La Quittance de minuit – Tome I – L’héritière

III – KATE NEALE

La demeure de Mahony, ce géant que nous avonsvu porter la torche de bog-pine dans la nuit del’incendie, formait l’extrême pointe du Claddagh, l’un desfaubourgs de Galway. C’était une sorte de masure chancelanteconstruite en pans de bois à peine dégrossis ; elle s’ouvraitd’un côté sur le Claddagh, de l’autre sur une cour remplie dehautes herbes et d’orties, au delà de laquelle s’élevait la grandemaison ruinée dont la façade noire regardait l’auberges du RoiMalcolm.

Mahony n’avait qu’un pas à faire pour serendre au poste où nous l’avons aperçu dans la matinée.

C’était un homme de près de cinquante ans, auxcheveux noirs, crépus, parmi lesquels couraient çà et là quelquespoils gris ; il avait une figure vigoureusement caractérisée,où les lignes se heurtaient avec rudesse, et qui dénotait plusd’énergie que d’intelligence. Son histoire était celle d’un grandnombre de ses compatriotes. Il avait possédé sans bail une petiteferme au bord des lacs ; une année de détresse était venue, etl’agent du landlord l’avait impitoyablement chassé.

Mahony avait une femme et des enfants :bien longtemps il courut de village en village, demandant dutravail pour ses robustes bras. Il n’y avait point de travail. Dansle Connaught, pauvre tenancier qui se meurt de faim entre les mursnus de sa cabane n’a pas de quoi payer le labeur d’autrui. Mahonyavait mendié. Mais là où chacun manque du nécessaire, qui doncpourrait donner l’aumône ?

Il y a bien en Irlande des mains secourablesqui se tendent vers le malheur. Hélas ! ces mains sont videsle plus souvent, et le clergé catholique, subissant la misère quil’entoure, n’a guère que des paroles consolantes pour suppléer à sapropre indigence.

Il prie lorsqu’il faudrait aussi soulager, etsa bourse, tôt épuisée, ne garde qu’un jour le modique salairequ’il doit au respect des fidèles.

Maud, la femme de Mahony, devint malade ;ses enfants souffraient et avaient faim. Il regardait avec rage sesmembres vigoureux, qui, amaigris, montraient leurs muscles de fer.Pas de travail pour conjurer cette famine qui pesait sur des êtreschers ! Il y avait bien de la haine dans le cœur deMahony.

Un jour, de vagues rumeurs passèrent autour deses oreilles ; il entendit un nom inconnu mêlé à des parolesvengeresses. La nuit suivante, il ne coucha point dans sa masure.La ferme qu’il avait occupée longtemps sur le bord du lac Maskn’était plus le lendemain qu’un monceau de cendres.

Il s’était fait un grand renom entre lesMolly-Maguires. On le connaissait à vingt lieues à la ronde dansles assemblées nocturnes, et il était célèbre parmi les Payeursde minuit sous le nom de Mahony le Brûleur.

Jermyn Mac-Diarmid et lui venaient d’entrerdans la masure. Ils s’étaient assis tous les deux le plus loinpossible de Maud Mahony, autour de laquelle quatre ou cinq enfantsjouaient dans la poussière.

– Femme, demanda le Brûleur, il n’estvenu personne ?

– Personne, répondit Maud d’une voixtriste. Qui donc viendrait chez nous, quand il y a du poteen pleinla rue et des gâteaux d’avoine gratis à la porte de chaquetaverne ?

– Attendons-le, reprit Mahony ens’adressant à Jermyn : il ne peut tarder à venir.

Le dernier des fils de Diarmid était danstoute la fleur de cette beauté adolescente dont la peinturetoujours bienvenue est l’un des plus grands charmes de la poésieantique. La jeunesse assouplissait encore cette grâce qui allaitdevenir vigueur. Ses traits gardaient une naïveté douce, et ilsemblait que des rêveries d’enfant pouvaient seules descendre surce front si pur, où des cheveux qu’eût enviés une vierge étageaientleur blonde richesse.

Et pourtant, il y avait quelque chose enJermyn qui n’était déjà plus l’insouciance heureuse del’adolescent. Ses joues perdaient leur reflet rose ; sa boucheoubliait le frais sourire des jeunes années ; on lisait dansson regard une tristesse morne et comme une habitude précoce desouffrir. Parfois ses sourcils se fronçaient sous l’effort d’unepensée inconnue, et alors sa physionomie si douce prenait soudainune expression de virile menace ; un feu sombre s’allumaitdans ses yeux bleus ; une ride amère plissait sa bouche.

C’est que l’amour, qui rajeunit la vieillesse,mûrit bien vite le cœur des enfants. Jermyn aimait, Jermyn étaitjaloux, et c’est souffrir cruellement que d’être jaloux à cet âgeoù le cœur vulnérable et désarmé saigne à la moindreblessure ! Jermyn avait mis sa tête entre ses mains etregardait le géant qui allumait paisiblement son dhourneen[7].

– Quand le caillou a frappé sa poitrine,dit Jermyn, quel air avait-il ?

– Quel air ? répliqua Mahony,toujours le même air, vous savez bien, Mac-Diarmid ; l’airqu’il aura le jour de ses noces et le jour de sa mort.Musha ! mon fils, quand avez-vous vu cet homme-làchanger de visage ?

– Il n’a pas eu peur ? murmuraJermyn.

– Peur ! Non, sur ma foi, monbijou ! pas plus peur aujourd’hui que ce soir de l’annéedernière où il y avait dix couteaux dégainés autour de sa poitrinenue. On le tuera, c’est sûr, mon fils, mais on ne lui fera paspeur !

Jermyn passa une de ses mains sur sonfront.

– C’est un cœur brave et fort, pensa-t-iltout haut.

– Je ne sais pas, dit le géant. Onprétend qu’il a le diable à son service. Moi, je crois plutôt qu’ilsait tout bonnement jeter des sorts. Parlons raison, Mac-Diarmid.Comment expliquer autrement la conduite de Morris, votrefrère ?

Jermyn ne répondit pas.

– Voilà trois fois, reprit Mahony, queMorris se mêle de ses affaires. Sans Morris, on peut bien dire celadevant vous, le major aurait déjà porté chez Satan sa face pâle etses yeux immobiles. Il faut que Morris ait été ensorcelé.

Jermyn garda encore le silence, et le géantreprit en secouant les cendres de sa pipe :

– Voyez-vous bien, mon petit bijou, il ya quelque chose qui ne va pas droit dans la maison de Mac-Diarmid.Le vieux père est partisan d’O’Connell et nous traite de brigands.Je n’y vois points de mal ; d’ailleurs, c’est un saint hommeet il est en prison pour nous ; mais Morris, – un beau gars,pourtant ! – a un sort sur la tête, bien sûr ! On diraitque la torche des bog-pine lui fait peur. Il veut faire de nous dessoldats, ma bouchal ! et, en attendant, voilà troisfois qu’il se met entre nous et un habit rouge ! Et Owen, monfils ! Owen qui a épousé Kate Neale fille d’unmiddleman !

– Elle n’avait plus d’asile, interrompitJermyn, et il l’aimait.

– Il l’aimait ? grommela Mahony, àla bonne heure ! mais on dit qu’il y a une autre personne dela famille qui s’avise aussi d’aimer…

Jermyn mit sa main sur le bras du géant et leserra convulsivement ; ses sourcils s’étaient froncés, tandisque son visage devenait plus pâle.

– Tais-toi ! murmura-t-il d’un tonimpérieux.

– Bien, bien, répliqua Mahony avecsoumission. Ceux qui disent cela se trompent peut-être, mon joligars, et, après tout, la noble Héritière est au-dessus de nous…Maud, ma chérie, faites taire les enfants, ou je les écrase entremes deux poings. En tout cas, Mac-Diarmid, vous êtes un bon, vous…et je suis sûr qu’il n’y a pas dans tout le Connaught un homme plusdisposé que vous à envoyer le major à tous les diables !

– C’est un dangereux ennemi de l’Irlande,dit Jermyn en rougissant.

Le géant eut un sourire naïvementmalicieux.

– Arrah ! mon fils,s’écria-t-il, à qui le dites-vous ? Mais voilà Dan qui revientde la prison.

– Quelles nouvelles de notre père,Dan ? demanda Jermyn.

Dan avait un visage triste.

– Mauvaises, répondit-il sans franchir leseuil. Mac-Diarmid souffre et ne veut point être soulagé. Ilrepousse la liberté plutôt que de manquer aux ordres d’O’Connell.Rien ne peut le fléchir. O’Connell ! toujours O’Connell !c’est son dieu !

– Pauvre père ! dit Jermyn.

– Que Dieu le bénisse ! ajoutaMahony ; c’est un saint homme, celui-là !

– Et les gens d’O’Connell, reprit Danavec amertume, chantent joyeusement par les rues, tandis que levieillard abandonné souffre. Venez. Jermyn ; l’heure avance,et l’on nous attend à la ferme.

Jermyn se leva aussitôt ; il échangea unepoignée de main et quelques paroles rapides avec Mahony, puis ilsortit en compagnie de son frère…

Orangistes et catholiques continuaient deboire et de s’ébattre aux portes des tavernes. Les deux Mac-Diarmidtraversèrent la ville à grands pas, regardant avec un mépris égalles joies folles des deux partis rivaux. Ils passèrent sans semêler à aucun groupe, sans adresser la parole à personne.

Une fois dans la campagne, ils poursuivirentleur route hâtivement. C’est à peine si quelques mots rompirentparfois leur silence à de longs intervalles.

Le jour commençait à baisser lorsqu’ilsarrivèrent à la ferme.

Owen se trouvait seul en ce moment dans lasalle commune avec la fille de Luke Neale, qui était maintenant safemme. Le middleman avait été tué dans la nuit de l’incendie, enessayant de défendre sa maison. Kate n’avait qu’un vague souvenirdes événements de cette nuit terrible ; elle se rappelaitconfusément les heures de veille auprès de la couche du majorblessé, puis son sommeil interrompu brusquement par l’arrivée d’uninconnu masqué de noir, puis encore son départ, et la course rapidedu chariot dirigé par le valet de ferme Pat, qui l’avait conduite,ainsi que le major, dans une auberge de Tuam.

Elle savait bien que les auteurs de cetteattaque nocturne étaient les ribbonmen ; mais elleignorait que les fils de Mac-Diarmid fussent membres de cetteassociation redoutable.

L’arrestation du vieux Miles lui semblait,comme à tout le pays, une iniquité ou tout au moins une erreur dela justice. Le vieux Miles passait à bon droit pour un des soutiensles plus fervents d’O’Connell, et chacun savait avec quellesévérité le Libérateur traitait en toute occasion les associationssecrètes. Les fils du vieux Miles, si respectueux et si dévoués,pouvaient-ils avoir d’autres sentiments que leur père ?

En ces temps malheureux où les catastrophes sesuccédaient sans relâche et où le deuil entrait par toutes lesportes, la vie marchait vite ; les plaies, tôt cicatrisées, nesaignaient pas longtemps ; le bruit de la tempête étouffaitles sanglots et les pleurs. En des jours plus tranquilles, KateNeale n’aurait point consenti à donner sa main si peu de tempsaprès la mort de son père ; mais maintenant qu’elle était sansfamille et qu’elle devait tout à la généreuse hospitalité deMac-Diarmid, elle n’avait point cru pouvoir résister à l’amourimpatient d’Owen.

Elle aimait Owen depuis son enfance. Au tempsoù Luke Neale était un pauvre paysan tenant une petite ferme sur leversant du Mamturk, les deux enfants s’étaient rencontrés biensouvent dans la campagne ; ils étaient beaux tous les deux,tous les deux francs et bons ; ils échangèrent leur foi. Plustard, Luke suivit les conseils des gens de loi protestants deGalway ; il voulut faire fortune, et prit la route facile quis’offre à chacun en Irlande : spéculer sur la misère.

La misère, on le sait, est ce qu’il y a deplus exploitable au monde. Luke se fit middleman : on devientriche à ce métier, quand la vengeance du pauvre ne vous jette pasmort à la moitié du chemin.

Au bout de peu d’années Luke fut un fermieropulent ; il défendit à sa fille de voir Owen, qui étaitdésormais trop pauvre pour prétendre à la main de Kate Neale.

Mais, malgré cette défense, elle voulut resterfidèle à sa promesse.

Il y avait sept mois maintenant qu’elle avaitperdu son père ; l’amour heureux faisait diversion à sapeine ; son regret adouci laissait place en son cœur auxpremières joies du mariage. Mais elle était Irlandaise. Ce peuple,dont le caractère léger abrège tout, jouissances et douleurs, estconstant sur un point : il n’oublie jamais la vengeance. Katevoyait parfois dans ses rêves le pâle visage de son père mort. Elledemandait alors à son mari :

– Où sont les assassins de LukeNeale ?

Et quand Owen lui avait répondu : Je nesais pas, elle tombait dans la rêverie et reprochait à son cœur des’endormir et de trop aimer. Elle voulait, la pauvre femme, selever seule contre cette association mystérieuse qui l’avait faiteorpheline. Elle voulait découvrir ces hommes qui tuaient dans lesténèbres et les jeter, dévoilés, sous la hache de la loi, croyantdans sa foi peu éclairée remplir un devoir filial.

Il n’y avait dans son âme, à part cettepensée, que miséricorde et amour. C’était une douce enfant, pieuse,bonne, dévouée. Depuis que ses larmes séchées avaient fait place ausourire, elle avait donné à Owen tout le bonheur qui peut être lepartage d’un homme. Ils s’aimaient ardemment et uniquement, leurtendresse mutuelle les isolait du monde et leur était un rempartcontre la souffrance : car Owen, lui aussi, avait beaucoup àoublier. Le malheur était tombé sur la maison de Diarmid. Le vieuxMiles, jeté dans une prison à la suite du meurtre de Lake Neale,attendait sa sentence. On n’avait point reçu de puis sept mois denouvelles de Jessy O’Brien, la fille adoptive de Mac-Diarmid, lasœur chérie des huit frères, qui avait été la fiancée de Morrisavant de devenir la femme de lord George Montrath.

Et à différentes reprises, de funestes rumeurss’étaient répandues dans le pays. On disait que lady Jessy Montrathétait morte ; on disait même que lord George avait pris déjàune autre femme.

Enfin, il y avait un Mac-Diarmid de moins.Natty, le cinquième frère, tué par une balle, était resté sur legazon devant la ferme de Luke Neale.

Toute la famille était dehors en ce moment.Kate et Owen restaient seuls. En l’absence de Joyce, qui vaquait àdes travaux de culture et qui s’était fait suivre par la petitePeggy, Kate préparait le souper commun ; elle attisait le feusous le chaudron où cuisaient les pommes de terre, et rangeaitd’avance les assiettes d’étain sur la table à la place de chaqueconvive.

Et partout où elle allait, Owen la suivait,dérobant çà et là un baiser, échangeant un sourire contre une douceparole.

Les bestiaux, qui étaient rentrés d’eux-mêmesà la chute du jour, se couchaient de l’autre côté de la corde etprenaient fraternellement l’herbe du soir.

Les deux grands chiens de montagne, accroupisdes deux côtés du foyer, chauffaient leurs pattes dans les cendreset suivaient d’un œil endormi le gai combat du jeune couple.

À voir cette scène de calme bonheur, vousn’eussiez certes point cru que ce sol était celui de l’Irlande.L’illusion vous eût emporté loin, bien loin de ce malheureux paysoù les passions s’agitaient avec frénésie et hâtaient l’actionmortelle de la misère. Tout aura disparu a vos yeux, l’effortdésespéré de la tyrannie orangiste, la sanglante colère duribbonman, et jusqu’aux bruyants échos de cette « agitationlégale » dont le fracas essayait d’étouffer la menace des deuxpartis prêts à en venir aux mains.

Owen avait vingt-trois ans, son visage francet ouvert disait naïvement son bonheur. C’était un beau garçon,grand et fort, dont le front semblait vierge de toute penséesérieuse ; sa nature était d’être gai. Il avait été tristepourtant bien des fois dans sa vie, mais, chaque fois que la joierevenait, il l’accueillait de tout son cœur. Kate était unecharmante fille d’Irlande, aux traits souriants, au regard vif. Lemalheur récent l’avait bien un peu pâlie, et quelques rayonsmanquaient au feu de ses prunelle, mais à cette heure de repos ellerevivait égayée et se retrouvait elle-même.

Le couvert était mis. Kate s’assit auprèsd’Owen ; leurs sourires amis se croisèrent. Ils restèrentainsi serrés l’un contre l’autre, et ne demandant rien à Dieu,sinon d’être ainsi toujours.

Depuis le jour de son mariage, Owen, par unesorte de tolérance muette, restait en dehors des actes del’association, Morris lui avait fait cette trêve. On lui donnaitquelques jours pour être heureux. Et il jouissait ardemment de cebonheur dont il devinait la limite prochaine. Il se hâtait dejouir, il buvait à longs traits cette soupe aimée qu’on allait luiarracher peut-être, à demi pleine encore.

– Un bruit de pas se fit au delà de laporte sur la montée. Owen et Kate s’éloignèrent instinctivementl’un de l’autre ; un nuage passa sur leurs fronts naguère siradieux.

C’est qu’après un moment d’oubli la réalitérevenait vers eux ; ils avaient chassé d’un commun accordd’importuns souvenirs, et la porte qui s’ouvrait allait donnerentrée à de graves pensées de malheur.

Dan et Jermyn, venant de Galway, franchirentles premiers le seuil.

Jermyn parcourut la salle d’un regardimpatient.

– Notre noble parente n’est pas encore deretour ? demanda-t-il.

– L’Héritière aura prolongé sa promenadeplus tard que de coutume, répondit Owen ; nousl’attendons.

Quelques instants s’écoulèrent, au boutdesquels Joyce revint des champs avec Peggy. Sam et Larry lessuivirent de près. Kate tira les pommes de terre de la chaudière etles plaça sur la table.

L’œil de Jermyn interrogeait la porte avec uneinquiétude croissante.

La porte s’ouvrit enfin. Ce fut Morris quientra.

– Ellen ne vous suit-elle pas, monfrère ? demanda Jermyn.

– Je viens de loin, mon frère, réponditMorris, mais j’ai entendu le pas d’un cheval au pied de lamontagne, et la noble Ellen ne peut tarder à revenir.

Ces paroles étaient à peine achevées, lorsquela porte, qui venait de retomber, s’ouvrit de nouveau. Ellen semontra sur le seuil ; ses cheveux noirs, épars, tombaient lelong de sa joue pâle ; quelques gouttes de sueur perlaient àson front. La respiration lui manquait, comme si elle eût fourniune course désespérée.

Les Mac-Diarmid la saluèrent, commed’habitude, avec amour et respect.

L’Héritière rejeta en arrière le capuchon desa mante rouge, et traversa la salle pour se rendre à son siègeaccoutumé. Les Mac-Diarmid prirent place à leur tour et s’assirent,après qu’Ellen eut prononcé en latin la prière de bénédiction. Lesouper de famille commença triste et silencieux.

À part quelques sourires échangés entre KateNeale et Owen, aucun visage ne se dérida autour de la grande table.Durant tout le repas, la lumière inégale des chandelles de joncn’éclaira que des traits mornes et des regards assombris. La gaietéirlandaise faisait trêve : il y avait sous ce toit, où naguèrela vie coulait si pleine, une pensée de deuil. Bien des siègesrestaient vides maintenant. Le chef de la maison, prisonnier etmenacé de mort, laissait là sa place inoccupée. Jessy n’était pointrevenue ; Natty était mort ; Mickey, le frère aîné, avaitpris la route de Londres pour avoir des nouvelles de Jessy.

On avait mangé à la hâte, on avait portée toutbas la santé du vieux Miles. Ellen avait à peine touché le metsrustique qui demeurait entier sur son assiette ; elle neparlait point ; sa belle figure, où ces quelques mois écoulésavaient mis plus de pâleur, exprimait une préoccupation puissante.Ses grands yeux noirs restaient presque constamment baissés, etn’allumaient plus aux rayons vacillants de la lumière leurs sombresreflets d’or.

Les convives respectaient son silence et sarêverie. Kate Neale se levait de temps en temps pour la servir,comme si elle eût été une reine. Et vraiment, assise comme ellel’était, toute seule à la place d’honneur, environnée d’attentionsrespectueuses et tendres, elle semblait une reine en effet.

Jermyn seul osait suivre d’un regardobstinément avide les sentiments divers qui venaient se peindretour à tour sur la physionomie de l’Héritière.

Elle ne le voyait point ; elle ne voyaitrien ; son âme était ailleurs.

Lorsqu’elle eut récité à genoux, devant uneimage grossière de la Vierge, la prière de tous les soirs, elle mitun baiser sur le front de Kate, et donna sa main à ses frèresd’adoption ; puis elle se retira dans la petite cabane accoléeau corps de logis principal. Kate et Owen disparurent à leur tour.Il ne resta dans la chambre que les cinq autres frères et Joyce,qui se jeta dans un coin sur la paille.

– Lève-toi, lui dit Morris, et remplisles cruches de poteen. Cette nuit il n’y aura que les femmes àdormir sous le toit de Mac-Diarmid.

Joyce obéit aussitôt ; les pots d’étainfurent remplis, et les cinq frères s’assirent de nouveau autour dela table. Chacun d’eux prit sa place accoutumée ; Morris seulen changea ; il alla s’asseoir sur le siège réservé à sonpère, comme s’il se fût institué le chef et le roi de la famille.Il y avait en lui un air d’autorité grave et ferme ; on voyaitque depuis longtemps sa tête s’était levée au-dessus de la tête deses frères.

– Mickey va revenir cette nuit,dit-il ; je le sais. Nous l’attendrons. Et quand la lumièrebrillera au sommet de Ranach-Head, nous partirons tous ensembleQuelles nouvelles de Tuam Larry ?

– À Tuam, répondit ce dernier, on a faitgrand bruit de bâtons, parce que quelques coquins venus de l’Ulsteront voulu chanter trop haut le nom de James Sullivan. PercyMortimer y est allé rétablir l’ordre avec ses dragons. Endéfinitive, on boit et on crie, voilà tout.

– Sam, reprit Morris, quelles nouvellesd’Headfort ?

– On crie et on boit, répondit Sam ;avec un verre ou deux de poteen, les pauvres diables oublient qu’ily a un lendemain, et qu’au bout de l’ivresse ils retrouveront lafamine.

– Et à Galway, Dan ? reprit encoreMorris.

– Il faudrait adresser cette question ànotre noble parente Ellen, interrompit Jermyn avec amertume ;j’ai vu ce matin sa mante rouge dans le Claddagh, et, comme elleest revenue la dernière…

– Silence enfant ! dit Morris d’unton sévère.

– À Galway, reprit Dan, personne ne penseà nous, mon frère. On pourrait pendre Mac-Diarmid sans qu’il y eûtun verre d’usquebaugh de perdu. William Derry pour toujours !Ils attendent O’Connell, et ils sont fous d’avance.

– Ils sont si malheureux ! murmuraMorris, qui appuya sa tête sur sa main.

Il y eut un silence. Puis Morris passa sesdoigts dans les boucles brunes de ses cheveux, et découvrit sonfront, où il y avait comme un héroïque reflet d’énergie et devolonté.

– Ils sont si malheureux, reprit-il,qu’ils ne sentent plus leurs cœurs. On dit qu’après des années decaptivité, le prisonnier, délivré de ses chaînes, ne peut ni selever, ni mouvoir ses membres engourdis. Libre, il reste inerte surle sol. On lui crie : Va-t’en, et il demeure. Ses fers pèsentencore sur lui par le souvenir. Nous sommes ainsi, frères, et ilfaudra un coup de tonnerre pour secouer notre apathiquetorpeur.

– Ils sont lâches ! dit Sam avecmépris.

– Oh ! non ! s’écria Morrisdont les yeux brillèrent ; ils sont braves ! mais ils onttant souffert ! Ne les méprisez pas, Sam, et surtout nedésespérez point d’eux avant l’heure de la grande épreuve. Notrerôle, c’est de les relever ; notre mission, c’est de réveillerleur âme assoupie et d’y raviver cette immense haine qui est lesalut de l’Irlande. Nous les avons vus s’armer pour quelquevengeance partielle, et nous nous sommes dit : Soyons leurschefs ; tournons le fer irlandais contre le véritable ennemide l’Irlande ; changeons les incendiaires en soldats, et quela dernière quittance signée par la pauvre Érin àl’orgueilleuse Angleterre soit une bataille…, et soit unevictoire !

– Oui, murmura Sam, nous nous sommes ditcela.

– Voilà passés depuis lors, ajouta Larry,plus des trois quarts d’une année.

– Et notre père est en prison ! ditSam.

– Et Natty est mort ! achevaJermyn.

– Et Jessy est morte ! prononça unevoix émue qui partait du seuil.

Les cinq Mac-Diarmid se levèrent à la fois.Mickey, dont le carrick était plein de poussière et qui portait enmain son bâton de voyage, franchit le seuil.

– Jessy, ta fiancée, mon frèreMorris ! reprit-il en gagnant la table à pas lents. Nousavions juré de la protéger ; t’en souviens-tu ?

La force d’âme de Morris luttait en ce momentcontre une douleur poignante. Son visage était calme ; soncœur se fendait.

– Soyez le bienvenu, mon frère Mickey,dit-il, et prenez place ; nous vous attendions, et nous sommesheureux de vous revoir.

Sam, Larry, Dan et Jermyn avaient les larmesaux yeux.

– Pauvre Jessy ! dit Sam ; sanscette association maudite, nous aurions pu lui portersecours !

– Elle était si bonne !

– Et si belle !

– Et si douce !

– Elle nous aimait tant !

– Elle aimait tant surtout notre frèreMorris ! dit Mickey, qui s’assit à sa place ordinaire,laissant le siège paternel à son cadet.

Morris avait aux lèvres un tremblementconvulsif.

– Pitié, frère ! murmura-t-il ;vous savez bien que j’ai besoin de tout mon courage.

– Je t’obéis, Morris, répondit Mickey,parce que je t’ai accepté pour chef ; mais que Dieu tepardonne de nous avoir retenus lorsque nous voulions passer la merpour sauver notre sœur !

– Pouvait-elle donc être sauvée ?demanda Sam.

Mickey garda un instant le silence. L’œil deMorris, brûlant et sec, se fixait sur lui et dévorait d’avance saréponse.

– J’ai vu la tombe de la pauvre filledans le cimetière catholique de Richmond, répondit-illentement ; il y a sur la pierre le nom de Jessy O’Brien,morte à dix-neuf ans, épouse de Sa Seigneurie George lordMontrath.

Le souffle de Morris sifflait dans sa gorge.Les autres Mac-Diarmid baissaient la tête comme s’ils eussent vouluéviter son regard.

– Puis il y a le noble écusson de SaSeigneurie, reprit Mickey, et une croix de marbre blanc sculpté,sur laquelle on a écrit : Priez pour elle…

Mickey se tut. Il se fit un silence dans lasalle. Au bout de quelques secondes, Morris se leva. Son mâle etbeau visage peignait l’angoisse d’une douleur en vain combattue.Ses yeux étaient baissés. Une larme longtemps retenue roulait sursa joue, qui semblait ne plus vivre.

– Prions pour elle, dit-il.

Les six frères s’agenouillèrent. La voix deMorris, pénible et entrecoupée, récita les versets latins du Deprofundis. Puis l’on entendit des sanglots. La fougue ducaractère irlandais exagère un instant de douleur comme la joie.Sam, Larry et Dan se tordaient les mains en prononçant le nom deleur sœur d’adoption. Jermyn et Mickey avaient repris leurssièges.

Morris demeurait à genoux, les bras croiséssur sa poitrine. Quand il se releva, son œil était humideencore.

– Mon frère Mickey, dit-il, vous ne nousavez pas tout appris. Avons-nous un crime à venger ?

– Oui, répliqua Mickey.

Un frémissement courut autour de la table. Lesyeux de Morris se séchèrent ; son regard brilla, son front seredressa menaçant.

– Lord George l’a tuée ?murmura-t-il entre ses dents serrées convulsivement.

– Vous l’avez dit, mon frère Morris,repartit Mickey.

– Et lord George doit bientôt venir dansle Galway ?

– Lord George est arrivé, mon frère. Noussommes voisins. Milord est installé à cette heure, avec milady,dans le château neuf de Diarmid. Nous avons traversé ensemble lecanal Saint-George. Milady est une gracieuse femme, vraiment, lafille d’un noble pair. George Montrath est un heureux époux.

Le sang monta violemment à la joue deMorris ; sa colère rompit toute digue, et durant un instant,il perdit cet empire absolu qu’il avait sur lui-même et qui donnaità sa volonté une invincible force. Une malédiction rauque s’échappade sa bouche, tandis que son poing heurtait le chêne rugueux de latable.

Mais cela ne dura qu’un instant ; lesautres Mac-Diarmid, qui interrogeaient du regard sa physionomiedécomposée, virent son front rappeler tout à coup le calmevainqueur. Un puissant effort avait dompté au dedans de lui soncourroux. La pâleur était revenue à sa joue, et son œil, froiddésormais, fit le tour de la table, répondant au regard de sesfrères.

Ceux-ci attendirent encore quelques secondes,puis leurs têtes chevelues commencèrent à s’agiter ; leursregards se croisèrent, et un murmure d’indignation s’éleva.

– Par le nom de notre père, dit Sam,cette lady sera veuve, je le jure !

– Sang pour sang ! s’écria Larry,c’est la règle.

Jermyn et Dan répétèrent : Sang poursang !

Mickey leur imposa silence d’un geste où il yavait de l’amertume. Il était l’aîné de la famille, et le choixcommun l’avait fait descendre à la seconde place. Morris était lechef, – le maître. – Mickey n’avait peut-être point cequ’il fallait de grandeur d’âme pour pardonner à son frère sasupériorité reconnue.

Il y avait en lui du dévouement, mais il yavait aussi de la vanité rebelle et comme une arrière-pensée derancune. Mickey avait plus d’une victoire à pardonner à Morris.

Au dehors il lui obéissait, il le servait enfidèle lieutenant ; à la maison, il se souvenait trop que Dieul’avait fait le chef naturel et qu’il avait droit au siège de sonpère absent. Il se soumettait ; il eût donné son sang pourMorris, mais son orgueil révolté parlait tout bas au fond de soncœur. Malgré lui et à son insu, il écoutait ces sourdes colères quiétaient vieilles en son cœur et qui renaissaient à la vue del’influence de Morris.

Cette influence était souveraine dans lafamille. Les Mac-Diarmid, malgré leur turbulence native et laliberté de leurs paroles, se soumettaient toujours à la volontéplus forte du jeune maître. Ils discutaient, ilsrécriminaient, – et ils obéissaient.

Sam, Larry et Dan avaient pour Morris uneaffection sans bornes, où il se mêlait du respect et une confianceabsolue. Jermyn, dominé par un sentiment unique, partageait à undegré moindre cette confiance et ce respect.

Il était le plus jeune et se souvenait de laprotection dévouée de Morris ; qui avait entouré les années deson enfance. Mais il aimait et il haïssait.

Trois fois Morris avait sauvé la vie del’homme qu’il croyait son rival.

Et comme il n’y avait rien dans le cœur deJermyn qui pût rester debout en présence de ce sentiment unique parson origine et double en ses effets, il marchait avec froideurdésormais dans la voie indiquée par son frère.

– C’est bien parler, enfants, dit Mickeyen relevant son regard sur Morris, mais c’est parler trop tôt. Quisait si Mac-Diarmid sera de notre avis ?

Morris avait baissé les yeux ; il n’yavait plus maintenant sur son pâle et noble visage aucune trace decolère, et l’on n’y aurait pu lire qu’une profonde tristesse.

– Jessy était ma fiancée, dit-il ;je l’aimais, oh ! je l’aimais tant que son souvenir garderamon cœur contre tout autre amour. Elle était mon bonheur et monespoir : cet homme me l’enleva.

Il s’arrêta, et son œil plein d’unenthousiasme grave se tourna vers le ciel.

– Et cet homme l’a tuée ! ditLarry.

– Et vous n’avez pas encore dit : Jela vengerai, Mac-Diarmid ! ajouta Sam.

Mickey eut un sourire, comme s’il eût étéheureux d’entendre une autre bouche que la sienne exprimer sapensée.

– Qui sait si je ne l’eusse point aiméeplus que l’Irlande ? reprit Morris, dont la voix se baissajusqu’au murmure, tandis que sa tête penchée s’appuyait sur samain. Rien qu’à me souvenir du bonheur que je rêvais avec elle etpour elle, mon âme s’amollit, ma volonté plie et je sens des larmessous ma paupière. Oh ! frères, combien je l’aimais ! Toutà l’heure, emporté par cette passion revenue, j’ai senti desparoles insensées qui emplissaient ma bouche et voulaient s’élancerau dehors ; j’ai été sur le point de mettre une vengeanceégoïste à la place de la vengeance de l’Irlande.

Morris s’arrêta encore.

Les fils de Diarmid écoutaient indécis ;ils cherchaient à comprendre.

– La volonté de notre frère, dit Mickey,dont le sourcil se fronça, est que le meurtre de Jessy soit oubliéet que Mac-Diarmid, qui n’a pas su la protéger, se dispense de lavenger.

Le regard de Morris pesa sur la paupière deMickey, qui rougit et se détourna.

– Ma volonté est que Mac-Diarmid soittout entier à l’Irlande, dit-il. Mon avis est que Mac-Diarmid n’apas le loisir de se venger tant que l’Irlande souffre.

Morris s’était redressé sur le siègepaternel ; son front rayonnait une énergie sereine et calme.Il se fit un silence, Sam le premier tendit sa main au jeune maîtrepar-dessus la table.

– Mac-Diarmid, dit-il, votre esprit voitplus loin que le nôtre ; je vous crois et je ferai ce que vousordonnerez.

Les autres frères suivirent l’exemple de Sam.Mickey tendit sa main à son tour.

– Mon frère Morris, dit-il avec unsoupir, je pense que j’ai eu tort ; mais c’est que je songeaisà la pauvre tombe où j’ai lu le nom de notre Jessy !

Le cercle se serra autour de la table. Morrisse leva et réveilla le valet Joyce, qui dormait sur la paille.

– Allez voir au dehors, lui dit-il, si lefeu est allumé au sommet de Ranach-Head.

Joyce sortit et revint un instant après.

– Le feu est allumé, répliqua-t-il.

– Avertissez Owen, notre frère, repritMorris. Aujourd’hui est expiré le premier mois de son mariage. Ilfaut qu’il redevienne un homme et que sa tâche soit accomplie.

Joyce entr’ouvrit la porte du petit bâtimentoù dormait autrefois le vieux Miles, et qu’habitaient maintenantKate et Owen. Il prononça le nom de ce dernier. Owen parut aussitôtet reçut les ordres de Morris avec une résignation triste.

– Kate sera malheureuse, car je ne puislui apprendre où je vais. Elle croira que je ne l’aime plus… maisque votre volonté soit faite, Mac-Diarmid !

Morris lui donna sa main.

– Partons, reprit-il ; vous, Jermyn,restez. Jermyn avait déjà le pied sur le seuil. Il s’arrêta et jetaà Morris un regard de défiance.

– Vous voulez encore sauverMortimer ! murmura-t-il en fronçant le sourcil.

– Ma dette est acquittée, enfant,répondit Morris, et la vie de Mortimer est à ses ennemis.

– Pourquoi m’empêcher de voussuivre ?

– Parce qu’il ne reste que deux femmesdans la maison de Diarmid, mon frère, et que la fille des rois, lanoble Héritière doit avoir une garde auprès de son sommeil.

Jermyn baissa la tête et s’éloigna de laporte.

Les autres frères passèrent, suivis deJoyce.

Au loin, du côté de la mer, et dans ladirection de Kilkerran, brillait un feu rougeâtre qui semblait êtreparmi les nuages. Les six frères remontèrent le Mamturk en tournantle dos au lac, et redescendirent vers la mer.

Jermyn se coucha sur la paille et ferma lesyeux.

Il était seul dans la vaste salle. Unechandelle de jonc brûlait encore sur la table, éclairant vaguementles murailles enfumées et les saintes images qui les recouvraient.La voûte disparaissait complètement dans l’ombre, ainsi que lesanimaux qui dormaient de l’autre côté de la corde tendue.

La lueur répandue dans la salle était sifaible qu’on n’aurait point pu voir la porte de la retraite d’Ellentourner lentement sur ses gonds. Ce fut comme une blancheapparition qui se montra dans l’ombre. La noble fille franchit leseuil sans bruit, et s’avança lentement vers Jermyn étendu sur lapaille.

La lumière lointaine envoyait de vaguesreflets à son pâle visage. Elle était tête nue ; ses longscheveux noirs tombaient, dénoués, sur sa robe blanche, dont lesplis libres laissaient deviner la grâce de sa taille de reine.

En un moment où la chandelle, ranimée par unsouffle de vent, jetait une lueur plus vive, on aurait crudistinguer une larme qui se suspendait aux longs cils d’Ellen. Maisla lueur se voila. Tout rentra dans la nuit grisâtre. Était-ce bienune larme ?

La tête d’Ellen se dressait, hautaine. Son pasétait calme. Son souffle égal soulevait doucement l’étoffe de sarobe.

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