La Quittance de minuit – Tome I – L’héritière

IX – LE ROI LEW

Cette foule rassemblée sous les voûtes sombresde la galerie du Géant était composée d’éléments divers. La plusgrande partie des comtés de l’Ouest et du Midi y avait sesreprésentants. Dans l’ombre de la vaste enceinte et le long descolonnes chargées de stalactites brillantes, s’asseyaient de bonsgarçons venus des cantons les plus éloignés. Il y avait despêcheurs de la baie de Bantry, des pâtres de Cork, des tenanciersde Waterford et des montagnards de Wiklow. Le nouveau whiteboysmeétendait alors ses ramifications par toute l’Irlande et pénétraitjusque dans les montagnes du Tyrone, au cœur de l’Ulsterprotestant.

Le noyau de la réunion restait cependantcomposé de gens du pays même, des fermiers de lord George Montrathpour la plupart, des riverains de la Moyne, des coupeurs de turfentre la Suck et les lacs.

Le Connemara, cette sauvage contrée que lestouristes ont baptisée les highlands de l’Irlande, fournissaitsurtout un nombreux contingent, ainsi que les monts Farmnamore etles côtes entre Claggan et Killery.

Tous ces gens étaient affiliés et avaientprêté le serment. Tous avaient subi, soit dans le Galway, soit dansles comtés du Midi et de l’Est, ces épreuves tragi-comiques aumoyen desquelles les francs-maçons de tous les pays essaient demettre une terreur superstitieuse dans l’âme de leursnéophytes.

Car les sociétés secrètes ont partout desprocédés pareils : ceci depuis des siècles. Le poignard de laSainte-Vehmé, sur lequel juraient les francs-juges d’Allemagne, seretrouve dans les ventes de l’Italie et aussi en Irlande.En Irlande, on jure encore sur le poignard, et l’on jure sur latorche. Les ruines des abbayes, les salles basses des châteauxcroulants, les humides cavernes où les oiseaux du large cherchentun abri pendant la tempête, telles sont les vastes loges où semènent les pratiques mystérieuses des Vengeurs.

C’est un serment terrible que celui qui engageà tenir la torche, quand l’incendie peut avoir lieu demain ; –que celui qui oblige à prendre en main le couteau, quand la victimeest désignée déjà peut-être. Ils avaient tous juré.

C’est que leur misère était si profonde !c’est qu’ils souffraient de la faim, du froid, de tous les maux quipeuvent accabler l’homme, si cruellement et si près des follesmagnificences de leurs maîtres ! c’est qu’il y avait tant dehaine au fond de leur cœur ! Leur tête s’était courbée silongtemps sous la tyrannie de la conquête ! Autour de leurmisère bourdonnait un essaim si âpre d’usuriers, de middlemen,d’agents qui s’engraissaient de leur sang et vivaient de leurmort !

Hélas ! est-il permis de parler aupassé ? Qu’un cri de vengeance tombe du haut des montagnes ousurgisse des vastes solitudes des bogs, il va trouver desmilliers d’échos dans ce pays que la fièvre du feny-anismeagite encore. Chaque chaumière va tressaillir à ce signalattendu ; toutes les têtes d’hommes vont se redresser,secouant leur grande chevelure, et la prière des femmes va montervers le ciel, intercédant pour la vengeance de leurs époux et deleurs frères. La torche s’allume ; un cri retentit formidable,et, de proche en proche, l’Irlande entière bondit ; et lesténèbres s’éclairent à la lueur funeste de l’incendie.

Le bien arrive ici au secours du mal pouragrandir le fléau. Au-dessus de la vengeance brutale etsanguinaire, il y a la dévotion à la patrie, le culte de l’honneurnational outragé, l’immense amour de la religion des aïeux.

Parmi ces hommes égarés, qui ne marchaient quela nuit et dont la tâche était un crime, parmi les ribbonmen, ilétait de vaillants cœurs qui se trompaient noblement. Cette révoltenocturne était pour eux une guerre déclarée. Ils voulaientreconquérir leurs antiques privilèges, rétablir la richesse del’île et ses splendeurs perdues ; étayer les ruines dessaintes abbayes, rebâtir la maison de Dieu et replacer dans leschâteaux les fils des seigneurs, chassés par la conquêteanglo-saxonne.

Morris Mac-Diarmid avait bien souvent parcourules comtés de l’Irlande : il connaissait ceux des conjurés quivenaient au combat, poussés par le seul amour de la patrie, amouraveugle peut-être, mais sublime chez de pauvres gens pour qui lapatrie n’a ni protection ni secours. Morris était leur chef. Ils lesuivaient et le soutenaient.

Ces vrais fils de la vieille Érin étaient là,pour la plupart, à leur poste entre les féeriques colonnes de lagalerie du Géant. L’élection de Galway était le prétexte de leurvenue. Le gros de l’assemblée ignorait le mystère de l’association.Beaucoup suivaient le torrent comme Morris lui-même, et sesentaient trop faibles encore pour éteindre violemment la torcheincendiaire.

Mais ils y travaillaient sous main sansrelâche, aidés par l’éloquence de leur chef, dont la parole hardiemaniait souverainement ces masses. Ils gagnaient du terrain peu àpeu ; et le moment venait peut-être où les nocturnesmeurtriers allaient relever leurs têtes au soleil et devenir dessoldats.

Suivant la croyance de Morris, ce pas eût étéfranchi déjà sans la réprobation d’O’Connell. Morris vénérait lehaut génie du Libérateur ; mais, à tort ou à raison, il leregardait comme le plus grand ennemi de la nationalité irlandaise,et comme l’appui le plus utile de la domination britannique.

Morris était aussi faible que le Libérateurétait fort. O’Connell, dans sa toute-puissance, savait-il seulementqu’un obscur fermier du pauvre Connaught se dressait dans l’ombrecontre lui ?

Mais Morris avait au dedans de lui une foirobuste, une volonté indomptable. Il écartait un à un les obstaclesdu chemin. Ceux qu’il ne pouvait franchir, il les tournait avecadresse. Il prenait les ribbonmen comme ils étaient,mettant une patience infatigable à relever leurs âmes abattues,abaissant son cœur chevaleresque jusqu’au niveau de leurssanglantes colères, pour les amener à lui, pour les dominer, pourles acheter.

Et sa force grandissait insensiblement, sansbruit, comme grandit cet arbrisseau débile qui cache sa tête sousl’ombre voisine du vieux chêne, et qui, avec le temps, va devenirle roi de la forêt.

Il se disait, quand parfois son couragemenaçait de fléchir : La pensée d’O’Connell est toute enlui-même ; rien ne restera de sa politique inventée ; sapuissance, si énorme qu’elle soit, n’est que la puissance d’unhomme ; – et c’est un vieillard. Quel autre génie que le sienpourrait exploiter après lui son mensonge sublime ? Lesprincipes seuls passent de père en fils comme un héritage. La forcepersonnelle descend dans la tombe avec l’homme fort.

Du grand homme décédé il ne restera qu’unsouvenir. O’Connell n’aura travaillé que pour sa propre gloire. Luimort, le Rappel tombera ; la place sera libre.

Il se disait encore :

– Moi, je suis jeune ; il faut dutemps, mais j’ai devant moi des années. Ma pensée, d’ailleurs,n’est-elle pas éternelle comme le droit des nations ? Si jemeurs à la tache, qu’importe ? La vie de l’homme n’est qu’uneheure dans la longue vie d’un peuple, et je travaille pourl’Irlande !

C’était vrai. Il n’y avait pas chez lui unseul sentiment égoïste ou seulement personnel, tout étaitabnégation pure en cette droite conscience qui pouvait errer, maisnon faillir.

Parmi les gens rassemblés dans la galerie duGéant, quelques uns suivaient Morris Mac-Diarmid parconviction ; le reste se laissait entraîner, à l’occasion, parla force vive de son éloquence. Si Morris eût voulu se borner àcommander aux Molly-Maguires, en dirigeant leurs vengeancesnocturnes, jamais chef n’eût rencontré des soldats plusenthousiastes et plus dociles. Malgré ses résistances fréquentes àla volonté commune, il gardait encore l’affection de tous etrestait le premier parmi les chefs de l’association.

Il devait lui être assurément bien difficilede façonner à son vouloir cette tourbe tumultueuse etindisciplinée ; mais cela était à la rigueur possible, etpossible à lui seul. Morris s’efforçait.

Les acclamations, cependant, retentissaient lelong de la colonnade étincelante, et le nom de Lew, répété sur tousles tons, emplissait la vaste galerie.

Évidemment, le roi Lew était un personnagepopulaire, et la foule s’intéressait à son apparition, comme leparterre attend avec impatience, au théâtre, une scène capitale età grand effet.

Le roi Lew avait le paletot de toile, laculotte goudronnée et le chapeau de cuir ciré des matelots duCladdagh ; il marchait en roulant et les jambes écartées,comme si le pont mobile de son sloop eût été sous ses gros souliersferrés. À la différence des petits fermiers rangés en cercle autourdu brasier de bog-pine, il portait les cheveux ras ;son cou musculeux restait à découvert et s’attachait solidemententre deux épaules d’une largeur démesurée. Il avait une bonnefigure joviale et franche, où deux yeux noirs surmontés de sourcilsépais mettaient un caractère d’intrépidité sauvage.

Du reste, grossier, gauche, balourd, et lajoue enflée par un morceau de tabac, gros comme une pomme de terrede moyenne taille. Tel était Lew du Claddagh, le roi Lew, comme ilfallait l’appeler.

Car, en vertu d’une vieille coutume quiremonte à l’antiquité la plus reculée, les mariniers du Claddagh deGalway élisent un chef tous les ans. Ce chef a le titre de roi. Ilpossède des privilèges magnifiques, tels que celui de boire àdiscrétion, tout en punissant les matelots qui s’enivrent ; deléguer sa besogne, les jours de fête, à tout novice jouissant de saconfiance ; et enfin de conférer le titre de reine à la joliefille qu’il prend sous sa haute protection.

Les matelots de Galway lui obéissentaveuglément, et ses ordres sont sans appel.

Comme on le pense, le roi Lew, jouissant d’uneautorité pareille, était un personnage important parmi lesMolly-Maguires. Ses gros coudes repoussèrent la foule à droite et àgauche, et il entra dans l’espace laissé libre entre le foyer etles premiers rangs de l’assemblée.

Aux lueurs voisines du feu, sa carrureherculéenne apparaissait vivement, et la foule invisible qui lecontemplait à son aise, admirait avec bruit l’ampleur musculeuse deses épaules et de ses bras.

– Hurrah pour le roi Lew ! cria-t-onde toute part ; c’est le meilleur matelot qu’ait jamais portéla mer ! Il tuerait un bœuf d’un coup de pied, et mettrait enfuite tous les orangistes des quatre provinces avec unechiquenaude.

– Bien obligé, mes garçons, bien obligé,répondit le vigoureux marin en cherchant des yeux dans l’ombre sesadmirateurs dispersés ; ça me fait toujours un drôle d’effetquand je vous entends hurler comme un tas de démons, sans voir lebout de vos oreilles.

Les applaudissements redoublèrent, mêlés àd’enthousiastes éclats de rire. La cohue était en belle humeur.

– La paix ! dit la voix mugissantedu grand Mahony lequel remplissait dans l’association toutes sortesd’emplois, et entre autres celui d’huissier.

Le tumulte se calma pour un instant.

– À la bonne heure, mes braves amis, ditle roi Lew ; taisez-vous un petit peu, pour me faireplaisir.

Il se tourna vers l’estrade et toucha sonchapeau de cuir.

– Bonsoir, Vos Honneurs, reprit-il, mesgentils garçons ! La Molly, – car j’ai donné votrenom à mon sloop, – notre chère tante la Molly a tenu lamer tous ces jours-ci, et il y a longtemps que je ne suis venu vousvoir. Devinez un peu, mes fils, qui je vous ai amené ce soir dansle port de Galway ?

– Nous le savons, Lew, répondit lepersonnage caché sous la mante de Molly-Maguire. Lord GeorgeMontrath était à votre bord.

Le matelot fit un geste d’étonnement.

– S’il n’était pas défendu de prononcerle nom de ceux qui se masquent, je vous dirais bien le vôtre, missMolly ! murmura-t-il. Mais n’importe ! ce qui estcertain, c’est que vous avez deviné. Oui, mes garçons, ajouta-t-ilen élevant la voix, lord George Montrath, ce fils du diable, estarrivé par le paquebot de Cork ; et, comme la passe étaitmauvaise, on a mis les passagers à bord de ma Molly, qui aun charme pour passer sans toucher sur les roches. Lord George estenfin revenu voir ses vassaux chéris ! et que Dieu me damnes’il n’est pas trois fois plus insolent que par le passé !Grognez un peu, mes chéris, en l’honneur de lord George !

Un murmure sourd gronda dans l’obscurité, puiscela monta, s’enfla, grandissant, grandissant toujours. L’immensesalle s’emplit d’une clameur sans nom, qui s’éteignit graduellementpour gronder de nouveau, s’éteindre encore et tonner enfin unetroisième fois, comme si la voûte allait s’abîmer sous sontumultueux fracas. C’étaient trois grognements pour lord GeorgeMontrath.

– À la bonne heure ! dit le roiLew.

– Arrah ! s’écria dans levoisinage de la porte une voix où se mêlaient étrangement lacrainte et la satisfaction, voilà qui est bien grogné, mes enfants,et je dis, moi, que le diable emporte Sa Seigneurie !

– Tu ferais mieux de te taire, Pat, mongarçon, répliqua Patrick Mac-Duff ; moins tu parleras, moinson songera que ce serait justice de te tordre le cou !

– On se tait, ma bouchal !murmura le pauvre Pat suffoqué.

Il ne dit plus rien.

– En venant de Galway, reprit le robustematelot, j’ai vu de la lumière aux croisées du château de Montrath.Milord est à se reposer des fatigues du voyage. Mes garçons, nousavons un compte bien long et bien chargé à régler avecmilord !

Il se fit entre les colonnes un mouvementgénéral, on ne riait plus ; les voix se mêlaient dans la nuitsur un mode plaintif, et les menaces se croisaient avec desgémissements.

– Nous savions qu’il allait venirdisait-on, car son agent Crakenwell a jeté bien des pauvres toutnus par les chemins !

– La vieille Madge est morte la nuitdernière de froid et de faim, parce que l’agent l’a chassée de satenance !

– Elle n’avait pas pu payer lefowlduty[9] ! ditMac-Duff avec un rire plein de colère.

– Saunder de Connemara ajouta un autre,est couché sur l’herbe au coin de son champ. Pauvre Saunder !il a la fièvre et ne peut se lever !

– Milord a besoin d’argent ! il fautbien hausser les baux !

– Milord a besoin d’argent, qu’importeque ses fermiers meurent !

– Ah ! ah ! s’écria le roi Lew,cela importe peu à milord en effet, à milord et à moi, mes garçons,qui me moque de lui sur mon sloop et qui n’ai point à craindre ladent de ce requin de Crakenwell… mais vous autres !

Il s’arrêta. On faisait silence autour delui.

– Mac-Duff, mon fils, reprit-il, nevoudrais-tu point savoir si ta sœur Mary est parmi les bagages deSa Seigneurie ? Et ta nièce, John Slig ! et la filled’adoption du vieux Mac-Diarmid ! Et Madeleine, ajouta-t-ild’une voix tremblante d’émotion, Madeleine Lew, mon belamour !

Personne ne répondit.

– Mes fils, poursuivit brusquement le roiLew, un peu de cœur ! Si nous allions cette nuit signer laquittance de lord George Montrath !

Encore le silence. Il n’y avait pas un cœursous la voûte du Géant qui n’eût froid à la seule pensée d’attaquerun landlord. On le détestait, on le méprisait, mais on leredoutait.

Entre lui et ces pauvres tenanciers dont lessueurs faisaient sa richesse, il y avait comme une barrière desuperstitieuse terreur. Le roi Lew haussa ses larges épaules.

– Eh bien ! dit-il, personne nesouffle !

Quelques matelots du Claddagh, disséminés dansla foule, répondirent seuls à cet appel, avec le personnage quireprésentait Molly-Maguire. Les matelots disaient oui ;Molly-Maguire prononça un non ferme et retentissant.

Le roi Lew la regarda stupéfait.

– Oh ! oh ! mon cœur !dit-il, du diable si je m’attendais à trouver de la résistance devotre côté ! As-tu donc déjà oublié la croix du cimetière deRichmond, Mickey Mac-Diarmid ?

– Je ne suis pas Mickey Mac-Diarmid,répliqua Molly-Maguire à voix basse.

Pendant ce court entretien, un murmure avaitcouru de rang en rang : le vent avait tourné parmi cette fouleversatile et changeante. Le non prononcé par le chef donnait àchacun l’envie de crier : Oui.

– Si nous n’en finissons pas, dit un desfermiers assis autour du feu, il boira notre pauvre sang jusqu’à ladernière goutte.

– Et peut-être est-il venu,naboclish ! pour lâcher sur nous ce que vous savezbien !

– Le loup du vieux château !

– Le tigre qu’il nourrit pour nousdévorer tous !

– Och ! fit le pauvre Pat,au souvenir de ses terreurs quotidiennes.

Mac-Duff le saisit à la gorge.

– Voilà pourtant celui qui nourrit labête ! dit-il ; musha ! que j’ai bonneenvie de l’étrangler !

Pat n’avait plus de voix pour crier grâce. Ilcroyait que sa dernière heure était venue.

Cette idée du monstre n’était point, comme onpourrait le penser, quelque chose de vague et de fantastique.C’était une opinion enracinée, une ferme croyance. Il n’y avaitpas, à cet égard, dix esprits forts dans toute l’assemblée. Et lapeur était plus grande encore que la foi. Chacun pensait que mettreà mort George Montrath, c’était non seulement punir, mais sedéfendre contre un danger prochain.

Quant aux Mac-Diarmid, leur conduite avait dequoi surprendre. C’étaient des gens considérables entre les lacs etla mer ; chacun savait leur histoire, et chacun savait qu’unepartie de la famille était là sur l’estrade.

Il y avait plus : bien qu’il régnât dansl’assemblée, au sujet de Molly-Maguire, un certain mystère,personne n’était sans deviner que l’un des sept fils du vieux Milesétait en ce moment sous la mante rouge.

Et l’on murmurait, car ce George Montrath,protégé par le veto du chef, avait enlevé l’annéeprécédente la fille adoptive de Mac-Diarmid. Et, ce soir même, lebruit s’était répandu dans la foule que Jessy O’Brien était morte,assassinée par lord George Montrath.

– Ils l’ont oubliée ! disait-on.

– Pauvre Jessy !…

– Qui peut dire désormais ce qu’il y adans le cœur de Mac-Diarmid ?

– Ma nièce chérie ! sanglotait JohnSlig.

– Ma pauvre sœur ! s’écriaitMac-Duff.

– Hurrah pour le roi Lew !

– Mort à George Montrath !

Molly-Maguire fit signe au géant Mahony, quiéleva la voix par-dessus les clameurs de la foule et réclama lesilence.

– La vie de George Montrath vousappartient, dit Molly-Maguire ; mais je demande pour lui deuxjours de trêve.

– Pourquoi ? pourquoi ?s’écria-t-on de toute part.

Et, comme Molly-Maguire ne répondait point, ilse fit dans les galeries un tumulte impossible à décrire. Les unscriaient, accusant le chef de folie, les autres menaçaient enfureur. Molly-Maguire demeurait immobile et silencieuse en avant del’estrade.

La grosse voix du géant était désormaisimpuissante à se faire entendre. Le roi Lew avait baissé la tête etsemblait réfléchir.

Au bout de quelques secondes, il s’approcha del’estrade. En même temps, Molly-Maguire se pencha vers lui etprononça quelques mots à son oreille.

– Je ne vous comprends pas, Morris,répliqua le roi Lew. Mais du diable si j’ai besoin de vouscomprendre pour faire votre volonté, mon garçon.

Il revint au centre du cercle, et, se faisantun porte-voix de ses deux mains roulées, il poussa un de ces crisaigus que les marins savent et qui dominent la tempête.

– Holà, mes fils cria-t-il, tandis que lafoule surprise écoutait ; laissons deux jours à lord Georgepour lui donner le temps de reprendre son âme au diable, et chanterle lilliburo[10] que vousm’avez promis…

Il n’en fallait pas tant pour faire virer cescervelles légères ; le chant national, qu’entonnèrent aussitôtles matelots du Gladdagh, résonna sous la voûte, hurlé parl’assemblée tout entière. Quand les dernières notes s’éteignirent,personne ne parla plus de lord George Montrath.

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