensée que tel évêque anglican était obligé,vu le malheur des temps, de vivoter avec trois cent mille francs derentes. Trois cent mille pauvres francs ; le pain de douzecents Irlandais !

L’auberge du Roi Malcolm était un desnombreux centres d’action où se réunissaient les partisans deSullivan. Son agent électoral avait ouvert un compte courant avecl’honnête Saunie, et le poteen, la bière, l’usquebaugh coulaient àflots généreux dans le comptoir. Le tap-room étaitencombré d’électeurs campagnards venus là de tous les coins ducanton. On y buvait en chantant des chansons où William Derry, lecandidat catholique, était impitoyablement taillé en pièces.Quelques demi-gentlemen se mêlaient çà et là aux groupes desbuveurs. C’étaient en général des gens étrangers au comté, desorangistes bénévoles, arrivés tout exprès de l’Ulster ou de Dublinpour chauffer l’élection de Sullivan.

Ils prêchaient : quelques-uns lesécoutaient ; le plus grand nombre se contentait de boire.Orateurs et auditeurs portaient tous à leurs chapeaux sans rebordsd’énormes cocardes d’un jaune rougeâtre, emblème de leur nuancepolitique. Lorsque le major Percy Mortimer sortit du parloir pourgagner la rue, le tap et le comptoir, encore émus par le passagerécent des trois officiers subalternes, unirent leurs voix avinéespour jeter vers le ciel une immense acclamation.

– Vivent les dragons de la reine !disait-on. Les dragons de la reine sont membres du club !Longue vie, longue vie au brave major Mortimer !

Celui-ci essayait de percer la foule ensilence, mais la cordialité des hôtes du cabaret se montraitpresque aussi menaçante que la colère des gentlemen du parloir.Chacun voulait serrer la main du major et toucher sonuniforme ; de tous côtés on élevait des verres autour de lui,et l’on criait :

– Buvez, Percy, buvez, mon bijou ! Àla santé des vrais protestants et de James Sullivan, notre chertrésor !

Percy gagnait du terrain, mais il n’avaitqu’un bras de libre, et la foule se serrait de plus en plus autourde lui.

– Buvez, répétait-on buvez, majorMortimer ! Si vous n’êtes pas un coquin de modéré, comme on ledit…, un papiste déguisé… buvez !

Percy poursuivait sa route comme il pouvait etne buvait point. C’était merveille de voir son visage pâle et froidse dresser parmi toutes ces têtes ardemment enluminées. Le momentvint où il fut impossible au major de faire un pas de plus. Lacohue, moitié riant, moitié menaçant, lui barrait absolument lepassage et portait jusqu’à sa bouche les verres remplisd’usquebaugh. Le major s’arrêta, promena sur la foule son regardtranquille et prit un verre plein.

– Il va boire, cria-t-on. Il va boire àla santé de notre Sullivan. Du diable si ce n’est pas un honnêtehomme !

Percy Mortimer tenait son verre à la main etsemblait hésiter.

– Il ne veut pas, dit une voix. Ilboirait bien plutôt à la santé de Derry le réprouvé !Naboclish ! nous l’avons chassé une fois déjà, nousle chasserons bien encore !

– Entendez-vous, Percy, ce qu’ilschantent ? cria de loin une autre voix ; buvez, mabouchal ! pour ne pas faire honte à vos amis !

– Au diable ses amis ! c’est unnécessitaire !

– C’est un papiste ! hurla aussitôtune partie de l’assemblée.

– Non, non ! riposta l’autremoitié ; voyez son bras droit ! Il porte la marque desMolly-Maguires, qui ont voulu l’assassiner. C’est un bonprotestant.

– C’est un papiste !

– Il va boire à la santé deSullivan !

– Qu’il boive, s’il veut, à la santé deDerry !

Le major leva son verre pour le porter à seslèvres ; il se fit un silence profond, et toutes les oreillesse tendirent.

– Je bois à l’Irlande ! dit PercyMortimer d’une voix grave en parcourant la foule du regard.

Les uns applaudirent, les autressifflèrent ; il y eut des acclamations et des grognements. Ensomme, le plus grand nombre ne comprit point la signification de cetoast. Le major gagna la rue ; on ne s’occupa plus de lui.

Dans la rue, l’agitation continuait. Toute lamaison loyale de Saunder Flipp était pavoisée de jaune. Desdrapeaux orange pendaient à toutes les fenêtres, et au-dessus de latoiture un énorme transparent portait cette divise :« Sullivan pour toujours. »

Saunie avait établi devant sa porte uncomptoir en plein air, où ceux qui ne pouvaient entrer serafraîchissaient en passant. Toute cette partie de Donnor streetavait un air de fête, et ressemblait à un petit coin de foire.

Le milieu de la rue était à peu près désert,mais à l’autre bout il y avait foule encore. Un immense drapeauvert, au centre duquel était brodée la harpe d’Irlande, sedéployait au-dessus de l’enseigne du Grand Libérateur. Et,tout en haut de la maison, un transparent non moins grand que celuide Saunder Flipp portait ces paroles ennemies :

« William Derry pourtoujours ! »

Cette auberge du Grand Libérateur appartenaità Janvier O’Neil de Dunmore, catholique jouissant d’un certaincrédit. C’était un des quartiers où se travaillait l’élection deWilliam Derry, candidat proposé par O’Connell.

L’établissement de Janvier O’Neil servaitassez bien de pendant à l’auberge du Roi Malcolm.

C’était aussi une vieille maison qui avaitconnu de plus nobles jours, et qui, tombée en roture, gardait lesarmoiries de ses anciens seigneurs. Seulement Janvier O’Neil, moinsriche que Saunder Flipp, n’avait pu faire aux antiques muraillestoutes les réparations convenables.

Il y avait bien des trous à la toiture, biendes lézardes entre les croisées ; mais ce matin on avait faitla toilette au vieil édifice : les injures du tempsdisparaissaient sous de vertes guirlandes, et de larges pancartes,portant les cris du Repeal, recouvraient soigneusementtrous et lézardes. Çà et là le nom obscur de William Derry semariait en lettres gigantesques au nom européen d’O’Connell.

Et de cette maison, ainsi pavoisée et paréecomme pour une fête, sortaient des hurlements, des cris de joie oude colère, de longs murmures, des bravos, des éclats de rire.Chaque fenêtre ouverte donnait issue à un concert de chants et declameurs. On voyait à l’intérieur des figures empourprées, de longscheveux qui s’agitaient, des bras à demi nus qui se démenaient avecune vivacité frénétique.

La rue était encombrée, dans une longueur devingt-cinq à trente pas, par le trop-plein de l’auberge catholique.Le long des maisons, sur le pavé humide et jusque dans le ruisseau,on voyait une cohue débraillée, drapée dans des haillons inouïs,qui buvait, qui buvait sans cesse et emplissait la rue d’uninfernal tapage.

Janvier O’Neil tenait cave ouverte pour lecompte de Derry, comme Saunder Flipp pour le compte deSullivan.

Des deux côtés, les mœurs étaient pareilles etles séductions semblables.

Mais l’effet n’était pas tout à fait le mêmedans les deux camps. À l’auberge du Roi Malcolm, l’ivresseavait un caractère sombre et haineux ; c’était la fièvre d’unparti déchu, qui comptait ses pertes avec rage et s’accrochaitdésespérément aux débris minés d’une vieille tyrannie. À l’autrebout de Donnor street, au contraire, c’était une joie folle etbruyante, mêlée à de puériles fanfaronnades. L’assemblée y étaitplus nombreuse.

Et cependant, sous ces haillons troués, que demaigreur la famine récente avait laissée ! De quel signeprofond la misère avait marqué ces joues hâves, où l’alcool mettaitpour une heure des reflets sanglants !

Et cependant encore, que de courroux amassé aufond de ces cœurs comprimés sous leur éternel martyre !

Mais ici le caractère irlandais se montraitsans mélange. C’étaient là les fils opprimés de la verte Érin, lesvrais enfants de l’Irlande avec leurs vices funestes qui sont lesfruits de la servitude, et l’énergie vivace et la gaieté brillanteque développe en eux le moindre instinct de bien-être. Ilss’amusaient sans mesure comme sans arrière-pensée ; ils nesongeaient point à la faim du lendemain ; ils se donnaienttout entiers à leur joie enfantine et oubliaient jusqu’à la hainequi les soulève contre leurs oppresseurs.

Il y avait là, sans nul doute, bien desmembres de ces associations criminelles et terribles qui désolentl’Irlande ; la moitié peut-être de ces malheureux avait allumédans l’ombre de la nuit la torche vengeresse et signé la redoutablequittance que Molly-Maguire envoie aux agents des landlords. En cemoment, grâce à la versatilité du caractère national, toutes lesfigures exprimaient une allégresse uniforme. On s’ébattait aveccomplaisance ; toutes les consciences étaient légères, et, enfouillant jusqu’au fond toutes ces âmes, vous n’y eussiez pointtrouvé un seul remords.

Au dehors comme au dedans de l’aubergepapiste, c’était un mouvement incessant, une agitation sans frein.Vous eussiez dit des gens qui viennent de remporter une grandevictoire, et il semblait que ce mot de Repeal, crié surtous les tons, était le chant de triomphe de l’Irlande enfindélivrée.

Aux fenêtres et dans la rue, les pluséchauffés montraient le poing à leurs adversaires de l’aubergerivale, et, tout en riant, demandaient à grand bruit unebataille.

On n’avait peur de rien ; on défiait leshérif, le maire, les aldermen ; ou défiait les dragonsabsents, et jusqu’au terrible major qui faisait aux Molly-Maguiresune guerre si acharnée.

En ce moment, on le bravait, on l’appelaitpresque ce flegmatique et intrépide soldat, dont le courageindomptable allait chercher les révoltés jusque dans la nuit deleurs cavernes. Et pourtant d’ordinaire son nom mettait du froiddans toutes les veines. Quelque mystérieuse puissance, disait-on,protégeait sa vie. Tant de fois déjà la vengeance des associéss’était émoussée contre une invincible cuirasse !

On le blessait. – Le lendemain, il montait àcheval, et, pâle, il guidait ses dragons jusqu’aux retraites lesplus inaccessibles de la montagne.

Possédait-il un pouvoir surnaturel ?

En quittant l’auberge du Roi Malcolm,le major Percy Mortimer remonta Donnor street à pas lents. Midiapprochait ; le soleil, passant par les échancrures des toitstaillés à pic, tombait d’aplomb dans la rue. Les gens du cabaret deJanvier O’Neil aperçurent au loin la couleur vive et les dorures del’uniforme du major.

– Voilà un dragon ! s’écria PatrickMac-Duff, du bourg de Knockderry. Que Dieu le protège s’il passe àportée de mon shillelah !

Patrick était un grand gaillard, rose, frais,bien découplé, qui ne mangeait de la viande qu’une fois l’an, lejour de Noël, comme tout paysan irlandais, mais à qui la pomme deterre et le gâteau d’avoine avaient merveilleusement profité.

– Gare au dragon ! répondit un chœurde voix échauffées.

Patrick Mac-Duff, qui buvait, commodémentassis sur le pavé, se leva et fit faire à son bâton deux ou troisfois le tour de sa tête. Une douzaine de garçons l’imita. Auxfenêtres on criait : Courage ! et on disait :Bravo ! Tous les regards étaient fixés sur le major, quicontinuait de s’avancer.

Aux croisées du Roi Malcolm, d’autresregards également ennemis suivaient la marche de PercyMortimer.

– Cela nous eût fait une mauvaiseaffaire, disait le procureur O’Kir, si nous avions porté la mainsur un officier de Sa Majesté ; mais du diable s’il ne va pasrendre une petite visite à ses amis du GrandLibérateur !

– D’un côté, répondit le juge Mac-Foote,auteur du Traité des visions dans la veille et des abstractionsde la chair, je suis content de ne m’être point mis enhostilité avec les lois du royaume ; de l’autre, je suis fâchéde voir ce Moabite orgueilleux se carrer dans la rue et marcher latête haute, comme un soldat du vrai Dieu.

– Celui qui aime l’épée périra parl’épée, murmura le bailly Payne. Il vaut mieux faire pendre unhomme avec prudence que de lui donner une chiquenaude à lalégère.

– Voyez ! voyez ! ajoutaSaunder Flipp, qui venait lui-même apporter un bol de toddy, il serend tout droit à l’auberge de ce mécréant d’O’Neil !

– Que la malédiction de Dieu soit aveclui ! dirent les protestants scandalisés.

Gib Roe avait prêté aide à Josuah Daws pouremporter mistress Fenella, qui ne voulait point reprendre ses sens.La jolie Frances les avait suivis, et toute la famille dusous-intendant de police avait gagné le logement qu’elle occupaitau second étage de l’auberge du Roi Malcolm. SiM. Daws était resté un instant de plus dans sa stalle auprèsde la fenêtre, il eût revu en ce moment la grande figure brune qui,un instant auparavant, avait attiré si vivement son attention. Lagrande figure était toujours à la même place, mais elle n’étaitplus seule. Au-dessous d’elle, à une autre ouverture de l’ogive, semontrait une tête de jeune homme, blonde et douce, dont les yeuxbleus se fixaient avidement sur le major.

Il y avait dans ce regard de la tristesse etde la menace. Quant au géant, son visage exprimait un triomphenaïf. Il avait fait un coup adroit : le caillou auquel étaitattachée la sentence de mort signée Molly-Maguire avait frappé lemajor en pleine poitrine ; on ne pouvait mieux faire.

Le major était maintenant à moitié chemin duRoi Malcolm au Grand Libérateur. PatrickMac-Duff, qui commençait à distinguer ses épaulettes et sonécharpe, ralentit le moulinet de son bâton et baissa la voix d’unton.

– Arrah ! dit-il, c’est unofficier ! Pensez-vous qu’il faille le mettre dans leruisseau, vous autres ?

– Un officier ne vaut pas mieux qu’unsoldat, répliqua John Slig, tenancier sans bail, qui n’était pointélecteur, et n’avait pour payer le poteen de William Derry que sesbras et sa langue.

– À l’eau, l’habit rouge ! cria-t-ondes fenêtres.

– À l’eau, l’habit rouge ! àl’eau ! répétèrent les paysans couchés sur le pavé.

Le major avançait toujours, suivi desmalédictions protestantes, vers les catholiques menaçants. Sa joue,qui avait la blanche et délicate carnation d’une joue de femme,n’était ni plus ni moins pâle que de coutume ; ses yeux froidsgardaient leur impassible regard ; son pas restait lent etcalme. On eût dit qu’il achevait en paix une promenadetranquillement commencée.

Le soleil qui frappait les yeux des buveurscatholiques, les empêchait de distinguer les traits du nouvelarrivant. Patrick Mac-Duff, à qui la clameur générale rendait ducœur, s’élança en avant de ses compagnons et brandit son lourdbâton au-dessus de sa tête. Les autres marchèrent sur ses traces,chancelant et riant : ils étaient ivres.

– Allez, mes chéris, allez, disait-on auxfenêtres, forcer le Saxon à crier pour William Derry.

Évidemment Patrick ne demandait pas mieux,mais au milieu de sa course il s’arrêta brusquement, et sonshillelah retomba le long de son flanc :

– Le major ! murmura-t-il.

Ceux qui le suivaient de plus près murmurèrentcomme lui :

– Le major !

Et ce nom, répété tout bas de proche enproche, arriva jusqu’à la porte de l’auberge du GrandLibérateur, franchit le tap, traversa le comptoir, et montad’étage en étage. Dans la rue on cessa de crier aussitôt ; onse tut dans le cabaret ; on fit silence aux fenêtres. Ceshommes ivres qui s’élançaient menaçants tout à l’heure, serangèrent des deux côtés de la chaussée, laissant libre un largepassage.

Patrick, d’un geste machinal, toucha sonchapeau à petits bords en signe de respect.

Le major lui rendit son salut, et tout lemonde se découvrit.

Ils sont ainsi faits, même aux heuresd’ivresse. La main qui pesa sur eux fut si lourde, qu’ils ne saventpoint encore se redresser comme des hommes à la lumière du jour ethardiment proclamer leurs haines. Ils furent esclaves si longtempsque la vue du maître suffit encore à les courber. Ils peuvent bien,la nuit venue, prendre en main le fusil et la torche ; ilspeuvent incendier, combattre, mourir ; mais regarder unAnglais en face est au-dessus de leurs forces.

Il semble qu’ils aient honte d’être libres, ouque leur liberté, proclamée, soit pour eux une décevante chimère.Ils ignorent l’usage calme et digne de leurs droits de citoyens.Ils ne voient point de milieu entre la violence sauvage et lapuérile frayeur. Ils rougissent sous le regard, comme des enfantsmenacés du fouet de l’école ; et ces mêmes hommes, à qui lesténèbres et leurs masques vont donner une audace indomptable,fuiront le visage de leur ennemi au premier rayon de soleil, et sedétourneront de sa voie, comme s’ils étaient de faibles femmes.

S’ils ne se cachent pas à son approche, ilslui souriront, ils le flatteront, et leur bouche pourra, sans seblesser, couvrir la haine amassée sous de caressantes paroles.

Il faudra des années pour guérir cette lèprede la servitude, de longues années de liberté ; comme ilfaudra des années de bien-être pour guérir la plaie chronique de lamisère.

À travers la froideur habituelle du majorPercy Mortimer, on eût distingué dans son regard, tandis qu’iltraversait cette foule déguenillée, une pitié grave et profonde. Ilperça lentement les groupes qui s’étaient ouverts pour lui donnerpassage, et son geste courtois répondit aux saluts de la foule.Quand il fut passé, des murmures timides s’élevèrent. PatrickMac-Duff remit son chapeau sur sa tête, ferma son gros poing et fitun geste de menace silencieuse.

À mesure que le major s’éloignait, le murmuregrossissait. Quand le major eut tourné l’angle de la rue, lemurmure se changea en une formidable clameur.

– À bas le Saxon ! criaMac-Duff.

On fit chorus dans la rue, on fit chorus dansle comptoir, dans le tap, dans le parloir et à tous les étages dela maison de Janvier O’Neil. De tous côtés résonnait ce cri répétépar mille bouches :

– À bas le Saxon !

On s’agitait, on brandissait les shillelahs,on s’attaquait avec une frénésie folle à l’ennemi absent. Puis,toute cette colère tombant comme par magie, une joie vive succédasans motif à ce courroux insensé. Des chants éclatèrent de toutesparts, coupés par des éclats de rire. Le nom d’O’Connell retentit,entouré de fanatiques bravos.

Le poteen et l’ale se reprirent à couler.

– Longue vie à William Derry !William Derry pour toujours !

Pendant ce temps, la grande figure brunequittait son poste et laissait vide le trou de l’ogive. La têteblonde disparaissait à son tour, et Mahony le Brûleur descendaitl’escalier en ruine de la maison abandonnée, avec Jermyn, ledernier des fils de Diarmid.

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